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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 8 décembre 2016, n° 14-25167

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Viavitam (SARL)

Défendeur :

Efficare (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dabosville

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

Avocats :

Mes Besson Van Veeren, Levallois

T. com. Paris, 19e ch., du 5 nov. 2014

5 novembre 2014

Faits et procédure :

La société Viavitam est distributeur exclusif en France et en Europe de produits parapharmaceutiques fabriqués aux Etats-Unis par la société Vitalife Supplement Corporation.

La société Efficare exerce une activité de promotion et de vente de produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques auprès des pharmacies et centres de parapharmacie indépendants ou appartenant à des grandes et moyennes surfaces (GMS).

Selon contrat d'agence commerciale du 1er juin 2012, la société Viavitam a confié à la société Efficare la promotion et la commercialisation sur le territoire métropolitain auprès des pharmacies et centres de parapharmacie indépendants ou appartenant à des GMS - Internet étant expressément exclu de " l'univers contractuel " des parties - de douze produits parapharmaceutiques définis, dont le V-Joint (pour le confort articulaire) et le V-Wonder Breast (pour le développement des seins), ce, pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec avis de réception avec préavis de trois mois.

Aux termes des articles 3 et 7 du contrat, la société Efficare bénéficiait dans son univers contractuel de l'exclusivité dans la représentation des produits de la société Viavitam qui, pour sa part, s'interdisait de la concurrencer, directement ou indirectement ; en outre, la société Efficare s'engageait expressément à ne pas agir pour des produits concurrents de ceux de la société Viavitam.

En vertu de l'article 5 du contrat, la société Efficare devait notamment :

- " assurer " (sic) mensuellement 3 600 pharmacies ou certains centres de parapharmacies, avec un objectif de vente minimum trimestriel de 6 000 flacons pour deux produits, et ce, après la phase de lancement du premier trimestre,

- envoyer à la société Viavitam à la fin de chaque mois un rapport de situation.

Selon l'article 8 du contrat, elle devait percevoir la rémunération suivante :

- en partie fixe, 3 000 euros HT par mois,

- en partie variable, une commission de 15 % du chiffre d'affaires global net réalisé.

Estimant que la société Efficare n'avait pas exécuté sa part du contrat en raison en particulier de l'insuffisance du nombre de ventes conclues, par lettre recommandée avec avis de réception du 12 février 2013, la société Viavitam lui a notifié la résiliation au 1er décembre 2012 dudit contrat, décision qu'elle a confirmée par un second courrier du 7 mars 2013 et un courriel du 11 avril 2013.

En réponse, selon lettre recommandée avec avis de réception du 22 avril 2013, la société Efficare lui a opposé qu'aucune faute grave ne lui était imputable et que le contrat devait s'appliquer jusqu'à son terme, le 31 mai 2013 ; en outre, elle l'a mise en demeure de payer des factures impayées pour 15 072 euros et lui a fait grief de commercialiser ses propres produits via Internet dans des boutiques en ligne malgré la clause d'exclusivité.

La société Viavitam estimant la responsabilité contractuelle de la société Efficare engagée à son égard l'a assignée, par acte du 13 mai 2013, en paiement de dommages intérêts devant le Tribunal de commerce de Paris, qui, par jugement du 5 novembre 2014, a :

- constaté la résiliation du contrat à compter du 12 mars 2013,

- débouté la société Viavitam de sa demande indemnitaire formée à hauteur de 383 750 euros,

- faisant droit partiellement à la demande reconventionnelle formée, condamné la société Viavitam à payer la somme de 7 281,49 euros à la société Efficare au titre de factures impayées, le surplus des demandes des parties étant rejeté.

Vu l'appel interjeté le 12 décembre 2014 par la société Viavitam contre cette décision;

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 25 janvier 2016 par la société Viavitam, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 1147 et 1149 du Code civil, ainsi que L. 134-3 du Code du commerce, de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat entre la SARL Viavitam et la SARL Efficare.

- L'infirmer en ce qu'il a débouté la société Viavitam de son entière demande indemnitaire ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en ce qu'il a condamné la société Viavitam à verser à la société Efficare la somme de 7 281,49 euro.

- statuant à nouveau, condamner la société Efficare à indemniser la société Viavitam à hauteur de 383 750 euro du préjudice subi pour manquements graves au contrat signé le 1er juin 2012, notamment aux articles 3.2.3 et 5 dudit contrat, outre les intérêts légaux à compter de l'assignation du 30 mai 2013.

