Livv
Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 29 novembre 2016, n° 10-07391

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Selarl Laurent Mayon (ès qual.), DRC (SARL)

Défendeur :

Le Fond du Val (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Fabry, M. Pettoello

Avocats :

Mes Leconte, Lorcy, Puybaraud, Moreau

T. com. Bordeaux, du 3 déc. 2010

3 décembre 2010

Faits et procédure

Par contrat d'agent commercial du 15 avril 2004, la société société CER Construction, ayant pour objet la construction de maisons individuelles, et aux droits de laquelle vient désormais la société Le Fond du Val (FDV), a confié la recherche de clients à la société DRC, exerçant l'activité d'agent commercial. Ce contrat faisait suite à des relations entamées depuis 2002 avec M. D. R., gérant de CER Construction.

En 2005, des échanges de courrier des conseils des deux sociétés ont marqué la survenance de difficultés.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 février 2006, la société DRC a déclaré à la société CER Construction rompre le contrat d'agence commerciale en faisant application de l'article 6 de ce contrat. Par une lettre du 8 mars suivant, la société DRC a reproché à son cocontractant d'avoir manqué à ses obligations contractuelles.

La société Le Fond du Val, par acte du 22 mars 2007, a fait assigner la société DRC devant le Tribunal de commerce de Bordeaux pour demander sa condamnation à lui payer la somme de 313 843,07 euros au titre du remboursement d'avances versées. La société DRC a présenté des demandes reconventionnelles en paiement de sommes à titre de commissions dues et indemnitaires.

Par jugement avant dire droit du 29 janvier 2008, le tribunal de commerce a ordonné une expertise, confiée à M. H., qui a déposé son rapport le 20 juillet 2009.

Par jugement du 3 décembre 2010 le Tribunal de commerce de Bordeaux a :

- rejeté les demandes présentées par la société DRC sur les fondements de la mauvaise foi de la société CER Construction dans l'exécution du contrat du 15 avril 2004, de la rupture brutale des relations commerciales et de l'indemnité d'agent commercial

- condamné la société DRC à payer à la société Le Fond du Val la somme de 53 851,18 euros au titre du solde de leurs comptes relatifs aux commissions d'agence commerciale, outre les intérêts à compter du 22 mars 2007,

- dit n'y avoir lieu à l'allocation d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et rejeté les demandes des parties sur ce point,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- fait masse des dépens, en ce compris les frais d'expertise,

- condamné chacune des parties à en supporter la moitié.

Par déclaration du 14 décembre 2010, la société DRC a interjeté appel de la décision.

Par ordonnance du 17 février 2011, le président de chambre délégué par le premier président de la cour d'appel, saisi par la société DRC, a prononcé l'arrêt de l'exécution provisoire ordonnée par ce jugement, en raison de la situation financière et comptable précaire de la société appelante.

La liquidation judiciaire de la société DRC n'en a pas moins été prononcée le 25 mai 2011 par le Tribunal de commerce de Bordeaux.

Par arrêt avant-dire droit du 14 octobre 2013, la Cour d'appel de Bordeaux a ordonné une expertise comptable et commis pour y procéder M. S., avec mission de procéder à toutes recherches utiles permettant de formuler une ou plusieurs propositions d'apurement des comptes entre les parties.

Le rapport d'expertise a été déposé le 30 avril 2015.

Par arrêt avant dire droit du 31 mai 2016, la cour a ordonné le renvoi de la procédure à la mise en état, donnant injonction aux parties de produire leurs observations par conclusions sur la recevabilité de l'appel portant sur la demande fondée sur la rupture brutale des relations commerciales.

