ADLC, 10 octobre 2016, n° 16-A-18
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Avis
relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation
L'Autorité de la concurrence (formation plénière) ;
Vu le Code de commerce, notamment son article L. 462-4-2 et le quatrième alinéa de son article R. 461-1 ; Vu la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, notamment son article 57 ; Vu le décret n° 2016-215 du 26 février 2016 portant définition des critères prévus pour l'application de l'article L. 462-4-2 du Code de commerce ; Vu le décret n° 2016-652 du 20 mai 2016 modifiant les conditions d'accès à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ; Vu le décret du 1er juin 2016 portant nomination de membres du collège de l'Autorité de la concurrence ; Vu le document de consultation publique publié par l'Autorité de la concurrence le 29 février 2016 ; Vu les contributions reçues ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, la rapporteure générale, le commissaire du gouvernement, et les représentants du ministère de la justice entendus lors de la séance du 27 septembre 2016 ; Le Vice-président et le Président de la section du contentieux du Conseil d'État, le Premier Président et le Procureur Général près la Cour de cassation, le Premier Président honoraire près cette même cour, la présidente et les représentants de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, le président et les représentants du Conseil National des Barreaux (CNB), les représentants de l'association des jeunes avocats aux Conseils (AJAC), de l'association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV), ainsi que plusieurs autres personnalités qualifiées, auditionnés au titre de témoins au cours de la même séance ; Est d'avis : - de recommander la création d'offices d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation ; - d'établir un bilan sur l'accès aux offices, et de formuler des recommandations au garde des sceaux, ministre de la justice, afin d'améliorer cet accès ; Sur la base des observations suivantes :
I. Introduction
1. Officiers ministériels, les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation (" avocats aux Conseils ") sont nommés par le garde des Sceaux, ministre de la justice, dans un office existant, vacant ou créé. Au 1er juillet 2016, 112 avocats1 aux Conseils exercent dans 60 offices (dont le nombre est demeuré inchangé depuis 1817).
2. Le présent avis est adopté dans le cadre des nouvelles missions confiées à l'Autorité de la concurrence (" l'Autorité ") par l'article 57 de la loi du 6 août 2015. Il porte sur la liberté d'installation des avocats aux Conseils. Il formule des recommandations en vue d'améliorer l'accès aux offices dans la perspective d'augmenter leur nombre de façon progressive et établit, en outre, un bilan en matière d'accès des femmes et des hommes à ces offices.
3. En préambule, l'Autorité souhaite signaler le caractère très spécifique de l'exercice qui lui est demandé ici, notamment au regard des autres compétences que la loi du 6 août 2015 lui a confiées en matière de professions juridiques réglementées. En ce qui concerne les officiers publics et ministériels, ainsi que les administrateurs et mandataires judiciaires, à la demande du gouvernement, l'Autorité avait été force de proposition pour la réforme à travers son avis n° 15-A-02 du 9 janvier 2015, dont plusieurs propositions ont été reprises dans la loi du 6 août 2015. S'agissant des avocats aux Conseils, la mission que le législateur a confiée à l'Autorité est beaucoup plus réduite. Elle ne lui permet pas de porter une appréciation complète sur l'opportunité et la teneur de la réforme de cette profession.
4. L'Autorité constate simplement, au cas d'espèce, que l'activité d'avocat aux Conseils constitue un marché de niche très particulier. Si l'utilité et la qualité des prestations délivrées n'ont jamais été remises en cause et ne sont pas contestables, ce qu'a confirmé l'instruction de cet avis, cette activité exercée par un petit nombre de professionnels, qui bénéficient à la fois d'un monopole, d'une restriction très forte à l'installation et de tarifs libres, peut être à l'origine d'une rente (au sens économique du terme) dont les effets négatifs devraient être corrigés. Ils pourraient l'être soit par l'ouverture du marché, soit par la régulation des tarifs, soit par une combinaison des deux. Aussi, théoriquement du moins, trois voies seraient envisageables :
- Remettre en cause le caractère monopolistique de l'activité, en supprimant le statut d'officiers ministériels et en optant pour le développement d'une spécialisation en matière de cassation pour les avocats à la Cour ;
- Décloisonner l'offre en augmentant le nombre d'avocats aux Conseils à un niveau tel que la stimulation par la concurrence ramène rapidement les honoraires pratiqués à des prix de marché ;
- Privilégier une augmentation plus modérée du nombre d'offices, insusceptible de rétablir un fonctionnement concurrentiel du marché, mais qui permettrait de remédier à la situation atypique actuelle, caractérisée à la fois par un monopole et des tarifs libres et qui peut avoir pour conséquence, dans certaines situations, de dissuader les justiciables de recourir aux prestations en cause, en substituant aux honoraires libres actuels un dispositif d'émoluments règlementés.
5. Toutefois, le législateur a tranché ce débat, en faisant le choix de conserver un caractère monopolistique à l'activité des avocats aux Conseils, sans pour autant remettre en cause la rémunération de leurs prestations par des honoraires libres.
6. Les missions de l'Autorité dans le cadre défini par la loi du 6 août 2015 visent donc exclusivement à faire " toutes recommandations en vue d'améliorer l'accès aux offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation dans la perspective d'augmenter de façon progressive le nombre de ces offices ". Par suite, les développements qui suivent se limiteront à la question du nombre de créations qui apparaissent utiles et aux modalités de mise en œuvre de cette recommandation, dans le but d'améliorer l'accès aux offices d'avocats aux Conseils.
7. Les Annexes 1 et 2 font partie intégrante du présent avis.
8. Conformément à l'article 3 du décret du 26 février 2016 susvisé, le présent avis et les recommandations dont il est assorti seront publiés au Journal officiel de la République française.
II. Cadre légal et réglementaire
A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA PROFESSION
9. Successeurs des avocats aux Conseils du Roi sous l'Ancien Régime2, les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation sont des officiers ministériels, titulaires d'un office attribué par l'État. Ils sont seuls habilités à représenter un justiciable, qu'il soit particulier, entreprise ou collectivité, dans le cadre d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État ou la Cour de cassation, dans certaines matières.
1. L'EXERCICE DE LA PROFESSION D'AVOCAT AUX CONSEILS
a) Le statut
10. Une ordonnance du 10 septembre 18173 organise le statut de la profession. Par ailleurs, l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 sur les finances, qui prévoit l'existence d'un droit de présentation au profit des officiers ministériels, s'applique aux avocats aux Conseils.
11. Le décret n° 91-1125 du 28 octobre 19914, modifié en dernier lieu par le décret n° 2016-652 du 20 mai 2016, fixe les conditions d'accès à la profession d'avocat aux Conseils. Les conditions applicables avant et après l'entrée en vigueur de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 seront détaillées ci-dessous (respectivement aux paragraphes 83 et suivants, et aux paragraphes 99 et suivants).
12. Le décret n° 2002-76 du 11 janvier 2002 prévoit les règles disciplinaires qui s'appliquent aux avocats aux Conseils.
13. Les avocats aux Conseils exercent en principe leur métier à titre libéral. Cependant, en application de l'article 3-1 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 précitée, créé par l'ordonnance n° 2014-239 du 27 février 2014, un avocat aux Conseils " peut exercer sa profession en qualité de salarié d'une personne physique ou d'une personne morale titulaire d'un office [ ] ". Chaque office ne peut employer plus d'un avocat aux Conseils salarié. Dans l'exercice de ses missions, " il bénéficie de l'indépendance que comporte son serment et n'est soumis à un lien de subordination à l'égard de son employeur que pour la détermination de ses conditions de travail. "
14. Conformément aux dispositions du décret n° 2016-651 du 20 mai 2016, l'avocat aux Conseils salarié est nommé par arrêté du ministre de la justice, sur demande de la personne titulaire de l'office. Ce salarié ne peut exercer ses fonctions que dans un seul office. Il ne peut avoir de clientèle personnelle et demeure soumis à la déontologie et à la discipline des avocats aux Conseils. Le titulaire de l'office est civilement responsable du fait de l'activité professionnelle exercée pour son compte par l'avocat aux Conseils salarié. Le décret n° 2016-651 précité fixe également les conditions de règlement des litiges nés à l'occasion du contrat de travail, et de cessation des fonctions en cas de rupture de ce contrat.
15. À la connaissance de l'Autorité, l'adoption récente de ce décret explique qu'aucun avocat aux Conseils n'exerce actuellement en tant que salarié.
b) Les structures d'exercice
16. En application de l'article 3-2 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 précitée, créé par le VI de l'article 63 de la loi du 6 août 2015, l'avocat aux Conseils " peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit dans le cadre d'une entité dotée de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant ".
17. Lorsque le titulaire d'un office d'avocat aux Conseils est une société, " le capital social et les droits de vote peuvent être détenus par toute personne exerçant une profession juridique ou judiciaire ". S'il s'agit d'une personne morale, elle doit satisfaire aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 19905. Toute société doit au moins comprendre, parmi ses associés, un avocat aux Conseils remplissant les conditions requises pour exercer ses fonctions. Au moins un membre de la profession d'avocat aux Conseils exerçant au sein de la société doit être membre du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de la société.
18. Le décret n° 2016-881 du 29 juin 20166 détermine les modalités d'application de ces dispositions pour les sociétés autres que civiles professionnelles (régies par la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 et dans le cas des avocats aux Conseils, par le décret n° 78-380 du 15 mars 1978).
19. Enfin, l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 20167 a inséré un article 3-3 dans cette même ordonnance du 10 septembre 1817, qui permet à l'avocat aux Conseils d' " également exercer sa profession dans le cadre d'une société pluri-professionnelle d'exercice ", dont l'objet est l'exercice en commun de la profession d'avocat aux Conseils et d'une ou plusieurs des professions suivantes : avocat, commissaire-priseur judiciaire, huissier de justice, notaire, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, conseil en propriété industrielle et expert-comptable8. De même que pour la société mono-professionnelle, la société pluri-professionnelle d'exercice doit au moins comprendre, parmi ses associés, un avocat aux Conseils remplissant les conditions requises pour exercer ses fonctions. Au moins un membre de cette profession exerçant au sein de la société doit être membre de son conseil d'administration ou de surveillance. L'entrée en vigueur de ces dispositions, qui interviendra au plus tard le 1er juillet 2017, reste conditionnée par l'adoption d'un décret en Conseil d'État.
20. Le décret n° 2013-470 du 5 juin 2013 fixe à 4 le nombre maximal d'associés au sein d'une société civile professionnelle d'avocats aux Conseils.
21. Sur les 60 offices existant au 1er juillet 2016, 13 sont des offices individuels et 47 des sociétés constituées exclusivement sous la forme de SCP9. En moyenne, un office compte 1,9 avocat aux Conseils associé10.
22. Les associés d'une société titulaire d'un office sont tenus de respecter certaines obligations spécifiques. Les avocats aux Conseils associés au sein d'un même office ne peuvent représenter ou conseiller des parties ayant des intérêts opposés11. Dans le cadre des désignations au Conseil de l'Ordre, seul un des associés d'un même office peut être nommé et chaque associé participe individuellement à l'assemblée générale du Conseil de l'Ordre12.
c) La responsabilité professionnelle
23. Les avocats aux Conseils exerçant à titre libéral ne peuvent voir leur responsabilité civile professionnelle engagée que selon une procédure spécifique prévue à l'alinéa 2 de l'article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 précitée13 : " Les actions en responsabilité civile professionnelle engagées à l'encontre d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation sont portées, après avis du conseil de l'ordre, devant le Conseil d'État, quand les faits ont trait aux fonctions exercées devant le tribunal des conflits et les juridictions de l'ordre administratif, et devant la Cour de cassation dans les autres cas ".
24. À cet effet, le Conseil de l'Ordre a souscrit un contrat-groupe d'assurance, afin de garantir toutes les activités professionnelles des avocats aux Conseils, y compris l'arbitrage et la médiation. Il couvre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par les avocats aux Conseils à raison des dommages ou préjudices causés aux tiers (y compris à leurs clients) dans l'exercice de leurs activités professionnelles, soit de leur fait, soit du fait de leurs auxiliaires, collaborateurs et préposés occasionnels ou permanents.
2. FORMATION DES AVOCATS AUX CONSEILS
25. L'article 1er du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 précité prévoit que " nul ne peut accéder à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation s'il ne remplit les conditions suivantes :
- ( ) être titulaire, sous réserve des dispenses prévues aux articles 2, 3, 4 et 5, d'au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'accès à la profession d'avocat ;
- avoir été inscrit pendant un an au moins sur la liste du stage ou au tableau d'un barreau, sous réserve des dispenses prévues aux articles 2, 3, 4 et 5 ;
- avoir suivi la formation prévue au titre II, sous réserve des dispenses prévues aux articles 2, 3, 4 et 5 ;
- avoir subi avec succès l'examen d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation prévue au titre III, sous réserve des dispenses prévues aux articles 2, 3 et 5 ; ( ) "
26. La formation des avocats aux Conseils fait l'objet d'un règlement14 adopté par le Conseil de l'Ordre et approuvé par le Garde des Sceaux.
a) Formation initiale
27. La formation des avocats aux Conseils est organisée par l'Institut de Formation et de Recherche des Avocats aux Conseils (" IFRAC "). Cette formation dure trois ans. Elle comprend un enseignement théorique, la participation aux travaux de la conférence du stage et des travaux de pratique professionnelle.
28. Au cours des première et deuxième années, les stagiaires suivent des enseignements relatifs à la cassation en matière civile, au contentieux administratif, au droit civil, au droit administratif et au droit pénal. Le passage en deuxième, puis en troisième année, est soumis à l'avis d'un jury. Un seul redoublement est autorisé pour chacune des deux premières années de formation15.
29. Au cours des deuxième et troisième années, le stagiaire effectue des travaux de pratique professionnelle, dans le cadre d'une collaboration effective et régulière au sein d'un ou plusieurs cabinets d'avocats aux Conseils. Il doit par ailleurs effectuer des stages auprès du Conseil d'État et de la Cour de cassation. En outre, il doit suivre des enseignements portant sur la déontologie, la réglementation professionnelle et la gestion d'un office, ainsi que sur les juridictions financières, européennes et internationales.
30. La troisième année de formation vise à préparer les épreuves du certificat d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation (" CAPAC "), ce qui donne lieu à la délivrance d'un certificat de fin de formation.
b) Le CAPAC
31. Les personnes admises à se présenter au CAPAC sont soit les personnes qui remplissent les trois conditions d'accès à la profession mentionnées aux 2°, 3° et 4° de l'article 1er de l'ordonnance du 10 septembre 1817 [(i) être titulaire d'un certificat de formation délivré à la fin des trois ans de scolarité à l'IFRAC, (ii) avoir été inscrit au moins un an au tableau d'un barreau et (iii) être titulaire d'une maîtrise en droit ou de diplômes reconnus comme équivalents pour l'accès à la profession], soit les personnes dispensées de ces trois conditions d'accès en application des dispositions respectives des articles 2 à 4 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 précités, à savoir :
- les membres et anciens membres du Conseil d'État16 ;
- les magistrats et anciens magistrats de la Cour de cassation17 ;
- les magistrats et anciens magistrats de la Cour des comptes18 ;
- les professeurs d'Université chargés d'un enseignement juridique, s'ils justifient de quatre années d'exercice de leurs fonctions et d'un an de pratique professionnelle auprès d'un avocat aux Conseils ;
- les magistrats et anciens magistrats de l'ordre judiciaire (autres que les magistrats et anciens magistrats de la Cour de cassation) justifiant d'au moins huit années d'exercice professionnel dans ce corps et justifiant d'un an de pratique professionnelle auprès d'un avocat aux Conseils ;
- les membres et anciens membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et les membres et anciens membres des chambres régionales des comptes, justifiant d'au moins huit années d'expérience professionnelle dans leur corps et d'une année de pratique professionnelle au sein d'un cabinet d'avocat aux Conseils ;
- les maîtres de conférence de droit et les anciens maîtres-assistants, titulaires du doctorat en droit, ayant enseigné pendant au moins dix années dans un établissement d'enseignement supérieur et justifiant d'un an de pratique professionnelle auprès d'un avocat aux Conseils ;
- les avocats et anciens avocats ayant été inscrits pendant dix années au moins au tableau d'un barreau français ou européen et justifiant d'un an de pratique professionnelle auprès d'un avocat aux Conseils;
- les conseils juridiques et anciens conseils juridiques ayant été inscrit pendant dix années au moins sur une liste de conseils juridiques et justifiant d'un an de pratique professionnelle auprès d'un avocat aux Conseils ;
- les notaires ayant au moins dix années de fonction et justifiant d'un an de pratique professionnelle auprès d'un avocat aux Conseils.
32. En application de l'arrêté du 2 août 2000 fixant le programme et les modalités de l'examen d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, l'examen du CAPAC comprend trois épreuves écrites d'admissibilité19, puis trois épreuves orales d'admission20.
33. En application de l'article 17 du décret n° 91-1125, certaines des personnes dispensées des trois conditions d'inscription au CAPAC sont également dispensées de certaines épreuves écrites, voire de certaines épreuves orales. Tous les candidats au CAPAC doivent néanmoins obligatoirement passer deux épreuves orales : celle portant sur la réglementation professionnelle et la gestion d'un office, et une épreuve portant sur les règles de procédure applicables devant les cours suprêmes.
34. Le jury du CAPAC est composé d'un conseiller d'État, d'un conseiller à la Cour de cassation, d'un professeur d'Université chargé d'un enseignement juridique et de trois avocats aux Conseils21. Le jury est présidé alternativement par le conseiller d'État et le magistrat à la Cour de cassation. Nul ne peut se présenter plus de trois fois à l'examen du CAPAC.
c) Formation continue
35. Les avocats aux Conseils sont soumis à une obligation de formation continue. La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 et le décret n° 2011-1230 du 3 octobre 2011 prévoient une obligation de formation d'une durée de vingt heures sur l'année civile ou de quarante heures au cours de deux années consécutives.
3. LE CHAMP DU MONOPOLE DES AVOCATS AUX CONSEILS
36. Les avocats aux Conseils exercent plusieurs types d'activités, selon que leur ministère est (ou non) obligatoire devant le Conseil d'État et la Cour de cassation ou qu'ils interviennent en première instance ou en appel devant les juridictions administratives.
a) Les activités en monopole
37. Les avocats aux Conseils disposent d'un monopole de la représentation de clients (pour la plupart des contentieux) et de la présentation d'observations orales devant le Conseil d'État et la Cour de cassation. Si cette organisation existe dans d'autres États, elle n'est pas la plus répandue22.
38. Le ministère d'avocat aux Conseils est obligatoire pour la présentation d'un pourvoi en cassation, dans la majorité des matières, devant le Conseil d'État et la Cour de cassation. Pour les autres affaires portées devant ces juridictions, notamment en première instance ou en appel devant le Conseil d'État, il existe en revanche de nombreuses exceptions.
Devant la Cour de cassation
39. S'agissant du contentieux judiciaire, le monopole des avocats aux Conseils concerne la majorité des affaires portées devant les chambres civiles de la Cour de cassation. Le rôle du ministère d'avocats aux Conseils devant les hautes juridictions comprend la rédaction de pourvois et de mémoire, ainsi que la plaidoirie.
40. S'agissant des pourvois en cassation en matière pénale, l'article 584 du code de procédure pénale ouvre la possibilité au demandeur, ou à un avocat à la Cour mandaté par ce dernier, de déposer un mémoire au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée dans un délai de 10 jours suivant le dépôt de la déclaration de pourvoi, sans qu'il soit nécessaire de recourir au ministère d'un avocat aux Conseils. Passé ce délai, à l'exception du demandeur condamné pénalement23 qui peut transmettre directement un mémoire au greffe de la Cour de cassation, seul un avocat aux Conseils, qui doit se constituer dans le mois suivant la déclaration de pourvoi, peut déposer un mémoire, dans des délais qui peuvent varier en fonction de la nature de la procédure. Toutefois, aucune dispense n'est valable pour le défendeur, qui doit toujours présenter un mémoire sous signature d'un avocat aux Conseils.
41. S'agissant des questions prioritaires de constitutionnalité (" QPC ") dont une juridiction judiciaire est saisie et transmise à la Cour de cassation, les observations des parties sont signées par un avocat aux Conseils, dans les matières où la représentation est obligatoire devant la Cour de cassation, conformément aux dispositions de l'article 126-9 du code de procédure civile et aux dispositions de l'article R. 49-30 du code de procédure pénale.
Devant le Conseil d'État
42. S'agissant du contentieux administratif, le monopole des avocats aux Conseils concerne en principe les pourvois en cassation et les recours de plein contentieux formés devant le Conseil d'État en première instance, sous réserve de certaines exceptions.
43. Le ministère d'avocat aux Conseils est également obligatoire devant le tribunal des conflits, en cas de conflit d'attribution négatif, lorsque l'autorité administrative et l'autorité judiciaire se sont respectivement déclarées incompétentes sur la même question24.
44. S'agissant des avis sur une question de droit et des QPC, si la requête dont est saisie la juridiction qui a décidé le renvoi est dispensée du ministère d'avocat devant cette juridiction, la même dispense s'applique25 à la production des observations devant le Conseil d'État. Dans le cas contraire, et sauf lorsqu'elles émanent d'un ministre, les observations doivent être présentées par un avocat aux Conseils. Les QPC ont une influence sur l'activité des avocats aux Conseils car l'une des conditions de leur transmission au Conseil constitutionnel est l'exercice d'un filtre par une haute juridiction (Conseil d'État ou Cour de cassation).
45. Outre leur activité contentieuse, les avocats aux Conseils ont également le droit exclusif de suivre certaines affaires dont sont saisies les sections administratives du Conseil d'État, notamment en matière de droits individuels, d'obtenir la communication du dossier et de présenter des observations écrites. Ils représentent également leurs clients sans avoir à justifier d'un mandat devant les commissions et services administratifs. Enfin, les requêtes en confirmation ou reconnaissance de titres de noblesse sont obligatoirement présentées au ministre de la justice par un avocat aux Conseils ; ils interviennent ensuite devant la section de l'intérieur du Conseil d'État qui en connaît pour avis26.
b) Les limites du monopole
Les activités contentieuses devant le Conseil d'État et la Cour de cassation hors champ du monopole
Devant la Cour de cassation
46. Outre les pourvois devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui sont dispensés de ministère obligatoire d'avocat aux Conseils pour le seul demandeur dans les conditions rappelées au paragraphe 40 ci-dessus, sont dispensés du recours obligatoire à un avocat à la Cour de cassation :
- le pourvoi du procureur général près la Cour de cassation (article 639-1 du code de procédure civile) ;
- le contentieux des inscriptions sur les listes électorales en matière d'élections politiques (article 996 du même code) ;
- le contentieux des élections professionnelles (article 1008 du même code).
Devant le Conseil d'État
47. Certains recours contentieux devant le Conseil d'État sont dispensés du ministère obligatoire d'avocat aux Conseils. Cependant, la possibilité de recourir aux services de tels professionnels subsiste.
48. En cassation, la seule dispense concerne les recours dirigés contre les décisions de la commission centrale d'aide sociale et des juridictions de pension27.
49. Les dispenses sont en revanche nombreuses concernant les recours relevant de la compétence du Conseil d'État statuant en premier et dernier ressort (notamment la contestation de certains actes réglementaires) et en tant que juge d'appel (notamment en matière d'élections et de questions préjudicielles), puisque le ministère obligatoire se limite essentiellement à certains recours en plein contentieux, soit essentiellement : en première instance, les actions en responsabilité dirigées contre l'État pour durée excessive de la procédure devant la juridiction administrative et les décisions de sanction de certaines autorités administratives indépendantes28 ; en appel, les questions préjudicielles en interprétation d'actes relevant de la compétence des tribunaux administratifs en premier ressort.29
50. Aux termes des articles R. 432-2 et R. 432-3 du code de justice administrative (" CJA "), sont ainsi dispensés du ministère obligatoire d'avocats aux Conseils :
- les recours pour excès de pouvoir contre les actes des diverses autorités administratives, notamment en premier et dernier ressort contre les décrets, les actes réglementaires des ministres, les décisions des organismes collégiaux à compétence nationale, les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires nommés par décret du Président de la République ou ceux nés hors des territoires soumis à la juridiction d'un tribunal administratif ou concernant des décisions dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif ;
- les recours en appréciation de légalité ;
- les litiges en matière électorale ;
- les litiges concernant la concession ou le refus de pension ;
- les litiges concernant la mise en œuvre des techniques de renseignement et des fichiers intéressant la sûreté de l'État relevant du chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative ;
- les recours prévus par la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et ceux prévus par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française (c'est-à-dire contre les décisions du Haut-commissaire portant sur des questions d'inéligibilité ou d'incompatibilités) ;
51. Sont, de même, dispensés les appels en matière de référé-liberté30, au titre de l'article R. 523-3 du CJA, et le contentieux des astreintes pour obtenir l'exécution d'une décision d'une juridiction administrative, en application de l'article R. 931-5 du même code.
52. En outre, l'État est toujours dispensé du ministère d'avocat aux Conseils, soit en demande, soit en défense, soit en intervention (article R. 432-3 du CJA).
53. En revanche, en vertu des dispositions combinées des articles R. 432-1, R. 613-5 et R. 733-1 du CJA, même dans les cas de dispense et hors le cas particulier des référés, seuls les avocats aux Conseils peuvent présenter des observations orales le jour de la séance du jugement, quelle que soit la procédure et y compris s'agissant de l'État31, ce qui constitue une incitation forte à recourir à leurs services, bien que la procédure soit essentiellement écrite.
54. Ainsi, en dehors des hypothèses où le Conseil d'État juge en premier et dernier ressort ou en appel, c'est essentiellement en matière de droit pénal et de contentieux électoral que le ministère d'avocat aux Conseils n'est pas obligatoire.
Les activités devant d'autres juridictions
55. Les avocats aux Conseils peuvent, au même titre que les avocats à la Cour, représenter les parties en première instance ou en appel devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel (article R. 431-2 et R. 431-11).
56. Les avocats aux Conseils sont également habilités à plaider devant d'autres juridictions : Cour européenne des droits de l'homme, Cour de justice de l'Union européenne.
57. Devant le Conseil Constitutionnel, la production écrite des QPC est libre et peut être assurée par tout avocat, à la Cour ou aux Conseils, ou par d'autres représentants, selon le type de contentieux dans lequel intervient la juridiction devant laquelle la requête a été introduite. Seuls les avocats (à la Cour ou aux Conseils, selon le type de contentieux dans lequel la question a été posée) peuvent en revanche présenter des observations orales devant le Conseil constitutionnel, à l'exception des représentants de l'État. Le recours à des avocats aux Conseils pour présenter les QPC est fréquent.
4. LES RÉMUNÉRATIONS PERÇUES PAR LES AVOCATS AUX CONSEILS
Des honoraires libres
58. Les honoraires des avocats aux Conseils sont convenus par le professionnel et le client dans le cadre d'une convention d'honoraires écrite32, qui précise le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, les divers frais et débours envisagés. L'avocat aux Conseils peut exiger le versement préalable des honoraires33, car il ne bénéficie pas d'une procédure de recouvrement forcée propre à la profession34. De même, il n'existe pas de procédure de réclamation en matière d'honoraires au bénéfice du client comparable à celle qui existe pour les avocats à la Cour devant le bâtonnier en application des dispositions des articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat. Néanmoins, un client contestant le montant des honoraires qui lui sont réclamés peut saisir le président de l'Ordre des avocats aux Conseils afin que celui fasse usage de ses pouvoirs de conciliation ou de modération, voire décide d'engager des poursuites disciplinaires à l'encontre d'un avocat aux Conseils ayant manqué à ses obligations déontologiques35.
59. Les honoraires doivent être fixés en fonction des usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat aux Conseils, de sa notoriété et des diligences effectuées36. Il est possible de fixer un honoraire complémentaire en fonction du résultat ou du service rendu mais il est interdit de subordonner la détermination du montant total des honoraires au résultat de l'affaire.
60. L'avocat aux Conseils n'est pas obligé de faire apparaître la distinction entre les honoraires proprement dits et les frais de procédure dans les factures qu'il présente à ses clients37. De plus, les honoraires sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée.
61. Une partie des honoraires de l'avocat aux Conseils est rétrocédée aux collaborateurs de l'office au titre de leur rémunération. Cette rétrocession peut prendre la forme soit d'une rémunération mensuelle forfaitaire négociée avec l'office, soit d'une rémunération forfaitaire au dossier.
L'aide juridictionnelle
62. L'aide juridictionnelle consiste en la prise en charge par l'État de tout ou partie des frais de procédure, incluant les honoraires de l'avocat aux Conseils38. Une partie ayant recours aux services d'un avocat aux Conseils peut en demander le bénéfice auprès des bureaux d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation ou près le Conseil d'État. Après examen du dossier, l'aide peut être partielle, totale, provisoire ou rejetée en fonction des critères définis par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
63. Ces critères comprennent une condition de résidence habituelle et une condition de ressources. Pour l'année 2016, l'aide juridictionnelle totale est attribuée à des foyers disposant de ressources mensuelles inférieures à un montant compris entre 1 000 euros et 1 588 euros (selon la situation familiale), et l'aide partielle à ceux qui bénéficient de ressources comprises entre 1 500 euros et 2 087 euros39. Mais les juridictions contrôlent également la qualité de la partie à la cause, qui ne doit pas présenter une action irrecevable ou dénuée de fondement. La requête doit par ailleurs comporter un moyen sérieux.40
64. Chaque bureau d'aide juridictionnelle compte des juges de la Cour de cassation ou du Conseil d'État (selon l'ordre juridictionnel concerné), des avocats aux Conseils et des représentants de l'administration fiscale, des usagers et du ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
65. Lorsque la décision d'admission est prononcée, il appartient à l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation de désigner un avocat aux Conseils, à l'exception des cas où le bénéficiaire a déjà choisi celui par lequel il souhaite être représenté.
66. Devant le Conseil d'État, 3 524 dossiers ont été enregistrés en 2013 au bureau d'aide juridictionnelle, contre 3 544 en 2012 (soit une diminution de 0,99 %). Les données sur les procédures pour lesquelles des parties ont bénéficié de l'aide juridictionnelle sont les suivantes :
- Compétence du premier et dernier ressort : 71 décisions (dont 23 admissions), soit 1,33 % du total des décisions rendues ;
- Cassation des décisions rendues par les tribunaux administratifs (autres que les référés) : 411 décisions (dont 44 admissions), soit 11,54 % ;
- Cassation des décisions rendues par les tribunaux administratifs en matière de référé : 469 décisions (dont 54 admissions), soit 13,6 % ;
- Cassation des décisions rendues par les cours administratives d'appel : 1 181 décisions (dont 218 admissions), soit 33,86 % ;
- Cassation des décisions rendues par les juridictions administratives spécialisées : 1 330 décisions (dont 118 admissions), soit 37,77 %.
67. Devant la Cour de cassation, 7 492 demandes ont été admises en 2014, contre 8 711 en 2013 (soit une diminution de 16 %). Les admissions sont moins nombreuses en matière civile (21,27 %) qu'en matière pénale (32,49 %)41.
68. Ces chiffres tendent à montrer qu'une part significative de l'activité des avocats aux Conseils est financée totalement ou partiellement par l'aide juridictionnelle, tant devant le Conseil d'État que devant la Cour de cassation.
69. La rétribution versée par l'État aux avocats aux Conseils est fixée par un décret du 19 décembre 199142. Au titre d'une aide juridictionnelle totale, les montants versés aux avocats aux Conseils sont les suivants :
a. Chaque dossier devant le Conseil d'État, la Cour de cassation ou le Tribunal des Conflits est rémunéré 382 euros hors taxes (HT).
b. En cas de demande de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle, la rétribution est de 115 euros HT et en cas de demande adressée au juge des référés, la rétribution est de 153 euros HT.
c. En cas d'intervention dans la procédure de saisine pour avis du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, la rétribution est de 191 euros HT
d. En cas d'intervention devant les autres juridictions, la rétribution est égale à celle qui résulte du barème prévu à l'article 90 du même décret, identique à celles des autres avocats.
70. En cas d'intervention dans le cadre de l'examen d'une QPC, la rétribution est de 191 euros HT, le cas échéant majorée de 382 euros HT en cas d'intervention ultérieure devant le Conseil constitutionnel.
71. Toutefois, les avocats aux Conseils peuvent demander au juge de condamner la partie tenue au paiement des dépens, ou qui perd son procès et non bénéficiaire elle-même de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas bénéficié de cette aide43, souvent plus élevée que les montants de l'aide juridictionnelle.44 Il ressort d'auditions menées dans le cadre de l'instruction que dans ce cas, les avocats rencontrent parfois des difficultés à obtenir leur paiement par l'autre partie (les 3/4 environ ne seraient pas versés).
5. LES INSTANCES ORDINALES
72. Les intérêts de la profession sont représentés par l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation (ci-après " l'Ordre "). Ce dernier a le statut d'organisme de droit privé chargé d'une mission de service public et est doté de prérogatives de puissance publique, notamment en matière disciplinaire, en application des dispositions du décret n° 2002-76 du 11 janvier 2002 précité45.
73. L'organe décisionnel, le Conseil de l'Ordre, est chargé de contrôler le respect des règles de discipline au sein de la profession. Il élabore le règlement intérieur et se prononce sur toutes questions relatives aux intérêts généraux de l'Ordre. Enfin, il exerce tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits qui portent un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession.
74. Le Conseil de l'Ordre se compose d'un président et de onze membres, dont deux syndics et un secrétaire trésorier. Ils sont nommés par l'assemblée générale de l'Ordre à la majorité des suffrages pour trois ans avec renouvellement du Conseil par tiers chaque année.
75. Le Conseil peut délibérer lorsqu'au moins sept de ses membres sont présents, la voix du président étant prépondérante en cas de partage égal. Concernant l'assemblée générale, le vote est valide si la moitié plus un des membres de l'Ordre sont présents. Par ailleurs, les décisions du Conseil de l'Ordre relèvent de l'ordre juridictionnel auprès duquel l'avocat aux Conseils destinataire de la décision exerce son activité.
6. LA CONVENTIONNALITÉ DU STATUT DES AVOCATS AUX CONSEILS N'A, À CE JOUR, PAS ÉTÉ REMISE EN CAUSE
a) Le droit de l'Union européenne
76. La réglementation de l'Union européenne (" UE ") autorise un État à prévoir des règles de représentation spécifiques devant les Cours suprêmes.
77. L'article 5 de la directive n° 98/5 CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise prévoit que " dans le but d'assurer le bon fonctionnement de la justice, les États membres peuvent établir des règles spécifiques d'accès aux cours suprêmes, telles que le recours à des avocats spécialisés. ".
78. Toutefois, ni la Commission, ni la CJUE n'ont eu à se prononcer spécifiquement sur le monopole des avocats aux Conseils en France.
b) La convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (" CESDH ")
79. La Cour européenne des droits de l'homme (" CEDH ") a considéré que la réglementation française prévoyant, dans certaines matières, le caractère obligatoire du ministère des avocats aux Conseils pour présenter un recours devant la Cour de cassation et devant le Conseil d'État, ou présenter oralement des observations devant ces juridictions, n'était pas incompatible avec les dispositions de l'article 6 §1 de la CESDH.
80. Elle a notamment rappelé qu'un État jouit d'une certaine marge d'appréciation pour prévoir de telles limitations au droit d'accès à un tribunal, notamment quant aux conditions de recevabilité d'un recours. La CEDH vérifie néanmoins que ces limitations ne restreignent pas l'accès aux cours suprêmes d'une manière ou à un degré tel que le droit à un procès équitable devant un tribunal, garanti par l'article 6 §1 CESDH précité, s'en trouverait atteint dans sa substance même46.
