CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 12 décembre 2016, n° 15-05007
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
TNT Express National (SASU)
Défendeur :
Transport Men (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Loos
Conseillers :
Mmes Simon-Rossenthal, Castermans
Avocats :
Mes Dauchel, Perrachon, Cheviller, Latscha, Seror
Faits et procédure
Vu le jugement prononcé le 10 février 2015 par le tribunal de commerce de Lyon qui a débouté la société TNT Express National de l'intégralité de ses demandes, l'a condamnée à payer à la société Transport Men la somme de 47 713 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales ainsi que celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, a accordé l'exécution provisoire à hauteur de la somme de 47 713 euros à charge pour la société Transport Men de fournir à la société TNT Express National la caution d'un établissement financier membre de l'AFB dont la durée sera celle de la procédure d'appel et dont le coût sera supporté par la partie qui succombera en cause d'appel et a rejeté le surplus des demandes.
Vu les dernières conclusions du 10 août 2015 de la société TNT Express National, appelante, qui demande à la cour de réformer le jugement, de débouter la société Transport Men de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Vu les dernières écritures du 9 juin 2015 de la société Transport Men qui conclut, au visa des articles 1382 du Code civil et L. 442-6 I et L. 420-2 du Code de commerce, à la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a débouté la société TNT Express National de ses demandes et à la condamnation de cette société à lui payer la somme de 120 002,98 euros pour avoir rompu brutalement les relations commerciales établies entre les parties sans avoir respecté un préavis suffisant et alors qu'elle était dans un état de dépendance économique vis à vis de la société appelante, ainsi que la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur ce,
- considérant que suivant contrat de sous-traitance de transport routier de marchandises du 29 décembre 2006, la société TNT Express National a confié à la société Transport Men l'exécution de prestations de transport portant sur les tournées n° 360, n° 361 et n° 403, auxquelles ont été ajoutées, par contrat du 29 février 2008, les tournées n° 362 et n° 405 puis, par contrat du 2 juin 2008, la tournée n° 220, ce dernier contrat reconduisant l'exécution des tournées visées dans les précédents contrats ; qu'une nouvelle tournée n° 820 a été confiée à la société Transport Men à compter de 2008, puis en 2010 les tournées n° 455 et n° 459 ; que le 2 janvier 2012, les parties ont conclu un accord d'affrètement occasionnel portant sur les tournées R. 455 et R. 459 ; que la société TNT Express National souhaitant revoir l'ensemble de son organisation opérationnelle a, par lettre recommandée avec avis de réception du 26 mars 2013, résilié le contrat du 2 juin 2008 avec un délai de préavis de trois mois puis a adressé à la société Transport Men les appels d'offre concernant plusieurs secteurs par lettres des 6 mai et 7 mai 2013 ; que cette société, estimant que les trois mois de préavis prévus par la loi n'avaient pas été respectés pour ses tournées n° 455 et n° 459, lui a, par lettre du 11 juillet 2013, adressé la facture correspondant à ces trois mois, soit une somme à régler de 6 537,08 euros TTC ; qu'après avoir soutenu avoir dénoncé les relations commerciales dans le respect du contrat type de sous-traitance, la société TNT Express National reconnaissait par lettre du 21 août 2013 qu'un préavis de trois mois aurait dû être accordé pour les prestations 455 et 459 et demandait à la société Transport Men de lui communiquer son taux de marge brute ; que les parties n'étant parvenues à aucun accord malgré la désignation d'un mandataire ad hoc par ordonnance du président du tribunal de commerce de Châteauroux du 22 novembre 2013, la société Transport Men a fait assigner la société TNT Express National par acte du 23 mai 2014 en payement de la somme de 265 716,48 euros au titre de la rupture brutale et abusive des relations commerciales ayant existé entre les parties devant le tribunal de commerce de Lyon qui a statué dans les termes susvisés en jugeant que le respect d'un préavis de six mois s'imposait et qui a considéré que s'agissant des tournées n° 820, n° 455 et n° 459, à défaut d'élément plus précis et en absence totale de résiliation de ces tournées, la société TNT Express National avait déjà réglé en cours d'instance le solde des trois mois restants ;