Prétentions des parties

Par ses dernières conclusions déposées le 7 juin 2016, auxquelles il convient de se référer pour le détail de ses moyens et arguments, la société Laurent Mayon, ès qualités de mandataire liquidateur de la société DRC, demande à la cour de :

-Vu les stipulations contractuelles ;

Vu les articles 1134 du Code civil, L. 134-4 et s. et L. 442-6 du Code de commerce

Vu les rapports d'expertise judiciaire de M. H. (première instance) puis de M. S. (en appel) ;

- Se déclarer compétente ;

- Dire et juger la société Laurent Mayon es qualité recevable et bien fondée en son appel formé à l'encontre du jugement du tribunal de commerce du 3 décembre 2010 ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la 12 062 euros (dos. SCI Les Océanes), (Sic, probablement pour " la somme de 12 062 euros ") - devait être remboursée à la société DRC ;

- Le réformer pour le surplus ;

- Débouter la société Le Fond du Val de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Et statuant à nouveau,

Sur les comptes entre les parties (droit à commissions) :

- Recevoir en toutes ses demandes la société Laurent Mayon, ès qualités de liquidateur de société DRC , tant en ce qui concerne les dossiers non contestés que les dossiers encore litigieux ;

- Les dire et juger bien fondées ;

- Partant, condamner la société Le Fond du Val au paiement de la somme de 101 512,21 TTC correspondant au solde dû à la société DRC au titre de son droit à commissions et TVA.

Sur l'exécution et la rupture des relations contractuelles :

- Réformer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société DRC fondées sur la mauvaise foi de la société Le Fond du Val dans l'exécution du contrat, la rupture brutale des relations commerciales et l'indemnité d'agent commercial ;

- Constater la mauvaise foi et les agissements déloyaux de la société Le Fond du Val dans l'exécution du contrat, ou en tout état de cause son incurie fautive ;

- Partant, la condamner au paiement de la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts ;

- Dire et juger brutale et sans préavis la rupture des relations commerciales par la société Le Fond du Val ;

- Dire et juger la rupture imputable exclusivement à la société Le Fond du Val

Par conséquent, la condamner au paiement :

- de la somme de 207 546,73 au titre de la rupture brutale ;

- de la somme de 733 959 euros au titre de l'indemnité d'agent commercial.

- Dire et juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la première mise en demeure et ordonner la capitalisation des intérêts par année entière.

- En tout état de cause, la société Le Fond du Val sera condamnée aux entiers dépens et frais d'expertise de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, la société Laurent Mayon, ès qualités, fait notamment valoir :

- sur la recevabilité de l'appel portant sur la rupture brutale des relations commerciales, que le décret prévoit en son article 8 que la compétence pour connaître des procédures introduites antérieurement à son entrée en vigueur revient à la juridiction primitivement saisie.

- sur l'exécution déloyale du contrat : que dès la fin de l'année 2005, la société Fond du val a cherché autant qu'il était en son pouvoir d'empêcher la réalisation d'opérations pourtant bien engagées et a cherché en outre à récupérer à son profit exclusif certains marchés au détriment de la société DRC ; qu'elle a donc causé un préjudice certain à la société DRC qui a été privée de bénéfices auxquels elle pouvait prétendre ; que, de fait, la liquidation de la société DRC n'est que la conséquence des manœuvres de son mandant ; que la mauvaise foi qui caractérise l'exécution du contrat par la société Fond du val, la durée et la gravité de cette attitude justifient l'octroi de dommages et intérêts

- sur la rupture brutale de la relation commerciale par la société Fond du val : que, sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce, il ressort de la jurisprudence que la rupture fautive résulte par exemple du défaut total ou quasi-total de commandes ; que le rejet systématique de tous les nouveaux dossiers à compter du mois d'octobre 2008, l'annulation de nombreux dossier engagés, le fait que dans le même temps les contractants soient incités à traiter directement avec la société CER Construction sous quelque nom qu'elle se présente est une preuve incontestable de ce que la rupture est imputable à Fond du val et que cette rupture est brutale ;

- sur l'indemnisation consécutive à la fin du contrat d'agence : que, sur le fondement des articles L. 134-10 et L. 134-13 du Code de commerce et de la jurisprudence, le tribunal devait apprécier à l'aune des fautes contractuelles imputables à la société Fond du val si la cessation des relations contractuelles, même signifiées par l'agent commercial, n'étaient pas en réalité " imputables au mandant ".

