ADLC, 22 novembre 2016, n° 16-A-22
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Avis
concernant l'effacement de consommation dans le secteur de l'électricité
L'Autorité de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre du 22 juillet 2016, enregistrée sous le numéro 16/0061 A, par laquelle le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique a saisi pour avis l'Autorité de la concurrence sur un projet de décret et un projet d'arrêté relatifs à l'effacement de consommation dans le secteur de l'électricité ; Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) ; Vu le livre IV du Code de commerce et notamment son article L. 462-2 ; Vu le Code de l'énergie ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du gouvernement et les représentants de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) entendus lors de la séance du 19 octobre 2016 ; Les représentants des sociétés RTE, Voltalis et EDF entendus sur le fondement de l'article L. 463-7 du Code de commerce ; Est d'avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations qui suivent :
I. Constatations
A. LA SAISINE
1. Par lettre du 22 juillet 2016, enregistrée sous le numéro 16/0061A, l'Autorité de la concurrence (ci-après " l'Autorité ") a été saisie d'une demande d'avis par le gouvernement concernant un projet de décret et un projet d'arrêté portant sur l'effacement de consommation d'électricité.
2. Ces deux textes ont pour objet de mettre en œuvre plusieurs nouvelles dispositions figurant dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissante verte et qui sont relatives à l'effacement de consommation d'électricité et, en particulier aux transferts financiers entre opérateurs d'effacement, fournisseurs d'électricité et RTE (gestionnaire du réseau de transport d'électricité).
B. LE MARCHÉ DE L'EFFACEMENT DE CONSOMMATION D'ÉLECTRICITÉ
1. DÉFINITION DE L'EFFACEMENT
3. Un effacement est une diminution temporaire de la consommation d'électricité par rapport à une consommation initialement prévue. Cette diminution est obtenue grâce à l'interruption d'appareils électriques (processus industriels, chauffage, etc.), à la suite d'une sollicitation ponctuelle d'un fournisseur d'électricité ou d'un " opérateur d'effacement ".
4. Plus précisément, un effacement peut être sollicité de plusieurs manières :
- par le biais de prix de l'électricité incitatifs (on parle alors de " tarif à effacement "). Dès lors qu'un consommateur dispose d'un compteur adéquat, il peut choisir une offre de fourniture d'électricité qui lui permet de bénéficier de prix globalement plus avantageux l'essentiel du temps. En revanche, les périodes où il est important de moins consommer (par exemple à 19h en hiver), les prix seront plus élevés pour inciter le client à s'effacer, c'est-à-dire à décaler certaines consommations à un autre moment (par exemple au milieu de la nuit, quand la consommation est moindre et l'électricité moins chère). Le consommateur peut interrompre ses appareils électriques en fonction de ses besoins (machines à laver, four, etc.) et ainsi limiter le montant global de sa facture d'électricité ;
- via un pilotage à distance des équipements, en installant par exemple une box chez le consommateur. Le dispositif de pilotage effacera, momentanément, la consommation de différents appareils pilotables connectés (par exemple, chez les petits consommateurs, aujourd'hui le chauffage et le ballon d'eau chaude, et demain les frigos, l'informatique en veille, la climatisation et la recharge des véhicules électriques). Par ailleurs, il existe d'autres formes de pilotage à distance : l'effacement pourra alors être sollicité grâce à l'envoi d'un SMS, d'un email ou d'un appel téléphonique.
5. Tous les consommateurs (résidentiels et non résidentiels) peuvent réaliser des effacements.
6. Ainsi, les consommateurs industriels peuvent choisir d'arrêter ou de réorganiser temporairement le fonctionnement de leur chaîne de production afin de réduire momentanément leur consommation. Le plus souvent, l'activité de production et donc la consommation correspondante sont décalées à un autre moment. Les consommateurs tertiaires, les particuliers et les commerçants peuvent choisir d'interrompre eux-mêmes leurs appareils électriques. Certains usages peuvent en outre être pilotés à distance (aujourd'hui le chauffage ou les ballons d'eau chaude, demain potentiellement d'autres appareils, les progrès de la domotique pouvant par exemple conduire à rendre les réfrigérateurs pilotables à distance). Le consommateur pourra décaler intégralement ou partiellement cette consommation effacée, pour préserver son niveau de confort.
7. Les effacements peuvent jouer un rôle utile lors des pointes de consommation d'électricité (par exemple un soir d'hiver). En effet, l'électricité est un produit bien spécifique : elle ne se stocke pas et à tout moment, la production d'électricité doit être égale à la consommation de tous les consommateurs. Afin de préserver l'équilibre entre la demande et l'offre d'électricité, il peut être moins coûteux de réduire ponctuellement la consommation, plutôt que d'augmenter la production. À court terme, les effacements permettent d'éviter la mise en marche d'une centrale de production électrique ou, à tout le moins, de réduire momentanément la production issue de ces centrales, lorsqu'il est moins coûteux de réaliser un effacement que de produire. À plus long terme, si les effacements sont mobilisables de manière fiable et pérenne, ils permettront d'éviter la construction de centrales de pointe (ce sont les centrales construites pour répondre aux pics de demande qui n'ont lieu que quelques heures par an).
8. Par ailleurs, les effacements peuvent contribuer à l'équilibrage du système électrique tout au long de l'année (et pas seulement en hiver). Le plus souvent, c'est la production qui s'ajuste à la consommation. La logique de l'effacement est inverse, puisque c'est la consommation qui s'ajuste plutôt que la production.
9. Enfin, alors qu'une part de plus en plus importante de l'électricité consommée en France va être produite par des énergies renouvelables, les effacements peuvent constituer un atout précieux pour favoriser l'intégration des éoliennes et des centrales solaires dans le système électrique français. Ils pourraient permettre de réagir rapidement aux variations de production de ces sources d'énergie intermittentes et ainsi, inciter les clients, lorsque cela est économiquement pertinent, à déplacer leurs consommations vers les périodes durant lesquelles la production d'électricité d'origine renouvelable est la plus forte.
2. LE MARCHÉ DE L'EFFACEMENT : UN MARCHÉ BIFACE
10. Le marché de l'effacement constitue un marché " biface ".
11. Les marchés bifaces mettent en relation deux groupes d'agents pour lesquels le fait d'interagir recèle des gains potentiels. Une plateforme ou un intermédiaire rend possibles les transactions entre ces deux groupes d'agents. Cette activité engendre des externalités indirectes : le bénéfice d'un agent dépend du nombre d'agents de l'autre groupe. Les exemples les plus classiques de ces marchés mettent en relation des vendeurs et des acheteurs (agences immobilières), des lecteurs et des annonceurs publicitaires (médias), des commerçants et des détenteurs de cartes bancaires (systèmes de paiement).
12. Une caractéristique majeure des marchés bifaces réside dans le fait que l'intermédiaire ne peut dégager des revenus que s'il est en mesure de mettre en relation simultanément les deux groupes d'agents.
13. Dans le cas de l'effacement, un intermédiaire (l'opérateur d'effacement) va, d'un côté, recruter un gisement d'effacement localisé chez des consommateurs d'électricité (industriels, clients tertiaires et particuliers) pour, de l'autre côté, valoriser cet effacement de consommation d'électricité sur un certain nombre de marchés.
14. Les opérateurs d'effacement sont donc directement concurrents des fournisseurs et des producteurs sur ces différents marchés.
15. Lorsque l'effacement a lieu simultanément sur un nombre important de petits sites de consommation (clients résidentiels et petits professionnels en particulier), on parle d'effacement " diffus ". Les effacements opérés sur des sites tertiaires (PME par exemple) sont des effacements " tertiaires " et les effacements réalisés sur des sites industriels sont des effacements " industriels ".
16. L'effacement de consommation peut être valorisé sur les marchés suivants :
- le mécanisme d'ajustement et les marchés de réserves de RTE ;
- le mécanisme de capacité ;
- le marché de gros de l'électricité.