81. Dans un arrêt du 26 juillet 200247, la CEDH a jugé que le fait que la loi française réserve aux avocats aux Conseils la prise de parole à l'appui d'un pourvoi formé devant la Cour de cassation ne porte pas atteinte aux droits garantis par l'article 6 de la CESDH, si la procédure respecte les principes du contradictoire. Dans un arrêt du 8 février 200048, la CEDH a néanmoins considéré qu'en matière pénale, le demandeur pénalement condamné qui choisit de se défendre sans la représentation d'un avocat aux Conseils doit disposer de moyens de procédure lui permettant de garantir son droit à un procès équitable. En conséquence, la CEDH a considéré que ce dernier devait recevoir communication des conclusions de l'avocat général et devait pourvoir y répliquer par des observations orales.
82. De plus, dans un arrêt du 6 mars 2003 concernant le caractère obligatoire du ministère d'avocats aux Conseils devant le Conseil d'État, la CEDH a estimé que la spécificité de la procédure devant les juridictions de cassation peut justifier d'y réserver le monopole de la représentation et de la plaidoirie à ces seuls avocats, sans que cela ne porte atteinte au droit d'un requérant à un procès équitable.49
B. LA RÉFORME DES MODALITÉS D'INSTALLATION
1. LES RÈGLES ANTÉRIEURES À LA LOI n° 2015-990 DU 6 AOÛT 2015
83. La nomination aux offices d'avocats aux Conseils est prononcée par arrêté du garde des Sceaux.
84. Avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, le nouveau titulaire était soit présenté à la succession d'un office existant ou en tant qu'associé dans une société civile professionnelle, soit choisi par le garde des Sceaux pour les offices créés ou vacants.
85. Pour les nominations sur présentation50, le candidat devait solliciter l'agrément du garde des Sceaux. Pour ce faire, il devait adresser au procureur général près la Cour de cassation sa demande accompagnée de toutes pièces justificatives (notamment les conventions intervenues avec le titulaire de l'office et le plan de financement en cas d'emprunt).
86. Le procureur général près la Cour de cassation devait d'abord recueillir l'avis motivé du Conseil de l'Ordre sur la moralité et sur les capacités professionnelles de l'intéressé, ainsi que sur ses possibilités financières au regard des engagements contractés. Il transmettait alors le dossier du candidat au garde des Sceaux, accompagné de son avis motivé et celui du premier président de la Cour de cassation. Avant de se prononcer, le garde des Sceaux sollicitait également l'avis motivé du vice-président du Conseil d'État.
87. S'agissant des nominations dans un office vacant ou créé, une procédure était prévue par le décret n° 91-1125 du 28 octobre 199151, qui n'a toutefois jamais trouvé à s'appliquer en l'absence d'office vacant52 et d'exercice par le garde des Sceaux de la faculté (ouverte depuis 2009) de créer de nouveaux offices53.
88. La procédure prévue comprenait les étapes suivantes :
- Classement des candidats par ordre de préférence par une commission composée d'un conseiller d'État, d'un conseiller à la Cour de cassation et de deux avocats aux Conseils ;
- Production d'avis motivés par le procureur général près la Cour de cassation (ayant lui-même recueilli l'avis motivé du Conseil de l'Ordre), du Premier Président près la Cour de cassation et du Vice-Président du Conseil d'État ;
- Sélection du candidat et nomination par le garde des Sceaux.
89. Les fonctions d'avocat aux Conseils cessent en cas de démission ou de décès. Le titre d'avocat honoraire au Conseil d'État et à la Cour de cassation est conféré par le Conseil de l'Ordre sous condition de vingt ans d'exercice de la profession (comme avocat ou avocat associé). L'avocat honoraire demeure soumis à la juridiction disciplinaire de l'Ordre.
90. Le garde des Sceaux n'ayant pas utilisé les prérogatives dont il disposait depuis 2009 pour créer de nouveaux offices, la seule voie d'accès à la profession d'avocat aux Conseils a donc été celle de la présentation aux offices, qui était au demeurant limitée par la règle encadrant le nombre maximal d'associés par société civile professionnelle d'avocats aux conseils (porté de trois à quatre en 201354), et par la faible propension des avocats aux Conseils à s'associer.
91. Face à ces blocages, le législateur a estimé nécessaire d'assouplir les conditions d'installation de ces officiers ministériels.
2. LES DISPOSITIONS ISSUES DE LA LOI n° 2015-990 DU 6 AOÛT 2015
92. Le législateur a prévu, pour la profession d'avocat aux Conseils, des conditions d'installation proches de celles applicables aux notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires.
a) La mise en place d'une liberté d'installation régulée
93. Afin d'assouplir les conditions d'installation des avocats aux Conseils, l'article 57 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 confie à l'Autorité le soin d'identifier le nombre de créations d'offices " nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante au regard de critères définis par décret et prenant notamment en compte les exigences de bonne administration de la justice ainsi que l'évolution du contentieux devant ces deux juridictions ".
94. Les candidats remplissant les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour l'exercice de la profession d'avocat aux Conseils ont vocation à pouvoir librement s'installer dans la limite des besoins identifiés par l'Autorité.
95. Comme pour les autres officiers ministériels, l'objectif est de permettre " une augmentation progressive du nombre d'offices à créer ", afin de ne pas bouleverser les conditions d'activité des offices existants.
96. Le décret n° 2016-215 du 26 février 2016 précité précise les critères de détermination du nombre de créations d'offices nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante.
97. Il s'agit, d'une part, de " critères permettant d'évaluer le niveau et les perspectives d'évolution de la demande ", à savoir :
- " l'évolution de l'activité de la Cour de cassation et de la section du contentieux du Conseil d'État au cours des cinq dernières années ( ) ;
- " l'évolution du nombre de décisions prononcées par les juridictions du fond susceptibles de pourvoi en cassation au cours des cinq dernières années ".
98. Afin " d'évaluer le niveau et les perspectives d'évolution de l'offre ", ce même décret retient, d'autre part, les critères suivants :
- " la tendance de l'activité économique ;
- l'évolution du nombre d'offices et du nombre d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation exerçant soit à titre individuel, soit dans le cadre d'une entité dotée de la personnalité morale, soit en qualité de salarié, au cours des cinq dernières années ;
- le nombre d'offices vacants ;
- le nombre de personnes titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation n'exerçant pas en qualité d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ;
- le chiffre d'affaires global des offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation et celui réalisé par chacun d'entre eux au cours des cinq dernières années correspondant à leur activité devant la Cour de cassation et le Conseil d'État. "55
b) Les nouvelles conditions de nomination dans les offices
99. Le décret n° 2016-652 du 20 mai 2016 précité définit de nouvelles conditions de nomination des avocats aux Conseils. Il modifie notamment le décret du 28 octobre 1991 relatif aux conditions d'accès à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation56.
Nomination dans des offices créés57
100. Les candidats remplissant les conditions générales d'aptitude à la profession d'avocat aux Conseils58 peuvent déposer leur demande de nomination dans un délai de deux mois à compter de la publication des recommandations de l'Autorité, pour l'ensemble des créations à intervenir jusqu'à l'ouverture de la procédure d'élaboration des prochaines recommandations.
101. Les demandes, accompagnées de pièces justificatives, sont transmises dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux. Un arrêté du 22 septembre 2016 précise que les candidatures sont formées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.59
102. S'agissant de l'instruction des demandes, le décret prévoit que le garde des Sceaux recueille, pour chaque candidature, l'avis motivé du vice-président du Conseil d'État, du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette cour, étant précisé qu'en l'absence de réponse au terme d'un délai de quarante-cinq jours à compter de la saisine, l'avis est réputé rendu. Le ministre de la justice peut également solliciter un avis motivé du Conseil de l'Ordre " sur l'honorabilité et sur les capacités professionnelles de l'intéressé ainsi que sur ses possibilités financières au regard des engagements contractés "60.
103. Une commission est également chargée d'examiner les candidatures et de classer les demandeurs par ordre de préférence, sans que le décret n'indique les critères pris en compte pour procéder à ce classement. Cette commission est composée de cinq membres, nommés par le garde des Sceaux pour une durée de trois ans, renouvelable une fois :
- Le directeur des affaires civiles et du Sceau ou son représentant ;
- Un conseiller d'État, désigné sur proposition du vice-président du Conseil d'État ;
- Un conseiller à la Cour de cassation, désigné sur proposition du premier président de la Cour de cassation ;
- Un avocat général à la Cour de cassation, désigné sur proposition du procureur général près la Cour de cassation ;
- Un avocat aux Conseils, désigné sur proposition du Conseil de l'Ordre.
104. Au final, les nominations sont faites au choix par le garde des Sceaux, après avis de cette commission.
105. Les avocats aux Conseils déjà installés peuvent postuler à la création d'un nouvel office puisque le décret prévoit, dans ce cas, que leur demande de nomination doit être accompagnée d'une demande de démission (pour un avocat exerçant à titre individuel) ou de retrait (pour un avocat associé), sous condition suspensive de nomination dans un nouvel office. Leur nomination dans ce nouvel office n'interviendra, le cas échéant, qu'après ou concomitamment à leur démission ou retrait.
Nomination dans les offices vacants
106. Une procédure similaire est applicable s'agissant de la nomination dans un office vacant61 :
- Appel à manifestation d'intérêt par arrêté du garde des Sceaux ;
- Dépôt des candidatures, lesquelles doivent être accompagnées d'un engagement de payer l'indemnité fixée par le garde des Sceaux, et, lorsque le candidat doit contracter un emprunt, des éléments permettant d'apprécier ses possibilités financières au regard des engagements contractés ;
- Demande d'avis au vice-président du Conseil d'État, au premier président de la Cour de cassation, au procureur général près cette cour et éventuellement au Conseil de l'Ordre ;
- Examen et classement des candidatures par la commission ;
- Nomination au choix du garde des Sceaux.
Nomination sur présentation
107. Les règles en la matière62 sont peu modifiées : le candidat à la succession d'un avocat aux Conseils doit toujours solliciter l'agrément du garde des Sceaux, lequel recueille impérativement l'avis motivé du vice-président du Conseil d'État, du premier président de la Cour de cassation, du procureur général près cette cour, et, de façon facultative, l'avis motivé du Conseil de l'Ordre.
C. LE CONTEXTE DE L'INTERVENTION DE L'AUTORITÉ
1. LES PRÉCÉDENTS RAPPORTS SUR LES AVOCATS AUX CONSEILS
108. Plusieurs rapports ont récemment évoqué la question du monopole des avocats aux Conseils. Si aucun ne propose d'y mettre fin en matière de pourvois en cassation, ils proposent tous en revanche - selon des modalités différentes - de décloisonner la profession et d'augmenter le nombre des professionnels.
a) Rapport Attali (2008)
109. La proposition n° 215 du rapport de la Commission pour la libération de la croissance française, si elle reconnaissait la spécificité de cette profession et la nécessité d'un examen de qualification, a préconisé de supprimer le numerus clausus en vigueur dans la profession et de réformer ses conditions de formation et d'accès en ouvrant le jury d'examen aux avocats, magistrats et professeurs d'Université compétents et en tenant compte " des années de pratique professionnelle chez les actuels avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation "63.
b) Rapport Darrois (2009)
110. Le rapport de la commission Darrois sur les professions du droit a souhaité améliorer la lisibilité du service public de la justice, qui doit être rendu à moindre coût pour l'usager qu'il soit particulier, entreprise ou collectivité64. Il a souhaité maintenir la spécificité d'un corps d'avocats propre aux juridictions suprêmes, tout en apportant des adaptations pour assurer la compatibilité de ce système de représentation avec la directive européenne n° 2006/123 CE relative aux services dans le marché intérieur du 12 décembre 2006. L'existence d'un ordre spécifique lui paraissait justifiée en raison des règles techniques, particulières, strictes et complexes, propres aux pourvois devant les juridictions suprêmes. En outre, il a considéré que le nombre réduit d'avocats aux Conseils permettait le développement de relations étroites, formelles ou informelles, avec les juridictions suprêmes et que, par le conseil aux clients, ces professionnels permettaient également de filtrer les pourvois pour privilégier ceux ayant de plus fortes chances de réussite.
111. Toutefois, le rapport Darrois a proposé d'atténuer le numerus clausus en offrant la possibilité de s'installer à toute personne remplissant les conditions requises pour exercer la profession, dans la limite du plafond fixé par les textes en 2008 (c'est-à-dire trois associés pour chacun des 60 offices, soit 180 avocats aux Conseils).
112. Le développement de structures de collaboration entre les avocats aux Conseils et les avocats à la Cour a également été préconisé dans le rapport, cette dynamique étant censée améliorer la qualité du service rendu aux usagers, tout en favorisant la concurrence entre professionnels.
113. Par ailleurs, le rapport a mis en lumière des barrières à l'entrée dans la profession, liées notamment à la formation de l'IFRAC (laquelle serait indirectement contrôlée par le Conseil de l'Ordre). Il a proposé de privilégier une structure plus ouverte pour assurer un recrutement de la profession par un organe indépendant, composé de représentants de la Chancellerie, des juridictions suprêmes, et des clients des avocats aux Conseils (par exemple, un avocat désigné par le CNB et un représentant des associations de consommateurs).
114. Enfin, différentes propositions du rapport affichent la volonté de moderniser l'activité des avocats aux Conseils : " Regroupement du traitement des affaires relatives à une même question ; approfondissement et interactivité de l'instruction ; développement de l'oralité des audiences ; intervention des tiers intéressés ; diffusion et explication des décisions à un large public. ".
c) Rapport Untermaier et Houillon (2014)65
115. Les auteurs de ce rapport se sont interrogés sur l'efficacité du maintien de freins dans l'accès à la profession, alors que le nombre de contentieux croîtrait de manière " exponentielle ". Ainsi en 2013, d'après les indications des représentants de l'Ordre, " la juridiction suprême de l'ordre judiciaire a jugé près de 28 719 affaires et s'est prononcée sur 333 questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), tandis que la juridiction suprême de l'ordre administratif a jugé 10 143 affaires et a traité 157 QPC. Au total, ce sont donc près de 40 000 pourvois qui ont été soutenus devant les cours suprêmes françaises l'an passé "66.
116. À partir des chiffres d'un article de MM. Denys de Béchillon et Marc Guillaume67, les rapporteurs ont considéré que le rôle de filtrage des avocats aux Conseils ne fonctionnait pas. Faisant leurs les critiques sur le verrouillage de la profession, le faible taux de féminisation et la moyenne d'âge élevée, ils identifient un lien entre le recours croissant à des collaborateurs et un nombre insuffisant d'avocats aux Conseils.
117. Pour les rapporteurs, le statut d'officier ministériel serait inapproprié dans la mesure où les avocats aux Conseils ne participeraient pas à l'exercice de l'autorité publique. Au contraire, leurs missions seraient très proches de celles des avocats à la Cour. Par suite, ils ont proposé de supprimer les charges d'avocats aux Conseils, ainsi que le titre et le droit de présentation afférant, en contrepartie d'une indemnisation. De même, ils ont recommandé une plus grande transparence dans le recrutement des avocats aux Conseils, en recourant à un concours inspiré de l'actuel CAPAC mais dont le jury serait composé majoritairement de membres extérieurs à la profession.
118. En conclusion, la mission d'information sur les professions réglementées a recommandé d'établir un système plus ouvert et plus égalitaire, tout en maintenant la spécificité d'un ordre propre aux juridictions suprêmes pour garantir la maîtrise, la qualité et la régulation de ce contentieux particulier. Elle propose en outre d'augmenter le nombre de ces avocats dans la limite d'un numerus clausus (par exemple de 240 professionnels, comme le permet le décret du 5 juin 2013).
d) Autres rapports
119. Enfin, d'autres rapports ont abordé de façon incidente la question du monopole des avocats aux Conseils.
120. Ainsi, dans son rapport d'information sur la QPC du 27 mars 2013, M. Jean-Jacques Urvoas a considéré que " la pertinence du maintien de cette forme particulière de représentation devant les juridictions suprêmes mériterait d'être examinée d'une manière générale, et pas uniquement pour la défense des QPC, et que cette question dépasse l'objet du présent rapport ".
2. LE PRÉSENT AVIS
121. Le présent avis participe de la mise en œuvre des dispositions de l'article 57 de la loi du 6 août 2015 relatives aux conditions d'installation des avocats aux conseils.
a) Le document attendu : un avis sur la liberté d'installation des avocats aux Conseils assorti de recommandations contraignantes
122. L'article L. 462-4-2 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de l'article 57 de la loi du 6 août 2015, confie à l'Autorité le soin de rendre au ministre de la justice un avis sur la liberté d'installation des avocats aux Conseils.
123. Dans le cadre de cet avis, l'Autorité fait toutes recommandations " en vue d'améliorer l'accès aux offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation dans la perspective d'augmenter de façon progressive le nombre de ces offices " et établit un " bilan en matière d'accès des femmes et des hommes à ces offices ". Elle détermine également le nombre de créations d'offices d'avocat aux Conseils " qui apparaissent nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante ".
124. Ces recommandations sont rendues publiques au moins tous les deux ans et l'article 3 du décret n° 2016-215 du 26 février 2016 précité prévoit leur publication, ainsi que celle de l'avis, au Journal officiel.
125. Il s'agit là d'une différence notable avec les avis émis par l'Autorité en matière d'installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires, qui ne sont pas publiés au Journal officiel en tant que tels, mais constituent des propositions soumises aux ministres de la justice et de l'économie, qui sont seuls compétents pour arrêter conjointement la carte définitive et les recommandations dont elle est assortie68.
126. Au contraire, s'agissant des avocats aux Conseils, les recommandations de l'Autorité relatives au nombre de créations d'offices ont une portée normative. Elles s'imposent au garde des Sceaux, ainsi qu'il ressort du I de l'article 3 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 précitée, dans sa rédaction issue de l'article 57 de la loi du 6 août 2015 : " Au vu des besoins identifiés par l'Autorité de la concurrence dans les conditions prévues à l'article L. 462-4-2 du Code de commerce, lorsque le demandeur remplit les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises ( ) pour l'exercice de la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, le ministre de la justice le nomme titulaire de l'office d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation créé " (soulignements ajoutés).
127. À tout le moins, telle semblait être l'intention des rapporteurs du projet de loi ayant soutenu l'amendement qui a conduit à l'adoption de ces dispositions. Face aux blocages de la profession, ils estimaient nécessaire " de libéraliser les conditions d'installation de ces officiers ministériels ( ) en imposant au ministre de la Justice de créer des offices d'avocat aux conseils dans la limite des besoins identifiés par l'Autorité de la concurrence69 " (soulignements ajoutés).
128. Cette analyse semble également confirmée par le Conseil Constitutionnel, qui écarte le grief tiré de ce que l'article 57 de la loi du 6 août 2015 méconnaîtrait les exigences de l'article 21 de la Constitution, en jugeant que " l'avis émis par l'Autorité de la concurrence en application de l'article L. 462-4-2 ne lie pas le ministre de la justice qui demeure libre de refuser une demande de nomination "70. Cette position est à rapprocher de celle du Conseil Constitutionnel concernant le même grief de méconnaissance de l'article 21 de la Constitution dans le cas des officiers publics et ministériels : " si la carte ( ) est établie à partir d'une proposition de l'Autorité de la concurrence, les ministres de la justice et de l'économie sont seuls compétents pour arrêter celle-ci, le cas échéant après avoir demandé à l'Autorité de la concurrence une nouvelle proposition "71.
129. Ainsi, s'agissant des avocats aux Conseils, les besoins identifiés par l'Autorité (c'est-à-dire le nombre total de créations d'offices recommandé) s'imposent au ministre de la justice. Contrairement à la proposition72 de carte mentionnée à l'article 52 (et aux recommandations dont elle est assortie), l'article 57 de la loi du 6 août 2015 ne prévoit pas de faculté de demander à l'Autorité de formuler de nouvelles recommandations. En revanche, le ministre de la justice conserve le pouvoir d'accepter ou de refuser, au cas par cas, telle ou telle demande individuelle de nomination dans un office créé.
b) La consultation publique
130. Conformément à l'article L. 462-4-2 du Code de commerce et à l'article 1er du décret n° 2016-215 précité, l'Autorité a rendu publique l'ouverture de la procédure visant à la préparation de l'avis sur la liberté d'installation des avocats aux Conseils en publiant un communiqué de presse le 1er mars 2016 sur son site Internet73.
131. L'objet de la procédure y est rappelé et les tiers intéressés ont été invités à présenter leurs observations, en répondant à différentes questions (critères à prendre en compte pour identifier le nombre de créations d'office, rythme adéquat de créations d'offices, moyens envisageables pour améliorer l'accès des femmes aux offices ministériels, etc.).
132. Douze contributions ont été reçues par l'Autorité. Ces éléments, dont une synthèse figure en Annexe 1, ont permis de nourrir le présent avis.
133. Enfin, les services d'instruction ont mené, au cours des mois de juillet à septembre 2016, une série d'auditions auprès de tiers intéressés, dont la liste figure en Annexe 2.
III. État des lieux de l'offre et de la demande
A. ÉTAT DES LIEUX DE L'OFFRE
1. ANALYSE QUANTITATIVE : UNE FORTE CONCENTRATION DE L'OFFRE SUR UN PETIT NOMBRE D'OFFICES TRÈS RENTABLES
134. Les critères permettant d'évaluer le niveau et les perspectives d'évolution de l'offre, déterminés par le décret n° 2016-215 du 26 février 2016, sont les suivants :
- la tendance de l'activité économique ;
- l'évolution du nombre d'offices et du nombre d'avocats aux Conseils exerçant soit à titre individuel, soit dans le cadre d'une entité dotée de la personnalité morale, soit en qualité de salarié, au cours des cinq dernières années ;
- le nombre d'offices vacants ;
- le nombre de personnes titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avocat aux Conseils n'exerçant pas en cette qualité ;
- le chiffre d'affaires global des offices d'avocat aux Conseils et celui réalisé par chacun d'entre eux au cours des cinq dernières années correspondant à leur activité devant la Cour de cassation et le Conseil d'État.
135. À titre liminaire, et bien qu'elle se soit attachée à examiner l'ensemble de ces critères dans les conditions ci-après décrites, l'Autorité s'étonne que le critère relatif à la " tendance de l'activité économique " figure dans le décret précité parmi les critères relatifs à l'offre et non pas à la demande. Du point de vue de l'offre, cette tendance a été interprétée comme visant l'activité économique des offices, et non pas la conjoncture économique globale du pays, qui témoigne plutôt de la demande de prestations adressée à ces offices. Dans la présente section, les développements sur ce point sont donc confondus avec ceux relatifs à l'activité et aux résultats des offices.
a) Une activité de niche, très concentrée sur un petit nombre d'offices et de professionnels, et à l'origine de revenus très élevés
Un chiffre d'affaires élevé car réparti entre un petit nombre d'associés
136. Les effectifs des avocats aux Conseils sont réduits. Il y avait, au 1er juillet 2016, 60 offices et 112 avocats aux Conseils (tous titulaires ou associés). Les effectifs globaux des offices, y compris les collaborateurs non-salariés, s'élevaient au 31 décembre 2014 à 780 équivalents temps-plein (" ETP "). En moyenne, un office comportait 1,8 associé, 6,4 collaborateurs (en ETP) et 4,8 employés (en ETP), soit environ 13 personnes. Les offices sont tous localisés en Île-de-France.
137. Au regard de ces effectifs modestes, les 60 offices d'avocats aux Conseils dégagent des chiffres d'affaires élevés : 133 millions d'euros en 2014, soit un chiffre d'affaires annuel moyen de 2,2 millions d'euros par office.
138. Ramené au nombre d'associés, le chiffre d'affaires est en moyenne de 1,2 million d'euros par professionnel. Malgré des disparités, les niveaux de chiffre d'affaires par associé sont relativement homogènes et toujours importants. Dans plus de 90 % des offices, le chiffre d'affaires par professionnel sur la période 2010-2014 était supérieur à 400 000 euros.
139. Ainsi, si le marché global des prestations délivrées par les avocats aux Conseils est modeste (" marché de niche "), l'activité est très concentrée sur un faible nombre d'offices et d'associés, qui ont chacun une activité soutenue. Le chiffre d'affaires par associé est bien plus élevé que celui des autres professions juridiques réglementées. À titre de comparaison, sur la même période, le chiffre d'affaires par notaire libéral s'est élevé à 760 000 euros par an.
Figure 1 : Distribution des offices en fonction du chiffre d'affaires par associé
<GRAPHIQUE>
Un taux de résultat élevé pour l'ensemble des offices, y compris après la prise en compte de l'emprunt
140. Les taux de résultat des offices (bénéfice rapporté au chiffre d'affaires) sont également élevés, en moyenne de l'ordre de 42 %. En outre, la rentabilité de l'activité est assez homogène. Ainsi, 90 % des offices présentent sur la période 2010-2014 un taux de résultat supérieur à 29 %74 et 50 % une rentabilité supérieure à 41 %. Le dernier décile (c'est-à-dire les 10 % des offices les plus rentables) a un taux de résultat supérieur à 57 %.
Tableau 1 : Répartition par centile du taux de marge des offices
<TABLEAU>
141. Par rapport à des professions similaires, ce taux apparaît élevé. L'avis 15-A-02 avait par exemple présenté les taux de résultat de différentes activités de services, à partir de la base ESANE de l'INSEE désagrégée au niveau des codes NAF. Même si, dans certains secteurs, le résultat correspond à la seule rémunération du capital, et non pas du travail (ce qui peut expliquer des taux plus faibles), l'enseignement principal de cette comparaison est que les taux de résultat des avocats aux Conseils sont particulièrement élevés, y compris par rapport aux autres activités juridiques.
<TABLEAU>
Des bénéfices et des revenus très élevés par rapport à des professions comparables
142. Les bénéfices de la profession sont importants : le bénéfice moyen est de 943 000 euros par office et de 543 000 euros par associé. Plus de 90 % des avocats aux Conseils présentent un bénéfice supérieur à 186 000 euros par an. Les montants inférieurs ne concernent en réalité que des avocats aux Conseils ayant débuté leur activité l'année précédente. La moitié des avocats aux Conseils dégagent un bénéfice supérieur à 453 000 euros. Pour 13 professionnels, le bénéfice par avocat est supérieur à un million d'euros.
143. Certes, ce montant intègre, outre les charges professionnelles déductibles, les emprunts contractés par les professionnels pour l'acquisition de leur charge. En 2014, 36 offices (soit 60 %) déclaraient avoir un emprunt en cours, pour un encours total de 38 millions d'euros. Les charges annuelles en découlant s'élèvent à 898 170 euros d'intérêts et 3,04 millions d'euros de capital. La durée de vie moyenne des emprunts est de 13 ans.
144. Toutefois, même en ne retenant que les bénéfices non-commerciaux déclarés, soit les revenus imposables après charges, dont les charges sociales, les charges professionnelles et les intérêts de l'emprunt, la rémunération moyenne des avocats aux Conseils reste élevée. Sur un échantillon de 43 cabinets (plus des deux tiers) ayant communiqué des informations sur ce point, la rémunération annuelle des associés est de 436 000 euros en moyenne. Pour 90 % des professionnels, elle est supérieure à 147 000 euros, pour 50 %, supérieure à 348 000 euros et pour le dernier décile (10 %), supérieure à 870 000 euros.
145. Ces montants très élevés correspondent à un revenu brut de 45 000 euros par mois (et un revenu net imposable de plus de 36 000 euros par mois) en moyenne par professionnel, après déduction des intérêts de l'emprunt.
146. Si l'un des contributeurs à la consultation a soutenu qu'il fallait retenir, plutôt que les bénéfices non commerciaux, le revenu réellement disponible pour le professionnel après déduction de la charge constituée par le remboursement du capital de l'emprunt, l'Autorité constate que ces remboursements constituent un revenu différé, dans la mesure où l'emprunt est destiné à financer l'acquisition de tout ou partie d'un office, patrimoine valorisable à l'occasion de la cessation d'activité du professionnel (du fait du droit de présentation du successeur). Une telle approche n'apparait donc pas pertinente.
147. Enfin, contrairement à ce qui a pu être soutenu par certains témoins auditionnés au cours de l'instruction, aucun office n'apparaît actuellement en difficulté financière. Seuls quatre offices présentent un bénéfice par associé inférieur à 100 000 euros sur la période 2010-2014 (entre 60 000 et 98 000 euros). Certains parce qu'ils ont commencé leur activité plus récemment, mais ils connaissent une montée en charge rapide de leur activité. D'autres sont des offices plus anciens, sans charge d'emprunt, dont les résultats témoignent plutôt d'un choix délibéré de ne pas développer leur activité ou de choisir les dossiers traités. Les résultats dégagés demeurent en tout état de cause élevés au regard des rémunérations moyennes perçues dans le secteur des professions juridiques.
Tableau 2 : Répartition par centile des professionnels
<TABLEAU>
148. Il ressort du tableau suivant, issu de l'avis de l'Autorité de la concurrence n° 15-A-02 précité, qu'en moyenne, les revenus annuels des professions juridiques règlementés se sont élevés sur la période 2010-2012 aux montants suivants :
<TABLEAU>
149. Avec un résultat moyen de 543 000 euros par associé et des structures d'exercice comparables, le résultat des avocats aux Conseils est le plus élevé de toutes les professions réglementées du droit, y compris les greffiers des tribunaux de commerce.
150. D'autres professions étudiées dans le rapport de l'IGF peuvent fournir des éléments de comparaison utiles. Pour les avocats, les gérants de structures unipersonnelles imposées à l'impôt sur le revenu disposent d'un revenu annuel moyen de 55 800 euros75. Or, " la profession d'avocat, caractérisée par des honoraires libres (à l'exception de l'aide juridictionnelle), figure en tant que point de comparaison avec les autres professions du droit ". De même, dans le cadre d'une comparaison intersectorielle, il serait possible de se référer à la rémunération des médecins généralistes (73 356 euros par an), profession libérale exigeant des études particulièrement longues (9 années d'études après le baccalauréat).
151. Dans sa contribution, l'Ordre suggère une autre comparaison : les résultats des avocats aux Conseils seraient inférieurs à ceux des associés des principaux cabinets d'avocats français et britanniques établis en France.
152. Si les chiffres d'affaires moyens (entre 1,23 million d'euros et 1,47 million d'euros par associé et par an) et maxima constatés (entre 4,6 et 5,1 millions d'euros par associé et par an, pour les cabinets les plus actifs) sont relativement proches dans ces professions, force est toutefois de constater que les taux de résultat sont plutôt inférieurs dans les cabinets d'avocats comparés que chez les avocats aux Conseils (en moyenne : 27 % contre 41 %).
153. En outre, les offices d'avocats aux Conseils constituent des structures beaucoup plus petites que les cabinets comparés, qui comptent souvent plusieurs dizaines (voire centaines) d'associés et de collaborateurs en France et au niveau mondial, alors que les plus grands offices d'avocats aux Conseils ne comportent qu'au plus quatre associés et au maximum 27 collaborateurs. Par ailleurs, les statuts d'exercice sont très différents : officiers ministériels, les avocats aux Conseils sont certes soumis à des obligations en termes d'accessibilité au juge, mais ils sont également protégés en partie de la concurrence, à la fois par leur monopole et par leurs modalités de nomination. Leur activité réservée est de fait moins concurrentielle, moins risquée et moins cyclique que celle des avocats à la Cour lesquels, en outre, ne bénéficient pas des effets patrimoniaux liés à l'acquisition d'une charge.
Tableau 3 : Comparaison avec les principaux cabinets d'avocats
<TABLEAU>
b) Les activités réservées et l'organisation spécifique des offices garantissent le maintien d'une rentabilité élevée, indépendamment des évolutions de l'activité juridictionnelle
Une activité très concentrée sur des dossiers en monopole
154. Alors que les offices d'avocats aux Conseils ont la possibilité de représenter leurs clients devant d'autres juridictions que le Conseil d'État ou la Cour de cassation (juridictions européennes, Conseil Constitutionnel mais également tribunaux administratifs et cours administratives d'appel) ou d'exercer des activités consultatives, leur activité est très concentrée dans le champ du monopole, qui représente 93 % des dossiers traités et 89 % du chiffre d'affaires réalisé en moyenne.
155. Seuls 5 cabinets ont une activité hors monopole supérieure à 20 % de leur activité totale.
Figure 2 : Répartition du chiffre d'affaires par activité (2014)
<GRAPHIQUE>
156. Au sein du monopole, l'activité devant les chambres civiles de la Cour de cassation est dominante (72 % des dossiers), supérieure à celle devant le Conseil d'État ou devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, où l'intervention d'un avocat n'est pas obligatoire.
Un degré de spécialisation asymétrique selon les juridictions
157. Si, en moyenne, en 2014, l'activité des offices d'avocats aux Conseils portait à 79 % sur des dossiers devant la Cour de cassation (et à 15 % devant le Conseil d'État), certains offices sont plus spécialisés.
158. Tous ont une activité significative devant la Cour de cassation, qui représente au minimum 52 % des affaires des offices. Ainsi, même pour l'office dont la spécialisation en droit public est la plus marquée, l'activité devant le Conseil d'État reste minoritaire (48 % des affaires traitées). Seuls 10 % des offices traitent plus de 25 % de leurs dossiers devant la haute juridiction administrative.
159. En revanche, certains offices ont une activité réduite devant le Conseil d'État : pour un quart d'entre eux, la part d'activité devant le Conseil d'État est inférieure à 10 % (avec un minimum à 4 %).
Des honoraires dont l'ajustement permet de lisser les variations de l'activité juridictionnelle
160. Chaque dossier a généré, en moyenne sur la période 2010-2014, des honoraires de 2 700 euros. Cette moyenne englobe toutefois une certaine variabilité entre les affaires, en fonction notamment de leur complexité. Il ressort de l'instruction que les montants perçus varient de 382 euros (dossier d'aide juridictionnelle) à plusieurs dizaines de milliers d'euros (dossier complexe à forts enjeux financiers).
161. En outre, les honoraires moyens par dossier sont variables entre offices. Ainsi, l'honoraire moyen par dossier est de 1 900 euros pour les 10 % d'offices les moins chers (premier décile) contre 3 600 euros dans le dernier décile. Cette disparité témoigne d'une spécialisation des offices dans certains contentieux plus ou moins rémunérateurs (d'ailleurs évoquée par l'étude économique transmise par l'Ordre).
162. Ces honoraires moyens ont augmenté sur la période 2010-2014. Sur les 47 offices ayant communiqué des données détaillées sur le nombre de dossiers traités pour l'ensemble de ces années, on constate une évolution à la hausse de la facturation parallèlement à une stabilisation du contentieux (conduisant à une croissance du chiffre d'affaires). Toutefois, ce constat n'indique en rien une causalité : il est tout aussi possible que l'augmentation des honoraires ait été à l'origine d'un moindre recours des justiciables à la cassation (effet dissuasif d'une hausse des prix) ou que les honoraires aient été augmentés pour compenser la stabilisation du contentieux. En tout état de cause, la hausse des honoraires peut conduire à écarter les justiciables peu fortunés mais non-bénéficiaires de l'aide juridictionnelle ou les petites entreprises. En effet, l'aide juridictionnelle totale est attribuée à des foyers disposant de ressources mensuelles comprises entre 1 000 euros et 2 087 euros selon les cas de figure.76 Les foyers dont les revenus sont immédiatement supérieurs n'ont donc accès à aucune aide mais peuvent connaître des difficultés pour s'acquitter d'honoraires estimés entre 2000 et 3000 euros, ce qui restreint leur accès au juge, malgré l'obligation déontologique faite aux avocats de tenir compte des ressources de leurs clients77.
Tableau 4 : Évolution des honoraires (pour les 47 offices ayant renseigné les données relatives à leur activité pour toutes les années)
<TABLEAU>
Figure 3 : Évolution des honoraires (pour les 47 offices ayant renseigné les données relatives à leur activité pour toutes les années)
<GRAPHIQUE>
163. Les activités sous monopole assurent donc à ces offices des niveaux de chiffre d'affaires élevés. La liberté tarifaire octroie en outre à ces offices des marges de manœuvre pour maintenir leur rentabilité indépendamment des évolutions du contentieux.