- considérant que la société TNT Express National critique le jugement en faisant valoir que c'est à tort que le tribunal a fait application de l'article L. 442-6 I 5 en fixant à six mois le délai de préavis qu'elle aurait dû respecter alors que les délais de préavis prévus au contrat liant les parties correspondent aux délais de préavis du contrat type de sous-traitance lequel constitue l'accord interprofessionnel visé à l'article précité ; que la société Transport Men objecte que l'appelante n'a pas respecté un préavis suffisant eu égard à la durée de leur relation commerciale, soit plus de six ans, et a abusé de la situation de dépendance économique dans laquelle elle se trouvait en ne respectant pas un préavis suffisant ;
- considérant, ceci exposé, qu'aux termes de l'article L. 442-6-I-5 , engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (.) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (.) ; que l'article 1 du contrat de sous-traitance du 29 décembre 2006 de même que l'article 1 du contrat de sous-traitance du 19 avril 2007 stipulent que lesdits contrats sont établis en conformité avec les dispositions du décret n° 2001-659 du 19 juillet 2001 confirmé par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 ; que le contrat du 2 juin 2008 annulant le contrat du 29 février 2008 lequel annulait le contrat du 19 avril 2007, stipule en préambule qu'il est établi en application de la loi d'orientation des transports intérieurs n° 82-1153 du 30 décembre 1982 et en conformité avec le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, approuvé par le décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 ; que l'article 12.2 du contrat type tel que reproduit en annexe I de ce décret prévoit que le contrat de sous-traitance à durée indéterminée peut être résilié par l'une ou l'autre des parties par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis de trois mois quand la durée de la relation est d'un an et plus ;
- considérant qu'il résulte de la combinaison de l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce, ensemble les articles 8-II de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 et 12-2 du contrat type approuvé par le décret du 26 décembre 2003 susvisé que les usages commerciaux en référence desquels doit s'apprécier la durée du préavis de résiliation du contrat de sous-traitance de transport contractuellement convenu sont nécessairement compris comme conformes au contrat type dont dépendent les professionnels concernés ; qu'il est constant en l'espèce que la société TNT Express National a résilié par lettre recommandée du 26 mars 2013 le contrat de sous-traitance du 2 juin 2008 visant les tournées L. 220, L. 360, L. 361, L. 362, R. 403 et R. 405 à effet du 29 juin 2013 ; que le délai de prévenance de trois mois ayant été respecté, la rupture ne pouvait être qualifiée de brutale par le tribunal ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société TNT Express National à payer à la société transports men la somme de 47 713 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales ; que s'agissant des prestations R. 455 et R. 459 pour lesquelles la société TNT Express National avait omis de résilier le contrat les visant en respectant le délai de préavis de trois mois, il est justifié du versement de la somme de 3 432,18 euros correspondant à trois mois de marge brute calculée sur la base du taux de 75 % indiqué par la société Transports Men ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande relative à ces prestations ;
- considérant que l'intimée soutient que la société TNT Express National a commis un abus de position dominante en rompant de manière imprévisible des relations commerciales établies, un tel abus justifiant que lui soit accordé un préavis supplémentaire ; mais considérant que dès lors qu'il est jugé que l'appelante a respecté le délai fixé par le contrat type de sous-traitance, une telle demande ne peut être accueillie ;
- et considérant qu'il y a lieu d'allouer à la société TNT Express National une indemnité au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en première instance et en appel, le jugement étant infirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile et l'a condamnée sur ce fondement à verser la somme de 3 000 euros à la société Transport Men ; que la demande formée du même chef par celle-ci devant la cour sera rejetée ; que l'intimée, qui succombe, devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société TNT Express National à payer à la société Transports Men la somme de 47 713 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales ainsi que celle de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, A débouté cette société de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux dépens, Statuant à nouveau des chefs infirmés, Déboute la société transports men de l'ensemble de ses demandes, La condamne à payer à la société TNT Express National la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, Condamne la société transports men aux dépens de première instance et d'appel.