17. Le fonctionnement de ces différents marchés ainsi que les opportunités de valorisation de l'effacement sur ces marchés sont décrits brièvement ci-dessous.
a) La valorisation de l'effacement sur le mécanisme d'ajustement et sur les marchés de réserves de RTE
18. L'effacement pourra être valorisé sur le mécanisme d'ajustement et sur les marchés de réserves de RTE. Ces marchés ont été créés pour permettre qu'à tout instant, l'offre et la demande d'électricité soient équilibrées.
La valorisation de l'effacement sur le mécanisme d'ajustement
19. L'électricité a des caractéristiques propres qui impliquent que l'offre et la demande d'électricité doivent être équilibrées à tout moment, non seulement en France mais également dans l'ensemble du système interconnecté européen.
20. À très court terme, des aléas sont susceptibles d'affecter l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité. Cela peut arriver à tout instant, par exemple du fait d'une consommation plus forte que prévue, ou encore du fait de l'indisponibilité fortuite d'un groupe de production. Les conséquences de tels déséquilibres sont significatives, car elles sont susceptibles d'entraîner des délestages1 forcés de certains clients et même un effondrement incontrôlé du système électrique au niveau régional, national voire européen (ce qu'on appelle communément les " black outs "). Ces déséquilibres de très court terme peuvent intervenir tout au long de l'année, hiver comme été, de jour comme de nuit, et sont donc indépendants des pointes de consommation d'électricité.
21. Pour faire face à ces déséquilibres de très court terme, le législateur a confié à RTE, en tant que gestionnaire du réseau de transport, la mission de pallier en temps réel les déséquilibres globaux entre l'offre et la demande d'électricité en France, comme le prévoit l'article L. 321-10 du Code de l'énergie : " Le gestionnaire du réseau public de transport assure à tout instant l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau, ainsi que la sécurité, la sûreté et l'efficacité de ce réseau, en tenant compte des contraintes techniques pesant sur celui-ci ".
22. RTE dispose de plusieurs outils permettant de rétablir, à tout instant, l'équilibre entre la production et la consommation, au premier rang desquels figure le mécanisme d'ajustement.
23. Pour chaque déséquilibre de court terme anticipé entre l'offre et la demande d'électricité, RTE demande aux producteurs et aux consommateurs d'électricité de lui faire des offres d'ajustement. Ainsi, les producteurs peuvent proposer d'augmenter ou de baisser leur production d'électricité. De même, des consommateurs peuvent proposer à RTE, soit directement, soit par l'intermédiaire des opérateurs d'effacement, de baisser leur consommation si la demande globale d'électricité est supérieure à l'offre globale d'électricité. Le mécanisme d'ajustement est donc un marché organisé où RTE est le seul acheteur d'offres d'ajustement proposées par des acteurs d'ajustement (les producteurs et les opérateurs d'effacement).
24. Ces offres d'ajustement ont un coût pour les acteurs d'ajustement : ils vont donc demander une rémunération à RTE pour le service rendu. RTE opère la sélection des offres d'ajustement en deux temps. En premier lieu, RTE sélectionne les offres qui peuvent techniquement répondre à son besoin d'ajustement. En second lieu, après cette sélection basée sur des critères techniques, RTE classera les offres d'ajustement de la moins onéreuse à la plus onéreuse (en application du principe dit de " préséance économique " et conformément à l'article L. 321-10 du Code de l'énergie) et activera l'offre d'ajustement la moins onéreuse. En contrepartie, l'acteur d'ajustement ayant déposé cette offre percevra la rémunération initialement demandée à RTE.
25. Une description plus exhaustive du mécanisme d'ajustement figure dans la décision n° 11-D-092 (§ 14 à 48) de l'Autorité.
La valorisation de l'effacement sur les marchés de réserves de RTE
26. Selon l'article L. 321-13 du Code de l'énergie, les producteurs raccordés au réseau de transport doivent mettre à disposition de RTE, sur le mécanisme d'ajustement, la totalité de leur capacité non utilisée et techniquement disponible. RTE doit cependant s'assurer que des offres d'ajustement portant sur des quantités d'énergie suffisantes seront quotidiennement soumises sur le mécanisme d'ajustement et que les délais de mise en œuvre associés à ces offres seront compatibles avec les impératifs de sûreté du réseau électrique.
27. Pour être certain de disposer en permanence de réserves mobilisables dans des délais très courts, RTE organise des appels d'offres donnant lieu à la contractualisation de " réserves " sur plusieurs années. Cette contractualisation consiste, pour RTE, à payer une prime fixe aux acteurs retenus lors des appels d'offres. En contrepartie, ces acteurs s'engagent à déposer tous les jours la puissance contractualisée sur le mécanisme d'ajustement.
28. Une analyse de ces différents marchés d'appels d'offres a été réalisée par l'Autorité dans le cadre de sa décision n° 11-D-09 précitée.
29. Conformément à l'article L. 312-12 du Code de l'énergie, les opérateurs d'effacement peuvent participer aux appels d'offres organisés par RTE pour la constitution des réserves. Ces marchés constituent donc des débouchés potentiels pour les opérateurs d'effacement.
b) La valorisation de l'effacement sur le mécanisme de capacité
30. Un mécanisme de capacité est un dispositif de marché qui vise à inciter les acteurs à investir dans la construction de capacités de production et d'effacement.
31. Le gouvernement a fait le choix de la mise en place d'un mécanisme de capacité afin de s'assurer que les périodes de pointe de consommation en période hivernale n'occasionneront pas de ruptures de l'alimentation en électricité des consommateurs français.
32. Ainsi, l'article L. 335-1 du Code de l'énergie dispose que " chaque fournisseur d'électricité contribue, en fonction des caractéristiques de consommation de ses clients, en puissance et en énergie, sur le territoire métropolitain continental, à la sécurité d'approvisionnement en électricité ". L'article L. 335-2 du même Code précise le moyen utilisé pour atteindre cet objectif : "chaque fournisseur d'électricité doit disposer de garanties directes ou indirectes de capacités d'effacement de consommation et de production d'électricité pouvant être mises en œuvre pour satisfaire l'équilibre entre la production et la consommation sur le territoire métropolitain continental, notamment lors des périodes où la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus élevée ".
33. L'article L. 335-6 du même Code prévoit qu'un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application de ce mécanisme de capacité.
34. Selon ce décret3, le mécanisme de capacité repose sur deux piliers :
- la signature obligatoire, par les exploitants de capacités de production et d'effacement de consommation, d'un contrat de certification avec RTE, les engageant sur un certain niveau de disponibilité et leur attribuant, en fonction de ce niveau, un montant de garanties de capacité (matérialisé par des certificats échangeables et cessibles). Une pénalité financière contractuelle est prévue en cas de non-respect des engagements ;
- l'obligation pour chaque fournisseur de détenir, chaque année, des garanties de capacité calculées en fonction de la consommation de ses clients et d'un taux de marge. Les fournisseurs acquièrent des garanties de capacité pour satisfaire leur obligation. Ils font l'objet d'une sanction administrative, prononcée par la CRE, en cas de manquement à leur obligation.
35. La certification des capacités de production et d'effacement crée une " offre " de garanties de capacité. L'obligation de capacité crée une " demande " de garanties de capacité du côté des fournisseurs. Cette offre et cette demande constituent un marché. Ce marché traite de la puissance et est indépendant du marché de gros de l'électricité, qui traite de l'énergie. Les garanties de capacité correspondent à une puissance disponible garantie, qu'il y ait ou non production effective.
36. Une description plus complète de ce mécanisme de capacité figure dans l'avis n° 12-A-094 de l'Autorité, à l'occasion duquel l'Autorité a exprimé ses réserves sur ce mécanisme. En particulier, elle a critiqué le fait que les capacités de production situées en dehors du territoire français n'étaient pas éligibles aux certificats de capacité, alors même que certaines d'entre elles participent à la sécurité d'approvisionnement des consommateurs français, au même titre que les capacités de production localisées en France. L'Autorité a mentionné que cette inégalité de traitement était susceptible de constituer une entrave à la concurrence.