164. Cette analyse pourrait justifier l'instauration d'une régulation des honoraires, voire de tarifs réglementés, qui, selon l'analyse économique, constituent la contrepartie traditionnelle du caractère monopolistique d'une activité. La possibilité en est d'ailleurs explicitement prévue au second alinéa de l'article L. 410-2 du Code de commerce, qui dispose que " [ ] dans les secteurs [ ] où la concurrence par les prix est limitée en raison [ ] de situations de monopole [ ], un décret en Conseil d'État peut réglementer les prix après consultation de l'Autorité de la concurrence ". Enfin, il convient de rappeler que les tarifs des prestations accomplies en monopole par les autres officiers ministériels sont réglementés par les dispositions du titre IV bis du livre IV de ce même code.
165. Il convient toutefois de noter, ainsi que l'a fait valoir l'Ordre dans une contribution complémentaire, que sur cette même période, la rentabilité par acte n'a pas augmenté parallèlement au chiffre d'affaires. S'il n'a pas été apporté d'explications à cette diminution du taux de marge, il ressort en effet des éléments fournis que les charges des offices, et en particulier les rétrocessions d'honoraires qui rétribuent les collaborateurs, ont connu une augmentation plus rapide que les chiffres d'affaires générés.
Une activité qui repose largement sur des collaborateurs.
166. Pour le traitement des dossiers, les offices d'avocats aux Conseils s'appuient sur des collaborateurs, le plus souvent extérieurs et rémunérés par rétrocessions d'honoraires (fixes ou variables). Ces derniers sont chargés d'analyser les dossiers et de rédiger les écritures de la partie que représente l'office, même si seul l'avocat aux Conseils a la capacité juridique de signer et de présenter ces mémoires. L'article 45 du règlement général de déontologie prévoit même que " la mention du nom d'un collaborateur de son cabinet ne peut apparaître dans une pièce de procédure ou une correspondance officielle ".
167. Ces collaborateurs ont une activité variable au sein de l'office. Il s'agit parfois d'une activité accessoire à une autre activité professionnelle (le plus souvent en qualité d'avocat à la Cour ou de professeur des universités). Dans certains cas, ces collaborateurs externes travaillent pour plusieurs cabinets d'avocats aux Conseils.
168. L'analyse des données d'activité de ces collaborateurs a été ramenée à un nombre d'" équivalents temps-plein " (ETP). Sur proposition de l'Ordre, il a ainsi été considéré qu'un ETP correspondait à la réalisation de 100 dossiers par an. Pour des collaborateurs plus occasionnels, une moyenne de 8 dossiers par mois a été retenue.
169. En 2014, les 56 offices ayant répondu sur ce point ont eu recours à 872 collaborateurs (y compris ceux qui travaillent pour plusieurs cabinets), représentant 375 ETP. Seuls deux cabinets ont déclaré n'avoir eu recours à aucun collaborateur sur la période.
170. Parmi ces collaborateurs, en ETP :
- 59 % sont des femmes et 41 % des hommes ;
- 75 % sont avocats, 9 % universitaires et 11 % juristes. L'activité principale des autres collaborateurs n'a pas été précisée. Il ressort des consultations qu'il s'agit notamment de doctorants en droit ;
- 9 % sont présentés comme " généralistes ", les autres comme spécialisés, soit en droit public (25 %), soit en droit pénal (5 %) et pour la plupart, en droit civil (54 %), déclinés par spécialités (notamment, pour les contingents les plus importants, en droit social et en droit commercial) ;
- 5 % seulement de ces collaborateurs sont salariés des offices, les 95 % restants étant rémunérés par rétrocessions, le plus souvent variables (70 %), et plus rarement fixes (30 %).
Tableau 5 : Titre des collaborateurs d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation
<TABLEAU>
171. Le nombre de collaborateurs employés par office est extrêmement variable. Si, en 2014, chaque office a eu recours à 6 ETP en moyenne, 50 % des offices ont en réalité recours à moins de 4 ETP, alors que 25 % des offices ont eu recours à plus de 10 collaborateurs et un office à 27 collaborateurs.
172. Ramené au nombre d'associés, la répartition des collaborateurs reste assez hétérogène. En moyenne, en 2014, chaque associé s'appuyait sur 3,5 collaborateurs à temps plein. Dans 10 % des offices, ce nombre était inférieur à 1, tandis que dans 10 % de ceux-ci, il était supérieur à 7.
Tableau 6 : Répartition par centile des offices (nombre de collaborateurs par associé)
<TABLEAU>
Le recours aux collaborateurs explique en partie la rentabilité élevée et la flexibilité de la profession
173. La très forte rentabilité de la profession est notamment liée au faible poids de la masse salariale dans les frais généraux (seulement 17 % du chiffre d'affaires). Cette faiblesse relative s'explique par le recours à des collaborateurs libéraux externes, dont les rétrocessions viennent, comptablement, en déduction des produits (et représentent 22 % du chiffre d'affaires). Le caractère variable de ces rétrocessions permet toutefois de lisser les charges en fonction des variations d'activité de l'office. En effet, si les associés s'engagent souvent par convention à attribuer à leurs collaborateurs un nombre minimal de dossiers par mois et leur versent tout de même une rémunération si ce quota n'est pas atteint, ces modalités d'organisation demeurent beaucoup plus souples qu'une relation salariée ou qu'un contrat de collaboration libérale prévoyant le versement d'une rétrocession d'honoraires mensuelle forfaitaire au bénéfice du collaborateur.
Figure 4 : Structuration d'un office (2014)
<GRAPHIQUE>
Figure 5 : Répartition de la valeur ajoutée des offices (2014)
<GRAPHIQUE>
Tableau 7 : Principaux postes comptables des offices
<TABLEAU>
174. La rémunération de ces collaborateurs a atteint en 2014, d'après les données communiquées, 32 millions d'euros hors taxes, majoritairement versée sous forme de rétrocession d'honoraires (29 millions d'euros).
175. En moyenne, cette rémunération s'est élevée à :
a. 85 000 euros bruts par ETP (soit un revenu de 7 000 euros brut mensuel environ) ;
b. 725 euros en moyenne par dossier (en faisant l'hypothèse que tous les dossiers sont traités par des collaborateurs), avec - par construction - une centaine de dossiers attribués par collaborateur à temps plein.
176. Ces montants se rapprochent de ceux citées dans le rapport d'information déposé par la commission des lois de l'Assemblée nationale le 17 décembre 2014, qui évoquait dans le cas d'une rémunération forfaitaire au dossier une valeur de l'unité de base, comprise entre 500 et 850 euros (selon que le collaborateur est débutant ou confirmé78), qui peut être multipliée par deux ou trois pour les dossiers les plus complexes.
177. Au vu de ces données, il semble difficile pour les avocats aux Conseils de s'investir de manière aussi approfondie dans chacune des affaires présentées. Alors que, par hypothèse (proposée par l'Ordre), le temps de traitement d'un dossier serait d'environ deux jours et demi par collaborateur (soit un ratio de 8 dossiers par mois ou 100 par an, en ne retenant que les jours ouvrés), chaque associé aurait traité en moyenne 468 dossiers par an sur la période 2010-2014, soit près de 2 par jour ouvré. Dix pour cent des professionnels en ont traité plus de 900 (et l'un d'entre eux, plus de 1 800, soit 6 par jour). Ils n'auraient dès lors consacré, en moyenne, qu'une demi-journée par dossier (sans compter la gestion de l'office), voire deux heures dans les cas extrêmes. Certes, beaucoup de dossiers, parmi ceux comptabilisés par les offices, ne représentent qu'une charge de travail limitée, puisqu'un dossier ouvert ne donne pas toujours lieu, ni à l'enregistrement, ni a fortiori au soutien du pourvoi, notamment lorsqu'en l'absence de moyen de cassation, l'avocat déconseille un tel pourvoi. Toutefois, en moyenne, ces dossiers compensent les dossiers complexes, qui demandent un examen plus approfondi.
178. Pour mémoire, la rémunération moyenne brute des avocats aux Conseils est de 543 000 euros par an, soit plus de 6,4 fois supérieure à la rémunération brute de leurs collaborateurs. Or, le rôle spécifique de l'associé ne réside pas tant dans la rédaction des écritures elles-mêmes que dans la gestion de l'office, le tri et l'attribution des dossiers aux collaborateurs, la définition et la mise en œuvre d'une stratégie de défense, la révision des écritures, leur présentation aux juridictions et, le cas échéant, l'éventuelle plaidoirie. Si de tels écarts de rémunération peuvent en partie s'expliquer par la nature différente des activités respectives des avocats aux Conseils et de leurs collaborateurs, il ne saurait être totalement exclu qu'ils résultent également en partie de la rareté des places d'associés dans les soixante offices existant actuellement.
179. Cette organisation spécifique et flexible des offices tend en outre à garantir la rentabilité des offices, car en cas de réduction du volume d'activité (moins de contentieux en cassation), les avocats aux Conseils associés peuvent réduire leur recours aux collaborateurs externes plus rapidement et aisément que s'il s'agissait de salariés. L'activité des avocats aux Conseils est ainsi caractérisée par la faiblesse de ses coûts fixes, qui évite les effets de ciseau en cas de diminution du contentieux.
Un accroissement récent du nombre de professionnels, très contrôlé par l'Ordre
180. Même si le nombre des avocats aux Conseils a récemment crû, la rentabilité des offices est restée très élevée et le nombre de dossiers traités par les associés et leurs collaborateurs est demeuré important.
181. Le nombre d'avocats aux Conseils a augmenté d'environ 20 % au cours des dix dernières années. Ils étaient 60, soit un par office, avant la création des SCP en 1978. Leur nombre a crû lentement dans les années 1980 et 1990, puis plus rapidement depuis dix ans. Il y a eu, entre 2004 et 2016, 29 départs et 49 arrivées. Ainsi, alors que les avocats aux Conseils étaient 91 en 2004, ils étaient 112 au 1er juillet 2016. D'après l'Ordre, le nombre prévisionnel est de 114 professionnels à la fin de l'année 2016. Ainsi que l'a fait valoir l'AJAC lors de son audition, il en a résulté un rajeunissement de la profession : 50 % des professionnels auraient aujourd'hui moins de 15 ans d'ancienneté dans l'Ordre. L'examen de la structure actuelle de la pyramide des âges laisse en outre prévoir un nombre d'entrées important du fait du renouvellement au sein des offices. En effet, actuellement douze avocats aux Conseils sont inscrits au tableau depuis plus de 35 ans et vingt-sept depuis plus de 30 ans. Tous ces professionnels sont libéraux, donc titulaires ou associés d'office. Aucun avocat aux Conseils salarié n'a à ce jour été nommé.
182. Pour autant, cette augmentation s'est faite uniquement par association au sein d'offices existants ou repris, sans création nette de nouveaux offices, dont le nombre est demeuré à 60 depuis 1816. À noter à cet égard, puisqu'il s'agit d'un des critères à prendre en compte dans le présent avis, qu'aucun office n'est vacant. L'évolution du nombre de professionnels doit également être rapprochée, d'une part du plafond théorique du nombre de professionnels libéraux (4 associés par office, soit 240) et d'autre part de la prise en charge par des collaborateurs externes d'une part substantielle de l'activité contentieuse.
<TABLEAU>
Un vivier de candidats potentiels à l'installation limité du fait d'un numerus clausus de la formation
183. La faiblesse du vivier potentiel de nouveaux avocats aux Conseils limite les évolutions possibles dans les deux années à venir (période de validité des recommandations de l'Autorité jusqu'à l'adoption d'un nouvel avis).
184. D'après les données communiquées par l'Ordre, en dehors de celles bénéficiant d'une éventuelle dispense, seules 32 personnes qualifiées pour exercer la profession d'avocats aux Conseils ne l'exerceraient pas actuellement en tant qu'associées ou salariées d'un office :
- 9 titulaires du certificat de fin de stage79 entre 1976 et 1991 ;
- 3 titulaires du CAPAC entre 1995 et 1999 ;
- 20 titulaires du CAPAC depuis 2005.
185. Parmi eux, 15 sont aujourd'hui collaborateurs d'avocats aux Conseils, 11 sont avocats à la Cour. Les 6 autres n'ont pas communiqué d'informations.
186. Toutefois, bien que diplômés non-nommés, tous ne sont pas candidat à la création d'un office dans le cadre des nouvelles dispositions. Ainsi :
- 7 de ces diplômés (tous après 2010) devraient être nommés prochainement ;
o 4 ont un dossier d'association ou de reprise d'office en cours d'examen à la Chancellerie ;
o 3 ont des projets d'installation précis.
- 5 auraient déclaré à l'Ordre ne pas souhaiter exercer la profession.
187. Ainsi, potentiellement, seuls 20 titulaires du CAPAC pourraient actuellement avoir un projet de création d'un office nouvellement créé. Toutefois, beaucoup d'entre eux exercent d'autres professions (le plus souvent en qualité d'avocats) et ne souhaitent pas nécessairement exercer la profession d'avocat aux Conseils, pour laquelle ils ont obtenu la certification il y a parfois longtemps (12 ont été diplômés il y a plus de 15 ans). Au cours de la consultation publique, 5 diplômés seulement ont explicitement exprimé le souhait d'exercer la profession et indiqué avoir rencontré des obstacles pour s'associer ou rependre un office. Il s'agit plutôt de diplômés récents.
188. Ainsi, parmi les diplômés, le vivier des entrants potentiels peut être estimé entre 5 (ceux qui ont explicitement mentionné avoir un projet d'installation lors de la consultation) et 20 (diplômés qui, sans avoir de projet d'installation, n'ont pas expressément exclu de s'associer). Si l'on exclut les personnes diplômées avant 1999, le vivier de candidats potentiels à l'installation s'élèverait à 8 personnes.
189. Il convient d'ajouter à cet effectif le flux de futurs professionnels reçus au CAPAC, soit parce qu'ils suivent des études à l'IFRAC (7 candidats inscrits)80, soit parce qu'ils peuvent bénéficier de " passerelles " les dispensant de suivre cette formation (professeurs, magistrats )
190. Un dernier cas doit être intégré, celui des candidatures d'avocats aux Conseils déjà en exercice dans les offices nouvellement créés. Cette hypothèse est de facto ouverte par l'article 24 du décret n° 91-1125 précité, tel qu'issu du décret du 20 mai n° 2016-652, qui prévoit la possibilité pour un avocat aux Conseils en exercice de postuler aux offices crées dans le cadre des recommandations de l'Autorité84.
191. Pour un titulaire d'office, cette hypothèse a peu de sens, car elle le conduirait à démissionner de l'office (dont il est titulaire) pour en créer un autre (dont il serait aussi titulaire). En outre, elle conduirait à une vacance de l'office initial et à sa réattribution, avec un effet neutre sur le nombre total d'offices85.
192. En revanche, un associé peut se retirer d'un office existant pour candidater à l'un des offices nouvellement créés. Il convient toutefois de distinguer deux cas de figures :
- Dans le cas d'un retrait à la suite d'une mésentente constatée par le Président du TGI de Paris, les articles 74 et suivants du décret n° 78-380 du 15 mars 1978 précité86, également modifiés par le décret du 20 mai 2016, prévoient que l'avocat aux Conseils qui se retire peut solliciter sa nomination à un office créé à son intention, en dehors des recommandations de l'Autorité87.
- En revanche, en l'absence de mésentente, un associé peut faire le choix de se retirer d'un office existant, le cas échéant en conservant ses parts dans son ancienne structure d'exercice, et se porter candidat à une nomination dans un office créé. Une telle création serait alors imputée au quota de créations recommandées par l'Autorité.
193. Cette dernière hypothèse n'apparaît pas pleinement satisfaisante au regard des objectifs de la loi. Certes, l'Autorité préconise des créations d'offices (et non pas un nombre de professionnels), mais elle doit le faire " pour assurer une offre de services satisfaisante "88. Or, des créations d'offices qui ne s'accompagneraient pas d'une augmentation du nombre de professionnels en exercice auraient un effet limité sur l'offre de services.
194. En tenant compte des associés actuels des offices, le vivier de candidats potentiels est plus élevé (rappel : il existe 112 avocats aux Conseils et 60 offices).
195. En définitive, même si le nombre d'offices est stable depuis deux siècles et que les effectifs réels au sein des offices existants sont très inférieurs aux limites théoriques (112 contre 240), l'éventuel accroissement du nombre de professionnels sera nécessairement limité à court terme, sauf candidatures d'associés en exercice, qui se retireraient volontairement de leurs offices actuels pour se porter candidats à une création. À plus long terme, il dépendra des effectifs de diplômés du CAPAC, donc des conditions d'accès à la formation, et du nombre de bénéficiaires de passerelles intéressés par une carrière d'avocat aux Conseils.
196. À l'horizon de deux ans fixé pour le présent avis, le vivier de candidats potentiels à l'installation dans un office créé peut être estimé au maximum, en excluant les avocats aux Conseils déjà en exercice, entre une dizaine et une quinzaine de personnes :
- 8 diplômés récents, sans projet d'installation, et n'ayant pas explicitement déclaré ne pas être candidats ;
- 4 futurs diplômés du CAPAC en pratiquant un taux d'admission de 50 % et en faisant l'hypothèse qu'ils feraient tous le choix de la création plutôt que de privilégier une association dans un office existant ;
- 2 bénéficiaires de " passerelles89 ", hypothèse haute compte tenu de leur petit nombre dans la profession jusqu'ici, mais qui pourrait évoluer à l'avenir en fonction de l'attractivité du dispositif.
197. Sachant que les deux dernières catégories ne pourraient créer un office que dans le cadre d'un appel à manifestation d'intérêt, prévues au mieux six mois après la publication des recommandations, et que les créations pourrait également se faire en association, limitant de fait le vivier pour les créations d'offices ultérieures.
<TABLEAU>
Synthèse
o L'activité sous monopole des avocats aux Conseils génère un chiffre d'affaires important, une très forte rentabilité et des revenus élevés.
o La liberté tarifaire et le recours à des collaborateurs non-permanents assure une flexibilité permettant de maintenir les produits et de contrôler les charges indépendamment de l'évolution du contentieux.
o Malgré une augmentation de 20 % au cours des 10 dernières années, le nombre de professionnels reste modeste. La formation dispensée par l'IFRAC étant très contrôlée par la profession, les effectifs actuels de titulaires du CAPAC ne permettent d'envisager, à l'horizon de deux ans, qu'une augmentation limitée du nombre de ces professionnels. Le vivier des créateurs d'offices peut être estimé à une dizaine de personnes.
2. ANALYSE QUALITATIVE : DES PRESTATIONS HOMOGÈNES DONT LA QUALITÉ FAIT L'OBJET D'UN AUTOCONTRÔLE DE LA PROFESSION
198. La littérature économique considère qu'une règlementation restrictive limite non seulement la concurrence entre les prestataires de services, mais réduit également les incitations des professionnels à travailler de manière efficace par rapport aux coûts, à abaisser leurs prix, à améliorer la qualité ou à offrir des services innovants.
199. L'examen de la qualité passe par une analyse de la structure du " marché " des prestations juridiques des avocats aux Conseils.
a) Les caractéristiques des prestations juridiques des avocats aux Conseils
200. La structure de marché des avocats aux Conseils présente des caractéristiques atypiques, voire antinomiques. Il s'agit d'une structure de marché conjuguant les avantages pour les offreurs des monopoles (prestations réservées) et des marchés concurrentiels (liberté des prix), sans en présenter les inconvénients (tarifs régulés et forte intensité concurrentielle). Lors des débats parlementaires de la loi du 6 août 2015, certains parlementaires ont qualifié cette situation de " monopolistique à honoraires libres "90. En outre, bien que bénéficiant d'une activité réservée devant la Cour de cassation et le Conseil d'État, les avocats aux Conseils sont libres d'exercer une activité en concurrence avec les avocats à la Cour devant les juridictions administratives du fond. Il semble donc exister une contradiction interne dans la structure même du marché et dans le fonctionnement intrinsèque de celui-ci.
Une relative homogénéité des prestations du point de vue de l'offre
201. Comme toute prestation intellectuelle, la qualité de la prestation juridique des avocats aux Conseils doit s'appréhender au regard de différents critères : choix des clients, sécurité juridique, délais d'exécution contraint, etc.
202. Au cas d'espèce, le niveau de concurrence est limité par le faible nombre d'offreurs (60 offices et 112 avocats) sur un marché de dimension nationale (environ 40 000 pourvois annuels). Cette limitation de la concurrence réduit les choix des demandeurs.
203. Dans la mesure où la formation généraliste et pluridisciplinaire dispensée à l'IFRAC aboutit à un haut niveau de technicité pour tous les diplômés, la qualité des prestations des avocats aux Conseils semble prima facie homogène, rendant globalement substituable l'offre d'un avocat aux Conseils à un autre. Généralistes, les avocats aux Conseils n'affichent aucune spécialité. Au demeurant, toute mention de spécialisation est interdite par le règlement général de déontologie (article 92). En outre, le recours à de nombreux collaborateurs, souvent très spécialisés, assure un haut niveau de qualité, pour tout type de contentieux.
204. Dans la version du règlement général de déontologie qui a été transmise aux services d'instruction, les mots : " à modifier " sont portés en italique à l'article 92 (qui interdit toute mention de spécialisation). Interrogé sur l'hypothèse d'une possible suppression de cette interdiction, le Conseil de l'Ordre l'a démentie, en indiquant que ce projet de modification se référait aux règles applicables à la publicité.
205. De son côté, le Conseil d'État constate néanmoins de facto " une certaine spécialisation des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation (certains sont absents du Conseil d'État, d'autres spécialisés en droit public, avec des dominantes : fiscalité, droit social, libertés publiques, commande publique ) ".
206. La quasi-homogénéité de la nature des prestations semble conduire à un alignement des prix vers des niveaux analogues, quel que soit l'office concerné. Le Conseil d'État a par exemple fait état d'honoraires autour de 2 500 euros par affaire, qui resteraient très inférieurs à ceux des avocats d'affaires par exemple. Il ressort de l'instruction que les prestations des avocats aux Conseils sont en général forfaitisées. Le montant du forfait de base facturé pour un dossier simple est généralement compris entre 2 000 et 3 500 euros, la plupart des dossiers étant facturés moins de 5 000 euros. Cette relative homogénéité tarifaire n'exclut pas certaines modulations par type de clientèle, l'honoraire pratiqué pouvant par exemple varier selon que l'avocat représente des particuliers peu fortunés ou des petites entreprises, ou entretient des relations privilégiées avec des clients institutionnels qui n'hésitent pas à diversifier leurs " sources d'approvisionnement " en prestations juridiques.
Une offre au service d'une clientèle segmentée en trois catégories
207. Du point de vue de la demande, on constate une segmentation de la clientèle, répartie en trois catégories :
- les personnes physiques et les PME ;
- les institutionnels privés ;
- les donneurs d'ordre publics, soumis aux règles issues de la commande publique.
208. Il convient de s'interroger sur les relations entretenues entre les avocats aux Conseils et ces trois catégories de clientèle, et d'examiner dans quelle situation d'asymétrie informationnelle se trouvent les clients.
209. Les économistes91 opèrent une classification des biens en fonction de l'information disponible pour le consommateur. Ainsi, les prestations sont qualifiées de " biens de recherche " si l'information sur la qualité est disponible avant l'achat, de " biens d'expérience " si elle se révèle après l'achat, et de " biens de confiance92 " si elle ne peut se révéler ni avant, ni après l'achat.
210. Or, la prestation juridique des avocats aux Conseils semble pouvoir être qualifiée de " bien d'expérience " 93, dans la mesure où la qualité est évaluable ex post, et ce, pour les trois types de clientèle (l'avocat à la Cour jouant le rôle de tiers de confiance pour les personnes physiques et les PME, permettant de réduire l'asymétrie informationnelle pour transformer un bien de confiance en bien d'expérience).
211. Les institutionnels privés et donneurs d'ordre publics sont, par leurs achats réguliers, davantage en capacité d'appréhender la qualité des prestations produites par les avocats aux Conseils. Dotées de directions juridiques, les grandes entreprises et les administrations peuvent non seulement définir leurs besoins en amont, mais également évaluer le service rendu, en aval. Elles sont généralement qualifiées d' " utilisateurs réguliers ", car elles recourent fréquemment à des prestations juridiques. De leur côté, les avocats aux Conseils s'appuient sur l'expertise technique des services juridiques internes de leurs clients institutionnels pour construire leur défense, à un point tel qu'il s'agit parfois d'une quasi-coproduction du dossier.
212. De leur côté, les personnes physiques et les PME faisant appel aux avocats aux Conseils de façon très occasionnelle sont des " utilisateurs ponctuels ". Cependant, la présence auprès du client occasionnel d'un avocat à la Cour, qui a souvent déjà suivi le contentieux en première instance et en appel, réduit l'asymétrie d'information. En tant que correspondant, l'avocat à la Cour permet, pour le compte de son client, de définir en amont précisément ses besoins, et en aval d'évaluer le service rendu.
213. Bien que l'offre soit relativement homogène, la perception qu'en ont les demandeurs peut varier. L'instruction a notamment mis en évidence que certains clients choisissent un avocat aux Conseils en fonction de spécialités alléguées ou plus prosaïquement, dans une optique de diversification de leurs prestataires juridiques.
b) Le contrôle actuel de la qualité
L'élaboration de normes organisationnelles
214. À partir de 2010, parallèlement à la mise en place du premier règlement de déontologie94, le conseil de l'Ordre des avocats aux Conseils s'est engagé dans une démarche de certification auprès de l'Agence française de normalisation.
215. Le référentiel AFAQ 226 décrit les activités des avocats aux Conseils et les engagements souscrits auprès de leurs correspondants. Il comprend des engagements de service (assortis des moyens mis en œuvre), des dispositions d'organisation, ainsi que des modalités de suivi et de pilotage du respect des engagements. Un audit interne est réalisé annuellement. Par ailleurs, un traitement et un suivi des réclamations donnent lieu à un bilan annuel. De plus, des indicateurs de qualité sont mis en place et chaque office détermine une limite en deçà de laquelle l'engagement de service est considéré comme non respecté. L'obtention de la certification de qualité doit être déclarée auprès de l'Ordre tout comme sa suspension, son retrait ou son échéance95. Enfin, l'auditeur de l'organisme doit être agréé par l'Ordre.
216. Le règlement général de déontologie consacre, quant à lui, trois articles à l'exigence de qualité, dont un relatif à l'obligation de formation continue.
217. À ces engagements, s'ajoutent la convention et la norme de saisie établie pour la dématérialisation de la procédure devant la Cour de cassation, ainsi que la charte organique de collaboration définie entre l'Ordre et le Conseil national des barreaux. Cette charte définit les modalités concertées entre les avocats aux Conseils et les avocats à la Cour, leurs règles déontologiques reposant sur des principes communs dans l'intérêt des justiciables. Il s'agit de favoriser la transparence et la concertation en vue de l'instruction, ainsi que l'enrichissement des dossiers soumis aux hautes juridictions.
218. La mise en place de ces outils d'évaluation et de détection des dysfonctionnements permet d'apprécier la qualité des prestations rendues. L'examen des réclamations et des sanctions permet également d'appréhender la qualité intrinsèque du service rendu.
Le traitement des réclamations et les sanctions
Le contentieux disciplinaire
219. En cas de commission d'infractions de droit commun ou de non-respect des règles professionnelles, le conseil de l'Ordre siégeant en formation disciplinaire est appelé à connaître des faits susceptibles de donner lieu à des sanctions disciplinaires. La décision disciplinaire peut faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État ou la Cour de cassation, selon le partage de compétences prévu au dernier alinéa de l'article 9 du décret 2002-76 du 11 janvier 200296.
220. L'article 184 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 énumère quatre peines disciplinaires : 1° l'avertissement97 ; 2° le blâme ; 3° l'interdiction temporaire, qui ne peut excéder trois années ; 4° la radiation du tableau des avocats, ou le retrait de l'honorariat.
221. Si la formation disciplinaire estime que les faits ne peuvent donner lieu qu'à une des sanctions prévues aux 1°, 2° et 4° de cet article 18498, alors elle prononce la décision de relaxe ou de sanction. Dans le cas contraire, elle rend un avis, qui est transmis au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Si elle estime que les conditions de son impartialité ne sont pas réunies, elle renvoie l'affaire devant le Conseil d'État ou à la Cour de cassation, qui se prononce sur l'action disciplinaire.
222. Statistiquement, il ressort de l'instruction que les manquements donnent lieu, en moyenne, à une à deux procédures disciplinaires par an99. Interrogé sur ce point, l'Ordre a transmis le nombre de procédures disciplinaires entre 2011 et 2016, sans pour autant transmettre le nombre de réclamations initialement engagées. On remarque que les sanctions disciplinaires concernent environ 1 % des avocats aux Conseils.
L'engagement de la responsabilité civile professionnelle
223. S'agissant des cas d'engagement de la responsabilité professionnelle de l'avocat aux Conseils (autre indicateur indirect de la qualité des prestations délivrées), un examen de la jurisprudence de la Cour de cassation permet de détecter les types d'affaires les plus fréquents, à savoir :
- délai de pourvoi dépassé non imputable à l'avocat aux Conseils100 ;
- défaut de paiement du solde par un client, et avocat délié de son obligation d'effectuer le dépôt effectif du pourvoi, dès lors que le versement de la totalité de la somme conditionnait le dépôt effectif du pourvoi101 ;
- perte de chance à un pourvoi d'aboutir102 ;
- omission de former un pourvoi et perte de chance sérieuse d'obtenir la cassation103 ;
- erreur dans la signification d'un mémoire104.
224. Entre 2013 et 2016, on recense entre sept et dix-neuf avis de rejet par an. Entre quatre et onze avis par an retiennent la responsabilité de l'avocat aux Conseils. Le préjudice évalué s'échelonne entre 1 500 euros et 50 000 euros par affaire. En 2016, six affaires restent en attente.
225. Au vu de ce qui précède, l'Autorité de la concurrence estime que l'élaboration de normes organisationnelles, les statistiques relatives au contrôle disciplinaire placé sous le double contrôle de l'Ordre et des juridictions concernées, tout comme le faible contentieux en matière de responsabilité professionnelle, sont autant d'indicateurs pertinents pour apprécier le niveau élevé de qualité des prestations délivrées par les avocats aux Conseils.
226. À l'avenir, l'instauration d'un médiateur au sein de toutes les organisations professionnelles pour la résolution des litiges contractuels entre professionnels et consommateurs, imposée par l'ordonnance du 20 août 2015 qui transpose la directive du Parlement européen et du Conseil relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation (" RELC ") du 21 mai 2013, devrait fournir un instrument supplémentaire de mesure de la qualité des prestations. Si le dispositif afférent aux avocats à la Cour a été mis en place le 2 juin 2016, pour le moment, les avocats aux Conseils n'ont pas encore procédé à la désignation d'un médiateur. Interrogé sur ce point, l'Ordre a indiqué que la question est en cours d'examen. L'Autorité estime que la mise en place d'un tel médiateur est de nature à renforcer le dispositif de contrôle de la qualité.
B. ÉTAT DES LIEUX DE LA DEMANDE : UNE STABILISATION DU CONTENTIEUX DEVANT LE CONSEIL D'ÉTAT ET LA COUR DE CASSATION, QUI DEVRAIT SE POURSUIVRE, VOIRE S'ACCENTUER
227. Les critères permettant d'évaluer le niveau et les perspectives d'évolution de la demande, déterminés par le décret n° 2016-215 du 26 février 2016, sont les suivants :
- l'évolution de l'activité de la Cour de cassation et de la section du contentieux du Conseil d'État au cours des cinq dernières années telle que résultant des rapports d'activité publiés annuellement par ces deux juridictions sur le fondement des articles R. 431-9 du code de l'organisation judiciaire et R. 123-5 du code de justice administrative ;
- l'évolution du nombre de décisions prononcées par les juridictions du fond susceptibles de pourvoi en cassation au cours des cinq dernières années.
1. DEVANT LE CONSEIL D'ÉTAT, LE CONTENTIEUX IMPLIQUANT LES AVOCATS AUX CONSEILS EST EN DIMINUTION
a) On constate une diminution du nombre de dossiers enregistrés par le Conseil d'État
Détermination d'un périmètre
228. Le nombre de dossiers enregistrés et traités par le Conseil d'État est variable selon le périmètre retenu. Toutefois, que l'on raisonne en affaires enregistrées ou en décisions rendues, en données nettes ou brutes, les tendances sont les mêmes, avec une diminution du contentieux au cours des cinq dernières années, à l'exception, de l'année 2014, au cours de laquelle les contestations du redécoupage cantonal ont donné lieu à un contentieux massif, mais très conjoncturel (2 626 affaires).
Tableau 8 : affaires portées devant le Conseil d'État selon les différents périmètres
<TABLEAU>
229. Les avocats aux Conseils interviennent en amont du dépôt de l'introduction d'un pourvoi ou d'un recours devant le Conseil d'État, puis tout au long de la vie d'un dossier (mémoires en défense, en réplique, plaidoirie ). Pour cette raison, parmi les différents périmètres exposés dans le tableau ci-dessus, l'analyse qui suit se fonde essentiellement sur le nombre d'affaires enregistrées par le Conseil d'État pour chaque année. Ce nombre fournit en effet une indication précise de l'activité des avocats aux Conseils au cours de l'année, mais également au cours de l'année suivante, compte tenu du délai de traitement des dossiers, en moyenne d'un an, deux mois et deux jours, d'après le rapport 2016 du Conseil d'État. Ces montants diffèrent légèrement du nombre des affaires réglées par le Conseil d'État pour une année donnée, puisque les affaires enregistrées ne sont pas toutes jugées au cours de la même année civile. La différence est constituée par les variations du stock d'affaires en instance, qui est plutôt en diminution, ce qui indique que le nombre d'affaires réglées est supérieur à celui des affaires enregistrées.
230. L'analyse se fonde par ailleurs sur des données nettes, en tenant compte de manière spécifique des affaires en " séries ", qui consistent à répliquer pour un grand nombre de requérants des écritures proches et ne donnent donc pas lieu à travail spécifique et complémentaire important, ni de la part des avocats aux Conseils, ni de celle des magistrats du Conseil d'État.
La diminution du contentieux est progressive depuis environ 10 ans
231. À l'exception de certains contentieux de nature exceptionnelle, comme celui concernant le redécoupage cantonal (2 626 affaires), on constate une réduction du nombre d'affaire enregistrées depuis 2004, année pendant laquelle un plafond a été atteint avec la mise en œuvre d'une réforme tendant à faire du Conseil d'État le juge de cassation de certaines affaires dans lesquelles les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort, sans intervention des cours administratives d'appel.
232. Hors le cas des ordonnances du président de la section du contentieux, qui ne font pas intervenir les avocats aux Conseils (il s'agit des recours contre les refus d'aide juridictionnelle et des questions de répartition de compétence au sein de la juridiction administrative), le nombre d'affaires enregistrées chaque année est ainsi passé de 8 566 en 2000 à 7 315 en 2015, soit une diminution de 14 %, depuis le pic de 2004 (10 553). Entre 2010 et 2015, référence retenue par le décret précité pour déterminer le nombre d'offices à créer, la réduction s'est poursuivie (- 7,8 %).
233. Auditionnés au cours de la séance du 27 septembre 2016, le Vice-président du Conseil d'État et le président de la Section du contentieux ont fait valoir que la réduction du contentieux était inéluctable. Ils estiment qu'à terme, le Conseil d'État devrait être amené à concentrer son activité sur un socle d'environ 2 000 affaires par an, avec une attention particulière portée aux questions de droit nouvelles, à l'unité de la jurisprudence européenne ou à la question de l'égalité entre les citoyens.
Tableau 9 : affaires enregistrées par le Conseil d'État (nettes des séries)
<TABLEAU>
Figure 6 : affaires enregistrées par le Conseil d'État (nettes des séries)
<GRAPHIQUE>
234. Il est important de noter que les compétences du Conseil d'État ne se limitent pas aux pourvois en cassation. Il intervient en premier et dernier ressort (par exemple pour juger les recours en excès de pouvoir contre les ordonnances, les décrets et les actes réglementaires des ministres) et en appel (de certains jugements de tribunaux administratifs par exemple). La cassation à proprement parler, seul domaine dans lequel l'intervention d'un avocat aux Conseils d'État est obligatoire dans la très grande majorité des cas, représente les deux tiers des affaires enregistrées (66 %).