- Condamner la société Efficare à verser à la société Viavitam, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile, la somme de 4 500 euro au titre de ses frais de 1ère instance et celle de 4 500 euro au titre de ses frais engagés devant la cour, outre les entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 15 avril 2015 par la société Efficare, par lesquelles il est demandé à la cour de :

A titre principal :

- Constater que la société Efficare a mis en œuvre tous les moyens à sa disposition pour remplir ses engagements contractuels, l'absence de manquement contractuel imputable à la société Efficare, et à tout le moins, l'absence de faute grave commise par la société Efficare dans l'exécution du contrat la liant à la société Viavitam,

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat litigieux à effet du 12 mars 2013,

- débouter la société Efficare de sa demande de résiliation,

- Dire et Juger que le contrat s'est poursuivi jusqu'au 1er juin 2013, date de son terme,

A titre subsidiaire :

- Constater que la Société Efficare ne justifie du préjudice allégué ni dans son principe, ni dans son quantum,

En conséquence,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a intégralement débouté la société Viavitam de sa demande indemnitaire,

A titre très subsidiaire :

- Constater que la demande de remboursement des frais de formation ne constitue pas un préjudice indemnisable en relation de causalité avec les manquements reprochés à la société Efficare,

- Ramener la demande de dommages et intérêts au titre des pertes subies par la société Efficare à de plus justes proportions, en indemnisant la seule perte de chance de réaliser une certaine marge sur la période du 1er septembre 2012 au 12 mars 2013,

En conséquence,

- Limiter le montant du préjudice indemnisable de la société Viavitam à la somme maximum de 22 384 euro,

En tout état de cause :

- Constater que la rémunération mensuelle de la société Efficare est due jusqu'au terme du contrat,

En conséquence,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité la condamnation de la société Viavitam au titre des factures restant dues à la seule somme de 7 281,49 euro,

- Condamner la société Viavitam à payer à la société Efficare la somme de 18 660,92 euro TTC,

- Subsidiairement, dans l'hypothèse où serait prononcée la résiliation du contrat à effet du 12 mars 2013, condamner la société Viavitam à payer à la société Efficare la somme de 9 690,92 euro TTC,

- Condamner la société Viavitam à payer à la société Efficare la somme de 6 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 octobre 2016.

MOTIFS :

L'article L. 134-4 du Code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties (alinéa 1) ; que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information (alinéa 2) ; que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; et que le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat (alinéa 3).

En l'espèce, c'est par des motifs parfaitement exacts et pertinents que la cour fait siens que le tribunal de commerce a jugé que les manquements au contrat d'agence commerciale de la société Efficare ont été substantiels et ont justifié sa résiliation au 12 mars 2013, soit un mois après le premier courrier en date du 12 février 2013, conformément à son article 16, ce, à ses torts exclusifs. En effet, la société Efficare qui est tenue à une obligation de moyens - ceci n'étant pas contesté - ne produit en cause d'appel aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause cette analyse, en justifiant ainsi qu'elle a mis en œuvre tous les moyens à sa disposition pour atteindre les objectifs de vente qui lui étaient assignés, notamment en démarchant ou tentant de démarcher les 3 600 pharmacies de son réseau.

Doit au surplus être ajouté qu'il résulte des pièces du dossier que la société Efficare a méconnu son obligation de ne pas agir pour des produits concurrents de ceux de la société Viavitam dont elle avait la charge.

En effet, il apparaît que durant le contrat, la société Efficare a commercialisé en tant qu'agence commerciale un produit concurrent du V-joint, le Cartilamine du laboratoire Effi-Sciences, ces deux compléments alimentaires ayant des propriétés pour l'essentiel identiques (soulager les articulations douloureuses, améliorer la mobilité articulaire et protéger l'intégrité du cartilage), même si le premier est plus complet que le second (ses principes actifs étant plus nombreux, visant également à lubrifier et réparer les articulations). A cet égard, le fait établi qu'une unique pharmacie située à Amiens ait commandé les deux types de produits, au demeurant à presque cinq mois d'intervalle (la première commande pouvant avoir été écoulée avant la seconde), n'est pas de nature à démontrer leur compatibilité alléguée et le défaut de manquement à l'obligation de ne pas agir pour des produits concurrents. Ce manquement de la société Efficare constitue donc un motif supplémentaire de résiliation à ses torts du contrat.