37. À la suite de cet avis notamment, la Commission européenne a conduit une enquête sectorielle concernant plusieurs mécanismes de capacité en Europe, afin d'examiner si certains dispositifs étaient en infraction avec le droit des aides d'État. S'agissant du dispositif français, cette enquête a débouché, le 8 novembre 2016, sur une autorisation donnée au gouvernement français de mettre en place le mécanisme de capacité, sous réserve notamment que celui-ci soit ouvert aux acteurs étrangers.
38. À la suite de cette autorisation de la Commission européenne, il est prévu que le mécanisme de capacité français soit opérationnel le 1er janvier 2017.
39. Comme mentionné plus haut, le mécanisme de capacité constituera, lorsqu'il sera mis en place, un autre débouché pour les opérateurs d'effacement puisqu'ils pourront faire certifier leurs effacements auprès de RTE afin de se voir attribuer des garanties de capacité qui pourront être revendues aux fournisseurs d'électricité.
c) La valorisation de l'effacement sur le marché de gros de l'électricité
40. L'électricité qui est produite par les centrales électriques peut être revendue à plusieurs reprises avant d'être finalement vendue par le fournisseur d'électricité au consommateur final.
41. Le marché de gros de l'électricité désigne le marché où l'électricité est négociée (achetée et vendue) avant d'être livrée sur le réseau à destination des clients finals (particuliers ou entreprises). Les acteurs qui interviennent sur le marché de gros sont :
- les producteurs d'électricité (qui détiennent les centrales de production) qui négocient et vendent leur production ;
- les négociants (" traders ") qui achètent pour revendre et favorisent ainsi la liquidité du marché ;
- les fournisseurs d'électricité (qui vendent ensuite l'électricité pour la consommation des clients finals) qui négocient et s'approvisionnent en électricité.
42. Les échanges peuvent se faire :
- sur des bourses (Epex Spot France pour les produits spot, basée à Paris, et EEX Power Derivatives France pour les produits futures, basée à Leipzig en Allemagne) ;
- de gré à gré " intermédié ", c'est-à-dire via un courtier ;
- directement de gré à gré (bilatéral pur).
43. Les transactions peuvent être purement financières (si le produit est acheté puis revendu) ou déboucher sur une livraison physique sur le réseau français.
44. Depuis le 1er janvier 2014, les opérateurs d'effacement peuvent activer des effacements leur permettant de vendre des blocs d'énergie sur le marché de gros.
45. Les effacements peuvent constituer une alternative compétitive à la production d'électricité, notamment (mais pas uniquement) durant les périodes de pointe de consommation.
d) Conclusion concernant la valorisation de l'effacement sur les marchés
46. À l'heure actuelle, le mécanisme d'ajustement, les appels d'offres organisés par RTE pour la constitution des réserves ainsi que le marché de gros de l'électricité sont les principaux débouchés de l'activité d'effacement de consommation d'électricité.
47. À terme, le mécanisme de capacité, lorsqu'il aura été mis en place, constituera également un débouché à l'activité d'effacement.
3. LE DÉVELOPPEMENT DES OPÉRATEURS D'EFFACEMENT SUR LE MARCHÉ FRANÇAIS
48. Selon des indicateurs fournis par RTE au cours de l'instruction, il apparaît que le développement des opérateurs d'effacement en France est une réalité.
49. En 2016, plus d'une dizaine d'opérateurs d'effacement sont actifs sur les marchés de l'électricité français et développent des offres d'effacement différentes des offres traditionnelles.
50. Ces offres permettent à l'effacement de participer directement et de manière significative à des marchés traditionnellement réservés aux producteurs (jusqu'à 10 % de la réserve primaire5, 40 % des réserves rapide et complémentaire6) :
- sur la réserve primaire, ce sont essentiellement de grands sites industriels utilisant des procédés d'électrolyse qui participent à ce segment du marché ;
- sur les réserves rapide et complémentaire, les opérateurs d'effacement sont désormais dominants et ont contribué à faire baisser le prix de constitution de ces réserves. Ainsi, la part de marché des actifs de production de l'opérateur historique (EDF) représente moins de 20 % en 2016 contre 100 % en 2011. En 2016, 9 acteurs se partagent le marché, le top 3 des nouveaux entrants dispose aujourd'hui d'une part de marché globale proche de 50 %. Aucun de ces acteurs n'a un rôle pivot dans ce marché.
C. LE NOUVEAU CADRE RÉGLEMENTAIRE RELATIF À L'EFFACEMENT DE CONSOMMATION
51. Le cadre réglementaire de l'effacement de consommation d'électricité a fait l'objet de multiples modifications au cours des dernières années. Seules les dispositions réglementaires en relation avec la demande d'avis seront décrites ci-dessous.
52. Une description plus exhaustive de l'évolution du cadre réglementaire de l'effacement figure en particulier dans les avis de l'Autorité n° 12-A-19 du 26 juillet 2012 et n° 13-A-25 du 20 décembre 2013 concernant l'effacement de consommation dans le secteur de l'électricité.
1. LE CADRE RÉGLEMENTAIRE DES EFFACEMENTS DE CONSOMMATION TEL QUE MIS EN PLACE PAR LA LOI N° 2015-992 DU 17 AOÛT 2015 RELATIVE À LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR LA CROISSANCE VERTE
53. Les dispositions des articles L. 271-1 à L. 271-4 du Code de l'énergie, telles qu'introduites par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, font évoluer le cadre applicable aux effacements de consommation d'électricité.
54. Tout d'abord, dans le cadre de son avis n° 13-A-25 précité, l'Autorité a recommandé au gouvernement que " les fonctions de gestionnaire de réseau de distribution, au même titre que celles de gestionnaire du réseau de transport d'électricité, soient déclarées incompatibles avec l'exercice d'une activité d'opérateur d'effacement ". L'Autorité a en effet estimé que si les gestionnaires de réseau devaient mettre en place une activité d'opérateur d'effacement, ils seraient en mesure d'utiliser les données de consommation des clients dont ils disposent au titre de leur mission de gestionnaire de réseau pour leur activité d'opérateur d'effacement, ce qui fausserait la concurrence par les mérites sur le marché de l'effacement, au détriment des autres opérateurs.
55. Cette recommandation a été suivie par le législateur puisque la loi n° 2015-992 précitée a introduit l'article L. 271-2 dans le Code de l'énergie qui dispose que " le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité et les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité ( ) ne peuvent exercer l'activité d'opérateur d'effacement ".
56. Ensuite, les dispositions du Code de l'énergie réaffirment la possibilité pour l'opérateur d'effacement de procéder à des effacements de consommation sans être tenu d'obtenir au préalable l'accord du fournisseur des sites effacés (" un opérateur d'effacement qui dispose d'un agrément technique peut procéder à des effacements de consommation indépendamment de l'accord du fournisseur d'électricité des sites concernés "). Dans le cadre de son avis n° 12-A-19 précité, l'Autorité avait recommandé à la CRE de ne pas mettre en place un système d'agrément des opérateurs d'effacement par les fournisseurs d'électricité, dans lequel tout opérateur d'effacement souhaitant activer des effacements relatifs à des sites de consommation aurait dû obtenir l'accord préalable du fournisseur d'électricité de ces sites de consommation. Cette préconisation a été inscrite dans la loi par le législateur.
57. Afin de soutenir le développement de l'effacement, l'article L. 271-4 du Code de l'énergie dispose que des appels d'offres " effacements " peuvent être lancés par le gouvernement pour répondre aux objectifs publics de développement de la filière. Le dispositif est financé par la contribution au service public de l'électricité (CSPE7).