Figure 7 : Répartition des affaires enregistrées par le Conseil d'État par type de contentieux (2015)
<GRAPHIQUE>
Les évolutions du contentieux sont cependant variables selon les matières, et la baisse globale constatée est essentiellement liée à celle du contentieux des étrangers
235. Le contentieux traité par le Conseil d'État concerne des matières variées, avec néanmoins une part importante pour le contentieux des étrangers (17 %), fiscal (16 %), de la fonction publique (9 %) et de l'urbanisme (7 %), qui représentent environ 50 % des affaires enregistrées.
Figure 8 : répartition des affaires enregistrées par le Conseil d'État par matière (2015)
<GRAPHIQUE>
236. Mais ces différentes matières connaissent des évolutions variables. En particulier, le contentieux des étrangers a fortement diminué, tant en valeur absolue qu'en valeur relative, passant de 5 719 affaires enregistrées en 2000 (soit 47 % du total) à 1 441 affaires en 2015 (soit 17 %), alors que l'évolution des autres matières a été relativement stable. C'est donc la diminution du contentieux des étrangers qui explique l'essentiel de la diminution du nombre d'affaires enregistrées par le Conseil d'État. Ainsi, si l'on exclut le contentieux des étrangers et, pour l'année 2014, celui relatif au redécoupage cantonal, le nombre d'affaires enregistrées s'élevait à 6 409 en 2000, 7 629 en 2010 (+ 19 %) et 7 286 en 2015 (- 4 %), soit une stabilisation relative.
<TABLEAU>
Figure 9 : Évolution des entrées dans les quatre principales matières (2000-2015)
<GRAPHIQUE>
Figure 10 : Évolution comparée du contentieux des étrangers et des autres matières (2000-2015)
<GRAPHIQUE>
Tableau 10 : Évolution comparée du contentieux des étrangers et des autres matières (2000-2015)
<TABLEAU>
237. Ainsi, alors même qu'il a fortement augmenté en première instance et en appel, le Conseil d'État est moins saisi du contentieux des étrangers (refus de délivrance de titre de séjour, refus de visa, refus de reconnaissance de la qualité de réfugié, décision d'éloignement). La principale explication tient à la réforme des procédures, avec, d'une part, la mise en œuvre du décret du 10 novembre 2000 (selon lequel les recours contentieux contre les refus de visa doivent désormais être précédés d'un recours administratif préalable devant une commission spécialement créée à cet effet auprès du ministre des Affaires étrangères) et, surtout, le transfert le 1er janvier 2005 aux cours administratives d'appel de la compétence pour connaître des recours formés contre les jugements des tribunaux administratifs statuant en matière de reconduite à la frontière (le Conseil d'État n'ayant plus, à cet égard, qu'une compétence en voie de cassation).
238. D'après l'audition réalisée par l'Autorité auprès du Conseil d'État, un autre élément d'explication du faible taux de pourvoi en cassation tient à la sélectivité plus grande de l'admission de ceux-ci par la juridiction, à travers la procédure de non-admission mais également, en amont, une sélectivité renforcée de l'aide juridictionnelle. En effet, alors que, pour une large part, les étrangers concernés disposent de ressources insuffisantes pour recourir aux services d'un avocat sans aide juridictionnelle, le Conseil d'État a renforcé le tri des demandes d'aide juridictionnelle dont l'attribution est très sélective, notamment quand les deux juridictions du fond se sont prononcées dans le même sens, les pourvois étant souvent jugés dans ce cas comme purement dilatoires. Le taux d'attribution de l'aide juridictionnelle a été de 13 % seulement sur la période 2000-2015 et de 9 % seulement en 2015.
239. On observe ainsi un très faible taux de pourvoi en cassation dans les contentieux de masse, pourtant majoritaires devant les juridictions du fond (droit au logement opposable, droit des étrangers, contentieux sociaux notamment). Dans ces matières, le Conseil d'État est surtout appelé à trancher les questions de droit à travers les demandes d'avis adressées par les juridictions du fond, qui ne font pas intervenir les avocats aux Conseils, mais résultent d'échanges entre juridictions.
Tableau 11 : aide juridictionnelle devant le Conseil d'État
<TABLEAU>
En outre, parmi les pourvois en cassation enregistrés, seule une minorité donne lieu à admission et à examen approfondi
240. Hors de très rares exceptions, les pourvois enregistrés devraient normalement être déposés par un avocat aux Conseils. Mais ce n'est pas toujours le cas, puisque 26 % des affaires sont rejetées pour défaut de ministère d'avocat. À noter par ailleurs que dans certains cas de non-lieux (9 % des affaires en 2015) et lors de la mise en œuvre de la procédure de non-admission pour défaut de moyen sérieux, mise en œuvre par la section du contentieux, et qui apparaît de plus en plus sélective (40 % des affaires non admises de ce fait en 2015, contre 23 % en 2001), le travail des avocats aux Conseils peut se trouver allégé (absence de mémoire en réplique et d'audience).
241. Par suite, si l'évolution quantitative du contentieux devant le Conseil d'État est un bon indicateur de l'évolution de l'activité des avocats aux Conseils, la relation entre les deux n'est pas linéaire. En effet, une importante baisse du contentieux ne se traduit pas nécessairement par une baisse analogue du chiffre d'affaires des avocats. À titre d'exemple, une baisse du nombre de pourvois devant le Conseil d'État en matière de contentieux des étrangers, majoritairement bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, aura un impact limité sur le chiffre d'affaires des offices. De façon analogue, si le nombre de pourvois diminue en raison d'un durcissement des conditions de recevabilité, la baisse d'activité pour les avocats aux Conseils sera atténuée par l'éventuel accroissement de l'activité consultative préalable105 sur les chances de succès du justiciable qui en résultera.
Figure 11 : Tri des pourvois en cassation devant le Conseil d'État (2015)
<GRAPHIQUE>
Figure 12 : Évolution dans la sélectivité des pourvois en cassation devant le Conseil d'État (2001-2015)
<GRAPHIQUE>
En revanche, une fois le pourvoi admis, le taux de satisfaction est relativement élevé
242. Dans le contentieux de la cassation, où l'intervention des avocats aux Conseils est quasi-systématique, la satisfaction du requérant peut prendre plusieurs formes : annulation totale ou partielle de la décision contestée, décharge totale ou partielle d'imposition par exemple.
243. Une fois l'affaire admise, le taux d'annulation des juges du fond en cassation devant le Conseil d'État était de 61 % en 2015, les ¾ de ces affaires étant cependant seulement renvoyés vers les juges du fond pour qu'ils statuent à nouveau.
Tableau 12 : Affaires admises en cassation et réglées pendant la période - Taux de renvoi et taux d'annulation
<TABLEAU>
b) Les avocats aux Conseils interviennent dans la majorité des affaires enregistrées par la section du contentieux du Conseil d'État
Les avocats aux Conseils interviennent y compris dans les dossiers où leur intervention est facultative
244. S'agissant de la cassation, qui représente les deux tiers des affaires enregistrées par le Conseil d'État (66 %), l'intervention des avocats aux Conseils est quasiment systématique.
245. Dans les autres contentieux, lorsque le Conseil d'État statue en première instance ou en appel, leur intervention est, dans la plupart des cas, facultative, parce que les requérants peuvent être dispensés du ministère d'avocat ou recourir à un avocat à la Cour. Toutefois, il leur arrive souvent d'intervenir. En 2015, cela a été le cas dans un tiers des décisions rendues, tant en première instance (34 %) qu'en appel (33 %).
246. Leur intervention, bien que minoritaire, est d'ailleurs en augmentation. En première instance, les avocats aux Conseils sont intervenus en moyenne dans 26 % des décisions rendues depuis 2000, mais cette part a été portée sur cette période de 15 % à 34 %. Cette augmentation s'est faite au détriment des affaires ne donnant pas lieu à l'intervention d'un conseil (de 81 % en 2000 à 33 % en 2015), tandis que les avocats à la Cour ont également vu la part de leurs interventions augmenter, pour atteindre 33 %. C'est donc le recours à un conseil de manière générale qui a augmenté, de 18 % à 67 %. On retrouve cette évolution dans les affaires relevant des compétences du Conseil d'État en matière d'appel. Les affaires faisant intervenir un avocat ont été portées de 35 % à 69 % sur la période, avec une répartition assez équitable entre avocats aux Conseils et à la Cour (respectivement 33 % et 36 %). L'exception constituée par l'année 2014 est liée au contentieux de masse relatif au découpage cantonal, dans lequel l'intervention de conseils a été très minoritaire.
Tableau 13 : Décisions rendues en premier ressort au Conseil d'État
<TABLEAU>
Tableau 14 : Décisions rendues en appel au Conseil d'État (hors requêtes présentées par un ministre)
<TABLEAU>
Figure 13 : Modalités de défense en première instance au Conseil d'État
<GRAPHIQUE>
Figure 14 : Modalités de défense en appel au Conseil d'État
<GRAPHIQUE>
247. Toutefois, on ne peut déduire de ce premier constat que le recours global aux avocats aux Conseils a augmenté. En effet, cette évolution en proportion s'inscrit dans un contexte de réduction du contentieux. En valeur absolue, le nombre de dossiers de première instance et d'appel faisant intervenir un avocat aux Conseils s'est donc réduit sur la période, en particulier au cours des 5 dernières années (au total : 680 dossiers en 2000, 1 033 en 2010 mais 575 en 2015).
Figure 15 : Nombre de décisions selon les modalités de défense en première instance
<GRAPHIQUE>
Figure 16 : Nombre de décisions selon les modalités de défense en appel
<GRAPHIQUE>
248. Autre contentieux dans lequel leur intervention n'est pas systématique : les QPC, puisque dans ce cas, le recours ou non aux avocats aux Conseils est déterminé par leur intervention dans l'affaire au fond. L'article R* 771-20 du CJA prévoit en effet que : " Si la requête dont est saisie la juridiction qui a décidé le renvoi est dispensée du ministère d'avocat devant cette juridiction, la même dispense s'applique à la production des observations devant le Conseil d'État ; dans le cas contraire, et sauf lorsqu'elles émanent d'un ministre ou du Premier ministre, les observations doivent être présentées par un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. " Dans les faits, leur intervention est minoritaire, avec une part relativement stable (entre 37 et 43 % des mémoires). Et dans ce domaine également, le volume du contentieux est en diminution.
Tableau 15 : Questions prioritaires de constitutionnalité devant le Conseil d'État du 1er mars 2010 au 31 décembre 2015 (sauf séries)
<TABLEAU>
249. Ainsi, si le recours à un conseil, quel qu'il soit, s'est généralisé, avec notamment une réduction des dispenses de ministère d'avocat, d'une part il ne s'est pas fait au seul profit des avocats aux Conseils et, d'autre part, il s'est effectué dans le cadre d'un contentieux en réduction.
2. UN CONTENTIEUX EN FORTE AUGMENTATION DEVANT LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES DE PREMIÈRE INSTANCE ET D'APPEL, MAIS SANS EFFET NOTABLE SUR L'ACTIVITÉ DES AVOCATS AUX CONSEILS
a) Si le contentieux est en forte augmentation devant les juridictions de première instance et d'appel, il donne rarement lieu à cassation
250. Les juridictions de droit commun de l'ordre administratif sont les tribunaux administratifs (première instance) et les cours administratives d'appel (appel). Il existe également de nombreuses juridictions spécialisées, qui font l'objet d'un paragraphe spécifique.
Figure 17 : La carte des juridictions administratives
<GRAPHIQUE>
Une augmentation rapide du contentieux
251. Le contentieux devant les juridictions administratives de première instance et d'appel (de droit commun, hors juridictions spécialisées), a connu une augmentation au cours des cinq dernières années (+ 10 % d'affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs entre 2010 et 2015, + 11 % devant les cours administratives d'appel).
Tableau 16 : Contentieux devant les juridictions administratives du fond
<TABLEAU>
Figure 18 : Évolution du contentieux devant les tribunaux administratifs
<GRAPHIQUE>
Figure 19 : Évolution du contentieux devant les cours administratives d'appel
<GRAPHIQUE>
Une augmentation variable selon les contentieux et sans effet significatif à attendre sur la cassation
252. L'enjeu est donc de déterminer l'incidence de cette évolution sur le contentieux devant le Conseil d'État. En effet, l'intervention directe des avocats aux Conseils devant les juridictions administratives du fond, si elle est autorisée, reste extrêmement marginale.
253. En premier lieu, on peut noter que le taux de pourvoi en cassation est globalement peu élevé. Seuls 5 % des jugements des tribunaux administratifs et 12 % des arrêts des cours administratives d'appel font l'objet d'un pourvoi.
Tableau 17 : Taux de pourvoi sur les jugements des tribunaux administratifs et des arrêts des cours administratives d'appel (en données nettes)
<TABLEAU>
254. En second lieu, si le contentieux devant les juridictions administratives du fond, susceptible de cassation, a augmenté, cette hausse a été pour l'essentiel concentrée sur quelques matières : droit des étrangers (+ 29 %, soit 70 % des nouvelles affaires), contentieux relatif au logement, notamment suite à la mise en place d'un droit au logement opposable (+ 61 %, soit 28 % de l'augmentation). Les autres matières ont connu des évolutions beaucoup plus mesurées (+ 2 %).
Figure 20 : Répartition par matières du contentieux devant les juridictions administratives du fond (2014)
<GRAPHIQUE>
Figure 21 : Évolution du contentieux par matière
<GRAPHIQUE>
255. Ainsi qu'il a été dit plus haut, ces deux types de contentieux font presque systématiquement l'objet d'une demande d'aide juridictionnelle et sont très rarement poursuivis lorsque celle-ci est refusée. Or, l'attribution de celle-ci est sélective. Les évolutions sur la même période du contentieux devant le Conseil d'État indiquent d'ailleurs que le contentieux des étrangers fait rarement l'objet de pourvois. Il a notamment diminué significativement lorsque la compétence du Conseil d'État en appel a été transférée aux cours administratives d'appel au profit de la seule voie de la cassation.
256. Il en résulte que l'accroissement du contentieux devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel ne se traduit pas (et ne devrait pas se traduire dans un avenir proche) par une augmentation du contentieux devant la juridiction suprême de l'ordre administratif. Par suite, le recours aux avocats aux Conseils dans l'ordre administratif pourrait se stabiliser, voire décroître, sauf si ceux-ci multipliaient leurs interventions devant les juridictions du fond, où ils sont en concurrence avec les avocats à la Cour.
b) Le contentieux devant les juridictions administratives spécialisées et son incidence sur l'activité du Conseil d'État sont limités
257. On recense aujourd'hui dans l'ordre juridique français une soixantaine de juridictions spécialisées, dont une trentaine relève du domaine de la justice administrative. Elles peuvent être distinguées selon leurs principaux domaines d'intervention, le droit des étrangers, le domaine disciplinaire et la matière sociale.
258. Le domaine du droit des étrangers compte la plus importante des juridictions administratives spécialisées, en termes de flux contentieux, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui est compétente pour statuer sur les recours formés contre les décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) accordant ou refusant le statut de réfugié et la protection subsidiaire.
259. Un second domaine recouvre la discipline de certaines professions assujetties à des obligations déontologiques particulières. Le Conseil supérieur de la magistrature est ainsi une juridiction administrative spécialisée, lorsqu'il statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Relèvent également de ce domaine spécialisé les juridictions disciplinaires régionales et nationales des ordres professionnels.
260. Le domaine social, enfin, est également un secteur privilégié des juridictions administratives spécialisées. Relèvent de cette catégorie les juridictions de l'aide sociale avec la Commission centrale d'aide sociale, ainsi que les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale et, en appel, la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale.
261. Parmi ces différentes juridictions, l'activité est très variable, de même que la part de dossiers susceptibles de pourvoi en cassation, et donc d'une intervention des avocats aux Conseils.
262. La CNDA a connu en 2015 un accroissement de 3,5 % des entrées, après une année 2014 qui enregistrait déjà +7,5 %, soit 38 674 recours enregistrés contre les décisions de l'OFPRA.
Tableau 18 : nombre de recours devant la CNDA
<TABLEAU>
263. Ce contentieux est donc très abondant et croissant. Toutefois, comme pour le reste du contentieux des étrangers, ainsi qu'il a été indiqué plus haut, ces affaires ne donnent que très rarement lieu à pourvoi en cassation. En 2015, 623 décisions de la CNDA ont fait l'objet d'un pourvoi (727 décisions en 2014) dont 6 pourvois introduits par l'OFPRA et 617 par des requérants. Et ces pourvois, une fois enregistrés, ne sont que rarement admis. À l'issue de la procédure d'admission, le Conseil d'État ne s'est prononcé que sur 22 pourvois en 2015 (45 en 2014) et a censuré 14 décisions.
264. L'activité des autres juridictions est, quant à elle, plus anecdotique, que ce soit en matière de discipline professionnelle ou de contentieux sociaux. Elle n'est pas susceptible de nourrir une part significative de l'activité des avocats aux Conseils.
Tableau 19 : aperçu statistique d'activité de juridictions spécialisées en matière de discipline professionnelle en 2015
<TABLEAU>
Tableau 21 : Commission centrale d'aide sociale (CCAS)
<TABLEAU>
3. LE CONTENTIEUX DEVANT LA COUR DE CASSATION S'EST STABILISÉ MALGRÉ L'ACCROISSEMENT DE L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS D'APPEL
Un contentieux stabilisé devant la Cour de cassation
265. Tandis que le volume du contentieux porté devant le Conseil d'État a récemment diminué, celui porté devant la Cour de cassation s'est stabilisé.
266. Ainsi, si l'accroissement du nombre des pourvois civils au cours des années 1980 avait conduit à une très forte croissance du stock d'affaires à juger (de 16 132 en 1979 à 37 416 en 1995), on observe depuis 1989 une relative stabilité des saisines nouvelles (19 977 affaires civiles et 7 525 affaires pénales enregistrées en 1989, 20 412 affaires civiles et 7 820 affaires pénales enregistrées en 2015).
267. Sur une période plus courte, après une réduction significative du nombre de dossiers au milieu des années 2000, celui-ci est reparti à la hausse mais connaît, après un pic en 2011, une nouvelle diminution. Le nombre d'affaires enregistrées s'est élevé en 2015 à 28 471 contre 31 109 en 2011 (- 8 %).
Tableau 22 : Activité de la Cour de cassation (en nb d'affaires)
<TABLEAU>
Figure 22 : Activité de la Cour de cassation (en nb d'affaires)
<GRAPHIQUE>
268. Parmi ces entrées, la majorité des affaires enregistrées par la Cour de cassation sont examinées par une formation de trois magistrats106, plutôt que par les formations de section. Cet examen conduit souvent à des décisions de rejet non motivées, dites de non-admission, en raison de l'absence de moyens sérieux ou du caractère irrecevable du pourvoi. Cette tendance est beaucoup plus marquée devant la chambre criminelle (55 % de non admission contre 19 % devant les chambres civiles et sociale depuis 2010). De surcroît, dans beaucoup de cas (2 702 en 2015), le pourvoi n'est pas même soutenu (déclaration de pourvoi non suivie par le dépôt d'un mémoire ampliatif développant les moyens de droit invoqués).
269. Le taux de cassation est quant à lui très supérieur dans le domaine civil, puisqu'il s'est élevé en moyenne à 26 % entre 2010 et 2015, contre 7 % dans le domaine pénal. Il est cependant délicat d'en tirer la conclusion, ainsi que l'ont soutenu certains contributeurs, que ces divergences témoigneraient de la valeur ajoutée des avocats aux Conseils, au motif que devant les chambres où leur intervention est obligatoire (chambres civiles) le taux de satisfaction des clients est supérieur à celle devant laquelle il est facultatif (ils n'interviennent que dans 29 % des dossiers devant la chambre criminelle).
270. En effet :
- D'une part, le taux de cassation n'est qu'un indicateur imparfait de l'efficacité des avocats aux Conseils, dès lors que ceux-ci sont également, dans les affaires civiles, impliqués en défense ;
- D'autre part, tirer cette conclusion présuppose qu'il devrait y avoir une différence d'efficacité, dans ce domaine où leur intervention est facultative entre les affaires où ils interviennent et celles où ils n'interviennent pas, ce qui n'est étayé par aucune donnée ;
- Enfin et surtout, ces contentieux sont de nature très différente, et les taux de succès des pourvois ne sont en rien comparables.
Tableau 23 : Sens des décisions de la cour de cassation
<TABLEAU>
271. Cependant, il ressort des statistiques détaillées transmises par la Cour de cassation sur le contentieux devant sa chambre criminelle que l'intervention des avocats aux Conseils accroît, en moyenne, les chances de succès d'un pourvoi. Ainsi, alors que les avocats aux Conseils ne sont intervenus au cours des années 2010-2015 que dans 29 % des affaires enregistrées devant la chambre criminelle, ils ont obtenu la cassation de l'arrêt de la cour d'appel dans 22 % des pourvois soutenus, contre un taux de cassation de 12 % pour les mémoires personnels.
272. Toutes choses égales par ailleurs, il y aurait donc un gain à faire appel à leurs services. Il apparaît que cette valeur ajoutée est essentiellement liée au fait que les mémoires soutenus par les avocats aux Conseils franchissent plus aisément l'examen de l'admission. En effet, alors que 49 % des pourvois par mémoire personnel soutenus ne sont pas admis, ce n'est le cas que de 10 % des pourvois déposés par avocat aux Conseils. Ces chiffres, s'ils ne permettent pas de se prononcer sur la pertinence des moyens de cassation respectivement développés dans les mémoires déposés par les avocats aux Conseils et les mémoires personnels, font en revanche apparaître le caractère effectif du " filtre " exercé par les avocats aux Conseils, et l'exercice d'une capacité de dissuasion à l'égard des pourvois peu justifiés.
Tableau 24 : Intervention des avocats aux Conseils devant la chambre criminelle de la Cour de cassation
<TABLEAU>
Le contentieux devant les juridictions judiciaires du fond semble lui aussi s'être stabilisé en matière civile et pourrait diminuer à l'avenir en matière pénale
273. L'activité devant les cours d'appel, susceptible donc de donner lieu à des pourvois en cassation, après avoir connu une forte augmentation dans les années 2000, semble se stabiliser, mais à un niveau élevé et surtout en matière civile. L'activité reste plus dynamique en matière pénale.
Tableau 25 : Activité des cours d'appel
<TABLEAU>
Figure 23 : activité des cours d'appel
<GRAPHIQUE>
274. Toutefois, ces évolutions ne devraient pas donner lieu à une augmentation forte du contentieux devant la Cour de cassation.
275. En matière civile, le taux de pourvoi en cassation reste stable. S'il n'existe pas de statistique précise sur ce taux, faute de pouvoir identifier précisément les affaires au fil de leur examen par les différentes juridictions, une bonne approximation en est donnée par le ratio entre les affaires nouvelles enregistrées devant la Cour de cassation et les affaires jugées devant les cours d'appel (compte tenu des faibles délais de recours : en général de deux mois). Or, ce ratio indique - en ce qui concerne les chambres civiles - un taux de pourvoi relativement stable, autour de 10 %. Par suite, la stabilisation des appels en matière civile devrait conduire à une stabilisation des pourvois. Toutefois, l'augmentation du taux d'appel des jugements de première instance pourrait conduire à tempérer cette affirmation.
Tableau 26 : Ratio des affaires nouvelles en cassation (civil) sur les affaires jugées en cour d'appel (civil)
<TABLEAU>
Tableau 27 : Taux d'appel des jugements prononcés au fond
<TABLEAU>
276. En matière pénale, si l'activité des cours d'appel est dynamique (+ 6 % entre 2010 et 2015), d'une part l'intervention des avocats aux Conseils n'est pas systématique en la matière et, surtout, on constate une diminution significative du contentieux devant les tribunaux correctionnels, principaux pourvoyeurs des appels, indépendamment de l'absence de comparabilité entre les données avant et après 2012, avec une diminution de 21 % du contentieux entre 2004 et 2011, puis de 11 % entre 2012 et 2015.
Tableau 28 : Activité des tribunaux correctionnels
<TABLEAU>
En outre, comme devant le Conseil d'État, l'attribution de l'aide juridictionnelle est sélective devant la Cour de cassation et conduit à limiter le recours à la cassation.
277. D'après le rapport annuel 2015 de la Cour de cassation : " L'octroi de l'aide juridictionnelle devant la Cour de cassation est subordonné non seulement à la condition de ressources que connaissent tous les bureaux d'aide juridictionnelle, mais aussi à une exigence propre, née de la spécificité du recours en cassation, celle de l'existence d'un moyen sérieux de cassation, exigence dont la conventionnalité a été reconnue par deux arrêts du 26 février 2002 de la Cour européenne des droits de l'homme (Del Sol c. France, no 46800/99 ; Essaadi c. France, no 49384/99). ".
278. Ainsi, le taux global d'admission s'élève à 23,49 % (22,87 % en 2014), étant observé que les admissions sont moins nombreuses en matière civile (21,58 %) qu'en matière pénale (33,19 %), où, en considération de certaines circonstances, tels la condamnation à une lourde peine ou le placement en détention provisoire, seule la condition de ressources est parfois retenue.
Tableau 29 : répartition des décisions du bureau d'aide juridictionnelle de la cour de cassation par catégories
<TABLEAU>
Les projets de réforme de la cassation visent en outre, quels que soient les choix finalement arrêtés, à limiter le nombre des pourvois
279. L'idée d'une sélection des pourvois, soit par les juridictions du fond, soit par la Cour de cassation, fait l'objet de débats depuis plusieurs années107. Auditionné au cours de la séance du 27 septembre 2016, M. Guy Canivet, Premier Président honoraire de la Cour de cassation, a ainsi rappelé qu'il avait existé jusqu'en 1947 une chambre des requêtes chargée d'un tel tri, puis qu'un projet de réforme conduit notamment par le Premier Président Pierre Drai en 1994 avait échoué en raison de fortes oppositions, internes à la Cour, mais également de la part des avocats aux Conseils, qui craignaient une diminution de leur activité. M. Canivet est par ailleurs revenu sur la mise en œuvre de la procédure de non-admission des pourvois actuellement en vigueur, qui maintient le caractère contradictoire de la procédure (avec des mémoires et une audience) tout en conduisant à une diminution spectaculaire du stock d'affaires au cours des années 2000.
280. S'inspirant des réformes précédentes, le Premier Président de la Cour de cassation, M. Bertrand Louvel, a ouvert en 2015 une réflexion sur les missions et le fonctionnement de la haute juridiction. Plusieurs pistes de réforme sont ainsi envisageables :
? À droit constant : recourir de manière plus stricte aux outils procéduraux existants qui permettent de réguler le contentieux devant la Cour de cassation, comme la non-admission des pourvois (soutenus ou non-soutenus) en matière pénale ou le rejet des pourvois non spécialement motivés (en matière civile),
? À droit mouvant : recourir à des mesures législatives introduisant des dispositifs de filtrage, pour modifier la nature du contrôle exercé par la Cour et le rapprocher du fonctionnement d'une Cour suprême.
281. Ces pistes ont été envisagées par la Cour de cassation en ces termes : " Cette séance plénière de la commission de réflexion a permis d'approfondir deux grands axes possibles de réforme nécessitant une évolution législative : Une première voie conduirait à améliorer la procédure existante : une formation en charge de l'admission des pourvois serait créée et opérerait une sélection des affaires, sur la base d'un examen des mémoires ampliatifs. La seconde voie irait plus loin : il s'agirait de mettre en place un dispositif de filtrage préalable à l'examen au fond du pourvoi, l'admissibilité répondant à un certain nombre de critères prédéfinis ".108
282. D'après les représentants de la Cour de cassation rencontrés au cours de l'instruction, l'assemblée générale du 24 juin 2016 n'aurait pas permis d'arrêter de conclusions. En effet, les procédures de filtrage actuellement en discussion ne seraient pas encore consensuelles, car elles pourraient modifier la nature de la Cour de cassation. Un accord entre la Première Présidence et le Parquet général serait en particulier nécessaire pour décider d'ajustements internes ou recommander des mesures législatives. Cependant, des expérimentations seraient en cours devant trois des chambres de la Cour et une autre assemblée générale serait prévue le 13 décembre 2016 sur cette question. Le Premier Président et le Procureur Général près la Cour de cassation, auditionnés au cours de la séance du 27 septembre 2016, ont confirmé que si ces projets de réforme n'ont pas encore abouti, ils conduiront en tout état de cause à un infléchissement du nombre de pourvois examinés.
283. En outre, des réformes au niveau des cours d'appel pourraient influer sur le nombre de pourvois : par le passé, la réforme de la représentation (suppression des avoués) ; pour l'avenir, le projet de " concentration des moyens " en première instance (le contrôle de la cour d'appel étant alors restreint à un deuxième examen des moyens déjà soulevés en première instance). Selon le Premier Président de la Cour de cassation, une telle refonte du procès civil, d'un appel comme " voie d'achèvement " à un appel comme " voie de réformation ", conduirait, d'une part à " une plus grande circonspection avant la décision de saisir un juge " et aurait, d'autre part, " une incidence sur le contentieux soumis à la Cour de cassation, sur son volume et sur son contenu. Il n'est guère douteux que l'appel voie de réformation, en permettant un double regard effectif sur un même procès, construit sur des moyens constants, rendra moins nécessaire le troisième regard de la Cour de cassation et les délais attachés à l'examen des pourvois seront donc moins sollicités "109.
284. Ainsi, si ses formes ne sont pas encore définies, l'évolution envisagée devrait, quelle que soit la voie finalement choisie, aboutir à une sélection renforcée des pourvois afin d'en diminuer significativement le nombre. Une telle évolution a même été un temps reprise par le gouvernement à travers un amendement dans le cadre du projet de loi Justice du XXIe siècle, prévoyant que le pourvoi en cassation ne serait désormais ouvert que " s'il soulève une question de principe, ou présente un intérêt pour l'évolution du droit ou l'unification de la jurisprudence "110. Si cet amendement a été finalement retiré, le principe d'une plus grande sélectivité n'a pas été remis en cause.
285. Il convient néanmoins de signaler qu'un élément peut contribuer à l'inverse à accroître le contentieux, en multipliant les moyens invocables en cassation par les parties : le développement du contrôle de conventionalité par la Cour de cassation face à la montée en puissance de la jurisprudence européenne, en particulier celle de la CEDH. Dans un article sur ce point, le premier président de la Cour de cassation évoque d'ailleurs : " un afflux prévisible de pourvois nouveaux fondés sur les développements attendus du contrôle de proportionnalité devant les juges de fond ".111 Ces propos ont été réitérés à propos de la modification du mode de contrôle à laquelle la Cour de cassation est astreinte " pour répondre aux exigences conventionnelles [qui est] de nature à accroître la charge de l'examen des pourvois de même que leur nombre dès lors que les justiciables auront perçu toutes les implications de cette évolution. Cette augmentation prévisible du nombre des pourvois par rapport à une situation existante déjà contrainte en termes de masse contentieuse impliquera la mise en place de mesures d'accompagnement sur lesquelles la Cour de cassation réfléchit "112. (Soulignements ajoutés)
4. LES QPC NE SONT PAS DE NATURE À DYNAMISER DE MANIÈRE IMPORTANTE L'ACTIVITÉ DES AVOCATS AUX CONSEILS
Les QPC demeurent relativement peu nombreuses et sont en diminution
286. Si l'introduction de la QPC par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (entrée en vigueur le 1er mars 2010) a constitué un nouveau domaine de compétence pour les avocats aux Conseils, force est de constater que leur monopole est restreint en la matière et qu'il représente une activité non seulement faible mais en diminution.
287. Le nombre des QPC posées et traitées par les hautes juridictions a ainsi diminué, tant devant le Conseil d'État que devant la Cour de cassation, tant en matière civile que pénale (majoritaire).
Tableau 30 : QPC devant le Conseil d'État
<TABLEAU>
Figure 24 : QPC enregistrées par mode de saisine (hors découpage cantonal, 41 affaires en 2014)
<GRAPHIQUE>
Tableau 31 : QPC devant la Cour de cassation
<TABLEAU>
288. À cet égard, une explication a été donnée par le vice-président du Conseil d'État dans les termes suivants : " il est possible de penser que la "réserve" des questions sérieuses s'épuise, en particulier en ce qui concerne les questions procédurales. Mais cela est également vrai pour les sujets de fond et, à cet égard, il est rassurant de constater que la baisse des questions prioritaires de constitutionnalité posées tient sans doute au fait que notre système juridique ne repose pas sur un matelas de lois inconstitutionnelles et que, fort heureusement, le stock des lois évidemment fragiles de notre ordonnancement juridique se réduit progressivement ".113
289. Ce constat ne porte que sur les lois antérieures. S'agissant des nouvelles lois, le contrôle de constitutionnalité s'exerce le plus souvent a priori, préalablement à leur adoption. Par suite, il est peu probable que le nombre des QPC ait vocation à s'accroître dans les prochaines années, et cette activité, y compris en incluant l'éventuelle intervention des avocats aux Conseils devant le Conseil constitutionnel lui-même, qui est facultative, ne restera que marginale.
5. BILAN : LA HAUSSE GLOBALE DU CONTENTIEUX DEVANT LES JURIDICTIONS DU FOND N'A QUE PEU D'INCIDENCE SUR LE NOMBRE DE POURVOIS EN CASSATION, DONT LE FLÉCHISSEMENT SE CONFIRME
290. Globalement, les perspectives d'augmentation de l'activité en monopole des avocats aux Conseils sont peu élevées et devraient le demeurer.
291. Certes, on note, notamment devant la juridiction administrative, une augmentation significative du contentieux en première instance et en appel, et donc du nombre d'affaires susceptibles de pourvoi en cassation. Cependant, les effets de cette hausse sur les pourvois sont limités parce qu'elle concerne essentiellement le contentieux des étrangers, dont le taux de pourvoi en cassation est très faible. Quant à la Cour de cassation, alors que les entrées se sont stabilisées, différentes pistes sont envisagées pour accroître la sélectivité des admissions.
292. L'explication de ce resserrement est donc à chercher, non pas dans une diminution de la judiciarisation de la société, puisque c'est plutôt l'inverse qui est constaté devant les juridictions du fond, mais plutôt dans un resserrement, initié par le législateur, le pouvoir réglementaire, ou les juridictions suprêmes elles-mêmes, de l'accès à la cassation. Dès lors que les justiciables ont déjà, devant les juridictions du fond, accès à un appel des décisions de première instance, d'aucuns appellent de leurs voeux un glissement progressif d'un modèle de cassation universel à un modèle plus sélectif, où les juridictions suprêmes ne se prononceraient que sur les affaires qui posent des questions de droit ou de principe nouvelles.
293. Devant le Conseil d'État, depuis la création par la loi du 31 décembre 1987 d'une juridiction d'appel, la cour administrative d'appel, les affaires sont, sauf exceptions (relativement nombreuses), traitées successivement au fond par deux juridictions, ce qui limite les risques d'erreur et permet l'exercice effectif du droit au recours exigé par l'article 13 de la CESDH. D'après les déclarations du président de la Section du contentieux aux services d'instruction, lorsque les juridictions de première instance et d'appel se sont prononcées dans le même sens, l'admission du pourvoi en cassation doit demeurer l'exception. Il ne doit alors concerner que les points de droit, sans examen du fond, car le risque d'erreur dans l'appréciation des faits est infime. Par suite, la juridiction a procédé à plusieurs adaptations : sélectivité plus grande de l'acceptation des dossiers d'aide juridictionnelle et procédure stricte d'admission des pourvois, avec possibilité de rejet par ordonnance des présidents de chambre en l'absence de moyen sérieux.
294. Devant la Cour de cassation, les débats sont loin d'être achevés mais la tendance observée est également à un resserrement dans l'acceptation des dossiers. Une expérimentation serait déjà en cours dans trois chambres.
295. En définitive, la tendance à la stabilisation du contentieux de la cassation devrait se poursuivre malgré l'augmentation du nombre d'affaires portées devant les juridictions du fond. Il en résultera une stabilité, voire une diminution progressive, de l'activité, en nombre d'affaires, des avocats aux Conseils, dans le cadre de leur activité en monopole. En revanche, leur technicité pourrait s'en trouver renforcée.