Par ses dernières conclusions déposées le 21 janvier 2016, auxquelles il convient de se référer pour le détail de ses moyens et arguments, la société Le Fond du Val demande à la Cour de :

Vu les dispositions des articles 1134 du Code civil, L. 132 12 du Code de commerce.

- Déclaré irrecevables et mal fondées la société DRC et la société Laurent Mayon en leur appel.

- Déclarer recevable et bien fondée la société Le Fond du Val en son appel incident.

- Dire et juger la société DRC déchue de tout droit à indemnisation en application de l'article L. 132-12 du Code de commerce

- Confirmer le jugement en ce que la société DRC a été débouté de l'intégralité de ses demandes relatives à l'indemnité légale de rupture du contrat d'agent commercial.

- Confirmer le jugement en ce que la société DRC a été déboutée de ses demandes au titre de l'indemnisation pour rupture fautive du contrat d'agent commercial.

- Débouter la société DRC de l'intégralité de ses demandes tant au titre de rappel de commission qu'indemnitaires.

- Reformer le jugement en ce que le tribunal a après compensation condamné la société DRC à verser à la société Le Fond du Val la somme de 53 851,18 euros.

Y faisant droit.

- Dire et juger la société DRC débitrice de la somme de 313 843,07 euros outre les intérêts à compter du 22 mars 2007

- Fixer au passif de la société DRC la créance de la SAS Le Fond du Val pour la somme de 313 843,07 euros outre les intérêts à compter du 22 mars 2007.

En tout état de cause

- Condamner la société Laurent Mayon à verser à la société Le Fond du Val la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC.

- Condamner la société Laurent Mayon aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

A l'appui de ses demandes, la société Le Fond du Val fait notamment valoir :

- sur l'indemnité de fin de contrat : qu'en application de l'article L. 132-12 du Code de commerce, la société DRC disposait d'un délai d'une année pour présenter sa demande indemnitaire ; qu'il est constant qu'aucune demande indemnitaire n'est présentée et ce n'est que par conclusions du 23 avril 2010 que la société DRC présentait une telle demande alors même qu'elle est manifestement déchue ;

- sur l'absence de manquement de la société Le Fond du Val à son obligation de loyauté : que la société DRC ne verse aux débats aucun élément permettant d'étayer ses allégations, et ce en application de l'article 9 du Code de procédure civile ; qu'il est constant que la société DRC avait une activité tout autre de celle d'agent commercial et que ce faisant, était favorisée celle de promoteur ou autre intermédiaire ; qu'il ressort des termes du rapport d'expertise que tous reproches contre la société Fond du val sont exagérés puisque l'expert relève que les permis de construire n'existaient pas et que le financement n'était pas obtenu ; que la société Fond du val n'a réalisé aucune des opérations pour lesquelles la société DRC affirme qu'elle aurait eu un comportement déloyal ;

- sur la rupture des relations : que c'est la société DRC qui a mis un terme aux relations commerciales ; que la société DRC n'apporte pas la preuve de ce qu'elle a proposé des contrats à la société Fond du val et que cette dernière a affirmé un refus.

La société Le Fond du Val n'a donc pas conclu sur la recevabilité de l'appel portant sur la demande fondée sur la rupture brutale des relations commerciales

Une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2016.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce, la société M. ès qualités de mandataire liquidateur de la société DRC demande notamment la somme de 207 546,73 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales.

Or, l'application des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, et notamment, comme en l'espèce, pour l'action en recherche de responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales, prévue par les dispositions du I-5° de ce texte, les juridictions compétentes sont fixées, depuis le 1er déceès qualitéès qualitésmbre 2009, par l'article D. 442-3 du même code.

L'alinéa 2 de ce dernier texte prévoit que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par les juridictions désignées pour statuer en première instance, dont le Tribunal de commerce de Bordeaux, est celle de Paris.