58. Par ailleurs, l'article L. 271-3 précise qu'un régime de versement financier est mis en place entre l'opérateur d'effacement et le fournisseur dont le site connaît un effacement : " Dans le cas où les effacements de consommation sont valorisés sur les marchés de l'énergie ou sur le mécanisme d'ajustement, un régime de versement vers les fournisseurs d'électricité des sites effacés est défini sur la base d'un prix de référence et des volumes d'effacement comptabilisés comme des soutirages dans le périmètre des responsables d'équilibre des fournisseurs des sites effacés. Le prix de référence reflète la part " énergie " du prix de fourniture des sites de consommation dont la consommation est en tout ou partie effacée ".
59. La nécessité d'un versement financier entre opérateur d'effacement et fournisseur correspondant à l'effacement réalisé a récemment été rappelée par le Conseil d'État statuant au contentieux et qui était saisi par la société Voltalis qui contestait un excès de pouvoir commis par la CRE dans sa délibération du 17 décembre 2014 portant approbation des règles pour la valorisation des effacements de consommation sur les marchés de l'énergie8. Ainsi, selon cet arrêt, " qu'il ressort des pièces du dossier et de l'audience d'instruction tenue par la 9ème sous-section de la section du contentieux que, pour qu'un opérateur d'effacement puisse valoriser sur les marchés de l'énergie un effacement qu'il s'engage à réaliser, il est nécessaire que le fournisseur du consommateur effacé maintienne l'injection de l'électricité qu'il avait prévu de fournir au consommateur effacé ; que la propriété du " bloc d'énergie " issu de cette injection, rendu disponible sur le réseau du fait de l'effacement, est attribuée par les règles contestées à l'opérateur d'effacement afin qu'il le vende ; qu'en contrepartie de ce transfert de propriété, un versement doit être acquitté par l'opérateur d'effacement au profit du fournisseur, qui se substitue au prix que le consommateur lui aurait payé s'il ne s'était pas effacé ; qu'ainsi, ce versement a pour objet de rémunérer le fournisseur pour l'électricité injectée sur le réseau ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante [Voltalis], le versement constitue la rémunération d'un bien dont la propriété est transférée du fournisseur à l'opérateur d'effacement ".
60. Pour inciter au développement des effacements qui génèrent de véritables économies d'énergie (et non un simple report des consommations), l'article L. 271-3 introduit un régime dérogatoire de versement.
61. Dans ce cas, le versement dû par l'opérateur d'effacement au fournisseur est partiellement pris en charge par RTE, dans la limite de l'économie d'énergie réalisée (en pourcentage de l'énergie effacée). En d'autres termes, il est introduit un régime dérogatoire répartissant la charge du versement au fournisseur des sites effacés entre l'opérateur d'effacement et le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité.
62. Les coûts supportés par RTE pour assurer cette prise en charge partielle du versement seront couverts par la communauté des fournisseurs via un prélèvement forfaitaire (le " coefficient c " prévu à l'article L. 321-12 du Code de l'énergie). Ce prélèvement forfaitaire est fonction des soutirages physiques9 des responsables d'équilibre et donc de la part de marché des fournisseurs d'électricité (plus le fournisseur a une part de marché importante, plus le prélèvement forfaitaire qu'il devra acquitter sera élevé). Ces coûts supplémentaires seront probablement reportés ensuite par les fournisseurs sur la facture des consommateurs d'électricité.
63. Le régime dérogatoire de versement n'est pas fondé sur les objectifs publics de développement de l'effacement de consommation, mais sur les économies d'énergie permises par l'action de l'opérateur d'effacement.
64. Ce dispositif remplace un autre dispositif de soutien qui avait été introduit par la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes. Les articles L. 123-1 et suivants du Code de l'énergie, issus de la loi n° 2013-312, prévoyaient la mise en place d'une prime permettant de favoriser le développement des effacements de consommation au titre des avantages procurés à la collectivité. Selon l'ancien cadre réglementaire, cette prime aurait été financée par le biais de la contribution du service public de l'électricité (CSPE), qui est une taxe payée par les consommateurs d'électricité en fonction des volumes d'électricité consommés. L'article L. 271-1 renvoyait les modalités de fixation de cette prime à un décret (décret n° 2014-764).
65. Selon ce décret, la prime devait être fixée en euros par MWh et versée en fonction du volume d'effacement certifié. Le montant de la prime devait varier en fonction de catégories d'effacements établies en fonction de leurs caractéristiques techniques et économiques. Un arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, pris après avis de la CRE, devait ensuite fixer, par catégorie d'effacements, le montant de la prime versée aux opérateurs d'effacement. Pour fixer le montant de la prime, étaient pris en compte la contribution de l'effacement à la maîtrise de la demande d'énergie, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la réduction des volumes des pertes sur les réseaux de transport et de distribution de l'électricité.
66. La loi précise, enfin, qu'il n'est pas possible de bénéficier à la fois du dispositif des appels d'offres " effacements " et du régime dérogatoire de versement. En ce sens, le Code de l'énergie cherche à éviter que le consommateur soit amené à " payer deux fois " un soutien à l'effacement de consommation d'électricité. En effet, comme mentionné au § 57, les appels d'offres " effacements " sont financés par les consommateurs (par le biais de la CSPE) et les coûts induits par le régime dérogatoire de versement seront probablement reportés sur les consommateurs finals, comme décrit au § 62.
67. Le schéma suivant permet de visualiser les différents flux en relation avec ce versement financier (source DGEC) :
<schéma>
2. LE PROJET DE DÉCRET ET LE PROJET D'ARRÊTÉ FAISANT L'OBJET DE LA DEMANDE D'AVIS
68. Les deux projets de texte soumis à l'avis de l'Autorité sont relatifs au régime dérogatoire de versement dont il est fait référence ci-dessus.
69. Le projet de décret ajoute un article R. 271-10 au titre VII du livre II de la partie réglementaire du Code de l'énergie. Cet article précise les modalités d'application de ce régime dérogatoire du versement. En particulier, cet article :
- introduit la définition du taux d'économie d'énergie moyen utilisé pour définir la part du versement portée par RTE ;
- précise la part du versement portée par RTE, qui peut être comprise entre 0 % et 50 % au maximum ;
- définit le processus de proposition par l'opérateur d'effacement du taux d'économie d'énergie effectif moyen puis de validation par RTE de ce taux ;
- précise le système de régularisation et, le cas échéant, de pénalité en cas de divergence entre le taux d'économie d'énergie effectif moyen évalué par l'opérateur d'effacement et celui contrôlé par RTE.
70. L'article L. 271-1 du Code de l'énergie impose, de plus, de structurer ce dispositif en fonction de catégories d'effacement de consommation, ce qui fait l'objet du projet d'arrêté soumis à l'avis de l'Autorité. Ce projet d'arrêté retient comme seule catégorie d'effacement conduisant à des économies d'énergie significatives les effacements réalisés sur un site de consommation dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA (ménages et petits professionnels).
II. Analyse concurrentielle
71. Le régime dérogatoire de versement consiste à exonérer l'opérateur d'effacement d'une partie du paiement dû au fournisseur au titre de l'énergie que ce dernier continuera pourtant à injecter dans son périmètre. L'opérateur d'effacement a ainsi la possibilité de valoriser l'intégralité du bloc d'énergie effacée sur les marchés tout en n'en payant qu'une partie au fournisseur du site effacé.
72. La loi prévoit que la part complémentaire du versement est payée au fournisseur par RTE, les coûts de ce dernier étant couverts dans le cadre du compte ajustements-écarts, par une charge portant sur les soutirages physiques des responsables d'équilibre. Les soutirages physiques correspondant à la consommation, le financement du régime dérogatoire pèsera donc in fine sur les fournisseurs d'électricité qui le répercuteront à leurs clients.