Synthèse : Compte tenu des évolutions récentes vers une stabilisation du contentieux et bien que les réformes en cours devant la Cour de cassation ne soient pas achevées, l'hypothèse la plus pertinente, à l'horizon de deux ans du présent avis, est que le contentieux devant les juridictions suprêmes, et donc l'activité en monopole des avocats aux Conseils, connaîtra une relative stabilité, voire une légère baisse.
IV. Les effets escomptés du développement de l'offre
296. La création de nouveaux offices devrait tout à la fois améliorer l'offre des services rendus aux usagers, tant d'un point de vue quantitatif que qualitatif, générer des gains de pouvoir d'achat et de productivité et influer favorablement sur le marché du travail.
A. LA CONTRIBUTION DES AVOCATS AUX CONSEILS À LA BONNE ADMINISTRATION DE LA JUSTICE NE SERA PAS REMISE EN CAUSE
1. LA NOTION DE BONNE ADMINISTRATION DE LA JUSTICE ET SES ENJEUX
297. Dans le cadre de l'article L. 462-4-2 du Code de commerce, l'Autorité doit, en vue d'identifier le nombre de créations d'offices d'avocat aux Conseils nécessaires, prendre en compte, outre l'évolution du contentieux devant ces deux juridictions, les exigences d'une " bonne administration de la justice ". Il convient donc d'examiner ce que recouvre ce concept avant d'envisager son articulation avec la liberté d'installation des avocats aux Conseils.
298. On peut considérer que cette notion recouvre diverses qualités : une justice rendue de manière indépendante, efficace, rapide, adaptée aux enjeux des dossiers, lisible et accessible. Elle porte donc à la fois sur l'efficacité des procédures juridictionnelles, sur la qualité et l'impartialité des décisions rendues et sur l'accès à la justice pour les citoyens.
299. Cette notion a été consacrée par le Conseil constitutionnel comme un objectif de valeur constitutionnelle dans sa décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006 relative à la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social. Cette consécration s'inscrit dans le prolongement de la décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 (à propos du transfert à la juridiction judiciaire du contrôle des décisions du Conseil de la concurrence), où le juge constitutionnel a estimé qu' " il est loisible au législateur, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'unifier les règles de compétence juridictionnelles au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé ".
300. Par ailleurs, la CEDH a reconnu, dans un arrêt du 12 octobre 1992 Boddaert contre Belgique114 le principe de bonne administration de la justice sur le fondement de l'article 6 de la CESDH.
301. Sur un plan normatif, comme l'indique M. Gilles Thouvenin115, ancien président de l'Ordre des avocats aux Conseils, la notion même de bonne administration de la justice procède d' " une valeur normative très élevée ".
302. Concrètement, selon ce dernier, cette notion combine célérité, efficacité, qualité et économie de moyens avec les exigences de procès équitable et délai de jugement raisonnable. Elle garantit tout autant l'impartialité des juges et des décisions juridictionnelles qu'un meilleur accès à la justice. M. Gilles Thouvenin précise116 que cette notion commande de sélectionner, dans un contexte budgétaire contraint, " des affaires, afin de consacrer les moyens limités dont dispose la justice à celles qui le méritent. Or cette sélection des affaires se fait souvent au détriment d'un abandon de l'obligation de motiver qui participe également de la bonne administration de la justice et de la fonction sociale de la justice. Des garanties sont donc nécessaires : la non-admission devant le Conseil d'État résulte d'une instruction collégiale du dossier et d'une décision juridictionnelle : de même la non-admission est décidée après que les parties ont été mises en mesure de discuter contradictoirement le rapport de non-admission ". Une partie de la doctrine, à l'instar du Professeur René Chapus117 trouve dans la motivation des décisions juridictionnelles, le pouvoir d'injonction ou encore le pouvoir de rectification d'erreur matérielle du juge administratif une traduction de la bonne administration de la justice.
303. Cependant M. Gilles Thouvenin118 déplore " l'intrusion actuelle du management favorisant la célérité, l'économie de moyens et une logique comptable, [ce qui] a pour effet d'éloigner la notion des préoccupations tenant à la qualité de l'acte à juger ".
304. De son côté, la consultation publique permet de dégager des définitions complémentaires de cette notion. Certains répondants considèrent que le développement des offices aura un impact sur la " diminution des honoraires, ce qui induira une meilleure administration de la justice dans la mesure où il y aura une meilleure répartition des pourvois puisque les recours sont indirectement régulés par le prix des procédures ". D'autres indiquent que le principe de " bonne administration de la justice suppose que le dossier soit traité directement par les personnes à qui on a confié un monopole ".
305. En définitive, le principe de bonne administration de la justice est une déclinaison du principe de bonne administration. Il s'apparente au principe de mutabilité, qui gouverne l'administration en général, et l'administration de la justice en particulier, en tentant de concilier exigences de l'intérêt général et attentes des justiciables. Pour autant, sa définition n'est pas nécessairement univoque et constante dans le temps. L'instruction a montré que les acteurs pouvaient en avoir des acceptions différentes. Surtout, les priorités qui peuvent être données par les pouvoirs publics, en charge de la gestion du service public de la justice, ou les juridictions elles-mêmes, font l'objet de révisions périodiques. Ainsi, dans un contexte budgétaire contraint, la priorité est par exemple donnée depuis une vingtaine d'années à la réduction du nombre de jugements (procédure de non-admission, développement des modes alternatifs de règlement des conflits ), mais cette préoccupation n'est pas exclusive. Elle s'est accompagnée par exemple de la recherche d'une plus grande efficacité des décisions (création d'un juge de l'urgence ou réflexions sur l'exécution des décisions de justice), ou d'une plus grande lisibilité de celles-ci (réflexions récentes tant à la Cour de cassation que devant les juridictions administratives sur la rédaction des décisions).
2. LA CONTRIBUTION DES AVOCATS AUX CONSEILS À LA BONNE ADMINISTRATION DE LA JUSTICE
a) La position des professionnels
306. Selon, M. Jean Barthélémy, ancien président de l'Ordre des avocats aux Conseils : " la bonne administration de la justice, c'est la raison d'être des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation 119 ". En effet, il leur est confié " une mission particulière, d'une nature spécifique dont l'objet même est la bonne administration de la justice au stade ultime du procès, et pour la bonne exécution de laquelle l'ordre s'est doté d'un statut spécifique "120. Ainsi, les avocats aux Conseils " contribuent à la mise en état régulée des procédures " devant les deux hautes juridictions, en respectant les délais en fonction des matières, dont la durée et le mode de calcul varient selon la nature des contentieux. De plus, ils participent indirectement à la sélection des pourvois, soit par le biais du filtrage qu'ils exercent (consultations sur l'opportunité juridique du recours en cassation), soit par le choix et la présentation formelle des moyens les mieux fondés, ce qui procure une aide à la décision. En outre, les avocats aux Conseils contribuent à la bonne administration de la justice par la gestion des affaires et la dématérialisation des procédures (en organisant des permanences de référés au Conseil d'État).
307. Selon le Conseil de l'Ordre, ils participeraient à la régulation du contentieux devant les juridictions suprêmes, en complément du rôle incombant aux juridictions et du filtrage effectué par les avocats à la Cour (conseil des clients sur l'opportunité de former un pourvoi après l'achèvement de la procédure au fond). Toutefois, le filtrage des avocats aux Conseils serait plus approfondi et pertinent que celui des avocats à la Cour, car plus centré sur la recherche de moyens de droit justifiant une cassation dans le cadre de la mise en œuvre d'une obligation de déconseil121 (consultations adressées aux clients les informant sur le risque de rejet du pourvoi, de paiement des frais irrépétibles, voire d'une condamnation en cas de pourvoi abusif). Auditionnée au cours de la séance du 27 septembre 2016, la présidente de l'Ordre a fait part de ses craintes qu'une création massive de nouveaux offices d'avocats aux Conseils ne remette en cause cette mission et ne conduise les nouveaux entrants à prospecter auprès d'avocats intervenant devant les cours d'appel pour générer une activité contentieuse nouvelle, provoquant ainsi un afflux de pourvois.
308. Les avocats aux Conseils contribueraient également à la bonne administration de la justice en offrant aux justiciables un accès au Conseil d'État et à la Cour de cassation à un coût raisonnable et en les faisant bénéficier de conseils de qualité de la part de professionnels compétents.
309. Enfin, ils signaleraient aux juridictions des divergences entre juridictions (ou entre chambres d'une même juridiction) en les invitant à procéder à des rapprochements jurisprudentiels.
310. S'agissant du filtre quantitatif exercé par les avocats aux Conseils, l'Autorité de la concurrence s'est interrogée sur ses justifications.
311. Sur ce point, certains professionnels ayant répondu à la consultation publique considèrent que l'exigence de bonne administration de la justice doit être regardée comme le principe sous-jacent à tous les autres critères fixés par le décret n° 2016-215 et qu'en application de ce principe, l'offre de services doit autant répondre à la demande, que maintenir celle-ci dans les capacités des juridictions de cassation.
b) La position des hautes juridictions
312. De leur côté, les représentants de la Cour de cassation auditionnés considèrent que les avocats aux Conseils contribuent à la bonne administration de la justice :
- par le respect des délais de procédure ;
- par l'application de leur devoir de déconseil ;
- par le fait qu'ils signalent aux juridictions des dossiers importants ou des jurisprudences divergentes entre les différentes chambres de la Cour (ce qui est aussi le rôle du Parquet général) ;
- par le fait qu'ils signalent les dossiers en série (droit pénal, droit électoral, droit du travail), mais c'est l'Ordre des avocats qui est particulièrement utile sur ce sujet, sans considération particulière du nombre d'avocats ;
- par le fait qu'ils contribuent à permettre des arrêts de cassation sans renvoi.
313. Le Conseil d'État considère que ses relations avec les avocats aux Conseils sont à la fois importantes et positives, dans la mesure où ces derniers sont associés aux réflexions et aux réformes de la justice (par exemple : depuis la mise en place du référé en 2000, ils assurent à tour de rôle, tous les 15 jours, des permanences gratuites pour préparer les audiences, notamment à destination des étrangers) et qu'ils font preuve d'une grande déontologie et d'un dialogue soutenu avec les magistrats (discrétion, dialogue informel pour les affaires délicates, réunions préparatoires avec le rapporteur public, organisation de l'audience et des prises de parole ).
314. Pour autant, le Conseil d'État estime que les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation ne jouent pas de rôle particulier dans l'unification de la jurisprudence administrative, davantage assurée au sein du Conseil d'État lui-même par la " troïka " hebdomadaire (Président de la section du contentieux et ses trois adjoints). Il peut en revanche arriver que des avocats aux Conseils pointent des divergences de jurisprudence entre les ordres administratif et judiciaire, par exemple en matière de contentieux social.
3. UNE AUGMENTATION RAISONNABLE DU NOMBRE D'OFFICES N'EST PAS SUSCEPTIBLE DE REMETTRE EN CAUSE CETTE CONTRIBUTION
a) L'importance du rôle des avocats aux Conseils dans la régulation quantitative des pourvois doit être relativisée
315. Interrogé sur l'absence de création d'offices depuis l'entrée en vigueur du décret n° 2009-452 précité, l'Ordre122 considère que la principale explication n'est pas à chercher dans la nécessité d'assurer l'adéquation entre le nombre de pourvois et la capacité de traitement des juridictions123, mais dans l'avis défavorable du Conseil d'État et de la Cour de cassation, qui ont été consultés en application du décret précité. Selon l'Ordre, cette absence de création d'offices s'expliquerait également par la stagnation du volume de contentieux devant les deux juridictions. En particulier, l'instauration du ministère obligatoire des avocats aux Conseils en matière sociale aurait conduit à une baisse du nombre de pourvois dans cette matière du fait de l'exécution par les avocats aux Conseils de leur obligation de déconseil.
316. Dans le cadre de leur contribution à la bonne administration de la justice, les avocats aux Conseils participent à la régulation quantitative des pourvois. Pour autant, plusieurs rapports s'interrogent sur la qualité de ce filtrage.
317. Ainsi, le rapport d'information relatif aux professions réglementées de Mme Cécile Untermaier et de M. Philippe Houillon conclut soit à l'inefficacité du système de filtrage des avocats aux Conseils, soit à l'existence de dysfonctionnements. Ce constat s'appuie sur des éléments contenus dans le rapport Darrois124, qui indique par exemple que " les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation ne refusent pas systématiquement des pourvois vraisemblablement voués à l'échec, comme en témoignent les nombreux refus d'admission prononcés par le Conseil d'État et la Cour de cassation ".
318. L'examen du rapport d'activité de la Cour de Cassation de 2015 permet d'examiner les taux de cassation en matière pénale (la représentation des avocats aux Conseils n'étant pas obligatoire devant la chambre criminelle). Si, en 2014, " environ mille cinq cents pourvois formés ont été soutenus devant la chambre criminelle par un mémoire personnel ; 56 % d'entre eux ont abouti à une décision de non-admission. Les demandeurs ont obtenu une cassation dans 10 % des cas. Le nombre des pourvois soutenus par un avocat aux Conseils est légèrement supérieur ; 9 % se sont conclus par une décision de non-admission ; 20 % ont abouti à une cassation ".
319. Même s'il améliore les taux d'admission et de cassation par rapport aux mémoires personnels, le filtrage des pourvois en matière criminelle par les avocats aux Conseils se traduit tout de même par une décision de non-admission dans 9 % des cas, et aboutit à une cassation pour un dossier sur cinq seulement. Dans un article paru en 2015, le Premier Président Louvel s'étonne du nombre important de non-admission des pourvois : actuellement, " le rythme annuel est de 30 000 pourvois sur lesquels 80 % environ sont rejetés "125. Pour autant, ce nombre de pourvois reste raisonnable au regard du volume de contentieux devant les juges du fond126.
320. Par ailleurs, le filtrage des pourvois ne résulte pas seulement de l'activité de déconseil des avocats aux Conseils, mais également, voire essentiellement, des moyens procéduraux mis en place par les hautes juridictions. Plus largement, Messieurs Denys de Béchillon et Marc Guillaume127 ont dressé un bilan mitigé du dispositif actuel de régulation des pourvois : " jusqu'à présent, la France a mis en œuvre, comme en Belgique, des techniques de filtrage interne au sein des cours suprêmes qui n'ont pas produit les effets escomptés. D'une part, la charge de travail consacrée à l'admission des pourvois en cassation n'apparaît pas radicalement moindre que pour les autres contentieux. D'autre part, le dispositif est soumis à critique. Certains avancent qu'il laisse place à la subjectivité, voire à des approximations, pour aboutir à des taux élevés de non-admission. En tout état de cause, ce système a atteint aujourd'hui ses limites sans aboutir au nécessaire résultat de permettre au Conseil d'État et à la Cour de cassation de se consacrer à leur rôle de cour suprême régulatrice [ car de telles masses contentieuses] conduisent les cours suprêmes à ne plus exercer la tâche première qui est la leur, celle de dire le droit en traitant les questions de principe ".
321. Pour finir, les auteurs ont préconisé de " s'inspirer des exemples étrangers pour remédier à l'engorgement actuel des juridictions suprêmes des ordres administratif et judiciaire ". Ils rappellent que le nombre d'affaires reçues chaque année par la Cour de cassation est passé de 26 595 en 2005 à 30 165 en 2012 (soit une progression de 13 %), tandis que, dans le même temps, le nombre d'affaires portées devant le Conseil d'État est resté stable à un niveau très élevé de plus de 9 000 affaires par an, alors que de nombreuses réformes ont été entreprises pour le réduire (création des cours administratives d'appel, etc.). Ils ont par ailleurs insisté sur le fait que " cette situation des cours suprêmes françaises est, à l'exception de l'Italie, sans comparaison en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Espagne ou aux États-Unis d'Amérique. Aucune des grandes démocraties occidentales ne laisse ses cours suprêmes face à de telles masses contentieuses. Il n'y a qu'en Italie que la Cour de cassation et le Conseil d'État ont des stocks d'affaires analogues ou supérieurs ".
322. Quoiqu'il en soit, les réformes concernant le champ de contrôle de la Cour, sous l'impulsion de la CEDH, pourraient engendrer une augmentation du nombre de pourvois. Ainsi, le Premier Président de la Cour de Cassation128 n'hésite pas à parler, à propos de ces réformes, d'un élargissement tant du périmètre du droit que du contrôle en lui-même en " s'appropriant un contrôle de type européen pour inclure dans la technique de cassation toutes les données de ce contrôle Ce qui sera essentiel, c'est l'appropriation par la Cour de cassation de ces consensus européens qui font émerger des solutions communes dans la construction judiciaire européenne. " En matière de contrôle de proportionnalité, le Premier Président considère que " l'évolution du droit européen nous conduit non pas à nous abstraire du légalisme, sinon nous ne serions plus des juges, mais à l'adapter à l'examen des conséquences, des incidences de l'application d'un texte donné au regard des circonstances de l'espèce. C'est cela la proportionnalité, qui est le nouveau légalisme " Et, s'agissant des réflexions en cours sur la question du filtrage des pourvois, il estime que " l'intérêt de cette réflexion est de permettre à la Cour de cassation de disposer de la "soupape de sûreté" du filtrage au cas où les nouvelles modalités du contrôle de cassation provoqueraient un afflux de pourvois, ce qu'on ne peut pas se dispenser de prévoir comme une éventualité ".
323. Compte tenu du peu d'informations disponibles sur les orientations envisagées par le Gouvernement, l'Autorité ne s'estime pas actuellement en mesure d'apprécier in concreto l'apport d'un barreau spécialisé dans la régulation quantitative des pourvois, sans dénier qu'il a jusqu'ici participé à la bonne administration de la justice.
324. Il ressort de ce qui précède que les avocats aux Conseils contribuent à la bonne administration de la justice par la grande qualité de leurs écritures, mise en avant par les hautes juridictions, un filtrage des pourvois, un signalement aux juridictions de divergences jurisprudentielles (entre juridictions ou chambres) et une mission sociale d'aide juridictionnelle (bien que cette dernière reste limitée à une part marginale des dossiers : à peine 5 % des affaires traitées en 2015).
b) En tout état de cause, l'augmentation du nombre de professionnels n'est pas susceptible de conduire à un desserrement de l'obligation de déconseil
325. Certains répondants à la consultation publique, notamment l'Ordre des avocats aux Conseils, de même que des avocats exerçant dans des offices existants, estiment qu'en cas d'intensification trop importante de la concurrence, le rôle de filtre des avocats aux Conseils risque d'être remis en cause129. Selon eux, la régulation du nombre des professionnels aurait notamment pour objectif de ne pas inciter certains avocats aux Conseils à encourager le dépôt de pourvois auprès de la Cour de cassation et du Conseil d'État. La création de nouveaux offices, qui placerait les avocats aux Conseils en situation d'incertitude financière, pourrait dégrader le rôle de filtre qu'ils jouent dans la configuration actuelle. Aussi concluent-ils que " [re]mettre en cause l'équilibre actuel de l'activité " pourrait conduire les avocats aux Conseils " à vouloir augmenter le taux de recours par des stratégies commerciales plus agressives ".
326. Selon l'Ordre, une forte croissance du nombre d'avocats aux Conseils pourrait remettre en cause ce filtre, voire conduire à y renoncer, en augmentant " le nombre de pourvois déposés soit pour maintenir leur niveau d'activité dans le cas d'offices existants, soit pour conquérir une clientèle dans le cas de potentiels nouveaux cabinets "130.
327. Selon une association professionnelle, la création d'offices ferait peser un risque sur " ces opérateurs, [qui] en situation tendue, aient plus de mal à dissuader leurs clients de ne pas engager ou poursuivre des procédures, aux chances de succès pourtant trop aléatoires. La régulation des pourvois s'en trouverait alors affectée ".
328. Il convient toutefois de rappeler que des obligations déontologiques s'imposent à l'avocat aux Conseils, en vertu desquelles il est tenu de " donner à son mandant ou à son représentant son avis sur les chances de succès du pourvoi qu'il est chargé d'instruire. Cet avis doit être clair "131. Dès lors, l'avocat aux Conseils ne saurait s'affranchir sans risque de son obligation déontologique de déconseil. S'il apparaissait à l'Ordre qu'une consoeur ou un confrère ne s'efforce plus de dissuader ses clients lorsque les chances de succès du pourvoi sont faibles, il lui appartiendrait de prendre les suites disciplinaires qui s'imposent.
329. Au demeurant, pour un avocat aux Conseils, une telle stratégie serait, d'un simple point de vue économique, vouée à l'échec en raison de l'impact négatif qu'elle aurait sur les taux respectifs de pourvois non-admis (hausse) ou de cassation (baisse), qui enverrait aux correspondants réguliers de l'office un piètre signal sur la qualité des prestations rendues.
330. Ainsi, s'agissant du risque de desserrement de l'obligation de déconseil (voire d'une dégradation de cette obligation), l'Autorité le considère comme non-avéré compte tenu, d'une part du haut niveau de compétence132 et de professionnalisme des avocats aux Conseils, et d'autre part, des objections déontologiques et réputationnelles auxquelles ne manqueraient pas de s'exposer les promoteurs d'une telle stratégie. Au surplus, le non-respect de l'obligation de déconseil est susceptible d'engager la responsabilité civile des professionnels concernés.
331. Les autres apports des avocats aux Conseils à la bonne administration de la justice découlent d'une formation poussée et pluridisciplinaire. Ils ne seront en aucune façon remis en cause, dès lors que la nouvelle réglementation relative à la liberté d'installation ne modifie ni le caractère monopolistique de leur activité, ni les exigences de leur formation.
332. Par suite, sauf à ce que le nombre de créations d'offices soit tel qu'il " bouleverse les conditions d'activité des offices existants " - ce que l'article 57 de la loi du 6 août 2015 exclut explicitement - l'Autorité est d'avis qu'une augmentation raisonnable de l'offre de services est insusceptible d'affecter négativement l'obligation de déconseil et la contribution à la bonne administration de la justice qui en découle. Des créations en nombre mesuré pourraient en revanche conduire à davantage d'émulation concurrentielle entre offices, et donc entraîner in fine une diminution des honoraires au bénéfice des justiciables.
B. LES GAINS ESCOMPTÉS DU DÉVELOPPEMENT DE L'OFFRE
1. UNE DIVERSIFICATION DE L'OFFRE ET UN ACCROISSEMENT DU CHOIX POUR LES CLIENTS
333. Le présent avis s'inscrivant dans la perspective d'un renforcement de l'offre de services, l'Autorité a examiné, au-delà des seuls aspects quantitatifs, si la création d'offices pourrait apparaître utile en termes d'amélioration qualitative de l'offre.
334. L'augmentation du nombre d'offices sera source d'amélioration du service rendu et d'émulation entre les offices. Dans le cadre de la consultation publique, certains candidats ont expressément indiqué que l'augmentation du nombre d'offices incitera les professionnels à diversifier leurs prestations en menant des stratégies de différenciation, qui pourrait aboutir à une plus grande spécialisation dans certaines matières, comme les représentants du Conseil National des Barreaux l'ont indiqué, ou sur certains types de clientèle. En effet, des avocats exerçant au sein d'offices existants anticipent que les nouveaux entrants se positionneront de manière privilégiée sur le segment des particuliers et des petites entreprises (pourvois occasionnels). En revanche, la clientèle institutionnelle serait moins accessible et requerrait davantage de temps à constituer.
335. Cette augmentation offrira également aux clients un plus large choix de professionnels, dans le contexte de développement de l'inter-professionnalité décrit aux paragraphes 16 à 22 ci-dessus, ce qui pourrait permettre de proposer " aux clients des gammes complètes de prestations à des tarifs rendus plus attractifs par la mutualisation des charges et d'offrir aux professionnels de nouvelles perspectives commerciales face à la concurrence internationale "133.
336. Sur ce dernier point, s'il ressort de l'instruction que le développement de structures interprofessionnelles associant notamment avocats aux Conseils et avocats à la Cour est envisageable à court terme, la majeure partie des professionnels semblent considérer qu'il emporte un risque de perte d'indépendance, les offices d'avocat aux Conseils étant désormais contrôlés par des cabinets d'avocats à la Cour ou d'expertise-comptable (" big five "). Si une vigilance est nécessaire pour la gestion d'éventuels conflits d'intérêt, il reste que ces modes d'exercice communs, conjugués à un accroissement du nombre d'offices, permettront d'améliorer l'offre de prestations juridiques au bénéfice des clients.
2. UNE POSSIBLE DIMINUTION DES HONORAIRES FACTURÉS AUX CLIENTS
a) Les prix relativement homogènes pratiqués témoignent d'une faible concurrence, qui peut conduire à l'exclusion de certains justiciables de la cassation
337. L'instruction a montré que les avocats aux Conseils pratiquaient des honoraires relativement homogènes, avec un forfait de base compris entre 2000 et 3500 euros pour un dossier simple et un niveau global d'honoraires généralement inférieur à 5000 euros.
338. Si ces niveaux n'apparaissent pas, prima facie, aberrants, et même si la loi dispose que les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat aux Conseils, de sa notoriété et des diligences de celui-ci, il ne peut être exclu qu'une partie de la clientèle (notamment des PME ou des particuliers dont les revenus, bien que supérieurs aux plafonds de l'aide juridictionnelle, restent modestes) renonce à un pourvoi en raison du coût de la procédure, qui est perçu comme d'autant plus important que, dans la plupart des cas, le justiciable devra retourner devant les juges du fond après cassation.
339. En période de conjoncture économique défavorable, ce risque d'éviction est plus important. Comme l'a indiqué l'Ordre lors de son audition par les services d'instruction, il arrive par exemple de plus en plus fréquemment que des PME sollicitent des échelonnements de paiement des honoraires (alors que cette pratique était peu usitée par le passé) ou que certains justiciables privilégient les seuls contentieux qu'ils considèrent comme prioritaires. Or, l'accès de tous les justiciables à la cassation, indépendamment de leurs moyens financiers, fait également partie de la " bonne administration de la justice ". Il s'agit même d'une garantie fondamentale reconnue par le Conseil constitutionnel134.
b) La création de nouveaux offices pourrait entraîner une baisse limitée des honoraires
340. La création de nouveaux offices est susceptible d'accroître la concurrence par les prix entre avocats aux Conseils.
341. D'après les personnes auditionnées et les répondants à la consultation publique, il en résulterait, d'une part, une baisse du niveau moyen des honoraires (en particulier du forfait de base concernant les dossiers simples), et d'autre part, un risque de distorsion en faveur des offices nouvellement créés et au détriment des offices existants. L'Ordre et certains professionnels exerçant dans des offices existants considèrent en effet que les offices nouvellement créés disposeront d'un avantage concurrentiel consistant en l'absence de charges de remboursement d'emprunt. Cet avantage pourrait être en partie transféré aux clients, si le professionnel acceptait de pratiquer des honoraires inférieurs à ses consoeurs et confrères.
342. Toutefois, ce risque doit être relativisé, dans la mesure où la succession dans un office, si elle suppose une contrepartie financière, permet également à l'avocat aux Conseils de bénéficier immédiatement d'un accès à la clientèle de son prédécesseur (ou de son associé). Tel ne sera pas le cas des offices nouvellement créés qui, par définition, n'ont pas de clientèle préexistante.
343. Par ailleurs, au vu de la structure actuelle du marché (oligopole restreint à 60 offices) et des modifications envisagées (créations de quelques unités), le risque allégué semble largement surévalué, dans la mesure où les incitations à abaisser les prix, certes légèrement accrues par rapport à la situation actuelle, ne seront en rien comparables à celles ressenties sur un marché réellement concurrentiel. De ce fait, l'incitation des offices créés à pratiquer des honoraires à des niveaux beaucoup plus faibles que leurs concurrents doit être relativisée. Corrélativement, cette modification à la marge de la structure du marché n'est en aucune façon susceptible de porter atteinte à la viabilité des offices existants.
344. Au regard de ces éléments, l'Autorité considère que le développement de l'offre pourrait induire un accroissement limité de la concurrence par les prix (honoraires facturés aux clients) sans pour autant mettre en péril les équilibres actuels de la profession.
134 Conseil constitutionnel, mardi 10 mai 1988 - Décision n° 88-157 L : " 10. Considérant que, selon la deuxième phrase de l'article, l'arrêt "pourra être déféré à la Cour de cassation" ; que cette dernière disposition a trait à une voie de recours qui constitue pour les justiciables une garantie fondamentale dont, en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient seulement à la loi de fixer les règles "
3. UNE AMÉLIORATION PROBABLE DE LA QUALITÉ
345. L'augmentation du nombre d'offices renforcera la qualité des prestations juridiques délivrées par les avocats aux Conseils. Il est notamment attendu des nouveaux offices qu'ils permettent une relation plus directe entre l'avocat aux Conseils et ses clients, si les nouveaux entrants instruisent eux-mêmes davantage les dossiers, comme le prévoit l'article 45 du règlement général de déontologie, plutôt que de les déléguer à des collaborateurs. Ce suivi personnalisé constitue en effet un critère intrinsèque de la qualité de la prestation et il apparait comme une conséquence probable de la redistribution d'un nombre de dossiers stable (voire décroissant) dans le temps sur un plus grand nombre de titulaires ou associés d'offices.
346. En effet, comme mentionné au paragraphe 177 ci-dessus, l'examen du tableau intitulé " Répartition par centiles des professionnels "135 permet d'apprécier le nombre de dossiers traités par avocat aux Conseils. Ainsi, 10 % des avocats aux Conseils traitent plus de 900 dossiers par an, soit une moyenne136 de trois dossiers par jour. En outre, on relève que l'avocat aux Conseils le plus actif traite annuellement 1 800 dossiers, soit une moyenne de plus de 6 dossiers par jour. Ces chiffres traduisent la brièveté de l'examen de certains dossiers par certains professionnels, qui pourrait être le signe d'une dégradation de la qualité intrinsèque de la prestation délivrée au client. Ces chiffres pourraient également traduire un phénomène de saturation de la charge de travail de certains avocats aux Conseils.
347. En conséquence, l'augmentation du nombre d'offices contribuera à l'amélioration de la qualité des prestations rendues au bénéfice tant des justiciables que des professionnels eux-mêmes.
V. Détermination du nombre recommandé de créations d'offices
A. MALGRÉ LA SITUATION ÉCONOMIQUE TRÈS FAVORABLE DES OFFICES ET LES AMÉLIORATIONS ASSOCIÉES À UNE PLUS GRANDE OUVERTURE, LES ÉVOLUTIONS PREVISIBLES DE LA DEMANDE CONDUISENT À ADOPTER UNE ATTITUDE PRUDENTE
1. UN POTENTIEL POUR L'ACCROISSEMENT DE L'OFFRE
348. L'analyse de l'offre indique que les offices d'avocats aux Conseils, du fait de la conjonction de leur petit nombre (60), d'une situation de monopole, qui rend la clientèle captive, et d'une grande liberté en matière de tarification (non réglementée) comme de gestion (recours à des collaborateurs rémunérés au dossier), bénéficient d'un taux de marge et d'une rémunération extrêmement favorables. Elle est notamment supérieure à celle des cinq autres professions réglementées étudiées dans l'avis 15-A-02 précité de l'Autorité, ainsi qu'à celle des 37 professions étudiées en mars 2013 par l'Inspection générale des finances. Ce niveau de rémunération équivaut à celui des avocats associés des plus grands cabinets d'affaires français et anglo-saxons, alors même que les avocats aux Conseils, protégés par un oligopole restreint, ne connaissent à l'évidence pas les mêmes risques économiques. En outre, ce niveau a pu être maintenu au cours des dernières années, pourtant marquées par une diminution du contentieux (et donc de l'activité) grâce à une augmentation des honoraires.
349. Enfin, cette situation n'est pas limitée à certains offices, qui seraient spécialisés dans des affaires les plus rémunératrices et feraient monter la moyenne de la profession : s'il existe une certaine dispersion des résultats, les taux de marge et les bénéfices par associé sont très élevés dans l'ensemble des offices. Sur la période 2010-2014, cinq offices seulement ont un taux de marge inférieur à 25 %et un résultat annuel par associé inférieur à 150 000 euros. Ces moindres performances (d'ailleurs très relatives) s'expliquent toujours par des raisons conjoncturelles objectives, telles qu'une installation très récente (mais en croissance) ou à l'inverse, une activité déclinante (mais préalable à une cession).
350. Cette analyse plaide - comme la loi le prévoit - pour une ouverture de la profession à de nouveaux membres, à travers la création d'offices. Ces nouveaux entrants pourront stimuler une certaine concurrence, sur les honoraires mais également sur la qualité des prestations, au bénéfice des justiciables. En effet, outre la question des prix, la création de nouveaux offices (et donc l'arrivée de nouveaux professionnels) pourrait permettre que les dossiers fassent l'objet d'un examen plus approfondi par les avocats aux Conseils eux-mêmes qui, compte tenu des flux actuels (470 dossiers par associé par an, plus de 1000 pour certains) délèguent en grande partie ce travail à leurs collaborateurs. Or un examen individualisé et approfondi de chaque dossier par un avocat aux Conseils - l'ensemble des contributions insiste sur ce point - est le gage d'une contribution de qualité à la bonne administration de la justice, compte tenu de leur haut degré d'expertise et de la valeur ajoutée de leur formation et expérience professionnelles.
2. MAIS LA NÉCESSITÉ D'ADOPTER UNE ATTITUDE PRUDENTE ET PROGRESSIVE.
351. Dans le souci d'une bonne administration de la justice et à l'horizon de deux ans des recommandations, l'Autorité entend prendre en compte les contraintes suivantes, qui sont spécifiques aux avocats aux Conseils et les distinguent d'autres professions réglementées du droit (notamment des notaires) :
- Les recommandations portent sur un très petit marché, qui compte seulement 60 offices et 114 professionnels (fin 2016), et qui présente des garanties fortes en termes de qualité des prestations fournies ;
- Les perspectives d'évolution de la demande sont incertaines :
o Le nombre des pourvois en cassation, en particulier devant la Cour de cassation (79 % de leur activité), qui représente le meilleur indicateur de la demande137, est resté stable devant les juridictions concernées au cours des cinq dernières années, alors que les pistes de réforme de la cassation envisagent toutes un renforcement de la sélectivité des pourvois, qui n'apparaît pas susceptible d'être contrebalancée par l'éventuel développement d'un contrôle de proportionnalité (ouvrant de nouveaux moyens de cassation) ;
o À l'inverse d'autres professions138, aucun lien statistique avéré n'a pu être établi entre le développement du contentieux, l'activité économique et le chiffre d'affaires des offices, de sorte que les perspectives chiffrées d'évolution du marché n'ont pu être objectivées quantitativement :
1. D'une part, les évolutions du volume de contentieux tiennent plus aux réformes conduites par les juridictions (ex : développement des cours administratives d'appel ou sélectivité des pourvois) qu'à des fondamentaux socio-économiques (population, croissance économique, judiciarisation de la société ).
2. D'autre part, l'évolution de l'activité économique des offices (chiffre d'affaires) diverge en partie de celle du volume du contentieux, compte tenu de la liberté tarifaire dont jouissent les professionnels (les honoraires peuvent ainsi s'adapter aux évolutions de la demande).
- En outre, et c'est essentiel, le " vivier " des candidats potentiels à une installation est très limité à court terme (en particulier au cours des deux ans qui suivront la publication du présent avis). Comme précédemment indiqué, ce vivier peut être estimé à une dizaine de professionnels.
- Enfin, l'article 57 de la loi du 6 août 2015 précise que : " Les recommandations relatives au nombre de créations d'offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation permettent une augmentation progressive du nombre d'offices à créer, de manière à ne pas bouleverser les conditions d'activité des offices existants. " (Soulignement ajouté).
352. Les recommandations se fondent nécessairement sur une analyse prospective. Les révisions biennales de la recommandation permettront à l'Autorité d'ajuster régulièrement les créations d'offices dans le temps dans le souci de progressivité prévu par la loi.