La société M. ès qualités fait valoir que l'entrée en vigueur de ce texte était fixée au 1er décembre 2009, et que le décret, en son article 8, réserve la compétence pour connaître des procédures introduites antérieurement à son entrée en vigueur à la juridiction primitivement saisie.

La société Le Fond du Val, quoiqu'invitée à le faire, ne s'explique pas sur ce point.

L'article 2 du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 prévoit, pour l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, la désignation des juridictions commerciales compétentes, laquelle figure à l'annexe 4-2-1 du livre IV et précise que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris. L'article 8 de ce même décret réserve compétence à la juridiction primitivement saisie pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date de son entrée en vigueur.

Il se déduit de la combinaison de ces deux textes qu'une procédure introduite par une assignation délivrée antérieurement au 1er décembre 2009, date de l'entrée en vigueur du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009, n'est pas soumise aux dispositions de l'article D. 442-3 du Code de commerce qui en sont issues et par suite ne relève pas du pouvoir juridictionnel exclusif dévolu à la cour d'appel de Paris.

En l'espèce, l'assignation a été délivrée le 22 mars 2007, comme précisé supra, de sorte que l'affaire échappe aux règles de compétence issues du décret du 11 novembre 2009.

L'appel est donc recevable dans son intégralité.

Sur les comptes entre les parties

L'apurement des comptes entre les parties est nécessaire puisque les relations contractuelles ont cessé alors que des dossiers étaient encore en cours, les parties s'opposant alors sur le point de savoir si, dans ces dossiers, des commissions étaient encore dues à la société DRC ou si, au contraire, cette société devait rembourser les avances sur commissions versées par la société FDV.

Les parties ne se sont pas accordées, et demandent en conséquence à la juridiction d'apurer leurs comptes.

Les modalités de calcul de la rémunération sont fixées par l'article 5 du contrat liant les parties (pièce n° 2 de l'appelante et n° 1 de l'intimée), qui prévoit :

" En rémunération de ses services, l'agent commercial percevra des honoraires dont le montant est fixé à:

- 10 % du montant hors taxes du marché de construction conclu par l'agent commercial au prix tarif société.

Le tarif société est calculé sur la base d'une marge brute de 25 %; si l'agent commercial modifie le tarif :

1) à la hausse : 50 % des sommes supplémentaires seront reversées à l'agent commercial.

2) à la baisse : 100 % des remises consenties seront à la charge de l'agent commercial.

Les honoraires ne sont acquis qu'après la conclusion définitive du contrat de construction que l'agent commercial aura personnellement négocié et conclu, c'est-à-dire après la levée des conditions suspensives prévues au contrat et/ou par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, et l'ordre de démarrage de chantier signé par le client.

Le règlement des honoraires s'effectuera selon les modalités suivantes:

- une avance sur commissions de 50 % de la commission prévisionnelle lors de la transmission d'un dossier complet et gérable de permis de construire déposé.

- Si cette avance sur commissions n'est pas suivie d'une ouverture de chantier dans le délai maximum de un an à compter de la date de facturation, le dossier sera considéré comme annulé et cette avance sera prise et donnera lieu à un avoir de l'agent commercial.

- le solde de la commission définitive lors de l'ouverture du chantier qui aura lieu après signature du terrain et des prêts par le client chez le notaire, la réunion technique entre le client et son conducteur de travaux, et la réalisation des plans d'exécution et du calcul de la marge définitive.

Les honoraires sont dus lors de la mise en chantier de la construction. (...) "

Le tribunal de commerce a condamné la société DRC à payer à la société Le Fond du Val la somme de 53 851,18 euros au titre du solde de leurs comptes relatifs aux commissions d'agence commerciale.

Le mandataire liquidateur de la société DRC demande à ce titre en appel la somme de 101 512,21 euros TTC. La société FDV forme également appel incident de ce chef, et demande pour sa part la somme de 313 843,07 euros.