73. Le régime dérogatoire est donc, dans les faits, une subvention des opérateurs d'effacement par les fournisseurs d'électricité et, in fine, par les consommateurs d'électricité.
74. Compte tenu des éléments au dossier et des déclarations des représentants du gouvernement en séance, l'Autorité émet tout d'abord des réserves sur la pertinence du dispositif tel que conçu dans les textes soumis à la demande d'avis (A). Elle recommande en tout état de cause de notifier le dispositif au titre des aides d'État (B) et formule des recommandations s'agissant des modalités de ce dispositif (C).
A. SUR LA PERTINENCE DU DISPOSITIF SOUMIS À L'AUTORITÉ
75. En séance, les représentants du gouvernement ont présenté le dispositif dérogatoire comme destiné à être transitoire. Ils ont par ailleurs indiqué que le montant du subventionnement devrait être limité à un montant de l'ordre de 2,5 millions d'euros par an au maximum (dans le cas où les capacités d'effacement diffus atteindraient 200 MW et où le taux d'économie d'énergie serait de 50 %).
76. Une telle présentation appelle tout d'abord une interrogation sur l'objectif du dispositif. Mettre en place un dispositif destiné à faciliter l'émergence d'un marché de l'effacement (diffus en l'occurrence) et le limiter à une période transitoire, en supposant que ce marché peut être viable à terme, est un choix possible de politique économique.
77. Mais la loi prévoit un subventionnement non pas pour encourager les effacements en général, mais pour valoriser les économies d'énergie que certains d'entre eux sont susceptibles de générer. Cependant, si la subvention vise à valoriser les économies d'énergie, on comprend mal pourquoi le dispositif serait seulement transitoire.
78. Par ailleurs, au regard de son caractère transitoire et financièrement limité, l'Autorité s'interroge sur la pertinence de mettre en place un dispositif aussi complexe (1), et ce d'autant qu'aucune étude d'impact sérieuse ne semble avoir été réalisée (2).
1. SUR LA COMPLEXITÉ DU DISPOSITIF AU REGARD DE SA PORTÉE LIMITÉE
79. Le dispositif dérogatoire de versement, tel que décrit dans les projets de texte, repose sur :
- une déclaration ex ante à RTE par l'opérateur d'effacement du taux d'économie d'énergie moyen auquel conduisent les effacements pour lesquels il demande à bénéficier du régime dérogatoire de versement ;
- une évaluation ex post par ce même opérateur du taux d'économie d'énergie effectif moyen, selon sa propre méthodologie ;
- un contrôle, par RTE, des valeurs communiquées et de la méthodologie utilisée par l'opérateur d'effacement ;
- la possibilité pour RTE d'infliger des sanctions financières à l'opérateur d'effacement, s'il existe des écarts entre les valeurs reportées par l'opérateur d'effacement et les valeurs effectivement contrôlées par RTE.
80. Par ailleurs, concernant le montant du subventionnement à l'opérateur d'effacement, la prise en charge par RTE prend la forme du barème progressif suivant :
Effacements valorisés conduisant à un taux d'économie d'énergie moyen supérieur ou égal à 50 %
La part versée par le GRT est égale à 50 %
Effacements valorisés conduisant à un taux d'économie d'énergie moyen supérieur ou égal à 35 et inférieur à 50 %
La part versée par le GRT est égale à 35 %
Effacements valorisés conduisant à un taux d'économie d'énergie moyen supérieur ou égal à 20 % et inférieur à 35 %
La part versée par le GRT est égale à 20 %.
Effacements valorisés conduisant à un taux d'économie d'énergie moyen inférieur à 20 %
La part versée par le GRT est nulle.
81. Le dispositif dérogatoire de versement devra également faire l'objet de règles de fonctionnement qui seront proposées par RTE puis adoptées par la CRE.
82. Ce dispositif apparaît d'une grande complexité et est susceptible de générer des coûts administratifs significatifs, que ce soit pour les acteurs ou pour les pouvoirs publics, d'autant qu'il n'existe pas de consensus entre les acteurs s'agissant de la nature des économies d'énergie qui pourraient être induites par les effacements de consommation.
83. Si le rapport réalisé par RTE à ce sujet a permis d'exclure que des effacements puissent induire des économies d'énergie pour certains usages (ballons d'eau chaude sanitaire et processus industriels), il ne permet pas de démontrer clairement le niveau exact des économies d'énergie induites par l'effacement du chauffage résidentiel. Ainsi, selon RTE, " plusieurs méthodes testées à ce jour dans le cadre du rapport publié en mars 2016 ne présentent pas les caractéristiques suffisantes de fiabilité pour être utilisées dans le cadre de la mise en place du régime dérogatoire de versement et de la certification des effacements de consommation ". Ces incertitudes sont susceptibles de générer des contentieux importants lorsque RTE contrôlera a posteriori les taux d'économie d'énergie moyens évalués par les opérateurs d'effacement, ce qui alourdira encore plus les coûts administratifs liés au dispositif.
84. Dès lors que le gouvernement envisage un dispositif transitoire, que l'importance du subventionnement des opérateurs d'effacement apparaît limitée et que le niveau des économies d'énergie induites par les effacements n'est pas clairement défini, on peut s'interroger sur l'utilité de mettre en place un dispositif facteur de complexité et susceptible de générer des coûts administratifs importants pour les acteurs et pour les pouvoirs publics.
2. SUR L'ABSENCE D'ÉTUDE D'IMPACT
85. Le dossier ne contient pas d'étude d'impact permettant de démontrer la nécessité de subventionner l'effacement de consommation ou de chiffrer le coût réel du dispositif. En séance, le gouvernement n'a pas non plus fait mention d'études explorant ces sujets de manière approfondie.
86. Or, en premier lieu, sur la nécessité de subventionner l'effacement du point de vue des opérateurs, l'Autorité avait mentionné dans le cadre de son avis n° 13-A-25 précité que :
" Des fournisseurs et des opérateurs d'effacement valorisent actuellement des effacements sur le mécanisme d'ajustement et sur les marchés de réserves de RTE et ce, sans recevoir de subventions. En particulier, EDF commercialise des offres d'effacement (" les tarifs EJP et Tempo ") depuis une trentaine d'années sans recevoir de subventionnement.
Dans plusieurs pays (Suisse notamment), les opérateurs télécom développent, au-delà de la fourniture du triple play (téléphonie, internet, TV), des services de domotique tels que des services de surveillance du domicile (pilotage à distance de webcams et d'alarmes) et des services de pilotage de la consommation d'électricité s'apparentant à de l'effacement de consommation et ce, sans subventionnement.
Au cours de l'instruction, un opérateur d'effacement a mentionné qu'il n'avait pas besoin de cette subvention pour exercer son activité.
Le subventionnement n'apparaît donc en aucun cas nécessaire pour le développement de l'effacement ".
87. Par ailleurs, l'article L. 271-4 du Code de l'énergie prévoit déjà la possibilité, pour le gouvernement, d'avoir recours à des mécanismes d'appels d'offres s'il est estimé que la filière industrielle de l'effacement ne se développe pas suffisamment.
88. En second lieu, certains éléments au dossier montrent que le coût du subventionnement du présent dispositif pourrait s'avérer élevé, point sur lequel le gouvernement ne semble pas avoir mené d'expertise.
89. Par exemple, une différence de coût importante peut être établie en comparant le montant du MWh respectivement économisé par le biais du dispositif soumis à la demande d'avis et par le biais du mécanisme des CEE (certificats d'économie d'énergie). Ainsi, dans le cadre du présent dispositif, d'après des calculs menés par EDF, les dispositions du projet de décret entraîneraient, pour les opérateurs d'effacement dont le taux d'économie d'énergie moyen est supérieur à 20 %, une subvention comprise entre 26 et 46 EUR/MWh économisé (calculée à partir du barème de versement " base " en vigueur)10, le coût de cette subvention étant supporté par les fournisseurs et indirectement par les consommateurs.