353. Il s'agit surtout de tenir compte du stock actuel de candidats potentiels à l'installation, qui est extrêmement faible (une dizaine au plus qui privilégieront en outre sans doute, d'après les candidats ayant répondu à la consultation des créations en association afin de faciliter le développement d'une clientèle).
354. Faute de lien statistique entre évolution du contentieux et fondamentaux socio-économiques et en raison des évolutions prévisibles du nombre de pourvois en cassation, la prudence s'impose ici : les réformes de la cassation en cours requièrent, pour cet exercice de recommandations, de limiter le nombre de créations de nouveaux offices afin de conduire un bilan au terme de cette première période de deux ans et d'en tirer d'éventuelles conclusions.
355. En tout état de cause, une approche fondée sur la seule augmentation du nombre d'offices apparaît trop réductrice pour traiter adéquatement la question du fonctionnement économique de la profession. Dans ces conditions, il a lieu, pour établir les recommandations, de tenir principalement compte du vivier restreint de candidats et des incertitudes liées aux évolutions du contentieux.
356. L'Autorité propose ainsi, dans le délai de deux ans prévu pour la présente recommandation, la création de quatre offices. Cette première période doit permettre un retour d'expérience sur ces créations et une meilleure appréhension de l'évolution du contentieux, notamment devant la Cour de cassation, au regard des réformes envisagées et du renforcement éventuel du contrôle de conventionnalité.
L'Autorité recommande, dans le délai de deux ans, la création de quatre nouveaux offices d'avocat aux Conseils.
B. LE FAIBLE NOMBRE DE CRÉATIONS ENVISAGÉES N'EST PAS DE NATURE À PORTER ATTEINTE À LA VALEUR DES OFFICES
357. Le chiffre d'affaires des offices139, qui fait partie des critères d'offre retenus par le décret n° 2016-215 du 26 février 2016 précité, constitue un indicateur pertinent de leur activité économique, ainsi que du potentiel de développement des nouveaux offices. Même si, pour les avocats aux Conseils, ce lien est moins mécanique que pour les autres professions réglementées compte tenu de la liberté tarifaire, le chiffre d'affaires représente l'indicateur le plus direct de la demande qui leur est adressée. Cette dernière se traduisant, dans la majorité des cas, par le dépôt d'un pourvoi, il rend également compte des critères de demande listés par le décret du 26 février 2016 précité (activité contentieuse des juridictions).
358. Comme pour les officiers ministériels concernés par l'article 52 de la loi, et dans des termes similaires, le Conseil constitutionnel a validé les nouvelles conditions d'installation et rappelé qu'il est loisible au titulaire d'un office antérieurement créé, s'il estime subir un préjudice anormal et spécial résultant de manière directe et certaine de la création de nouveaux offices, d'en demander réparation devant le juge administratif, sur le fondement du principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques140.
359. Saisi par les députés et les sénateurs requérants d'un grief tiré de ce qu'aucun mécanisme d'indemnisation n'était prévu en cas de préjudice résultant de la création de nouveaux offices, le Conseil constitutionnel a renvoyé au droit commun de l'indemnisation par l'État, sous le contrôle du juge administratif, sur le fondement du régime de la responsabilité sans faute du fait des lois. Ce faisant, il s'inscrit dans la continuité de sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2010 relative à la loi portant réforme de la représentation devant la Cour d'appel, où il avait annulé les dispositions de ladite loi prévoyant la réparation d'un " préjudice de carrière " ou d'un " préjudice économique " qui n'étaient que " purement éventuels141 ", et de sa décision n° 84-182 du 18 janvier 1985, où il avait considéré142 que le préjudice allégué par les membres de la profession supprimée de syndic-administrateur " ne présente qu'un caractère éventuel ", car la loi en cause facilitait leur accès aux nouvelles professions d'administrateur et de mandataire-liquidateur appelées à la remplacer. L'indemnisation du possible préjudice résultant de l'atteinte à la valeur patrimoniale d'un office antérieurement créé est donc possible, mais limitée.
360. Lorsque, comme en l'espèce, il n'est prévu ni la mise en place d'un régime d'indemnisation a priori des préjudices causés par la loi143, ni à l'inverse l'exclusion explicite de toute possibilité d'indemnisation de ces préjudices144, le juge administratif145 impose quatre conditions cumulatives (inhérentes au préjudice et interprétées strictement) pour engager la responsabilité de l'État146 : le préjudice doit être (i) certain, (ii) direct, (iii) anormal et (iv) spécial.
361. En premier lieu, le juge administratif considère que la victime supposée d'un préjudice ne peut en demander la réparation que si celui-ci est certain147. N'est réparable que le préjudice effectivement subi148. Dès lors, la réparation d'un préjudice " purement éventuel149 " n'est pas admise, notamment en cas de perte de bénéfices d'une activité économique ayant échoué par la faute de l'administration150.
362. S'agissant d'offices ministériels, comme l'a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt de 1946, " [l[es offices institués dans un intérêt public ne sont pas des propriétés privées et [ ] le seul élément du patrimoine de leurs titulaires susceptibles de faire l'objet d'une convention intéressée consiste dans la valeur pécuniaire du droit de présentation "151. En conséquence, à supposer que les autres critères soient remplis, seule une dépréciation de la valeur patrimoniale de l'office, qui affecterait la valeur du droit de présentation, serait susceptible de constituer un préjudice certain.
363. En deuxième lieu, la démonstration doit être établie d'un lien de causalité direct entre le fait imputable à l'administration et le préjudice invoqué152. Son appréciation relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Dans l'hypothèse où un élément (ou une personne) s'interpose dans ce lien de causalité, le juge administratif interprète de manière stricte l'exigence de préjudice direct : pour être réparable153, ce dernier doit constituer une conséquence mécanique de la cause du dommage154.
364. S'agissant de la dépréciation de la valeur patrimoniale d'un droit de présentation, le titulaire concerné devra apporter la preuve qu'elle est directement causée par l'installation d'une consoeur ou d'un confrère. Or, cette perte de valeur à proportion de la baisse de chiffre d'affaires de l'office, peut résulter d'autres facteurs, comme une évolution conjoncturelle de la demande ou une baisse d'attractivité de l'office due, par exemple, à sa politique tarifaire ou à la perception de la qualité du service rendu perçue par les usagers. Cette dépréciation résulte au moins autant d'une décision économique des clients de l'office que de l'installation d'un nouveau confrère. Dès lors, le lien de causalité entre les recommandations de l'Autorité et le préjudice qui pourrait être invoqué apparaît particulièrement ténu, et ce d'autant plus que ces recommandations ne procèdent pas elles-mêmes à la création d'offices, mais se contentent de la permettre dans la limite d'un rythme recommandé. Là encore, la décision de tiers de se porter ou non candidats à l'installation interfère dans la chaîne de causalité.
365. En troisième lieu, le préjudice doit être spécial. La démonstration d'un tel caractère apparait hautement improbable. En effet, la démonstration du caractère spécial du préjudice implique qu'il concerne un nombre limité de victimes. S'agissant des dispositions d'une loi, en principe de portée générale et impersonnelle, les préjudices causés du fait de l'activité normative de l'État satisfont rarement cette condition. Si le préjudice peut être spécial s'il ne concerne qu'une catégorie de personnes exerçant le même type d'activité155 ou si ces personnes se trouvent dans une situation géographique particulière156, le juge administratif procède à un contrôle strict de ces conditions. Or, à cet égard, la situation des avocats aux Conseils se distingue de celle des notaires : dans chacune des 307 zones d'installation, un petit nombre de professionnels se trouve a priori dans une situation spéciale au regard de l'arrivée sur un marché local d'un ou plusieurs nouveaux officiers. En revanche, tel n'est pas le cas des soixante offices d'avocats aux Conseils, qui exercent sur le même marché de dimension nationale, de sorte que la démonstration par chaque cabinet d'avocats aux Conseils que l'arrivée de nouveaux entrants lui a porté un préjudice spécial (au regard de ceux subis par les 59 autres offices installés) apparaît très improbable.
366. En quatrième et dernier lieu, le préjudice doit être anormal, c'est-à-dire excéder les inconvénients normaux de la vie en société. L'anormalité s'apprécie à la lumière de la gravité ou de l'importance particulière du préjudice157, notamment sa durée ou son caractère permanent. Dans ces conditions, la réparation du préjudice anormal se limite à la part de ce préjudice revêtant un caractère anormal158. Plus spécifiquement, les préjudices résultant de la cessation totale d'une activité professionnelle (directement et inévitablement inhérente à l'action de l'administration) sont, en général, considérés comme anormaux159. S'agissant des pertes d'exploitation, le juge n'en prévoit la réparation qu'à hauteur du préjudice excédant les pertes résultant de l'aléa inhérent à l'exercice de l'activité professionnelle concernée160. Aussi, s'agissant d'une baisse d'activité économique ou de la dépréciation d'une valeur patrimoniale, le préjudice n'est considéré comme anormal que si la baisse est particulièrement significative.
367. Pour ouvrir droit à indemnisation, le titulaire doit donc apporter la preuve que la dépréciation de la valeur patrimoniale de son droit de présentation est excessive. Or, dans le cas d'une suppression pure et simple d'un privilège professionnel (monopole des courtiers interprètes et conducteurs de navires), seulement partiellement compensée par un dispositif de reclassement professionnel, le Conseil constitutionnel a considéré qu'une indemnisation fixée à 65 % de la valeur de l'office (afférente aux activités faisant l'objet du privilège professionnel supprimé) n'était entachée d'aucune erreur manifeste161.
368. Un montant équivalent avait également été retenu dans le projet de loi initial relatif à la réforme de la représentation devant la Cour d'appel, qui prévoyait une indemnisation des titulaires d'offices d'avoués à hauteur des deux tiers de la valeur de leur office (dispositif finalement modifié au profit d'une indemnisation fixée par le juge de l'expropriation).
369. Mais, dans ces deux cas, les professionnels voyaient leur droit de présentation supprimé, ce qui n'est pas le cas des avocats aux Conseils, qui ont conservé l'intégralité de leurs privilèges professionnels : activités exclusives et droit de présenter leur successeur.
370. Ainsi, à supposer que les trois autres critères soient remplis - quod non - un nombre limité de créations (quatre) devrait écarter a fortiori tout risque de préjudice anormal liée à une dépréciation de la valeur des offices existants. Au cas d'espèce, ce risque de " bouleverser les conditions d'activité des offices existants " est d'autant moins élevé que les titulaires d'offices en place disposent déjà d'une clientèle constituée et fidélisée contrairement aux nouveaux entrants, soumis à davantage d'aléas.
371. En définitive, le risque indemnitaire sur le fondement de la responsabilité sans faute de l'État du fait des lois, déjà très hypothétique pour les notaires, est quasiment nul pour les avocats aux Conseils.
C. UNE AUGMENTATION PRUDENTE ET PROGRESSIVE DU NOMBRE D'OFFICES DOIT PERMETTRE DE RENFORCER LA BONNE L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE
372. La création recommandée de quatre offices résulte de l'analyse des critères prévus par le décret, puisqu'elle tient compte à la fois des données relatives à la situation de l'offre et de la demande.
373. Les améliorations attendues sont notamment les suivantes :
- accroissement du temps passé par dossier par l'associé lui-même, et augmentation de la qualité ;
- intensification de la concurrence, qui devrait limiter le risque d'augmentation des honoraires face à la stabilisation du contentieux (risque de sélection des dossiers les plus rentables et d'exclusion de certains justiciables).
374. En revanche, compte tenu des hypothèses prudentes retenues et de la progressivité, cette proposition mesurée, qui ne conduit qu'à un accroissement d'environ 7 % du nombre d'offices, n'est de nature à conduire à une dégradation significative :
- ni de la situation financière des offices existants (qui semble d'autant moins envisageable que l'organisation des offices est flexible et que la possibilité existe de développer des activités hors monopole),
- ni des autres critères retenus pour définir la bonne administration de la justice (qualité des prestations rendues par ces professionnels, maintien de l'obligation de déconseil, qui a pour effet induit de ne pas conduire à un encombrement des juridictions, maintien des relations soutenues entretenues avec les juridictions).
VI. Autres recommandations de l'Autorité
A. CONDITIONS REQUISES POUR ÊTRE NOMMÉ AVOCAT AUX CONSEILS
1. MODALITÉS DE TRANSMISSION DES DEMANDES DE NOMINATION
375. Le deuxième alinéa de l'article 25 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 relatif aux conditions d'accès à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation prévoit que toute demande de nomination dans un office créé " est transmise dans les conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, accompagnée des pièces justificatives ".
376. Les pièces justificatives sont nécessaires au ministre de la justice pour vérifier que le candidat remplit bien les " conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour l'exercice de la profession d'avocat aux Conseil d'État et à la Cour de cassation162 ".
377. Au regard des dispositions précitées, il demeure une incertitude concernant la liste des pièces justificatives qui devront être présentées par un candidat à l'installation dans un office créé à l'appui de sa demande de nomination. Ces pièces ayant vocation à conditionner la recevabilité d'une candidature, il conviendrait que cet arrêté les liste précisément. Toutefois, l'arrêté listant ces pièces ne doit pas ériger de nouvelles barrières à l'installation, par exemple en imposant la production de documents justifiant d'une expérience professionnelle dans un office d'avocat aux Conseils d'une durée excessive.
378. Par ailleurs, dans la mesure où cet arrêté définira les conditions de dépôt des demandes de nomination et listera les pièces justificatives à présenter par les candidats, il constituera le document de référence guidant tout dépôt de candidature. Il conviendrait donc qu'il soit adopté rapidement de façon à ce que les candidats sachent au plus vite quelles sont les formalités à remplir et quelles sont les pièces justificatives qui doivent être rassemblées pour constituer un dossier de candidature complet.
Recommandation n° 1 (arrêté définissant les conditions de transmission des demandes de nomination et listant les pièces justificatives) :
- Adopter dans un bref délai l'arrêté ministériel fixant les conditions de transmission des demandes de nomination dans un office créé et listant les pièces justificatives devant accompagner une telle demande ;
- Ne pas imposer aux candidats à l'installation dans un office créé la production de pièces justificatives conduisant, de facto, à ériger de nouvelles barrières à l'entrée d'origine réglementaire.
2. DÉLAI DE DÉPÔT DES CANDIDATURES
379. L'alinéa 1 de l'article 25 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 précité, tel qu'il a été modifié par le décret 2016-652 du 20 mai 2016, prévoit que " les personnes remplissant les conditions prévues à l'article 24 peuvent déposer leur demande (de nomination dans un office créé)163 dans un délai de deux mois à compter de la publication des recommandations de l'Autorité de la concurrence mentionnées à l'article L. 462-4-2 du Code de commerce ".
380. Ces dispositions conduisent à restreindre la possibilité de demander la création d'un nouvel office seulement pendant un délai de deux mois suivant la publication des recommandations de l'Autorité. Ces dispositions apparaissent particulièrement restrictives et contraignantes, en particulier pour toutes les personnes qui obtiendront le diplôme du CAPAC après l'expiration de ce délai.
381. En effet, passé ce délai de deux mois, le dépôt de nouvelles candidatures ne sera possible que si le ministre de la justice constate un nombre insuffisant de demandes de création d'offices au regard des besoins identifiés et procède à un appel à manifestation d'intérêt en application des dispositions du deuxième alinéa du I de l'article 3 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 et de l'article 29 du décret n° 91-1125 précités. Or, en application de ces dispositions, un tel appel à manifestation d'intérêt ne peut être lancé au plus tôt par le ministre que six mois après la publication des recommandations de l'Autorité.
382. Ces dispositions combinées aboutissent donc à empêcher les dépôts de demandes de création d'office entre l'expiration du délai de deux mois suivant la publication des recommandations et le lancement éventuel d'un appel à manifestation d'intérêt au plus tôt six mois après cette publication si l'ensemble des créations recommandées n'ont pas été réalisées. À l'instar d'autres professions juridiques réglementées164, il n'y a pas lieu d'empêcher les candidats de déposer des demandes de créations d'offices pendant la période précédant la publication d'un arrêté du ministre de la justice lançant un appel à manifestation d'intérêt (au plus tôt à partir du sixième mois suivant la publication des recommandations de l'Autorité).
383. Par ailleurs, l'alinéa 1 de l'article 25 du décret n° 91-1125 prévoit que les demandes de nomination dans un office créé ne peuvent aboutir à la création d'offices d'avocats aux Conseils que " jusqu'à l'ouverture de la procédure prévue au cinquième alinéa de cet article (l'article L. 462-4-2 du Code de commerce165) ".
384. Ces dispositions empêchent la création d'offices entre l'ouverture de la procédure d'élaboration des recommandations par l'Autorité et la publication de ces recommandations, c'est-à-dire pendant une période qui peut durer plusieurs mois.166
385. De telles limitations constituent, aux yeux de l'Autorité, des restrictions inutiles à la liberté d'installation des professionnels concernés.
Recommandation n° 2 (dates de dépôt des candidatures) :
- Ne pas restreindre le dépôt des candidatures aux offices créés à une période de deux mois suivant la publication des recommandations de l'Autorité. Pour ce faire, au premier alinéa de l'article 25 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 précité, supprimer les mots " dans un délai de deux mois " ;
- Ne pas empêcher la création d'offices pendant la période allant jusqu'à la publication des nouvelles recommandations de l'Autorité. Pour ce faire, au premier alinéa de l'article 25 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 précité, remplacer les mots : " jusqu'à l'ouverture de la procédure prévue au cinquième alinéa de cet article " par les mots : " jusqu'à la publication de nouvelles recommandations par l'Autorité de concurrence au terme de la procédure prévue au cinquième alinéa de cet article ".
3. CANDIDATURES MULTIPLES AUX OFFICES CRÉÉS
386. Dans le cadre de la consultation publique, certains contributeurs ont émis le souhait de pouvoir présenter une candidature collective à l'installation. Une telle possibilité permettrait à de nouveaux entrants de mutualiser les coûts, les moyens et les compétences et donc de disposer de davantage d'atouts pour développer un office nouvellement créé.
387. Une telle possibilité semble offerte par l'article 24 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 précité, qui prévoit que " peut demander sa nomination dans un office créé toute personne remplissant les conditions générales d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ". Les termes " personnes remplissant les conditions prévues à l'article 24 " ou " demandeurs " utilisés pour désigner les candidats aux offices créés semblent renvoyer indifféremment à une personne physique ou à une personne morale.
388. Il ressort de l'instruction que le gouvernement entend effectivement permettre les installations de professionnels dans des offices créés sous la forme d'une structure sociétaire, autorisant ainsi les candidatures collectives.
B. TRANSPARENCE ET OBJECTIVITÉ DE L'EXAMEN DES CANDIDATURES
1. COMMISSION CHARGÉE D'ÉTABLIR UN ORDRE DE PRÉFÉRENCE DES CANDIDATS AUX OFFICES
389. L'article 27 du décret n° 91-1125 précité, modifié par les dispositions du décret n° 2016-652 du 20 mai 2016 précité, prévoit que " les nominations aux offices créés sont faites au choix par le garde des Sceaux, ministre de la justice, après avis mentionné de la commission mentionnée à l'article 28 qui classe les demandeurs par ordre de préférence ". L'article 28 du même décret prévoit que cette commission est composée (i) du directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice ou son représentant, (ii) d'un conseiller d'État, (iii) d'un conseiller à la Cour de cassation, (iv) d'un avocat général à la Cour de cassation, et (v) d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation désigné sur proposition du Conseil de l'Ordre.
390. Cette commission classera par ordre de préférence les demandes de nominations en tant qu'avocat aux Conseils adressées au ministre de la justice sans qu'aucun critère objectif ne soit prévu par la loi ou par voie règlementaire pour départager les candidats.
391. L'Autorité s'est interrogée sur la justification de ce mode d'attribution des offices au regard de l'incertitude pouvant peser sur les éléments d'appréciation pris en compte par la commission.
392. Par ailleurs, ainsi que l'a évoqué le rapport d'information déposé par la mission d'information commune sur l'application de la loi n° 2015-990 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, présenté par M. le député Richard Ferrand le 22 mars 2016, la composition de la commission peut être discutée au regard de la possibilité offerte aux anciens membres du Conseil d'État ou de la Cour de cassation de bénéficier de dispenses lorsqu'ils sollicitent une nomination en tant qu'avocat aux Conseils.
393. En outre, à l'instar du rapport précité, l'Autorité s'étonne qu'une telle commission ait été instaurée pour l'examen des nominations dans les offices créés d'avocats aux Conseils, alors que des commissions similaires, qui existaient avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2015-990 précitée pour d'autres officiers ministériels (CLON pour les notaires et CLUHJ pour les huissiers de justice167) ont été supprimées au profit d'un système d'horodatage des candidatures dans le but de rendre le traitement de ces dernières plus objectif.
394. Le ministère de la justice, en réponse aux questions de la mission d'information parlementaire susmentionnée, a justifié cette commission par un objectif d'une meilleure sélection des candidats. Une telle réponse peut toutefois surprendre au regard des grandes qualités professionnelles que l'Ordre reconnaît aux diplômés du CAPAC, qui ont tous passé avec succès un examen dont la difficulté et la technicité sont unanimement admis. En suivant cette voie d'excellence, les candidats à l'installation ont fait la preuve qu'ils possèdent les compétences professionnelles nécessaires à une nomination dans un office créé, sans qu'il soit nécessaire de les départager à partir d'un ordre de préférence établi au regard d'éléments peu transparents.
395. Interrogés par les services d'instruction de l'Autorité de la concurrence sur l'utilité d'une telle commission, l'Ordre des avocats aux Conseils a considéré qu'elle est essentiellement nécessaire pour la gestion des profils des nouveaux avocats aux Conseils selon des critères équitables (ancienneté, âge, sexe, voire honorabilité).
396. Auditionnée par le collège le 27 septembre 2016, la Directrice des Affaires Civiles et du Sceaux (" DACS ") a indiqué la préférence du ministère de la justice pour une approche multicritères (fondée sur l'âge, l'expérience, l'ancienneté du CAPAC, des objectifs de parité, etc.). Elle a également souligné la difficulté d'opérer une hiérarchisation de ces différents critères pour classer les candidats (dont le nombre sera limité).
397. L'Autorité considère que les candidats à l'installation pourraient être classés au regard d'un seul critère - la date du dépôt de leur demande - ce qui simplifierait l'établissement du classement, justifierait la suppression de la commission et harmoniserait le dispositif avec celui applicable aux autres officiers ministériels. Si toutefois l'approche multicritères devait être conservée, l'Autorité estime que l'argumentation développée en séance par la DACS peut être entendue. Compte tenu du nombre réduit de candidats, laisser une certaine marge de souplesse à la commission pour les départager au cas par cas n'est pas dénué d'intérêt. Il conviendrait toutefois que l'avis de la commission soit motivé et que les candidats en soient informés.
398. À noter par ailleurs qu'il existe une possibilité, pour un avocat aux Conseils associé en exercice, de se retirer de sa société pour candidater à la création d'un office nouvellement créé (hors cas de mésentente). Une telle hypothèse pourrait conduire à une augmentation faciale du nombre d'offices, mais sans augmentation du nombre de professionnels, en méconnaissance des objectifs posés par la loi. En effet, l'article L. 462-4-2 du Code de commerce prévoit que les créations d'offices doivent permettre d'" assurer une offre de services satisfaisante ". Pour cette raison, une priorité accordée aux nouveaux entrants pourrait être prévue par la commission précitée. À noter qu'une telle disposition ne porterait pas préjudice aux associés souhaitant se retirer de leur office à la suite d'une mésentente constatée par le président du TGI, puisque les articles 74 et suivants du décret n° 78-380 du 15 mars 1978 précité prévoient leur nomination à un office ad hoc, créé à leur intention.
399. Afin d'améliorer l'accès aux offices d'avocats aux Conseils, l'Autorité propose par conséquent, à titre principal, la suppression de la commission mentionnée aux articles 27 et 28 du décret n° 91-1125 précité, et son remplacement par un système d'horodatage. Dans l'hypothèse où l'approche multicritères serait conservée, s'il n'apparaît pas indispensable à l'Autorité que ces critères soient spécifiés a priori dans un texte réglementaire, il pourrait toutefois être utile que l'avis de la commission précitée soit motivé et notifié à chaque candidat pour ce qui le concerne.
Recommandation n° 3 (modification des modalités de traitement des candidatures) :
- À titre principal, supprimer la commission mentionnée aux articles 27 et 28 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 précité et la remplacer par un système d'horodatage (classement en fonction de la date et de l'heure de dépôt de la demande).
- À titre subsidiaire, sans qu'il soit nécessaire que les critères de départage des candidats soient spécifiés a priori, prévoir que l'avis de cette commission est motivé et notifié à chaque candidat pour ce qui le concerne.
2. APPRÉCIATION DE L'HONORABILITÉ, DES CAPACITÉS PROFESSIONNELLES ET DES POSSIBILITÉS FINANCIÈRES
400. L'article 26 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 prévoit que le ministre de la justice peut recueillir l'avis motivé du Conseil de l'Ordre " dans les conditions prévues à l'article 22 ". Ces conditions sont les suivantes : cet avis motivé porte " sur l'honorabilité et sur les capacités professionnelles de l'intéressé ainsi que sur ses possibilités financières au regard des engagements contractés. Si quarante-cinq jours après sa saisine, le conseil de l'ordre n'a pas adressé l'avis qui lui a été demandé, il est réputé avoir émis un avis favorable. ".
401. S'agissant d'une nomination dans un office créé (et donc sans l'exercice d'un droit de présentation supposant une contrepartie financière comme dans les cas d'un office existant ou vacant168), l'Autorité considère d'abord que rien ne justifie que le ministre de la justice procède à un contrôle des possibilités financières du demandeur, ni que le conseil de l'Ordre n'émette un avis sur ces dernières. Sur ce point, il convient de s'aligner sur les dispositifs applicables aux autres officiers ministériels concernés par la liberté d'installation (notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires).
402. L'Autorité considère qu'il n'est pas nécessaire que le ministre de la justice sollicite systématiquement l'avis du Conseil de l'Ordre et se félicite par conséquent que cet avis soit facultatif. Dans le cas d'offices créés, cet avis ne doit en aucune façon porter sur les possibilités financières du demandeur au regard des engagements contractés. Il est proposé de le préciser à l'article 26 du décret n° 91-1125 précité.
Recommandation n° 4 (suppression de la possibilité pour le Conseil de l'Ordre d'émettre un avis sur les possibilités financières des candidats à l'installation dans un office créé) :
- Compléter l'article 26 du décret n° 91-1125 précité par un alinéa ainsi rédigé :
" Toutefois, cet avis motivé ne porte pas sur les possibilités financières du demandeur. "
3. TRANSPARENCE DE L'INFORMATION
a) Sur le nombre de demandes et de nominations, ainsi que l'actualisation des recommandations de créations d'offices
403. En application des dispositions du I de l'article 3 de l'ordonnance du 18 septembre 1817, le ministre de la justice nomme les titulaires d'office d'avocats aux Conseils créés au vu des besoins identifiés par l'Autorité (recommandations formulées et rendues publiques tous les deux ans, conformément aux dispositions de l'article L. 462-4-2 du Code de commerce).
404. En conséquence, les demandes de nomination qui excèdent les besoins identifiés ne pourront être validées par le ministre de la justice avant la formulation de nouvelles recommandations.
405. Que ce soit au cours des deux mois suivant la publication des recommandations de l'Autorité ou dans le cadre d'un appel à manifestation d'intérêt169, il importe que les demandeurs soient informés des opportunités de créations. Pour la bonne information des candidats et de l'Autorité, il serait utile que le ministère de la justice rende public, si possible en temps réel et à tout le moins à échéances régulières, l'état des candidatures reçues, le nombre des nominations en cours et, s'il n'est pas épuisé, le nombre recommandé d'offices à créer.
Recommandation n° 5 (information actualisée sur l'état des candidatures) :
- Rendre public, si possible en temps réel et à tout le moins à échéances régulières, l'état des candidatures reçues, le nombre des nominations en cours et, s'il n'est pas épuisé, le nombre recommandé d'offices à créer.
b) Sur les opportunités professionnelles d'associations au sein d'offices existants
406. Outre la possibilité de s'installer dans un office créé ou vacant, les personnes remplissant les conditions d'aptitude à la profession d'avocat aux Conseils peuvent souhaiter être nommées dans un office existant dans lequel il existe une opportunité de succession ou d'association. Il peut notamment s'agir d'offices dans lesquels l'un des associés a souhaité se retirer170, y a été forcé171, a sollicité la création d'un office à la suite d'un retrait en raison d'une mésentente entre associés172 ou est décédé173.
407. Parallèlement aux créations recommandées par l'Autorité, certains contributeurs à la consultation publique ont déploré le manque d'information sur ces opportunités de reprise ou d'association au sein des offices existants.
408. L'Autorité considère qu'il pourrait être utile, afin d'améliorer l'accès aux offices, que le Conseil de l'Ordre diffuse de telles informations aux personnes remplissant les conditions pour exercer la profession.
Recommandation n° 6 (diffusion d'informations sur les opportunités de reprise ou d'association au sein d'offices existants) :
- Inciter l'Ordre à diffuser des informations sur les opportunités de reprise ou d'association au sein d'offices d'avocats aux Conseils existants.
C. PROCÉDURE DEVANT L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
1. TRANSMISSION SYSTÉMATIQUE D'INFORMATIONS À L'AUTORITÉ
409. La mission dévolue à l'Autorité suppose l'analyse d'un grand nombre de données financières, économiques et relatives au contentieux des juridictions administratives et judiciaires174, afin d'apprécier les fondamentaux de l'offre et de la demande de prestations d'avocats aux Conseils.
410. La collecte des données financières émanant de chaque office a, en général, pu être effectuée dans de bonnes conditions grâce à une centralisation effectuée par l'Ordre. Néanmoins, cette collecte a pris un délai non négligeable et nécessité la relance d'un certain nombre d'offices ayant répondu tardivement aux demandes d'informations qui leur avaient été adressées. Ces difficultés sont d'autant plus préjudiciables que le nombre d'offices d'avocats aux Conseils étant restreint, toute absence de réponse ou toute réponse incomplète est susceptible de nuire à la représentativité des données analysées par l'Autorité. Afin d'y remédier, l'Autorité propose que l'Ordre des avocats aux Conseils systématise davantage la collecte des données d'activité des offices, afin d'être en mesure de les communiquer dès le lancement de la procédure.
411. De plus, du fait du nombre limité d'avocats aux Conseils, l'Autorité doit être informée sans délai de toute variation de leur nombre (notamment à la suite de retraits, de décès ou de nominations). De ce fait, il pourrait être utile que le ministère de la justice lui transmette de manière régulière (par exemple, tous les semestres) des informations dans ce domaine.
412. Enfin, l'Autorité a collecté auprès du Conseil d'État, de la Cour de cassation et du ministère de la justice de nombreuses données sur l'évolution de l'activité des juridictions. Afin de les fluidifier, l'Autorité propose de systématiser la remontée de ces informations par une transmission régulière, par exemple selon un rythme annuel.
Recommandation n° 7 (systématisation de la transmission d'informations à l'Autorité) :
- Prévoir une systématisation de la collecte d'informations et de données par l'Ordre afin qu'elles puissent être transmises à l'Autorité dans un délai d'un mois suivant le lancement de la consultation publique prévue à l'article L. 462-4-2 du Code de commerce.
- Prévoir une transmission régulière (par exemple, tous les semestres) d'informations sur l'évolution du nombre d'offices et du nombre d'avocats aux Conseils en en spécifiant les raisons (retraits, décès, nomination, etc.).
- Prévoir une transmission annuelle des données relatives au contentieux devant le Conseil d'État, la Cour de cassation et aux décisions prononcées par les juridictions du fond et susceptibles de pourvoi en cassation.
2. MISE EN PLACE D'UNE COMPTABILITÉ ANALYTIQUE AU SEIN DES OFFICES D'AVOCATS AUX CONSEILS
413. L'article 2 du décret n° 2016-215 prévoit que l'Autorité de la concurrence doit identifier le nombre d'offices d'avocats aux Conseils qui apparaissent nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante, notamment au regard du " chiffre d'affaires global des offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation et (de) celui réalisé par chacun d'entre eux au cours des cinq dernières années ". Or, dans un premier temps, onze des soixante offices d'avocats aux Conseils ont indiqué qu'il ne leur était pas possible d'évaluer la répartition de leur chiffre d'affaires entre leurs activités respectivement exercées en monopole et en concurrence. Six de ces offices ont, dans un second temps, après relance, communiqué des informations sur ce point mais en précisant que celles-ci ne constituaient qu'une approximation, faute pour leur office d'être équipé de logiciels permettant de réaliser une telle évaluation.
415. L'Autorité déplore qu'il n'existe actuellement aucune obligation pour un office d'avocats aux Conseils de se doter d'une comptabilité qui permette de distinguer les produits et les charges inhérentes à l'activité monopolistique, d'une part, et à l'activité concurrentielle d'autre part, ou de distinguer le nombre de dossiers traités par l'office ou par les associés de l'office dans chacun des principaux domaines d'activité de ce dernier.
416. L'Autorité recommande de mettre en place une telle comptabilité, d'imposer aux offices de ventiler leurs produits et charges entre leurs différentes activités, et de dénombrer les dossiers traités par l'office et par chacun de ses associés, le cas échéant avec ou sans l'aide d'un collaborateur, pour chacune de ces activités176.
417. De telles obligations pourraient s'inscrire dans le cadre du développement d'une comptabilité analytique similaire à celle qui est prescrite à l'article R. 444-20 du Code de commerce pour d'autres professions juridiques réglementées, même si, à la différence de celles-ci, l'activité des avocats aux Conseils ne fait pas l'objet de tarifs réglementés.
Recommandation n° 8 (Mise en place d'une comptabilité analytique au sein des offices d'avocats aux Conseils)
- Prévoir la mise en place d'une comptabilité analytique au sein des offices d'avocats aux Conseils prévoyant une ventilation des produits et des charges entre activités monopolistiques et activités concurrentielles, la comptabilisation du nombre de dossiers traités par types d'activités et par associés, le cas échéant avec ou sans intervention d'un collaborateur.
D. BARRIÈRES À L'ENTRÉE DES CANDIDATS À L'INSTALLATION
1. FORMATION INITIALE ET EXAMEN DU CAPAC
418. La profession d'avocat aux Conseils ne peut être exercée que par une personne ayant suivi une formation longue et exigeante et qu'après l'obtention du diplôme du CAPAC, qui exige la triple maîtrise du droit public, du droit civil et du droit pénal.
419. En principe, sauf dispense prévue aux articles 2 à 4 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 précité177, et en-dehors du bénéfice du régime applicables aux ressortissant de l'Union européenne178, pour pouvoir devenir avocat aux Conseils, un professionnel doit
414. Afin d'évaluer le volume d'activité de chacun d'entre eux, il a en outre été demandé aux offices de communiquer à l'Autorité des données relatives au nombre de dossiers traité pour chacune des principales activités des avocats aux Conseils être titulaire d'une maîtrise en droit, avoir obtenu le certificat d'aptitude à la profession d'avocat (à la cour) et avoir été inscrit pendant au moins un an au tableau d'un barreau.
420. Sous réserve de ces dispenses, le professionnel qui souhaite devenir avocat aux Conseils doit ensuite suivre une formation d'une durée de trois ans au sein de l'IFRAC, en parallèle d'une activité de collaborateur au sein d'un office.
421. Les conditions d'organisation de la formation au sein de l'IFRAC ont été rappelées et détaillées aux paragraphes 25 et suivants du présent avis.
422. De même, les conditions d'obtention du CAPAC ont été rappelées et détaillées aux paragraphes 31 et suivants du présent avis.
423. Au regard de ces éléments, des contributions recueillies dans le cadre de la consultation publique et des auditions conduites dans le cadre de l'instruction, il ressort que le niveau d'exigence pour accéder à la profession d'avocat aux Conseils demeure particulièrement élevé. Comme l'indique l'Ordre dans sa contribution à la consultation publique, " la formation est longue, l'examen difficile et le niveau de compétence exigé est élevé ".
