CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 15 décembre 2016, n° 14-10529
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Malabar Press Limited (Sté)
Défendeur :
Cargo Culte Productions (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dabosville
Conseillers :
Mmes Schaller, du Besset
Faits et procédure
La société Malabar Press Limited (ci-après " Malabar ") est une société de production audiovisuelle de droit britannique effectuant des prestations de tournage et de montage en Inde, créée par Monsieur Arnauld M. et Madame Christilla J.
La SARL Cargo Culte Productions (ci-après " Cargo ") est une société française créée en 2007 qui a pour activité la production et la réalisation de films pour la télévision et dont le gérant est Monsieur Le G.
Selon contrat signé le 17 octobre 2008, à effet au 1er mai 2008, la société Malabar a conclu avec la Société Nationale de Programme France 2 (ci-après " France 2 ") un contrat ayant pour objet de définir les conditions dans lesquelles la société Malabar s'engageait à fournir à France 2 des sujets tournés et montés, des " rushes " et des directs par téléphone pour couvrir l'actualité en Inde et dans les pays avoisinants, pour les besoins des magazines et journaux télévisés de France 2. Un avenant est venu proroger le contrat jusqu'au 30 avril 2010. Le contrat était conclu intuitu personae, en considération de la personne de Monsieur Arnaud M., ce dernier s'interdisant de céder ou transférer ses droits à qui que ce soit.
Au début de l'année 2010, France 2 a souhaité qu'Arnauld M. rejoigne la rédaction de la chaîne. Monsieur M. a alors cherché à céder la société Malabar à un repreneur susceptible d'être intéressé par la perspective de conclure un nouveau contrat avec France 2 pour la couverture des événements en Inde.
C'est dans ce contexte qu'Arnauld M. s'est rapproché de la société Cargo pour lui proposer de reprendre l'activité de la société Malabar en Inde pour France 2. Monsieur M. a proposé à la société Cargo de racheter les titres de la société Malabar, moyennant la somme de 150 000 euro.
Entre temps, France 2 a indiqué à la société Malabar, qu'elle n'entendait pas prolonger le contrat conclu avec la société Malabar dont l'échéance était fixée au 30 avril 2010 et que même si elle entendait fonctionner globalement de la même façon, des choses étaient à renégocier avec le nouveau co-contractant.
Cargo a alors conclu avec France 2, le 10 mai 2010, un contrat de prestations de services, pour une durée d'un an.
Cargo a proposé de racheter une partie du matériel de la société Malabar moyennant un montant de 12 000 euro, et de verser à Monsieur M. un montant de 15 000 euros au titre de son intervention dans la conclusion du contrat entre la société Cargo et France 2.
Les associés de la société Malabar ont refusé cette proposition.
Par lettre du 30 juillet 2010, le conseil de la société Malabar a indiqué à la société Cargo qu'elle estimait être victime d'actes de concurrence déloyale et que la société Cargo avait commis des actes de contrefaçon en réutilisant à son profit des œuvres audiovisuelles produites par la société Malabar et détourné du matériel se trouvant dans les locaux de Delhi.
C'est dans ces conditions que la société Malabar a fait assigner le 14 juin 2011 la société Cargo pour voir condamner ladite société à payer la somme globale de 300 000 euros.
Par jugement rendu le 24 mai 2013, le Tribunal de Commerce s'est déclaré compétent et a :
- Débouté la société Malabar Press Limited de l'ensemble de ses demandes,
- Condamné la société Malabar Press Limited à verser à la SARL Cargo Culte Productions la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Débouté la SARL Cargo Culte Productions du surplus de ses demandes ;
- Condamné la société Malabar Press Limited en tous les dépens dont distraction au profit de la SARL Intervista, agissant par Maître Benjamin S., dans les conditions fixées à l'article 699 du Code de procédure civile, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,17 euro dont 13,25 euro de TVA.
Vu l'appel interjeté par la société Malabar Press Limited le 13 mai 2014 contre cette décision,
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Malabar Press Limited, société de Droit Britanique le 30 Août 2016, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
- Recevoir la société Malabar Press en sa demande.
- L'y déclarer bien fondée.
- Condamner la société Cargo Culte à payer à titre de dommages et intérêts à la société Malabar Press une somme toutes causes confondues de 300 000 C (trois cent mille euros).
- Dire que la société Cargo Culte devra dans les 8 (huit) jours de la signification de l'arrêt à intervenir restituer à la société MalabarPress l'ensemble du matériel et des "rushes"appartenant à société MalabarPress et présents dans les locaux de New-Delhi, et ce sous astreinte de 1 000 euros (mille euros) par jour de retard.