90. À titre de comparaison, la valeur marchande des CEE s'équilibre, par le jeu de l'offre et de la demande, au niveau de l'incitation nécessaire pour déclencher la mise en œuvre d'opérations d'efficacité énergétique. Cette valeur n'a jamais dépassé 4,5 EUR/MWh économisés depuis la mise en place du dispositif en 2008, et est actuellement inférieure à 2 EUR/MWh économisés11. Ce coût est in fine intégré au prix de vente des opérateurs et ainsi supporté par les consommateurs, à l'instar du coût du régime dérogatoire de versement.
91. Dès lors, les dispositions du projet de décret pourraient conduire, pour les mêmes économies d'énergie, à attribuer aux opérateurs d'effacement un montant de dix à vingt fois supérieur (de 26 à 46 EUR/MWh) à celui habituellement supporté par les consommateurs à travers le dispositif des CEE (de 2 à 4,5 EUR/MWh).
92. Le coût du présent dispositif, sur lequel le gouvernement n'a pas mené d'étude d'impact, est d'autant plus sensible qu'il existe plusieurs dispositifs visant à des objectifs similaires en matière de contrôle des dépenses énergétiques, ce que l'Autorité avait déjà relevé dans son avis n° 13-A-25 précité.
93. La Cour des comptes a mis en avant une préoccupation similaire dans un rapport de novembre 2016 sur " L'évaluation de l'efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable ".
94. Dans le cadre de ce rapport, la Cour estime que " [l]'accumulation de dispositifs s'est faite sans cohérence " et que " le montant consacré aux incitations défavorables est supérieur à celui des dispositifs favorables, au risque de voir, dans le meilleur des cas, leurs impacts respectifs sur l'environnement s'annuler, malgré l'effort collectif consenti ".
95. La Cour souligne également les limites dans l'évaluation de l'efficience de ces mesures : " L'analyse des éléments disponibles révèle l'ampleur des difficultés méthodologiques et pratiques pour évaluer l'efficience de ces dispositions : objectifs mal définis ; dépenses suivies avec retard ; insuffisance de données relatives au nombre de bénéficiaires ; imprécision de la mesure de l'atteinte de l'objectif lorsqu'il est clairement défini ".
96. Au cas d'espèce, dans la même logique et en l'absence d'étude d'impact sur son efficacité et son coût, l'Autorité est très réservée quant à la mise en place du dispositif présenté, très complexe au regard de son enjeu et de la portée que le gouvernement semble lui donner.
97. Si le gouvernement souhaite néanmoins mettre en place ce dispositif, l'Autorité pense nécessaire de notifier le dispositif à la Commission européenne au titre de l'examen des aides d'État (B) et formule un certain nombre de recommandations d'amélioration (C).
B. LA NÉCESSITÉ DE NOTIFIER LE DISPOSITIF À LA COMMISSION EUROPÉENNE PRÉALABLEMENT À SA MISE EN PLACE
98. Le régime dérogatoire de versement est un dispositif de subventionnement des opérateurs d'effacement par les fournisseurs d'électricité et, in fine, par les consommateurs d'électricité. Cette subvention pourrait être considérée comme une aide d'État notifiable à la Commission européenne.
99. Dans cette section, il sera premièrement rappelé qu'un subventionnement des opérateurs d'effacement diffus par les consommateurs a déjà été mis en place par les pouvoirs publics puis remis en cause, car il n'avait pas été notifié à la Commission européenne (1). Sera ensuite examiné brièvement le point de savoir si le subventionnement, objet de la présente demande d'avis, est susceptible de remplir les critères d'une aide d'État (2).
1. LE PRÉCÉDENT DE LA PRIME POUR SUBVENTIONNER LES OPÉRATEURS D'EFFACEMENT
100. Comme décrit aux § 64 à 65, les pouvoirs publics avaient introduit un dispositif de soutien des opérateurs d'effacement au titre des avantages procurés à la collectivité, par le biais de la loi n° 2013-312 et du décret n° 2014-764 précités.
a) L'avis de l'Autorité concernant le décret n° 2014-764
101. Le décret n° 2014-764 avait fait l'objet d'une demande d'avis préalable à l'Autorité de la concurrence.
102. Dans le cadre de son avis n° 13-A-25 du 20 décembre 2013, l'Autorité avait recommandé au gouvernement " de ne pas mettre en place la prime aux opérateurs d'effacement telle qu'elle est prévue par le décret et de ne le faire que sous une forme qui ait pour résultat, d'une part, de rémunérer uniquement des bienfaits qui sont effectivement démontrés et qui ne sont pas rémunérés autrement, d'autre part, de ne pas désavantager certains opérateurs du marché qui sont déjà pénalisés pour les externalités négatives que leur activité génère. ( )
" En tout état de cause, si le gouvernement souhaite mettre en place cette prime, l'Autorité [recommandait] de notifier le dispositif à la Commission européenne, préalablement à sa mise en œuvre, afin qu'il puisse être examiné dans le cadre de l'article 108 TFUE relatif au contrôle des aides d'État ".
103. Le gouvernement n'a pas souhaité suivre les recommandations de l'Autorité et a mis en place la prime aux opérateurs d'effacement sans notifier le dispositif à la Commission européenne au titre des aides d'État.
b) L'arrêt du Conseil d'État du 13 mai 2016
104. Le décret n° 2014-764 a été adopté le 3 juillet 2014, puis un arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie a été pris le 11 janvier 2015.
105. Cet arrêté a fait l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'État par l'UFC-Que Choisir. L'UFC-Que Choisir considérait en effet que la prime ne constituait pas la contrepartie d'un bénéfice pour la collectivité, dès lors qu'il n'était nullement acquis que les effacements conduisaient réellement à des économies d'énergie ou à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
106. Par ailleurs, l'UFC-QUE CHOISIR a pointé le risque de distorsion de concurrence au profit des opérateurs d'effacement. L'UFC-QUE CHOISIR a également repris à son compte l'argument de l'Autorité, relatif à la qualification d'aide d'État, de la prime d'effacement.
107. Par un arrêt en date du 16 mars 2016, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé l'arrêté du 11 janvier 2015 au motif que la prime constituait une aide d'État et qu'elle était illégale faute d'avoir été notifiée à la Commission européenne, préalablement à sa mise en place12. Le dispositif de la prime a ensuite été abandonné par les pouvoirs publics.
2. ANALYSE DU RÉGIME DÉROGATOIRE DE VERSEMENT
108. Comme mentionné plus haut, le dispositif objet de la demande d'avis consiste à faire supporter une partie des coûts des opérateurs d'effacement par les fournisseurs d'électricité, par l'intermédiaire du gestionnaire du réseau de transport (RTE), selon des règles édictées par les pouvoirs publics.
109. En première analyse, le dispositif apparaît susceptible de constituer une aide d'État au sens de l'article 107 (1) TFUE qui exige, pour retenir une telle qualification, que quatre conditions cumulatives soient remplies : (i) la mesure doit être financée directement ou indirectement par des ressources d'État; (ii) la mesure doit être sélective ; (iii) elle doit conférer un avantage ; (iv) la mesure doit affecter ou menacer d'affecter la concurrence et les échanges entre États membres.
110. Sur le premier point, pour que des avantages puissent être qualifiés d'aides au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, d'une part, être imputables à l'État et, d'autre part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d'État. La jurisprudence a consacré le caractère cumulatif de ces deux conditions13.
111. La mise en place du dispositif est imputable à l'État français puisqu'il procède de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
112. Par ailleurs, concernant l'origine étatique des ressources, l'article 107, paragraphe 1, TFUE englobe tous les moyens pécuniaires que l'État peut effectivement utiliser pour soutenir des entreprises. Le fait que ces moyens restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu'ils soient qualifiés de ressources d'État et pour qu'une mesure qu'ils servent à financer entre dans le champ d'application de l'article 107, paragraphe 1, TFUE14.