Il convient donc d'examiner les divers dossiers dont les parties se prévalent :

Dossiers non contestés ou sur lesquels l'expert a pu proposer une solution

L'expert, M. S., retient (page 27 du rapport) que c'est une somme de 5 218,99 euros qui reste due à FDV au titre des dossiers non contestés (son annexe 1) ou pour lesquels l'expertise permet de conclure. L'expert retient à juste titre une somme de 1 021,28 euros due à DRC au titre du dossier " Clerc " et aucune pour les dossiers " Goudron " et " SCI Les Océanes ". Les conclusions de l'expert doivent être retenues.

C'est donc un solde de 4 197,71 euros en faveur de FDV qu'il convient de retenir.

En revanche, l'expert a proposé de laisser à l'appréciation de la cour 4 dossiers dont le projet de construction n'a pas été réalisé par la société FDV, et dont il convient de fixer les responsabilités sur la cause de la non-réalisation. Dans ces dossiers, la société FDV réclame le paiement de commissions, et le représentant de la société DRC le remboursement des avances versées :

Dossier " Robert "

Il est constant que le projet n'a pas été réalisé. Par ailleurs, le contrat entre FDV et DRC ne prévoit pas d'obligation particulière à la charge de la société FDV pour contraindre le client, et alors qu'aucune faute volontaire de la société n'est établie, de sorte que les commissions ne sont pas dues et que la société FDV est fondée à demander le remboursement des avances pour 2 537,63 euros TTC.

Dossier " Les Amandines " (M. D.)

De la même façon, dans ce dossier le projet n'a pas été réalisé. Pour les mêmes motifs, la commission n'était donc pas due, et la société FDV, contre laquelle aucune faute n'est établie, est fondée à demander le remboursement des avances pour 26 259,28 euros TTC.

Dossier " Les Bengalines " (M. C.)

Dans ce dossier, les conditions suspensives du contrat de l'agent commercial n'ont pas été levées sans qu'une faute de la société FDV ne soit établie, des causes extérieures étant survenues, et la société DRC n'est pas fondée à réclamer ni commissions ni dommages-intérêts.

Il y a lieu à remboursement à FDV de l'avance versée de 48 220 euros TTC.

Dossier " SCI Rives de Cambes "

De la même façon, la société DRC réclame un solde de commission en imputant l'échec du projet à la conduite fautive de la société FDV.

Il n'est toutefois pas établi que la rupture des relations avec cette SCI soit imputable à la société FDV et non à des causes extérieures, de sorte que celle-ci est fondée à demander le remboursement des avances pour 112 274,24 euros TTC.

Ainsi, au titre de l'apurement des comptes entre les parties pour les commissions et avances, c'est donc un solde total de 193 488,86 euros TTC qui apparaît en faveur de la société FDV.

Le jugement du tribunal de commerce doit donc être réformé dans le quantum alloué à la société FDV, qui doit percevoir ce montant, qui sera fixé au passif de la procédure collective de la société DRC, dont la liquidation judiciaire a été désormais prononcée.

Les parties seront déboutées de leur demande plus ample.

Sur l'exécution loyale du contrat par la société Le Fond du Val

Le mandataire liquidateur de la société DRC soutient la mauvaise foi et les agissements déloyaux de la société FDV pour demander la condamnation de celle-ci à payer la somme de 50 000 euros.

Le mandataire liquidateur invoque à bon droit les dispositions générales qui prévoient une obligation de loyauté découlant de l'article 1134 du Code civil et, dans le cas plus particulier de l'agent commercial, de l'article L. 134-4 du Code de commerce.

Il fait valoir que la société FDV n'a pas exécuté loyalement le contrat qui la liait à la société DRC, et estime que ces faits sont établis par les rapports d'expertise.