Force est enfin de relever que contrairement à ce que la société Efficare prétend, le fait pour la société Viavitam d'avoir commercialisé via des boutiques en ligne sur Internet ses propres produits Vitalife ne constitue pas une violation de la clause d'exclusivité de l'agence commerciale dans la représentation de ces produits, cette exclusivité se limitant en effet à son périmètre d'intervention défini comme étant auprès des pharmacies et centres de parapharmacie indépendants ou appartenant à des GMS et dont Internet étant précisément exclu.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur la date et l'imputabilité de la rupture du contrat.

S'agissant de l'indemnisation du préjudice consécutif aux manquements de la société Efficare, c'est selon des motifs propres qui sont adoptés que le tribunal de commerce a rejeté les frais de formation et d'investissement (14 150 euros hors taxes), étant justifié qu'ils demeurent à la charge de la société Viavitam compte tenu de leur utilité résultant de l'existence même de commandes, même limitées, et en toutes hypothèses du caractère non-rétroactif de la résiliation.

Concernant son manque à gagner estimé par la société Viavitam à la somme de 369 600 euros correspondant à son chiffre d'affaires prévu pour la vente de 6000 flacons du 1er septembre 2012 au 28 février 2013 (période dont le trimestre de lancement est donc exclu) déduction faite de la rémunération afférente de la société Efficare, cette dernière observe à juste titre que ce préjudice ne peut se baser que sur une perte de marge, estimée par l'appelante sur la même période à 167 880 euros - chiffre non discuté dans son mode de calcul - et ne peut être constitué que d'une simple perte de chance d'atteindre les objectifs de vente fixés. Par suite, compte tenu du fait que ce chiffre ne tient pas compte du caractère dégressif du prix des produits en fonction du nombre commandé, eu égard en outre à l'existence de ventes parallèles à un moindre coût sur Internet des produits Vitalife, au caractère certes dynamique mais complexe et exigeant du marché des compléments alimentaires à l'époque en cause et, enfin indépendamment de la faute de l'agence commerciale, s'agissant dans tous les cas de l'introduction sur le marché français de deux nouveaux produits américains et de l'absence de fourniture de données permettant d'apprécier leurs perspectives réelles de succès notamment par comparaison avec le chiffre d'affaires obtenu postérieurement avec le cas échéant un agent commercial diligent, cette perte de chance sera évaluée à la somme de 40 000 euros.

Le jugement dont appel sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté la société Viavitam de sa demande indemnitaire, à laquelle il sera fait droit à hauteur de 40 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2014, date du premier jugement, en application de l'article 1153-1 alinéa 2 in fine du Code civil.

Concernant la demande reconventionnelle de la société Efficare tendant à obtenir condamnation au paiement de ses factures impayées, celles-ci étant dues jusqu'à la résiliation du contrat effective au 12 mars 2013, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a accueilli cette demande relativement aux mois de janvier et février 2013 (soit pour 7 281,49 euros), mais réformé en ce qu'il a exclu la période du 1er au 12 mars 2013. Pour cette période, sera allouée une somme supplémentaire de 1 200 euros, correspondant à la rémunération fixe mensuelle prorata temporis (soit (3 000 euros hors taxes : 30 jours) x 12 jours), peu important que la facture afférente ne soit pas produite.

Enfin, la compensation des créances réciproques des parties sera ordonnée.

Le jugement entrepris sera confirmé sur la charge des dépens, mais infirmé concernant le débouté de la demande formée par la société Viavitam en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; à ce titre lui sera octroyée par équité la somme globale de 8 000 euros.

Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris, hormis en ce qu'il a débouté la société Viavitam de la totalité de ses demandes indemnitaires et la société Viavitam de sa demande de paiement de sa rémunération pour la période du 1er au 12 mars 2013 ; Statuant de nouveau sur les points réformés, Condamne la société Efficare à payer à la société Viavitam la somme de 40 000 euros à titre de dommages intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2014 ; Condamne la société Viavitam à payer à la société Efficare la somme de 1 200 euros, au titre de sa rémunération du 1er au 12 mars 2013 ; Ordonne la compensation des créances réciproques des parties ; Condamne la société Efficare à payer à la société Viavitam la somme de 8 000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société Efficare aux dépens, dont distraction au profit de Maître Besson Van Veeren, avocat, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.