113. En l'espèce, il existe un contrôle public permanent sur le financement du dispositif favorisant les effacements. En effet, les coûts qui devaient être normalement supportés par les opérateurs d'effacement et qui seront supportés par RTE seront couverts par la communauté des fournisseurs via un prélèvement forfaitaire (le " coefficient c " prévu à l'article L. 321-12 du Code de l'énergie). Ce " coefficient c " fait l'objet d'un contrôle de la CRE concernant sa méthode de détermination, son montant et son affectation aux responsables d'équilibre. Or, les fonds qui sont alimentés par des contributions obligatoires, imposées par la législation de l'État membre, et répartis conformément à cette législation, sont à considérer comme des ressources d'État15.
114. Sur le deuxième point, il convient d'examiner si la mesure est sélective. Ce critère permet de déterminer si la mesure est susceptible d'être uniformément accordée à l'ensemble des concurrents.
115. Si l'on prend l'exemple du mécanisme d'ajustement, parmi les concurrents présentant des offres sur ce marché (opérateurs d'effacement et producteurs), seuls les opérateurs d'effacement percevront l'avantage financier lié au dispositif. Le dispositif est donc, par essence, sélectif puisqu'il vise à favoriser l'effacement de consommation. Il peut être également argué que le dispositif ne s'adresse qu'à certains opérateurs d'effacement (les opérateurs d'effacement diffus) en excluant d'autres opérateurs d'effacement (les opérateurs d'effacement industriel et tertiaire) dans la mesure où il est prévu que seuls les effacements réalisés sur des sites dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA pourront bénéficier du dispositif.
116. Sur le troisième point, il convient de vérifier si la mesure confère un avantage à celui à qui elle est octroyée. Ce critère vise à vérifier si la mesure va procurer un avantage à l'entreprise qui bénéficiera de la mesure, l'avantage conféré à une entreprise lui permettant de ne pas supporter des charges auxquelles elle devrait normalement faire face en l'absence de mesure.
117. En l'espèce, si l'on reprend l'exemple du mécanisme d'ajustement sur lequel un opérateur d'effacement est en concurrence avec un producteur d'électricité, en allégeant les coûts supportés par les opérateurs d'effacement diffus, le dispositif permettra à ces opérateurs de faire à RTE des offres d'ajustement plus compétitives que celles des autres opérateurs d'effacement ou des producteurs d'électricité. Le dispositif va donc conférer un avantage aux opérateurs d'effacement diffus.
118. Sur le quatrième point, il convient d'analyser si la mesure affecte ou menace d'affecter la concurrence et les échanges entre États membres. Le mécanisme est un dispositif national : il est donc susceptible d'avoir une influence sur le commerce entre États membres. De plus, de par l'avantage compétitif qu'il induira pour les opérateurs d'effacement diffus, il pourrait désavantager les producteurs et les opérateurs d'effacement industriel dont le siège social est situé en dehors du territoire français. La prime est donc susceptible d'affecter ou de menacer d'affecter la concurrence et les échanges entre États membres.
119. À la lumière de ce qui précède, il existe des éléments solides conduisant à considérer que le dispositif objet de la demande d'avis constitue une aide d'État au sens de l'article 107 TFUE.
120. Il est donc recommandé au gouvernement de notifier ce dispositif à la Commission européenne préalablement à sa mise en œuvre.
C. SUR LES MODALITÉS DU DISPOSITIF
121. L'Autorité relève, enfin, que l'introduction du régime dérogatoire de versement est susceptible d'introduire des distorsions de concurrence (1) et pourrait par ailleurs être simplifiée (2).
1. SUR LES DISTORSIONS DE CONCURRENCE INDUITE PAR LE DISPOSITIF
122. Tout d'abord, l'Autorité avait indiqué, dans le cadre de l'avis n° 13-A-25 précité, s'agissant de l'introduction d'une prime récompensant les économies d'énergie réalisées par les opérateurs d'effacement, que le mécanisme des CEE " pénalisait les fournisseurs d'électricité par rapport aux opérateurs d'effacement au titre de la maîtrise de la demande en énergie ( ). Il semble donc curieux de superposer un nouveau dispositif (la prime versée aux opérateurs d'effacement) au dispositif existant, au risque de distordre encore plus la concurrence entre fournisseurs d'électricité et opérateurs d'effacement. In fine, le consommateur d'électricité pourrait, là encore, se retrouver dans la situation de payer deux fois pour l'atteinte de l'objectif de maîtrise de la demande en énergie ".
123. Un constat similaire peut être effectué avec le dispositif soumis à l'avis de l'Autorité puisque la baisse des coûts des opérateurs d'effacement, subventionnée par les fournisseurs, pourrait accroître la distorsion de concurrence déjà existante entre fournisseurs et opérateurs d'effacement du fait du mécanisme des CEE qui s'impose aux fournisseurs d'électricité.
124. Ensuite, il convient de rappeler que les opérateurs d'effacement diffus, d'une part, et les opérateurs d'effacement tertiaire, d'autre part, sont concurrents sur plusieurs marchés : le mécanisme d'ajustement, le marché de gros et bientôt le mécanisme de capacité. Or, le dispositif dérogatoire de versement introduit des distorsions de concurrence entre les deux types d'acteurs, et ce de manière injustifiée.
125. Ainsi le projet de décret et le projet d'arrêté prévoient que seuls les effacements opérés sur des sites de consommation dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA seront en mesure de bénéficier du dispositif de versement dérogatoire. Il en résulte que seul l'effacement diffus est susceptible de bénéficier du nouveau subventionnement.
126. Ces dispositions seraient justifiées par le fait que, selon le rapport de RTE qui a permis d'analyser les économies d'énergie induites par les effacements, seul l'effacement du chauffage électrique résidentiel est susceptible de générer des économies d'énergie, à la différence des effacements conduits sur des sites de consommation tertiaires ou industriels.
127. Or, les éléments du dossier montrent que RTE n'exclut pas la présence de gisements d'effacement pouvant conduire à des économies d'énergie pour des sites de consommation tertiaires et qu'il a d'ailleurs mentionné qu'il était utile de poursuivre les travaux expérimentaux sur le sujet. Dans le cadre de sa délibération consacrée au dispositif16, la CRE a par ailleurs mentionné qu'" il n'est pas exclu que d'autres catégories d'effacements puissent également générer des économies d'énergie significatives (par exemple, le chauffage électrique dans les sites tertiaires). Elle souhaite que RTE poursuive ses travaux à ce sujet ".
128. En effet, il apparaît par exemple que si un effacement opéré sur un convecteur électrique situé dans un logement résidentiel génère une économie d'énergie, rien ne s'oppose a priori à ce qu'un effacement opéré sur un même convecteur, situé dans un local tertiaire, génère une économie d'énergie similaire.
129. Selon le projet de décret et le projet d'arrêté, l'opérateur d'effacement percevra pourtant un subventionnement dans le premier cas mais pas dans le second. Cet élément est facteur de distorsions de concurrence entre opérateurs d'effacement diffus d'une part, et opérateurs d'effacement tertiaire, d'autre part.
130. Il est susceptible de conférer aux opérateurs d'effacement diffus un avantage concurrentiel significatif par rapport aux opérateurs d'effacement tertiaire en leur permettant de faire des offres plus compétitives sur le mécanisme d'ajustement, les appels d'offres de RTE ou sur les marchés de l'énergie et ce, de manière non justifiée.
131. À la lumière de ce qui précède, à l'instar de la CRE, l'Autorité recommande au gouvernement et à RTE d'évaluer, dès que possible, les potentiels d'économie d'énergie résidant chez les clients tertiaires afin d'étendre, si besoin, le dispositif dérogatoire de versement aux opérateurs d'effacement tertiaire.