Il fait valoir que d'une manière générale, dès la fin de l'année 2005, la société FDV a cherché autant qu'il était en son pouvoir d'empêcher la réalisation d'opérations pourtant bien engagées et a cherché en outre à récupérer à son profit exclusif (et au détriment de DRC) certains marchés ; que ce faisant, elle a causé un préjudice certain à la société DRC qui a été privée de bénéfices auxquels elle pouvait prétendre, alors qu'elle avait engagé des frais, du temps et de l'énergie pour trouver les clients, obtenir les permis de construire, constituer les dossiers, négocier les termes du contrat, et autres ; que l'atteinte à l'image de la société DRC était également considérable, l'intuitu personae étant primordial dans de telles relations d'affaires : or il a été nécessairement atteint par la connaissance, par les clients, d'un différend entre le constructeur et l'agent commercial ; que de fait, la liquidation de la société DRC n'est que la conséquence des manœuvres de son mandant, et pas le moindre de ses préjudices.

La société FDV oppose qu'aucun élément n'est versé pour permettre d'étayer ces allégations, alors qu'il est constant qu'elle n'avait aucun intérêt à mettre son agent commercial en situation d'échec. Elle ajoute qu'il est probable que DRC a fait signer des contrats pour percevoir des avances sur commissions alors même qu'elle savait que ces contrats n'étaient pas viables, comme cela ressort du nombre élevé de résiliations.

Il convient d'observer que le représentant de la société appelante ne saurait se fonder sur les rapports d'expertise pour établir ses affirmations.

Ainsi, au moins en appel, l'expertise avait pour objet de formuler des propositions en vue de l'apurement des comptes que les parties ne parvenaient pas à assurer par elles-mêmes, et non de fournir une quelconque preuve à une partie contre l'autre.

De même, il résulte des motivations de l'arrêt avant dire droit par lequel la cour a ordonné une nouvelle expertise, que le rapport du premier technicien était fortement critiqué, ce qui a notamment justifié le recours à une nouvelle expertise.

Le mandataire liquidateur n'est donc pas fondé à rechercher dans les rapports d'expertise le fondement de ses affirmations.

En réalité, il soutient que dans plusieurs dossiers, " les clients présentés par DRC se sont vus offerts (sic) de traiter directement avec les Maisons Viva qui est une enseigne de FDV ".

Pour autant, les trois seuls exemples qu'il cite (dossiers " Rives de Cambes ", " Robert " et " D. "), peuvent utilement être mis par la société FDV sur le compte de circonstances extérieures, et sont au surplus insuffisants pour caractériser le comportement systématique invoqué.

Par ailleurs, le mandataire liquidateur ne s'explique pas sur l'argument opposé par la société FDV selon lequel DRC avait fait signer des contrats non viables dans le seul but de générer des avances sur commissions.

FDV soulève ainsi sans être démentie les nombreuses résiliations, et fait remarquer que DRC avait une toute autre activité que celle d'agent commercial, et qu'elle favorisait celle de promoteur ou autre intermédiaire.

Enfin, comme déjà analysé Supra dossier par dossier, les fautes de FDV dans le défaut de mise en œuvre des dossiers cités ne sont pas établies.

La prétention de la société DRC, reprise aujourd'hui par son liquidateur, fondée sur un comportement déloyal prêté à son cocontractant est donc insuffisamment établie pour justifier une indemnisation, et elle a été écartée à juste titre par le tribunal de commerce.

Sur la rupture qualifiée de brutale de la relation commerciale par la société Le Fond du Val

Le mandataire liquidateur de la société DRC soutient aussi qu'une rupture brutale des relations commerciales imputable exclusivement à la société FDV doit conduire à condamner celle-ci à payer les sommes de 207 546,73 euros au titre de la rupture brutale.

Au visa cette fois de l'article L. 442-6 du Code de commerce, le représentant de la société DRC fait valoir que, à compter d'octobre 2005, FDV va cesser sans explications d'accepter les dossiers présentés par DRC, ce qui s'est traduit par un effondrement de son chiffre d'affaires.

Le représentant de DRC en conclut qu'il est donc avéré que, sans motif ni préavis écrit, de manière soudaine et imprévisible, la société FDV va rompre " de facto " de manière brutale les relations existant " depuis de longues années " avec la société DRC.

Sur ce dernier point il doit être rappelé que le contrat d'agent commercial ne remontait qu'à avril 2004 avec la société, même si elles avaient débuté plus tôt avec son gérant.