424. Dans leurs contributions, l'Ordre et certains offices existants insistent sur le fait que les exigences de diplôme, la formation à l'IFRAC, ainsi que la technicité et le caractère pluridisciplinaire du CAPAC constituent des garanties de la technicité (en maîtrisant la technique de cassation) et de la capacité des avocats aux Conseils à traiter des dossiers dans toutes les disciplines juridiques dans lesquels interviennent les juridictions de cassation (droit privé 179, droit pénal et droit public).
425. Les informations recueillies dans le cadre de l'instruction confirment la maîtrise par les avocats aux Conseils de compétences juridiques développées, notamment dans la maîtrise de la technique de cassation, appliquée à toutes les disciplines juridiques du droit français, et ne conduisent pas à remettre en cause l'utilité d'une formation spécifique ni d'un diplôme spécifique pour pouvoir exercer la profession d'avocat aux Conseils.
426. Cependant, le niveau de difficulté et d'investissement requis pour satisfaire les exigences de formation et de diplôme pour devenir avocat aux Conseils contribue à décourager une grande partie des personnes qui souhaitent rejoindre la profession. Ainsi, il ressort de l'instruction qu'entre deux tiers et 80 % des 20 à 30 personnes qui s'inscrivent en première année à l'IFRAC chaque année, n'obtiennent pas le certificat de fin de formation. Par ailleurs, tous les diplômés de l'IFRAC ne passent pas systématiquement le CAPAC, notamment du fait du niveau de connaissances juridiques pluridisciplinaires exigées pour passer cet examen, alors que la très grande majorité des collaborateurs sont spécialisés dans un seul des contentieux (civil, pénal, public) voire dans une matière juridique (droit social, droit fiscal, droit des assurances). De plus, seuls la moitié des candidats qui passent le CAPAC l'obtiennent (49,07 % entre 2005 et 2015).
427. Ces éléments tendent à démontrer que les conditions d'accès à la profession d'avocat aux Conseils inhérentes à la formation et au diplôme du CAPAC, permettent à l'Ordre et aux professionnels exerçant dans des offices existants de réguler voire de restreindre l'accès à la profession. En effet, l'IFRAC est un " service de l'Ordre180 ", qui ne dispose d'aucune autonomie par rapport à ce dernier. De plus, les étudiants à l'IFRAC travaillent sous l'autorité d'un avocat aux Conseils qui est consulté pour la délivrance de certificats de formation. Par ailleurs, les avocats aux Conseils représentent la moitié des membres des jurys qui décident du passage en deuxième et troisième année de l'IFRAC181 ou de l'obtention du CAPAC.
428. Sans que ni la qualité de la formation dispensée par l'IFRAC ni les professionnels qui siègent au sein de jury ne soient en cause, l'Autorité s'interroge sur les possibles barrières à l'entrée créées par les conditions d'accès à la profession d'avocat aux Conseils (en particulier la formation et l'obtention du CAPAC). Des aménagements sont envisageables pour améliorer l'accès aux offices d'avocats aux Conseils tout en conservant le haut niveau de technicité des professionnels.
429. Pour ces raisons, l'Autorité souhaite formuler des propositions sur (a) le déroulement de la formation à l'IFRAC et (b) l'organisation de l'IFRAC.
a) Sur le déroulement de la formation à l'IFRAC
430. L'Autorité considère que certaines dispositions du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 relatives à la formation ne sont pas nécessaires ou proportionnées à l'objectif de cette formation, qui est de garantir un haut niveau de compétence des avocats aux Conseils.
431. Les étudiants à l'IFRAC sont généralement des collaborateurs au sein d'offices d'avocat aux Conseils. Cet exercice professionnel concomitant peut être à l'origine d'abandons en cours de formation, ce qui constitue une allocation sous-optimale tant pour le centre de formation que les étudiants eux-mêmes. Aussi semble-t-il utile d'assouplir les possibilités de suspension de la formation, pour faciliter l'articulation avec d'autres activités professionnelles, et simplifier la reprise de la formation à l'issue d'une interruption. À cette fin, l'Autorité propose de permettre à toute personne suivant la formation de l'IFRAC de pouvoir l'interrompre pendant une durée maximum d'un an au lieu de trois mois actuellement.
Recommandation n° 9 (déroulement de la formation à l'IFRAC) :
- À l'article 14 du décret, remplacer les termes " trois mois " par les termes " un an ".
b) Sur l'organisation de l'IFRAC
432. L'Autorité constate, à l'instar du rapport sur les professions du droit présenté par M. Jean-Michel Darrois en 2009182, que l'accès à la profession d'avocat aux Conseils est en grande partie contrôlé par les représentants des avocats aux Conseils installés (s'agissant de l'administration de l'IFRAC en particulier).
433. De même que le rapport Darrois, l'Autorité recommande que l'IFRAC soit doté d'une certaine autonomie par rapport à l'Ordre, que ses organes d'administration soient réorganisés et leur composition élargie.
434. Cette réforme de la gouvernance de l'IFRAC pourrait réduire le risque de rétablissement d'un numerus clausus de fait, qui viendrait tarir le vivier des candidats à l'installation et limiter les effets de la réforme souhaitée par le législateur.
Recommandation n° 10 (organisation de l'IFRAC et composition des jurys de l'IFRAC et du CAPAC) :
Conférer à l'IFRAC une autonomie de gestion par rapport à l'Ordre en revoyant sa gouvernance (ouverture de ses organes de direction à d'autres personnes que des avocats aux Conseils ou des membres du Conseil d'État et de la Cour de cassation).
2. DIFFUSION D'INFORMATIONS SUR L'EXERCICE DE LA PROFESSION D'AVOCATS AUX CONSEILS
435. L'instruction a démontré que la profession d'avocat aux Conseils et ses modalités d'exercice demeurent peu connues. La plupart des collaborateurs n'ont décidé de travailler dans un office d'avocats aux Conseils qu'après avoir pris connaissance fortuitement d'une telle opportunité de carrière. Ce déficit d'information des étudiants et des professionnels du droit sur les voies d'accès à la profession d'avocat aux Conseils est susceptible de favoriser l'" entre soi " de la profession (qui a notamment été mis en exergue par certains rapports parlementaires183). Ce phénomène contribue à réduire le vivier potentiel des avocats aux Conseils et à favoriser le maintien de réseaux déjà constitués. D'un point de vue économique, il s'agit d'une barrière à l'entrée liée à une asymétrie d'information.
436. Alors qu'au cours de l'instruction, l'Ordre des avocats aux Conseils a fait part de sa crainte que " la compétence ne s'échappe exclusivement vers les grands cabinets parisiens ", une plus grande publicité sur les possibilités d'embrasser la profession d'avocat aux Conseils permettrait peut-être d'attirer des candidats plus nombreux vers la filière de formation.
437. L'Ordre des avocats aux Conseils a indiqué qu'elle souhaitait davantage communiquer auprès des professionnels et des étudiants en droit qu'il ne le fait actuellement. L'Autorité soutient cette démarche, qui pourrait, par exemple, consister à promouvoir davantage les travaux de la conférence du stage ou à mobiliser les barreaux et les écoles de formation des barreaux.
Recommandation n° 11 (amélioration de l'information des candidats potentiels sur les modalités d'accès à la profession d'avocats aux Conseils) :
- Inciter l'Ordre des avocats aux Conseils à davantage communiquer à destination des candidats potentiels à l'installation, notamment en promouvant les travaux de la conférence du stage ;
- Inciter les barreaux et les écoles de formation des barreaux d'avocats à la Cour à mieux informer leurs membres et leurs étudiants sur les modalités d'accès à la profession d'avocat aux Conseils.
3. PUBLICITÉ
438. Le règlement général de déontologie des avocats aux Conseils limite de manière contraignante la possibilité pour un professionnel de se faire connaître auprès de clients potentiels. En effet, ce règlement prohibe toute communication à caractère publicitaire ou constitutive d'un acte de démarchage ou de sollicitation184 et n'autorise le professionnel qu'à diffuser une plaquette de présentation de son cabinet185. Il interdit également toute plaque mentionnant l'existence d'un office d'avocat aux Conseils à l'extérieur de l'immeuble186. Il règlemente les mentions qu'un professionnel peut faire apparaître sur son papier à en-tête, ses courriers électroniques et ses cartes de visite professionnelles187. En outre, l'article 99 du règlement général de déontologie prévoit que l'ouverture ou la modification d'un site internet, de même que la création ou la modification d'une plaquette, doit faire l'objet d'un projet soumis au président de l'Ordre.
439. L'Autorité considère que le caractère particulièrement contraignant de cette règlementation est de nature à freiner le développement économique d'offices existants ou créés, sans qu'elle soit strictement nécessaire à la garantie de la neutralité de la présentation des activités des avocats aux Conseils aux justiciables. En conséquence, il pourrait s'avérer utile de les assouplir, en particulier au bénéfice de créateurs d'offices, afin de faciliter le démarrage de leur activité et donc de stimuler la concurrence.
440. Il conviendrait par exemple de permettre au créateur d'un nouvel office de se faire connaître de clients ou de potentiels avocats à la Cour " correspondants188 " par le biais d'avis de presse189, en particulier spécialisée (dont le nombre serait laissé à la discrétion du créateur d'office).
441. Il conviendrait également d'autoriser les offices d'avocats aux Conseils à faire figurer une plaque à l'extérieur de l'immeuble dans lequel ils sont installés.
442. L'Autorité considère enfin que la procédure d'agrément par le président de l'Ordre de tout nouveau site internet ou de toute modification du site internet, ainsi que de toute plaquette, demeure excessivement contraignante. Elle préconise donc son remplacement par un contrôle a posteriori portant sur les seules règles déontologiques.
Recommandation n° 12 (publicité) :
Assouplir la réglementation relative à la publicité et aux sites internet, de façon à stimuler la concurrence et à permettre aux nouveaux avocats aux Conseils nommés de se faire connaître et de développer leur clientèle en :
- permettant au créateur d'un nouvel office de se faire connaître de clients ou de potentiels avocats à la Cour correspondants par le biais d'avis de presse (dont le nombre serait laissé à la discrétion du créateur d'office) ;
- autorisant les offices d'avocats aux Conseils à faire figurer une plaque à l'extérieur de l'immeuble dans lequel ils sont installés ;
- supprimant la procédure d'agrément des sites internet et des plaquettes des offices par le président de l'Ordre et le remplacer par un contrôle a posteriori.
E. ACCÈS DES FEMMES AUX OFFICES
443. Seuls 24 % des avocats aux Conseils sont des femmes. Pour autant, la féminisation s'accélère : la première femme qui a accédé à la profession a prêté serment en 1976 ; en 2005, elles représentaient 17 % des effectifs, soit une augmentation de 7 points entre 2005 et 2016. Sur les cinq dernières années, on dénombre 9 femmes sur les 29 entrants, soit près d'un tiers. Selon le Conseil de l'Ordre, ce mouvement devrait s'amplifier, tant en raison de la proportion importante des femmes titulaires du CAPAC ou en formation à l'IFRAC (environ 50 %).
444. Toutefois, les effectifs féminins actuels restent limités. Si l'on compare le taux de féminisation des avocats aux Conseils à celui de l'entreprenariat féminin en général, tous secteurs confondus190, 28 % des entreprises créées en France en 2010 l'ont été par des femmes. Au niveau national, les femmes représentent en outre 45 % des professionnels exerçant une activité libérale et 50 % des professionnels libéraux dans le secteur juridique191.
445. En revanche, la représentation des femmes dans les instances professionnelles des avocats aux Conseils est satisfaisante. L'ordonnance n° 2015-949 du 31 juillet 2015 a posé le principe d'un égal accès des femmes et des hommes au sein des conseils, conseils supérieurs, conseils nationaux, régionaux, interdépartementaux et départementaux des ordres professionnels. En particulier, son article 9 pose le principe d'une représentation du sexe le moins représenté au sein du conseil de l'ordre, qui doit être au moins proportionnelle à ses effectifs dans la profession. Or, au niveau du Conseil de l'Ordre des avocats aux Conseils, la représentation des femmes est supérieure à celle observée dans la profession. Ainsi, le taux de féminisation est de près de 42 %, soit près de 19 points d'écart par rapport à la représentation féminine dans la profession. Il existe donc un décalage entre la réalité démographique de la profession et la représentation des femmes au sein de l'instance ordinale, en faveur de ces dernières. Il convient également de noter la présence d'une femme en tant que présidente de l'Ordre des avocats. Cette situation n'est pas nouvelle, car entre 2000 et 2003, le Conseil de l'Ordre avait déjà été présidé par une femme.
446. Afin d'améliorer l'accès des femmes aux offices d'avocats aux Conseils, à l'instar de ce que le conseil de l'Ordre propose lui-même dans le cadre de sa contribution, l'Autorité estime pertinentes les mesures suivantes :
- la suspension de la formation dans le cadre de l'IFRAC, qui pourrait être de droit en cas de maternité ;
- la mise en place par la profession de dispositifs de soutien pendant les absences maladie, maternité ou paternité des professionnels ;
- l'amélioration de la couverture financière des professionnels ayant recours à des congés maternité ou paternité, complémentaire à la couverture déjà prévue par le régime social des indépendants (RSI), qui pourrait être partiellement prise en charge par un fonds interprofessionnel,
447. Dans un souci de transparence, il conviendrait en outre que le Conseil de l'Ordre établisse une information statistique par genre, retraçant le parcours professionnel des avocats aux Conseils par des indicateurs de parité et des indicateurs d'incidence par sexe, et rédige un rapport thématique annuel consacré à la situation des femmes et des hommes au sein de l'Ordre des avocats aux Conseils.
Recommandation n° 13 (parité) :
Afin de renforcer la féminisation des effectifs de la profession, il peut être préconisé :
- la suspension de la formation dans le cadre de l'IFRAC de droit en cas de maternité ;
- la mise en place par la profession de dispositifs de soutien pendant les absences maladie, maternité ou paternité des professionnels, essentiellement pour celles ou ceux qui exercent seuls ;
- l'amélioration de la couverture financière des professionnels ayant recours à des congés maternité ou paternité, en complément des dispositions prévues par le régime social des indépendants (RSI), par exemple par la création d'un fonds interprofessionnel ;
- l'établissement par le Conseil de l'Ordre d'une information statistique par genre retraçant le parcours professionnel des avocats aux Conseils par des indicateurs de parité et des indicateurs d'incidence par sexe, assortie d'un rapport thématique annuel consacré à la situation des femmes et des hommes au sein de l'ordre des avocats aux Conseils.
Délibéré sur le rapport oral de Mme Marie-Pierre François et de M. Antoine Callot et Louis-Gabriel Masson, rapporteurs, et l'intervention de M. Thomas Piquereau, rapporteur général adjoint, de Mme Virginie Beaumeunier, rapporteure générale, par M. Bruno Lasserre, président de séance, Mmes Élisabeth Flüry-Hérard et Claire Favre et M. Thierry Dahan, vice-présidents, Mmes Chantal Chomel, Laurence Idot, Sophie Harnay, Patricia Phené, Pierrette Pinot, Carol Xueref, Marie-Laure Sauty de Chalon, Séverine Larere, Isabelle de Silva, et MM. Philippe Choné, Noël Diricq et Olivier d'Ormesson, membres.
Conformément aux dispositions de l'article L. 462-4-2 du Code de commerce, telles que prévues par l'article 57 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, l'Autorité de la concurrence a pour mission de rendre au ministère de la Justice un avis concernant la liberté d'installation des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, incluant toutes recommandations en vue d'améliorer l'accès aux offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, dans la perspective d'augmenter de façon progressive le nombre d'offices.
Afin de contribuer à la formulation de ces recommandations, les acteurs intéressés (associations de défense des consommateurs, ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, associations de professionnels concernés, ainsi que toute personne remplissant les conditions requises pour être nommée en qualité d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation) ont été invités à adresser leurs observations à l'Autorité de la concurrence avant le 31 mars 2016 et à répondre aux questions suivantes :
- Comment doivent être pris en compte les critères fixés par le décret 2016-215 pour identifier le nombre de création d'offices d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante ?
- Quels seraient les données et les critères pertinents pour identifier le rythme adéquat de création d'offices ?
- Quelles exigences de bonne administration de la justice et quelles données d'évolution du contentieux devant le Conseil d'État et la Cour de cassation doivent être prises en compte dans l'évaluation du nombre d'offices nécessaire pour assurer une offre de services satisfaisante et pour identifier le rythme adéquat de création d'offices ?
- Serait-il nécessaire ou pertinent de compléter les recommandations en termes de création d'offices par des recommandations en termes d'augmentation du nombre d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation titulaires au sein d'offices ?
- Quels seraient les moyens envisageables pour permettre un meilleur accès des femmes aux offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ?
- Comment évaluer l'impact de la création de nouveaux offices, pour les professionnels en place, d'une part (notamment au regard des conditions d'activité des offices existants), et pour les clients, d'autre part (notamment en terme de qualité de service) ?
NOTES :
1 D'après les derniers chiffres communiqués par l'Ordre des avocats aux Conseils dans sa contribution du 24 juin 2016.
2 Ces derniers trouvent eux-mêmes leur origine dans un édit du 2 septembre 1643 qui attache des avocats aux conseils du Roi et érige leur fonction en offices. Voir à ce sujet, notamment : Gilles J. Guglielmi, " Origine et fondement de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation ", 2008, Dalloz, Journée d'études de l'université Jean Monnet - Paris Sud, et Jean-Paul Calon, " Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ", Répertoire de contentieux administratif, Dalloz.
3 Ordonnance du 10 septembre 1817 qui réunit, sous la dénomination d'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, l'ordre des avocats aux conseils et le collège des avocats à la Cour de cassation, fixe irrévocablement, le nombre des titulaires, et contient des dispositions pour la discipline intérieure de l'Ordre.
4 Décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 relatif aux conditions d'accès à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation.
5Loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales.
6 Décret n° 2016-881 du 29 juin 2016 relatif à l'exercice de la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation sous forme de société autre qu'une société civile professionnelle.
7 Ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l'exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.
8 Art. 31-3 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales.
9 DACS-M-PEPS
10 Données communiquées par l'Ordre.
11 Voir à ce sujet l'article 45 du décret n° 78-380 du 15 mars 1978 précité, l'article 22 du décret n° 2016-881 précité et les articles 24 à 28 du règlement général de déontologie des avocats aux Conseils.
12 Voir à ce sujet l'article 47 du décret n° 78-380 précité et l'article 22 du décret n° 2016-881 précité.
13 Ces dispositions sont partiellement rappelées à l'article R. 411-3 du code de l'organisation judiciaire : " La Cour de cassation connaît des actions en responsabilité civile professionnelle engagées à l'encontre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation dans les conditions prévues à l'article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 [ ]. ".
14 Règlement de l'IFRAC adopté par délibération du Conseil de l'Ordre des avocats aux Conseils le 13 octobre 2011.
15 Article 9 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 précité.
16 Sont dispensés des conditions d'accès prévues aux 2°, 3° et 4° de l'ordonnance du 10 septembre 1817 : (i) les conseillers d'État (article 2 de l'ordonnance du 10 septembre 1817), (ii) les maîtres des requêtes et anciens maîtres des requêtes justifiant de quatre années d'exercice de leurs fonctions au sein du Conseil d'État et d'un an de pratique professionnelle auprès d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation (article 3 de l'ordonnance du 10 septembre 1817) et (iii) les autres membres du Conseil d'État justifiant d'au moins huit année d'expérience professionnelle dans leur corps et d'un an de pratique professionnelle auprès d'un avocat aux Conseils (article 4 de l'ordonnance du 10 septembre 1817) .
17 Sont dispensés des conditions d'accès prévues aux 2°, 3° et 4° de l'ordonnance du 10 septembre 1817 : (i) les magistrats et anciens magistrats de la Cour de Cassation qui ne sont pas conseillers ou avocats généraux référendaires (article 2 de l'ordonnance du 10 septembre 1817) et (ii) Les conseillers et avocats généraux référendaires à la Cour de cassation justifiant de quatre années d'exercice de leurs fonctions au sein de la Cour de cassation et d'un an de pratique professionnelle auprès d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation (article 3 de l'ordonnance du 10 septembre 1817).
18 Sont dispensés des conditions d'accès prévues aux 2°, 3° et 4° de l'ordonnance du 10 septembre 1817 : (i) les magistrats et anciens magistrats de la Cour des comptes qui ne sont pas conseillers référendaires ou auditeurs (article 2 de l'ordonnance du 10 septembre 1817), (ii) les conseillers référendaires et auditeurs à la Cour des comptes justifiant de quatre années d'exercice de leurs fonctions au sein du Conseil d'État et d'un an de pratique professionnelle auprès d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation (article 3 de l'ordonnance du 10 septembre 1817) et (iii) les autres membres de la Cour des comptes justifiant d'au moins huit années d'expérience professionnelle dans leur corps et d'un an de pratique professionnelle auprès d'un avocat aux Conseils (article 4 de l'ordonnance du 10 septembre 1817) .
19 Les trois épreuves écrites d'admissibilité sont les suivantes : (i) rédaction d'un mémoire devant le Conseil d'État, (ii) rédaction d'un mémoire devant la Cour de cassation en matière civile, commerciale ou sociale, (iii) la rédaction d'un mémoire devant la Cour de cassation en matière pénale.
20 Ces trois épreuves orales d'admission sont : (i) une plaidoirie portant sur un dossier de droit civil, commercial, social, pénal ou administratif, (ii) une interrogation orale sur les institutions juridictionnelles communautaires, la Cour européenne des droits de l'homme, l'organisation judiciaire et administrative, ou sur la procédure, civile, pénale ou administrative et (iii) une interrogation orale sur la réglementation professionnelle et la gestion d'un office.
21 Article 18 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 précité.
22 Certains pays prévoient un système de représentation spécifique uniquement devant la Cour de cassation. Ainsi, l'Italie rend obligatoire la signature de la requête par un avocat admis à plaider devant la Cour de cassation. De même, l'Allemagne et la Suisse fonctionnent avec un système d'inscription sur une liste limitée pour avoir la faculté de plaider devant la Cour de cassation. En Belgique, les avocats devant la Cour de cassation constituent un ordre distinct des avocats à la Cour. Dans d'autres pays, comme les Pays-Bas, on assiste à une spécialisation de fait, sinon de droit. (Voir notamment à ce sujet : Dalloz, " Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ", Bruno ODENT, septembre 2008, actualisation octobre 2015).
23 Article 585 du code de procédure pénale.
24 Article 17 du décret du 26 octobre 1849 portant règlement d'administration publique déterminant les formes de procédure du tribunal des conflits.
25 Conformément aux dispositions de l'article R. 771-20 du code de justice administrative.
26 Dalloz, " Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ", Jean-Paul CALON, avril 2000, actualisation mars 2014.
27 Article R. 821-3 du code de justice administrative
28 L. 311-4 du CJA
29 Seules matières résiduelles après combinaison des compétences du CE en première instance et en appel et des cas de dispense du ministère obligatoire des avocats aux Conseils.
30 Les autres référés sont jugés en premier et dernier ressort par les tribunaux administratifs.
31 CE, 27 février 1930, Trémège.
32 Article 15 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 précitée, dans sa rédaction issue de l'article 58 de la loi du 6 août 2015. Le contrôle du respect de cette obligation relève d'une mission régalienne de protection économique des consommateurs confiée à la DGCCRF.
33 Article 53 du règlement général de déontologie des avocats aux Conseils.
34 Voir à ce sujet " Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ", B. Odent, Répertoire de procédure civile, Dalloz.
35 Notamment les obligations de modération et de délicatesse prévues par les dispositions de l'article 51 du règlement général de déontologie des avocats aux Conseils.
36 Article 15 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 précitée.
37 Article 51 du règlement général de déontologie des avocats aux Conseils.
38 Article 27 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
39 Ibid., art. 4
40 Ibid., art. 7
41 Cour de cassation, Rapport annuel 2014, " Le temps dans la jurisprudence de la Cour de cassation ", 2015, p.625
42 Articles 93 et 93-1 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
43 Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, art. 37.
44 En général 3 000 euros devant la Cour de cassation.
45 Conformément aux dispositions de l'article 14 du décret n° 2002-76 précité, le conseil de l'Ordre des avocats aux Conseils siégeant en assemblée disciplinaire est compétent pour prononcer des décisions de relaxe ou de sanction prévues aux 1°, 2° et 4° de l'article 184 du décret du 27 novembre 1991, à l'exception des décisions de radiation. Si elle considère que d'autres sanctions doivent être prononcées, elle rend un avis, transmis au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Ces derniers statuent sur la sanction disciplinaire qui doit être prononcée.
46 CEDH, 12 mars 2002, Raitière contre France, 51066/99 (le Conseil d'État avait rejeté la requête d'un requérant au motif que celle-ci n'était pas présentée par un avocat aux Conseils, alors qu'elle concernait une matière soumise au monopole de représentation de ces derniers), et CEDH, Vogel contre Allemagne, 5 décembre 2002, n° 65863/01.
47 CEDH, 26 juillet 2002, Meftah et autres contre France, n° 32911/96.
48 CEDH, 8 février 2000, Voisine conte France, requête n° 27362/95.
49 CEDH, GL et SL contre France, 6 mars 2003, n° 58811/00 (à propos de la représentation devant le Conseil d'État).
50 Articles 20 et suivants du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 relatif aux conditions d'accès à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-652 du 20 mai 2016 précité.
51 Articles 24 et suivants dans leur rédaction antérieure au décret n° 2016-652 du 20 mai 2016 précité.
52 Voir à ce sujet " Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ", B. Odent, Répertoire de procédure civile, Dalloz.
53 L'article 15 du décret n° 2009-452 du 22 avril 2009 relatif à l'évolution des professions juridiques et judiciaires avait en effet mis fin au numerus clausus jusqu'alors applicable, en permettant au garde des sceaux, de créer de nouveaux office " pour des motifs tenant à la bonne administration de la justice, au vu notamment de l'évolution du contentieux devant ces deux juridictions, après avis du vice-président du Conseil d'Etat, du premier président de la Cour de cassation, du procureur général près la Cour de cassation et du conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation. "
54 Décret n° 2013-470 du 5 juin 2013 portant augmentation du nombre d'associés au sein des sociétés civiles professionnelles d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation.
55 Article 2 du décret n° 2016-215 précité.
56 Les dispositions ci-après présentées sont d'application immédiate, à l'exception des procédures engagées avant l'entrée en vigueur du décret et relatives à l'accès à la profession d'avocat aux Conseils, à la nomination dans un office, à la création ou à la suppression d'un office, ainsi qu'à la cession ou à la transmission de parts sociales d'une société titulaire d'un office (article 30).
57 Articles 24 et suivants du décret n° 91-1125 précité. Les mêmes règles s'appliquent aux demandes de création d'offices consécutives à un appel à manifestation d'intérêt conformément à l'article 3.-I de l'ordonnance du 10 septembre 1817 précitée.
58 Article 24 du décret n° 91-1125 précité. Ces critères sont énumérés à l'article 1 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 précité, et les articles 22 et 23 du décret précité prévoient que le garde des Sceaux peut recueillir l'avis du Conseil de l'Ordre des avocats aux Conseils sur l'honorabilité et sur les capacités professionnelles de l'intéressé, et recueille l'avis du vice-président du Conseil d'État, ainsi que du premier président et du procureur général de la Cour de cassation.
59 Arrêté du 22 septembre 2016 fixant les modalités de transmission des demandes de nomination en qualité d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation et relative aux offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation.
60 Articles 22 et 26 du décret n° 91-1125 précité. Si quarante-cinq jours après sa saisine, le conseil de l'Ordre n'a pas adressé l'avis qui lui a été demandé, il est réputé avoir émis un avis favorable.
61 Article 30 du décret n° 91-1125 précité.
62 Articles 20 et suivants du décret n° 91-1125 précité.
63 Rapport Attali, 2008, p. 167.
64 Rapport de la commission Darrois sur les professions du droit, p. 52.
65 Rapport d'information déposé par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République de l'Assemblée nationale, en conclusion d'une mission d'information sur les professions réglementées et présenté par Mme Cécile Untermaier et M. Philippe Houillon, le 17 décembre 2014.
66 Rapport Untermaier et Houillon, 17 décembre 2014
67 D. de Béchillon, M. Guillaume, " La régulation des contentieux devant les cours suprêmes. Enseignements des réformes étrangères et perspectives françaises ", JCP G, n° 46-47, 10 novembre 2014, doctrine 1194.
68 Article 52, I de la loi du 6 août 2015.
69 Amendement n° SPE1761 proposé par la Commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, le 10 janvier 2015.
70 Conseil constitutionnel, 5 août 2015, Décision n° 2015-715 DC, " Loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ", considérant n° 94.
71 Conseil constitutionnel, 5 août 2015, Décision n° 2015-715 DC, " Loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ", considérant n° 72.
72 Les décisions prises " sur proposition " sont adoptées par leur auteur conformément à la proposition initiale ou à toute autre proposition qu'il a la faculté de solliciter (CE, Sect., 10 mars 1950, Dauvillier, Rec. p. 157).
73 Lien : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=629&id_article=2739
74 Ce taux, déjà élevé, est proche de celui obtenu par d'autres professions juridiques réglementées. Par exemple, pour les notaires, l'avis 16-A-13 a montré que le taux de résultat variait entre 25 et 30 % selon les années.
75 Tome 2, tableau 2, p.88.
76 Voir les cas de figure au paragraphe 63.
77 Délibération de l'Ordre du 8 avril 2004
78 Selon les données fournies par l'Ordre des avocats aux Conseils, qui ont été citées dans le rapport d'information déposé par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République de l'Assemblée nationale, en conclusion d'une mission d'information sur les professions réglementées et présenté par Mme Cécile Untermaier et M. Philippe Houillon, le 17 décembre 2014.
79 Ce certificat donnait accès à la profession avant la mise en place du CAPAC par le décret du 28 octobre 1991
80 Sachant que le taux réussite est de 66 % sur les dix dernières années, ce qui ramènerait le nombre de diplômés à prévoir à 5
81. Toutefois, il ressort de l'audition de l'Ordre par les services d'instruction que le nombre de futurs reçus au CAPAC devrait être faible, voire nul, dans un premier temps. En effet, les épreuves de l'examen doivent être organisées en novembre 2016 et la délivrance du certificat intervenir en décembre 2016. Or, les candidats à la création d'office ne peuvent déposer leur demande de nomination dans un office créé que dans un délai de deux mois à compter de la publication des recommandations de l'Autorité de la concurrence.82 Ainsi, même si les recommandations n'étaient publiées que courant octobre 2016, permettant en théorie aux nouveaux titulaires du CAPAC de postuler après leur admission en décembre, il est peu probable qu'ils aient à ce stade un projet et un dossier complet. Toutefois, leur candidature pourra éventuellement intervenir dans un second temps, après appel à manifestation d'intérêt, si les créations d'offices s'avèrent inférieures aux recommandations83. Dès lors, un élargissement du vivier des nouveaux entrants aux bénéficiaires de passerelles pourra s'envisager dans le cadre d'un avis ultérieur de l'Autorité.
81 À ce jour, d'après l'ordre, exercent quatre anciens professeurs de droit et deux anciens conseillers d'État. En outre, un ancien membre de la Cour des comptes est aujourd'hui retraité. À noter que depuis le décret n° 2016-652, tous les bénéficiaires de passerelles doivent passer certaines épreuves du CAPAC, soit a minima les épreuves orales de procédure et de gestion d'offices en application des dispositions de l'article 17 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 précité.
82 Alinéa 1 de l'article 25 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 modifié par le décret n° 2016-652 précité.
83 Article 29 du décret du 28 octobre 1991, modifié par le décret du 20 mai 2016 n° 2016-652
84 L'article 24 du décret n° 91-1125 précité prévoit : " - Peut demander sa nomination dans un office créé toute personne remplissant les conditions générales d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation./ ( ) Les personnes titulaires d'un office au jour de leur demande ne peuvent être nommées dans l'office créé qu'après ou concomitamment à leur démission ( ) / . Les associés exerçant dans une société titulaire d'un office au jour de leur demande ne peuvent être nommés dans l'office créé qu'après ou concomitamment à leur retrait de cette société. "
85 Il s'agit vraisemblablement d'une transposition des dispositions relatives aux autres professions réglementées, dont l'objet était de permettre à des professionnels de changer de zone d'exercice. S'agissant des avocats aux Conseils cependant, ils agissent dans une zone unique.
86 Insérées par l'article 29 du décret n° 2016-652 du 20 mai 2016 précité.
87Le III de l'article 57 de la loi du 6 août 2015 a supprimé les mots : " Sous réserve des dispositions de l'article 3 de l'ordonnance du 10 septembre 1817, " au début du deuxième alinéa de l'article 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles (" SCP "). Il a ainsi fait rentrer les avocats aux Conseils dans le droit commun des SCP, en leur permettant d'obtenir la création d'un office ad hoc en cas de mésentente. L'article 74 du décret n° 78-380 du 15 mars 1978 précité prévoit par suite que : " Lorsqu'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation entend se retirer de la société au sein de laquelle il est associé, dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 18 de la loi du 29 novembre 1966 précitée, et solliciter sa nomination à un office créé à son intention, il doit au préalable faire constater par le tribunal de grande instance de Paris la réalité de la mésentente ". Son article 77 précise que : " la nomination de son titulaire sont prononcées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, sans qu'il y ait lieu de recourir à la procédure prévue aux articles 24 à 28 du décret du 28 octobre 1991 précité ".
88 Art. L. 462-4-2 du Code de commerce
89 Passerelles prévues par les dispositions des articles 2 à 4 de l'ordonnance du 10 septembre 1817.
90 Première séance du mercredi 4 février 2015 à l'Assemblée Nationale, Compte rendu intégral.
91 Nelson (1970) et Darby et Karni (1973) et Lucien Karpik (2007), l'économie des singularités.
92 Avis n° 16-A-13 du 9 juin 2016 relatif à la liberté d'installation des notaires et à une proposition de carte des zones d'implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices notariaux, § 180.
93 Selon les économistes Camille Chaserant et Sophie Harnay, la nature de biens de recherche et d'expérience de certaines prestations juridiques pourrait théoriquement justifier une dérégulation du point de vue de l'efficacité économique. Voir " Régulation de la qualité des services juridiques et gouvernance de la profession d'avocat ", p.346. À " chaque segment de marché correspond une régulation adaptée aux caractéristiques des services juridiques échangés ". [Dans ces conditions], " la dérèglementation des services juridiques peut ainsi être justifiée [si les prestations juridiques] présentent les caractéristiques de biens de recherche et d'expérience ".
94 Règlement général de déontologie (RGD) du 2 décembre 2010, entré en vigueur le 1er janvier 2011.
95 Article 102 du RGD.
96 Relatif à la discipline des avocats au Conseil d'État et de la Cour de cassation.
97 Article 184 du décret n° 91-1197 précité " L'avertissement, le blâme et l'interdiction temporaire peuvent comporter la privation, par la décision qui prononce la peine disciplinaire, du droit de faire partie du conseil de l'Ordre, du Conseil national des barreaux, des autres organismes ou conseils professionnels ainsi que des fonctions de bâtonnier pendant une durée n'excédant pas dix ans. L'instance disciplinaire peut en outre, à titre de sanction accessoire, ordonner la publicité de toute peine disciplinaire.
La peine de l'interdiction temporaire peut être assortie du sursis. La suspension de la peine ne s'étend pas aux mesures accessoires prises en application des deuxième et troisième alinéas. Si, dans le délai de cinq ans à compter du prononcé de la peine, l'avocat a commis une infraction ou une faute ayant entraîné le prononcé d'une nouvelle peine disciplinaire, celle-ci entraîne sauf décision motivée l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde ".
98 À l'exception de la radiation du tableau des avocats ou de la liste du stage, elle prononce la décision de sanction.