2. SUR LA SIMPLIFICATION DU DISPOSITIF DÉROGATOIRE DE VERSEMENT
a) Sur le taux d'économie d'énergie moyen à partir duquel la subvention est accordée à l'opérateur d'effacement
132. Concernant le montant du subventionnement à l'opérateur d'effacement, la prise en charge par RTE prend la forme du barème progressif suivant :
Effacements valorisés conduisant à un taux d'économie d'énergie moyen supérieur ou égal à 50 %
La part versée par le GRT est égale à 50 %
Effacements valorisés conduisant à un taux d'économie d'énergie moyen supérieur ou égal à 35 % et inférieur à 50 %
La part versée par le GRT est égale à 35 %
Effacements valorisés conduisant à un taux d'économie d'énergie moyen supérieur ou égal à 20 % et inférieur à 35 %
La part versée par le GRT est égale à 20 %.
Effacements valorisés conduisant à un taux d'économie d'énergie moyen inférieur à 20 %
La part versée par le GRT est nulle.
133. Comme le mentionne la CRE dans son avis, l'Autorité estime qu'il est nécessaire d'apporter une simplification s'agissant du taux d'économie d'énergie moyen à partir duquel la subvention est accordée à l'opérateur d'effacement, afin de distinguer très clairement les effacements qui induisent des économies d'énergie significatives des autres effacements.
134. Comme le souligne le rapport de RTE, il existe en outre une grande variabilité du taux de report de consommation selon la méthode de construction de la courbe de référence de consommation retenue.
135. L'Autorité est donc favorable à un seuil unique au-delà duquel le versement mutualisé peut être mis en œuvre.
136. Le rapport de RTE conclut que les taux de report peuvent varier de 45 % à 75 % selon les méthodes proposées, les taux d'économie d'énergie pouvant par conséquent aller de 25% à 55 %. L'Autorité recommande un taux d'économie d'énergie moyen unique de 40 %, correspondant au milieu de cet intervalle.
137. À l'instar de la CRE, l'Autorise propose donc que le taux d'économie d'énergie moyen unique à partir duquel le dispositif dérogatoire de versement peut être mis en œuvre soit égal à 40 %.
b) Sur le contrôle par RTE de la méthodologie utilisée par l'opérateur d'effacement
138. Le projet de décret prévoit un contrôle de la méthodologie utilisée par l'opérateur d'effacement après la mise en œuvre du versement mutualisé. Ce contrôle ex post nécessite la mise en place d'un système de régularisation et, le cas échéant, de pénalités financières si les taux moyens d'économie d'énergie annoncés par l'opérateur d'effacement ne sont pas respectés.
139. Ce système de contrôle est facteur de complexité, car il est susceptible de susciter des contentieux entre opérateurs d'effacement et RTE s'agissant de la réalité des économies d'énergie induites par les effacements.
140. À l'instar de la CRE, l'Autorité recommande donc que le contrôle de RTE s'agissant de la méthode utilisée et du taux d'économie d'énergie retenu par l'opérateur d'effacement soit effectué ex ante plutôt qu'ex post.
Conclusion
141. En l'absence d'étude d'impact et compte tenu de la complexité du dispositif et des coûts administratifs potentiellement importants pour les acteurs et pour les pouvoirs publics (alors même que ce dispositif est présenté comme transitoire et de coût limité), l'Autorité est réservée sur la mise en œuvre du dispositif dérogatoire de versement tel que décrit dans les projets de textes qui font l'objet de la demande d'avis.
142. Si le gouvernement souhaite néanmoins mettre en œuvre ce dispositif, l'Autorité lui recommande :
- de notifier le dispositif à la Commission européenne au titre du droit des aides d'État ;
- de s'assurer que le dispositif n'introduit pas des distorsions de concurrence, en mettant en œuvre une étude des économies d'énergie induites par l'effacement pour les sites tertiaires afin d'étendre, le cas échéant, le dispositif à l'effacement tertiaire ;
- de simplifier le mécanisme :
o en fixant un taux unique d'économie d'énergie moyen en dessous duquel le dispositif dérogatoire de versement ne pourra être mis en œuvre (40 %) ;
o en rendant obligatoire le contrôle par RTE des méthodologies et des taux d'économie d'énergie moyens annoncés par les opérateurs d'effacement préalablement au versement des subventions.
Délibéré sur le rapport oral de M. Édouard Leduc, rapporteur, et l'intervention de M. Umberto Berkani, rapporteur général adjoint, par Mme Isabelle de Silva, présidente, présidente de séance, Mme Élisabeth Flüry-Hérard, et M. Thierry Dahan, vice-présidents.
Annexe n° 1 : détail du calcul du subventionnement des économies d'énergies par le biais du dispositif dérogatoire de versement17
Le barème de versement est exprimé en EUR/MWh effacé. L'enjeu du calcul est d'exprimer la part de ce versement prise en charge par RTE en EUR/MWh économisé pour permettre la comparaison avec le dispositif des certificats d'économie d'énergie :
La subvention S reçue par l'opérateur d'effacement, exprimée en euros, se calcule ainsi :
S = taux de prise en charge du versement par RTE défini par le décret x nombre de MWh effacés x barème de versement
Le nombre de MWh économisés (noté E) se calcule ainsi :
E = taux d'économie d'énergie réel x nombre de MWh effacés
Donc la subvention, exprimée en EUR/MWh économisé, se calcule ainsi :
S/E = taux de prise en charge du versement par RTE défini par le décret x Barème de versement / taux d'économie d'énergie réel
Le chiffre de 46, égal au barème de versement18, s'obtient lorsque le taux de prise en charge par RTE est égal au taux d'économie d'énergie réel de l'opérateur d'effacement.
Les valeurs les plus faibles pour chaque fourchette prévue par le projet de décret (32 et 26) sont atteintes lorsque le taux d'économie réelle est dans le haut de la fourchette (il y a un effet de seuil) :
<tableau>
NOTES DE BAS DE PAGE
1 Interruptions de la fourniture d'électricité.
2 Décision n° 11-D-09 du 8 juin 2011 relative à des pratiques mises en œuvre par EDF et RTE dans le secteur de l'électricité.
3 Décret n° 2012-1405 du 14 décembre 2012 relatif à la contribution des fournisseurs à la sécurité d'approvisionnement en électricité et portant création d'un mécanisme d'obligation de capacité dans le secteur de l'électricité.
4 Avis n° 12-A-09 du 12 avril 2012 concernant un projet de décret relatif à l'instauration d'un mécanisme de capacité dans le secteur de l'électricité.
5 Réserve automatique permettant de rétablir l'équilibre offre-demande en quelques secondes.
6 Réserves activées manuellement par RTE pour gérer un déséquilibre sur le système électrique.
7 La CSPE est assimilable à une taxe payée par le consommateur d'électricité en fonction de sa consommation d'électricité.
8 CE, 13 mai 2016, n° 387506.
9 Les soutirages physiques désignent les prélèvements d'électricité à partir du réseau.
10 Une explication des calculs effectués figure en annexe n° 1.
11 D'après le Registre National des Certificats d'Economie d'Energie Emmy.
12 CE, 16 mars 2016, UFC-Que Choisir, n° 388762.
13 CJCE, arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, dit "Stardust Marine" (C-482/99, Rec. p. I-4397).
14 CJCE, arrêt du 29 avril 2004, Grèce c. Commission, Aff. C-278/00.
15 CJCE, arrêt du 2 juillet 1974, Italie c. Commission, Aff. n° C-173/73, point 35.
16 Délibération du 14 septembre 2016 portant avis sur le projet de décret relatif à la valorisation des effacements de consommation conduisant à des économies d'énergie significatives pris en application de l'article L. 271-3 du Code de l'énergie.
17 Source : EDF.
18 Voir le montant du barème de versement mentionné sur le site de RTE : https://clients.rte-france.com/lang/fr/clients_producteurs/services_clients/dispositif_nebef_montant.jsp.