Surtout, il doit être considéré :

- qu'alors qu'elle soutient que des fautes de FDV sont d'octobre 2005, que ce n'est que par sa lettre du 8 mars 2006 que la société DRC s'est manifestée auprès de son cocontractant ;

- que FDV précise utilement qu'elle n'a jamais refusé les dossiers présentés par DRC, ce que cette dernière n'établit en effet nullement, et qu'elle n'est pas responsable des annulations de certains dossiers ;

- que la rupture émane en réalité de la seule société DRC par sa lettre sans équivoque quoique non motivée du 9 février 2006 (pièce n° 4 de FDV et 5 de DRC).

Aux termes des dispositions invoquées de l'article L. 444-6 du Code de commerce, le fait pour tout commerçant de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé.

En l'espèce, il n'y a pas eu de la part de la société FDV de rupture des relations commerciale, aucun dossier de DRC n'ayant été refusé, et les annulations survenues n'étant pas de son fait.

Au contraire, les relations ont été rompues par la lettre expresse de la société DRC du 9 février 2006, et non par la société FDV.

Il en résulte que le grief est mal fondé et que c'est à bon droit que le tribunal de commerce a rejeté ce chef de demande de DRC.

Sur l'indemnité revendiquée au titre de la fin du contrat d'agent commercial

Le mandataire liquidateur de DRC, invoquant cette fois l'article L. 134-12 du Code de commerce, demande la condamnation de la société FDV à lui payer 733 959 euros au titre de l'indemnité d'agent commercial.

Pour autant, la société FDV oppose à juste titre qu'il résulte de ce même texte, en son alinéa 2, que l'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

Or, alors que la cessation du contrat doit être fixée à l'expédition de sa lettre du 9 février 2006 par la société DRC, aucune demande indemnitaire n'a été formulée par cette société ni dans sa lettre, particulièrement brève, ni dans le délai d'un an prévu par le texte.

Il en résulte que la société DCR est déchue de la possibilité de demander une indemnité de fin de contrat d'agent commercial.

Au surplus, il résulte des dispositions de l'article L. 134-13 du même Code de commerce que la réparation de l'article L. 134-12 n'est pas due si la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent, à moins que cette cessation soit justifiée par des circonstances imputables au mandant.

Or en l'espèce, et alors que la cessation du contrat résulte de l'initiative de la société DCR, il résulte aussi des analyses ci-dessus que cette cessation n'est pas imputable à la société FDV.

Ainsi, la demande a été rejetée à juste titre par le tribunal de commerce.

Sur les autres demandes

il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Les dépens d'appel, incluant les frais de l'expertise ordonnée par la cour d'appel, seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société DCR, dont recouvrement direct par l'avocat qui en fait la demande, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, confirme le jugement rendu le 3 décembre 2010 par le tribunal de commerce de Bordeaux, sauf sur le quantum de condamnation de la société DRC à payer à la société Le Fond du Val la somme de 53 851,18 euros au titre du solde de leurs comptes relatifs aux avances et commissions d'agence commerciale, l'infirme sur le quantum de cette condamnation, et statuant de nouveau, tenant compte du prononcé de la liquidation judiciaire de la société DRC, dit qu'au titre de l'apurement des comptes entre les parties pour les commissions et avances, il apparaît un solde de 193 488,86 euros TTC en faveur de la société FDV et dû par la société DRC, constate n'y avoir lieu à condamnation de la société DRC, placée en liquidation judiciaire, fixe en conséquence au passif de la liquidation judiciaire de la société DRC une créance de 193 488,86 euros TTC au profit de la société Le Fond du Val, déboute les parties de leurs demande plus amples de ce chef, déboute la société M. ès qualités de mandataire liquidateur de la société DRC du surplus de ses demandes, dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, dit que les dépens d'appel, incluant les frais de l'expertise ordonnée par la cour d'appel, seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société DCR, dont recouvrement direct par la SCP Puybaraud, avocat qui en fait la demande, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.