99 Le plus souvent, ces procédures ont abouti à un avertissement (2011, 2013, 2014). Elles ont été motivées par des manquements aux règles déontologiques dans le cadre de requêtes en récusation (2011 et 2014) ou de communications à caractère publicitaire (2013). De façon tout à fait exceptionnelle, un arrêt récent (Cour de cassation, 1ère chambre civile, du 14 juin 2016, n° 15-50100) vient de condamner à une interdiction temporaire de trois ans avec sursis un avocat aux Conseils pour avoir, dans huit dossiers, commis des manquements aux principes essentiels et aux règles déontologiques de sa profession (exercice d'activités commerciales concomitantes au ministère d'avocat aux Conseils).
100 Cour de Cassation, assemblée plénière, 13 avril 2007, pourvoi n° 06-19533, (rejet).
101 Cour de Cassation, assemblée plénière, 13 avril 2007, pourvoi n° 06-19613, (rejet).
102 Cour de Cassation, assemblée plénière, 13 avril 2007, pourvoi n° 06-13318, (rejet).
103 Cour de Cassation, chambre civile 1, 9 décembre 2010, pourvoi n° 10-30663.
104 Cour de Cassation, chambre civile 1, du 20/12/2012, pourvoi n° 12-30107.
105 Il ressort des auditions conduites au cours de l'instruction que dans la majorité des cas, les avis sommaires comme les consultations préalables (plus détaillées), qui se prononcent sur les chances de succès d'un pourvoi, sont facturés par les avocats aux Conseils.
106 Articles L. 431-1 du code de l'organisation judiciaire (pour les chambres civiles) et 567-1-1 du code de procédure pénale (pour la chambre criminelle)
107 Rapport sur la régulation des contentieux devant les Cours suprêmes, club des juristes, octobre 2014
108 https://www.courdecassation.fr/cour_cassation_1/reforme_cour_7109/seance_pleniere_31874.html
109 Sénat - Commission des lois, Mission d'information sur le redressement de la justice : audition de B. Louvel (22.09.16)
110 Amendement n° CL166 du projet de loi alors relatif à l'action de groupe et Organisation judiciaire (devenu projet de loi de modernisation de la justice du XXIème siècle).
111 Dalloz Actualité, Réflexions à la Cour de cassation, 25 juin 2015, Bertrand Louvel
112 Assemblée nationale - audition de. Louvel et J.C. Marin sur le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle (04/04/2016).
113 Intervention devant la commission des lois de l'Assemblée Nationale - 21 novembre 2012
114 CEDH, 12 octobre 1992, Boddaert c/ Belgique, n° 12919/87
115 Les avocats aux Conseils et la bonne administration de la justice, Justice et cassation, Dalloz 2013, dossier " la bonne administration de la justice ".
116 Ibidem, dossier " la bonne administration de la justice ".
117 Ibidem, page 36, auteur : Pascale Gonod.
118 Ibidem.
119 Idem.
120 Idem.
121 Selon l'Ordre des avocats aux Conseils, 20 % des dossiers examinés ne donneraient pas lieu au dépôt d'un pourvoi, et pour 18 % de ces dossiers, le pourvoi déposé ne serait pas soutenu. En cas de consultation négative, la décision de déposer ou non un pourvoi incombe au client. Dès lors, il arriverait fréquemment que certains clients (plutôt des particuliers que des institutionnels) passent outre l'avis négatif émis par un avocat aux Conseils.
122 Compte-rendu de réunion entre les services d'instruction et le Conseil de l'Ordre des avocats aux Conseils.
123 Si une interface est nécessaire entre une demande croissante des justiciables et une capacité de traitement limitée des juridictions, il faut se prémunir du risque que la solution retenue n'aboutisse à une limitation artificielle du nombre de pourvois, qui priverait certains justiciables disposant de moyens sérieux de cassation d'accéder aux hautes juridictions.
124 Rapport de la commission Darrois sur les professions du droit, page 54.
125 Réflexions sur la réforme de la Cour de cassation, mars 2015, " La cour de cassation face aux défis du XXIe siècle ", Bertrand Louvel, premier président de la Cour de cassation.
126 Soit 5 000 pourvois devant le Conseil d'Etat pour près de 200 000 affaires jugées par les tribunaux administratifs et 1 000 pourvois contre les décisions d'une trentaine de juridictions spécialisées statuant en dernier ressort, 30 000 pourvois devant la Cour de cassation pour les 4 millions d'affaires traitées annuellement par les juges du fond.
127 Rapport d'information relatif aux professions réglementées de Mme Cécile Untermaier et de M. Philippe Houillon.
128 In La semaine juridique, éd. G. n° 43, 19 octobre 2015, 1122 " Pour exercer pleinement son office de Cour suprême, la Cour de cassation doit adapter ses modes de contrôle " Entretien avec Bertrand Louvel.
129 Pages 3 et 26, § 76 Page 28, §86 de la note d'accompagnement des données transmises par l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation dans le cadre de la réponse au questionnaire de l'Autorité de la concurrence, Microeconomix.
130 Page 29, § 92 Note d'accompagnement des données transmises par l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation dans le cadre de la réponse au questionnaire de l'Autorité de la concurrence, Microeconomix.
131 Article 47 du règlement général de déontologie des avocats aux Conseils.
132 Filtrage exercé en amont de la nomination durant la scolarité sélective à l'IFRAC.
133 Rapport au Président de la République de l'ordonnance n° 2016-394, J.O. 1er avril 2016.
135 Voir le Tableau 2 : Répartition par centile des professionnels
136 Sur trois cents jours.
137Même si, ainsi qu'il a été dit plus haut, ce nombre ne représente qu'une variable d'approximation imparfaite de l'activité des avocats aux Conseils et que, compte tenu de la flexibilité de la gestion des offices (paragraphe 179) et de l'hétérogénéité des dossiers traités, notamment devant le Conseil d'État (paragraphes 240 et241), les évolutions du contentieux ne se répercutent que partiellement sur le chiffre d'affaires des offices.
138 Le chiffre d'affaires des notaires, par exemple, a fait l'objet d'une modélisation économétrique en fonction des évolutions de la population et de l'activité immobilière notamment (voir l'avis 16-A-13 précité).
139 Ce chiffre d'affaires ne tient compte que de l'activité en monopole, sachant que celle-ci représente environ 91 % de l'activité des avocats aux Conseils, de manière relativement homogène entre les offices.
140 Décision n° 2015-715 DC, point 96 : " Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions contestées n'ont pas entendu exclure que, conformément aux règles de droit commun, s'il résulte de la création d'un office d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation un préjudice anormal et spécial pour le titulaire d'un office existant, il sera loisible à ce dernier d'en demander réparation sur le fondement du principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques ; que, par suite, les dispositions contestées ne portent atteinte ni à la garantie des droits ni au principe d'égalité devant les charges publiques ".
141 Considérant n° 24 de la décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011.
142 Voir le considérant n° 10 de cette décision.
143 Par exemple la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appels a prévu un dispositif d'indemnisation du préjudice causé aux avoués à la cour d'appel du fait de la suppression du droit de présentation dont ils disposaient.
144 CE, 3 avril 1987, Consorts Heugel (en disposant que l'acquisition par l'État d'œuvres d'art proposées à l'exportation se ferait au prix fixé par l'exportateur, la loi du 23 juin 1941 a entendu exclure toute indemnisation du propriétaire auquel une telle acquisition, légalement décidée, aurait causé préjudice, y compris en cas de vente à un prix inférieur à sa valeur réelle).
145 Voir notamment l'arrêt du Conseil d'État, 14 janvier 1938, SA Produits laitiers " La Fleurette " (indemnisation du préjudice causé à une société produisant des produits laitiers insusceptibles de porter l'appellation de " crème " du fait d'une modification législative concernant les conditions à remplir pour pouvoir utiliser cette appellation).
146 Les deux dernières conditions, relatives au caractère anormal et spécial, sont spécifiques au régime de la responsabilité sans faute de l'État du fait des lois, tandis que les deux premières (caractère certain et direct du préjudice) s'appliquent également au régime de la responsabilité pour faute de l'administration.
147 CE, 11 juin 1969, ministre de l'Éducation nationale, n° 75385.
148 CE, 7 avril 1933, X c/ commune de Haillicourt, n° 4711 ; et CE
149 CE, 19 juillet 1991, Félix Ruaz, n° 63886, et CE, 27 mars 1968, X. n° 68141.
150 CE, 9 décembre 1983, société d'études d'un grand hôtel international à Paris, n° 25555 ; et CE, 21 décembre 2007, région du Limousin et autres, n° 293260.
151 C. cass., civ., 9 décembre 1946, Grivel.
152 CE, 28 juillet 1993, consorts Dubouloz, n° 117449.
153 CE, 11 juillet 1984, Jonon et autres, n° 45921.
154 Arrêt Jonon, précité. Dans cet arrêt, le Conseil d'État a considéré que le préjudice financier subi par un salarié licencié par une entreprise ayant dû cesser son activité à la suite d'agissements de la puissance publique n'a pu résulter que de ses liens contractuels avec cette entreprise. Il était donc dépourvu de lien de causalité direct avec les agissements de la puissance publique.
155 CE, 6 novembre 1985, société Condort-Flugdienst, n° 48630. Le Conseil d'État a considéré que le préjudice subi par une entreprise active de transport aérien du fait de la grève et de l'absence de réquisition de contrôleurs aériens par les pouvoirs publics était dépourvu de caractère spécial, puisque la grève avait affecté d'autres entreprises et d'autres usagers des transports aériens.
156 CE, 15 mars 1974, époux Y c/ Ville de Rouen, n° 86370. Le Conseil d'État a considéré que le manque à gagner invoqué par des commerçants affectés par la rénovation du quartier dans lequel ils exerçaient leur activité, ne revêtait pas un caractère spécial compte tenu " de la nature de leur commerce et de la situation de leur magasin ".
157 CE, 2 juin 1967, ministère de l'équipement c/ veuve Damerval, n° 71033 (indemnisation du préjudice résultant de la dépréciation de la valeur vénale d'une propriété du fait que l'existence d'un ouvrage public réduisait les vues et l'ensoleillement de cette propriété et aggravait les bruits dans une proportion assez grave pour modifier sensiblement les conditions d'habitation).
158 CE, 1er février 2012, M. Bizouerne, n° 347205.
159 CE, 22 juin 1983, communauté urbaine de Bordeaux et autres, n° 22695.
160 CE, 1er février 2012, M. Bizouerne, n° 347205 ; CE, 24 mars 1978, Institution interdépartementale des barrages réservoirs du bassin de la Seine c/ Advenier et CE, 18 novembre 1998, société Les Maisons de Sophie, n° 172915.
161 Conseil constitutionnel, 10 janvier 2001, Décision n° 2000-440 DC, Loi n° 2001-43 du 16 janvier 2001 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports.
162 Article 3, I de l'ordonnance du 18 septembre 1817 précitée.
163 Précision ajoutée.
164 Voir notamment le régime applicable aux demandes de nomination dans les offices notariaux créés, qui peuvent déposer des candidatures relatives à la création d'offices pendant 18 mois suivant le premier jour du deuxième mois suivant la publication de la carte prévue à l'article 52 de la loi n° 2015-990 précitée (en application des dispositions de l'article 50 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire), alors qu'en application des dispositions de l'article 52-II de la loi n° 2015-990 précitée et de l'article 54 du décret n° 73-609 précité, un appel à manifestation d'intérêt est lancé par le ministre s'il constate un nombre insuffisant de créations d'offices dans des zones de libre installation.
165 Précision ajoutée.
166 Pour mémoire, s'agissant des avocats aux Conseils, la procédure relative au présent avis a été ouverte le 1er mars 2016, avec le lancement de la consultation publique
167 Décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels.
168 En application des dispositions de l'article 30 du décret n° 91-1125 précité, les candidatures présentées à un office vacant " sont instruites et font l'objet de propositions conformément aux dispositions des articles 25 à 27 ".
169 Article 29 du décret n° 91-1125 précité.
170 Voir notamment les dispositions de l'article 12 du décret n° 2016-881 du 29 juin 2016 précité et l'article 27 du décret n° 78-380 du 15 mars 1978 précité.
171 Voir notamment les dispositions de l'article 49 du décret n° 78-380 du 15 mars 1978 précité.
172 En application des dispositions de l'article 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, modifiée par la loi n° 2015-990 précitée, un officier public ou ministériel a la possibilité de se retirer d'une société en raison d'une mésentente entre associés et " de solliciter sa nomination a un office créé à cet effet à la même résidence dans des conditions prévues par le décret particulier à chaque profession ". Au regard des travaux parlementaires, il apparaît que le législateur a expressément souhaité que des offices créés dans de tels circonstances, soient créés indépendamment des offices dont la création est recommandée par l'Autorité de la concurrence conformément aux dispositions de l'article 3 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 (Voir à ce sujet l'amendement n° SPE 1761 présenté par la Commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, adopté le 10 janvier 2015). En conséquence la création de tels offices ne vient pas en déduction du nombre de recommandations de créations d'offices d'avocats aux Conseils formulées par l'Autorité de la concurrence.
173 Voir notamment l'article 34 du décret n° 78-380 du 15 mars 1978 précité.
174 Conformément aux dispositions du décret n° 2016-215 du 26 février 2016 portant définition des critères prévus pour l'application de l'article L. 462-4-2 du Code de commerce.
175. Or, dix des soixante offices d'avocats aux Conseils ont indiqué dans un premier temps qu'ils n'étaient pas en mesure de connaître ces informations (sept d'entre eux ont par suite communiqué des informations approximatives).
175 Ces principales activités sont le traitement (i) de dossiers devant le Conseil d'État, (ii) de dossiers en matière civile devant la Cour de cassation, (iii) de dossiers en matière pénale devant la Cour de cassation, (iv) de dossiers devant d'autres juridictions, et (v) de dossiers hors procédure contentieuse.
176 Cf. note de bas de page précédente.
177 Pour la présentation de ces dispenses, voir le paragraphe 31 du présent avis.
178 Article 5 du décret n° 91-1125 précité.
179 L'acception " droit privé" est ici générique et inclut notamment le droit commercial et le droit social.
180 Article 2 du règlement de l'IFRAC.
181 Article 9 du décret n° 91-1125 précité
182 Rapport sur les professions du droit présenté par M. Jean-Michel Darrois en 2009, page 55.
183 Voir notamment le rapport d'information de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur les professions réglementées, présenté par Mme Cécile Untermaier et M. Philippe Houillon et le rapport d'information rédigé par la mission d'information commune sur l'application de la loi n° 2015-990 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques et présenté par M. Richard Ferrand le 22 mars 2016.
184 Articles 64, 91 et 92 du règlement général de déontologie.
185 Article 98 du règlement général de déontologie.
186 Article 95 du règlement général de déontologie.
187 Article 96 et 97 du règlement général de déontologie.
188 Les avocats à la Cour correspondants sont les avocats qui conseillent à leur client dans le choix d'un avocat aux Conseils.
189 A l'instar de ce qui est prévu pour d'autres professions juridiques réglementées, notamment les notaires.
190 Entreprises créées dans le secteur marchand non agricole, hors auto-entreprises.
191 Au 31/12/2013. Source : Observatoire de l'activité libérale, Direction générale des entreprises.
Saisine n° 16/0051A - ANNEXE 1
" SYNTHÈSE DE LA CONSULTATION PUBLIQUE RELATIVE AUX AVOCATS AU CONSEIL D'ÉTAT ET À LA COUR DE CASSATION "
1. Généralités
Dans ce cadre, l'Autorité a reçu 12 contributions réparties de la manière suivante :
- La contribution de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation
- la contribution d'une association représentant 26 avocats aux Conseils ;
- la contribution de 13 jeunes avocats aux Conseils, " nouveaux entrants " dans la profession ;
- 5 contributions, représentant 7 personnes, d'avocats titulaires du CAPAC, collaborateurs, externes ou internes mais non associés, de cabinets d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation ;
- 3 contributions d'avocats non titulaires du CAPAC ;
- 1 contribution d'une association de consommateurs.
Trois de ces contributions, représentant 5 personnes, font état d'un projet d'installation qui pourrait se concrétiser grâce aux dispositions introduites par la loi du 6 août 2015.
Plusieurs avocats non titulaires du CAPAC ont participé à cette consultation, notamment pour poser la question de la pertinence du monopole réservé aux avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, en mentionnant notamment des procédures ouvertes aux niveaux européen et français contre cette spécificité.
2. Réponses apportées
Comment doivent être pris en compte les critères fixés par le décret n° 2016-215 pour identifier le nombre de création d'offices d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante ?
Trois contributions identifient, au préalable, la nécessité de rétablir une forme d'équilibre entre l'offre et la demande en fixant un nombre de création d'offices qui permettrait de rattraper la faible évolution du nombre d'avocats aux Conseils depuis 1817 (qui doit être rapportée à l'évolution du volume du contentieux administratif et judiciaire, d'une part, ou au nombre d'avocats à la Cour, d'autre part, sur la même période). Le rythme de création serait ensuite adapté en fonction du nombre de candidatures reçues et des résultats de l'assouplissement des conditions d'installation, observés suite à l'installation de nouveaux offices.
S'agissant des critères d'offre, les jeunes avocats installés1 considèrent que les collaborateurs ne peuvent être regardés comme des nouveaux entrants potentiels dans la mesure où pour la grande majorité d'entre eux ils ne disposent pas du CAPAC, qu'ils ne peuvent se substituer aux avocats aux Conseils, qu'ils ont en général une compétence très spécialisée dans un domaine juridique en particulier, et qu'ils n'ont pas forcément la volonté de passer le CAPAC et devenir avocats aux Conseils.
L'Ordre des avocats aux Conseils et les 13 " jeunes entrants " considèrent des professionnels déjà installés devraient vraisemblablement être plus intéressés que les jeunes diplômés du CAPAC par le fait de s'installer dans de nouveaux offices dont la création serait recommandée.
Par ailleurs, les jeunes avocats aux Conseils considèrent qu'il convient de tenir compte de la démographie de la profession, et en particulier du fait que de nombreux renouvellements au sein des offices existants vont avoir lieu dans les prochaines années.
Une contribution demande également que soit pris en compte le rôle de l'instance ordinale dans la formation et l'installation des professionnels car elle introduirait une forme de " verrouillage " de la profession. Ainsi, le manque de transparence de l'information sur les cessions et les prix des charges empêchent certains titulaires du diplôme de se porter acquéreur. Ce phénomène est accentué par le nombre de cessions effectuées entre associés à la suite d'une mésentente. De ce fait, à ce jour, 24 personnes seraient titulaires du CAPAC tout en étant actuellement sans office.
Quelques contributions soulignent l'inefficacité des critères du décret pour remédier à la concentration actuelle du marché. Une contribution s'oppose notamment à la prise en compte des critères économiques, peu adéquats dans l'immédiat, au regard de l'insuffisance de l'offre.
Quels seraient les données et les critères pertinents pour identifier le rythme adéquat de création d'offices ?
Pour de nombreux contributeurs, le rythme d'installation doit être corrélé à l'évolution passée et future prévisible de l'activité contentieuse, au-delà des 5 ans prévus par le décret, notamment du fait de l'introduction de la question prioritaire de constitutionnalité et de la réflexion menée par la Cour de cassation sur le filtrage des pourvois.
Plusieurs contributeurs ont également insisté sur le fait qu'il faille tenir compte de l'évolution à venir du contentieux devant le Conseil d'État et la Cour de cassation, qui devrait être impacté par des projets de réforme des procédures de traitement des pourvois (intention du Conseil d'État de recourir de plus en plus fréquemment à la procédure de non admission des pourvois ; instauration éventuelle de systèmes de sélection des pourvois devant la Cour de cassation2). Dans cette perspective, ces derniers considèrent qu'il convient de proportionner l'offre de services des avocats aux Conseils à la demande des justiciables et au besoin de sécurité juridique, en veillant à conserver la forte technicité des avocats aux Conseils (qui doivent être capables d'assister leur client et de les dissuader de poursuivre une procédure vouée à l'échec).
Il conviendrait également selon les contributeurs de prendre en compte le nombre d'offices existants, le nombre d'avocats aux Conseils salariés3, le nombre de diplômés du CAPAC n'exerçant pas leur profession en tant qu'associé au sein d'un cabinet d'avocat aux Conseils, le nombre de collaborateurs au sein des cabinets d'avocats aux Conseils, ainsi que l'évolution démographique de la population dont la croissance s'accompagnerait d'une augmentation des pourvois. Certains contributeurs, avocats aux Conseils installés, contestent le fait qu'il faille tenir compte du nombre de collaborateurs dans la mesure où ces derniers, dans leur grande majorité, ne sont pas titulaires du CAPAC et ne peuvent se substituer à un avocat aux Conseils dans la représentation de clients.
Certains collaborateurs titulaires du CAPAC considèrent également qu'il convient de tenir compte des cessions d'offices entre avocats aux Conseils à la suite d'une mésentente entre associés, dans la mesure où de telles cessions restreindraient les opportunités d'association offertes aux diplômés du CAPAC non installés car elles pourraient donner lieu à la demande de créations d'offices (par scission de fait d'offices existants), sans entrainer une véritable augmentation de l'offre.
Par ailleurs, des contributeurs, en particulier les avocats aux Conseils récemment installés, considèrent qu'il faudrait tenir compte de l'impact de la création d'offices sur la santé financière de certains offices existants (en particulier des offices acquis récemment par de jeunes avocats aux conseils qui, pour ce faire, ont contracté un emprunt), ainsi que sur les conditions de cession des offices existants, afin de ne pas entraîner un bouleversement des conditions d'activité des offices existants, et de ne pas fausser la concurrence4.
De plus, les avocats aux Conseils installés considèrent qu'il convient également de tenir compte du rythme d'entrée dans les offices existants. Ils insistent sur le fait que le nombre d'avocats aux Conseils a cru au cours des 10 dernières années et indiquent que l'accès à la profession d'avocat aux Conseils pour les jeunes diplômés du CAPAC devrait être facilité dans les prochaines années du fait de nombreux départs à la retraite parmi les avocats aux Conseils en exercice.
Quelles exigences de bonne administration de la justice et quelles données d'évolution du contentieux devant le Conseil d'État et la Cour de cassation doivent être prises en compte dans l'évaluation du nombre d'offices nécessaire pour assurer une offre de services satisfaisante et pour identifier le rythme adéquat de création d'offices ?
Plusieurs contributions font état d'une situation actuelle paradoxale et contraire au principe de bonne administration de la justice. Théoriquement, le monopole conféré aux avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation devrait être justifié par les qualifications élevées des professionnels qui représentent des clients devant le Conseil d'État et la Cour de cassation.
Or, la plupart de l'activité (recherche, rédaction des mémoires) est réalisée par les collaborateurs (plus de 1000 collaborateurs seraient employés par les offices d'avocats aux conseils5), dont la très grande majorité n'a pas obtenu le CAPAC, sous la supervision d'un avocat aux Conseils associé. Une contribution mentionne, à ce titre, la distinction entre les collaborateurs internes au cabinet et le développement du recours à de très nombreux collaborateurs externes, qui ne sont majoritairement pas titulaires du CAPAC.
Cette situation résulterait des barrières à l'entrée pour exercer le métier d'avocat aux Conseils et du fait que le nombre de pourvois serait largement supérieur à la capacité de travail des seuls avocats associés des cabinets d'avocats aux Conseil ; la durée de traitement d'un dossier étant estimée en moyenne à 1,5 jour. Cette situation favoriserait les mécanismes de " sous-traitance ".
Au regard de ces éléments, la création de nouveaux offices et l'augmentation du nombre d'avocats aux Conseils devrait permettre qu'un nombre plus important de dossiers soient traités directement par des avocats aux Conseils.
A l'inverse, l'Ordre et les avocats aux Conseils en exercice insistent sur le fait (i) que la formation des avocats au Conseils serait exigeante mais qu'elle ne constituerait pas une barrière à l'entrée importante dans la mesure où le pourcentage de candidat ayant réussi le CAPAC est supérieur à 50 % au cours des 5 dernières années et que le nombre d'avocats aux Conseils a augmenté au cours des dix dernières années, (ii) qu'il existe actuellement 113 avocats aux Conseils alors qu'il pourrait y en avoir 240, et que (iii) il n'existe pas de barrière à l'entrée financière pour l'acquisition d'un office dans la mesure où tous les avocats aux Conseils qui s'installent parviennent à trouver un établissement bancaire qui accepte de financer leur projet professionnel. Aussi insistent-ils sur la nécessité de limiter l'offre afin de préserver le " modèle français de la cassation " qui (i) permet de traiter un nombre élevé de pourvoi dans un délai raisonnable devant les juridictions suprêmes dans des conditions uniformes sur le territoire national, et qui (ii) permet aux avocats aux Conseils de conserver leur technicité (maîtrise de la technique de cassation et compétence juridique transversale), nécessaire pour continuer à jouer un rôle important dans la régulation du contentieux devant les cours suprêmes, en dissuadant les clients de ne pas poursuivre des procédures vouées à l'échec. Ces deux éléments permettraient aux avocats aux Conseils de contribuer directement à la bonne administration de la justice. Ils appréhendent en effet que la création d'offices ne provoque un afflux de pourvois (du fait d'un relâchement du devoir de " déconseil " des pourvois voués à l'échec) et une augmentation des coûts pour le justiciable.
Une contribution témoigne d'une répartition inégale du contentieux selon la taille des offices. Ainsi, un petit nombre de grands cabinets concentrerait la majorité des pourvois.
Selon certains contributeurs, la création d'offices devrait permettre d'améliorer l'accès à la justice pour les raisons suivantes :
- L'absence de concurrence serait à l'origine d'honoraires trop élevés et à l'inverse, l'introduction d'un certain degré de concurrence supplémentaire devrait permettre de diminuer le niveau des honoraires, et donc devrait profiter aux consommateurs.
- La création de nouveaux offices devrait inciter leurs titulaires à tenter de se différencier de leurs concurrents par la qualité de leurs services, ce qui devrait profiter au consommateur. De plus, la création de nouveaux offices devrait accroître le choix dont disposent les clients ou les avocats correspondants.
- La création de nouveaux offices permettrait d'augmenter la qualité des prestations fournies par les avocats aux Conseils aux justiciables en permettant le traitement direct de davantage de dossiers par un avocat aux Conseils (et non pas seulement par des collaborateurs, dont le travail serait simplement relu par des avocats aux Conseils).
Enfin, une contribution suggère que des offices d'avocats aux Conseils puissent s'installer en dehors de Paris (et qu'au moins un office puisse être installé dans chaque département).
Serait-il nécessaire ou pertinent de compléter les recommandations en termes de création d'offices par des recommandations en termes d'augmentation du nombre d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation titulaires au sein d'offices ?
Les contributeurs qui n'exercent pas à ce jour le métier d'avocat aux Conseils titulaires se prononcent contre l'augmentation du nombre d'avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation au sein des offices existants, dans la mesure où celle-ci empêcherait l'introduction d'une véritable concurrence, tout en favorisant une concentration du marché et un alignement des honoraires des nouveaux titulaires sur les professionnels du même cabinet.
En revanche, l'Ordre et les jeunes avocats aux Conseils titulaires ou associés au sein d'offices existants tendent à préférer l'augmentation du nombre d'associés au sein des offices existants par rapport à la création de nouveaux offices existants, qui risquerait selon eux de créer une rupture d'égalité dans les conditions d'exercice de la concurrence entre les avocats susceptibles de pouvoir créer de nouveaux offices sans avoir à payer un droit de présentation (dont le prix est conséquent), et les avocats associés d'offices existants, qui ont dû ou qui doivent payer un droit de présentation pour pouvoir exercer leur profession en tant que titulaire d'un office ou en tant qu'associé.
De plus, selon eux l'intégration de nouveaux associés dans des offices existants constituerait selon eux le mode d'installation le plus efficient en permettant aux jeunes avocats de bénéficier du réseau de clientèle de leurs associés et de la transmission de leur savoir-faire et de leur expérience, ce qui serait dans l'intérêt du justiciable et d'une bonne administration de la justice (en limitant l'incitation à relâcher la sélection des pourvois et en n'entraînant pas une augmentation des coûts pour le justiciable du fait d'une atomisation des offices).
En outre, d'après eux l'intégration de nouveaux associés dans un office existant permettrait de mieux structurer la profession et l'offre de services6.
Quels seraient les moyens envisageables pour permettre un meilleur accès des femmes aux offices d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ?
Peu de contributeurs ont véritablement répondu à cette question, notamment en raison du manque d'information et de visibilité sur les obstacles internes à la profession. Un contributeur considère que l'assouplissement des conditions d'installation conduira à un meilleur accès des femmes à la profession.
Par ailleurs, deux contributions mentionnent l'absence de difficultés d'accès à la profession, notamment en raison de l'existence de prêts avantageux pour l'installation et de l'absence de réseau préalable nécessaire pour intégrer le milieu. 11 femmes auraient notamment intégré la profession depuis 2010.
Comment évaluer l'impact de la création de nouveaux offices, pour les professionnels en place d'une part (notamment au regard des conditions d'activité des offices existants), et pour les clients, d'autre part (notamment en terme de qualité de service) ?
Pour certains contributeurs, l'ouverture des conditions d'installation ne s'accompagnera pas d'une explosion du contentieux mais au contraire d'une mise en concurrence par les prix des professionnels. La baisse du chiffre d'affaire des offices existants devrait demeurer raisonnable.
Cette situation favoriserait le développement de petites structures où le traitement des dossiers serait directement assuré par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, ce qui améliorerait la qualité du service rendu.
Ce service plus " personnalisé " s'accompagnerait d'une baisse des honoraires et d'une plus grande liberté de choix, ce qui irait dans le sens d'une amélioration de la satisfaction du client.
Pour l'Ordre des avocats aux Conseils et pour les avocats aux Conseils qui viennent de s'installer, l'augmentation du nombre d'offices induirait cependant certains risques : (i) une distorsion de concurrence entre les avocats aux Conseils qui s'installeraient sans payer de droit de présentation et les avocats aux Conseils qui ont payé un droit de présentation (en particulier ceux qui n'ont pas encore remboursé leur emprunt) ; (ii) la création de difficultés financières pour les plus petits offices, qui se trouveront en concurrence frontale avec les titulaires d'offices nouvellement créés ; (iii) le risque que des professionnels tels que des avocats à la Cour (qui disposeraient d'un réseau et d'une clientèle constituée, et qui satisferaient les conditions d'aptitude pour exercer la profession d'avocats aux Conseils) intègrent verticalement leur offre de services juridiques en contrôlant un ou des offices d'avocats aux Conseils, notamment du fait du développement de l'interprofessionnalité ; (iv) que la création d'offices incite certains avocats aux Conseils à augmenter leurs honoraires ou à être moins rigoureux dans l'application de leur obligation de donner un avis écrit sur les chances de succès des pourvois et de déconseiller ceux qui paraissent voués à un échec certain7, ce qui pourrait nuire à la bonne administration de la justice.
3. Autres préoccupations évoquées par les répondants à la consultation publique :
Les contributeurs qui viennent de s'installer ou qui ont un projet concret d'installation en succédant à un avocat aux Conseils dans un office existant ont indiqué que l'impact de l'installation de nouveaux avocats aux Conseils sur le prix de cession des charges (ou droit de présentation) était source d'inquiétude pour les jeunes, qu'ils viennent de s'installer ou qu'ils envisagent de se porter acquéreurs d'un office existant ou de parts sociales d'une société exploitant un office existant. Cette inquiétude est directement liée à la charge que représente le remboursement de l'emprunt contracté pour acquérir les parts d'un office, dont le prix tient compte de l'existence de 60 offices seulement.
Des collaborateurs de cabinets d'avocats aux Conseils ont par ailleurs évoqué la difficulté du cursus à suivre pour devenir avocat aux Conseils, qui constitue une barrière à l'entrée d'autant plus importante que d'autres personnes peuvent exercer la profession d'avocat aux Conseils tout en disposant d'une dispense de CAPAC, et qu'aucun système organisé de liste d'attente ou classement objectif n'existe pour organiser l'accession des titulaires du CAPAC au statut d'associé dans un cabinet d'avocat aux Conseils. Par suite, certains ont exprimé le voeu que les titulaires du CAPAC non associés d'un cabinet d'avocats aux Conseils puissent disposer d'une priorité par rapport aux avocats associés d'un office qui souhaiteraient créer un nouvel office.
Parmi les contributeurs, 5 d'entre eux, titulaires du CAPAC, se déclarent intéressés par la création d'offices. Certains d'entre eux insistent sur le fait qu'il devrait selon eux être possible pour plusieurs personnes d'être nommées dans un nouvel office, dès sa création.
Un contributeur enfin évoque le fait que le droit français définissant les conditions d'accès à la profession d'avocat aux Conseils serait contraire au droit communautaire, et en particulier au principe de liberté d'établissement garanti par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et par la directive n° 98/05/CE du 16 février 1998.
1 Les deux contributeurs, représentant respectivement 26 et 13 " nouveaux entrants ".
2 Plusieurs projets sont envisagés, notamment (i) la mise en place d'une formation en charge de l'admission des pourvois et (ii) la mise en place d'un dispositif de filtrage avant tout examen au fond du pourvoi.
3 Mode d'exercice de la profession d'avocats aux Conseils dont certains contributeurs relèvent le peu de succès puisqu'aucun titulaire du CAPAC ne se serait déclaré intéressé par ce statut à l'occasion de la réunion annuelle des diplômés organisée par l'ordre des avocats aux Conseils en 2014, 2015 et 2016.
4 En instaurant une rupture de concurrence entre les nouveaux entrants, qui n'ont pas acquis de charge, et les jeunes avocats aux Conseils installés disposeraient d'une moindre marge de manœuvre pour concurrencer en prix leurs confrères, du fait qu'ils seraient tenus de rembourser un emprunt.
5 Cf. audition du président de l'ordre des avocats aux Conseils devant la commission ad hoc de l'Assemblée nationale sur les professions réglementées. Mise en place à l'occasion des travaux parlementaires préparatoires au vote de la loi n° 2016-990 du 6 août 2015.
6 Une atomisation de la profession alourdirait les coûts fixes devant être répercutés sur les honoraires demandés aux consommateurs, et affaiblirait les cabinets d'avocats aux Conseils français sur le " marché international du droit ".
7 L'article 47 du règlement général de déontologie prévoit que " l'avocat aux Conseils doit, dans tous les cas à son mandant ou à son représentant son avis sur les chances de succès du pourvoi qu'il est chargé d'instruire. Cet avis doit être clair ".
Saisine n° 16/0051A - ANNEXE 2
Nom et titre de la personne auditionnée | Date de l'audition
Me Jean-Michel Darrois, associé fondateur du cabinet Darrois, Villey Maillot Brochier | 6 juillet 2016
M. Christian Belhôte, secrétaire général auprès du Premier Président de la Cour de cassation ; Mme Labrégère-Delorme, secrétaire générale auprès du Procureur général de la Cour de cassation ; M. Jean Richard de La Tour, avocat général, chargé de mission ; Mme Emmanuelle Proust, conseiller référendaire, chargée de mission | 7 juillet 2016
M. Bernard Stirn, président de la section du contentieux du Conseil d'Etat | 11 juillet 2016
Me Pascal Eydoux, président du Conseil national des barreaux (CNB) ; Mme Anna Boeri, chargée des relations avec les pouvoirs publics au CNB | 20 juillet 2016
Me XA, collaboratrice au sein d'un cabinet d'avocat aux Conseils | 20 juillet 2016
Me XB, collaboratrice au sein d'un cabinet d'avocat aux Conseils | 20 juillet 2016
Me XC, collaboratrice au sein d'un cabinet d'avocat aux Conseils | 21 juillet 2016
M. XD, collaborateur au sein d'un cabinet d'avocat aux Conseils | 21 juillet 2016
M. XE, collaborateur au sein d'un cabinet d'avocat aux Conseils | 21 juillet 2016
Me Anne Sevaux, avocate aux Conseils | 2 août 2016
M. Nicolas Godfroy, responsable juridique de l'UFC - Que Choisir | 4 août 2016
Me Hélène Farge, présidente de l'Ordre des avocats aux Conseils | 8 septembre 2016
M. Guy Canivet, ancien premier Président de la Cour de cassation et ancien membre du Conseil constitutionnel | 13 septembre 2016
Association des jeunes avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation (AJAC) | 14 septembre 2016