- Dire que la Cour se réservera la liquidation de l'astreinte.
- Condamner la société Cargo Culte à payer à la société Malabar Press la somme de 30 000 euro conformément aux dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Faire application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile au profit de Maître E.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Cargo Culte Productions le 18 janvier 2016 par lesquelles il est demandé à la Cour de :
1) Sur la demande de condamnation de la société Cargo à verser à la société Malabar 150 000 euros au titre d'une prétendue "reprise de l'activité de la société Malabar "
A titre principal :
- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 24 mai 2013 en ce qu'il a jugé que la société Cargo n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ni aucune faute et a, en conséquence, débouté la société Malabar de sa demande de condamnation de la société Cargo à lui verser la somme de 150 000 euros au titre d'une prétendue " reprise de l'activité de Malabar " ;
A titre subsidiaire :
- Dire et juger que la société Malabar n'a subi aucun préjudice ;
- Débouter la société Malabar de sa demande de condamnation de Cargo à lui verser la somme de 150 000 euros au titre d'une prétendue " reprise de l'activité de Malabar " ;
A titre très subsidiaire :
- Dire et juger que Malabar a commis une faute et a agi de mauvaise foi ;
- Débouter Malabar de sa demande de condamnation de Cargo à lui verser la somme de 150 000 euros au titre d'une prétendue " reprise de l'activité de Malabar ".
2) Sur la demande de condamnation de Cargo à verser à la société Malabar 50 000 euros au titre d'une prétendue " utilisation frauduleuse " du matériel et à restituer le matériel sous astreinte
A titre principal :
- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 24 mai 2013 en ce qu'il a jugé que Cargo n'a commis aucune faute et a, en conséquence, débouté Malabar de sa demande de condamnation de Cargo à lui verser la somme 50 000 euros au titre d'une prétendue " utilisation frauduleuse du matériel " et à lui restituer du matériel sous astreinte ;
A titre subsidiaire :
- Dire et juger que Malabar n'a subi aucun préjudice ;
- Débouter Malabar de sa demande de condamnation de Cargo à lui verser la somme de 50 000 euros au titre d'une prétendue " utilisation frauduleuse du matériel " et à lui restituer du matériel sous astreinte ;
A titre très subsidiaire :
- Dire et juger que Malabar a commis une faute et a agi de mauvaise foi ;
- Débouter Malabar de sa demande de condamnation de Cargo à lui verser la somme de 50 000 euros au titre d'une prétendue " utilisation frauduleuse du matériel " et à lui restituer du matériel sous astreinte ;
3) Sur la demande de condamnation de Cargo à verser à Malabar 50 000 euros au titre de prétendus actes de contrefaçon résultant d'une prétendue " utilisation des "rushes" en fraude de ses droits " et à restituer les " rushes " sous astreinte
A titre principal :
- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 24 mai 2013 en ce qu'il a jugé que Cargo n'a commis aucune faute et a, en conséquence, débouté Malabar de sa demande de condamnation de Cargo à lui verser 50 000 euros au titre de prétendus actes de contrefaçon résultant d'une prétendue " utilisation des "rushes" en fraude de ses droits " de Malabar et à restituer des " rushes " sous astreinte ;
A titre subsidiaire :
- Dire et juger que Malabar ne rapporte pas la preuve du moindre préjudice ;
- Débouter Malabar de sa demande de condamnation de Cargo à lui verser 50 000 euros au titre de prétendus actes de contrefaçon résultant d'une prétendue " utilisation des "rushes" en fraude de ses droits " de Malabar et à restituer des " rushes " sous astreinte ;
A titre très subsidiaire :
- Dire et juger que Malabar a commis une faute et a agi de mauvaise foi ;
- Débouter Malabar de sa demande de condamnation de Cargo à lui verser 50.000 euros au titre de prétendus actes de contrefaçon résultant d'une prétendue " utilisation des "rushes" en fraude de ses droits " de Malabar et à restituer des " rushes " sous astreinte ;
4) Sur la demande de condamnation de Cargo à verser à Malabar 50 000 euros au titre d'un " préjudice complémentaire " résultant d'une prétendue " résistance abusive et mauvaise foi "
A titre principal :
- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 24 mai 2013 en ce qu'il a jugé que Cargo n'a commis aucune faute et a, en conséquence, débouté Malabar de sa demande de condamnation de Cargo à lui verser 50 000 euros au titre d'un " préjudice complémentaire " résultant d'une prétendue " résistance abusive " ;
A titre subsidiaire :
- Dire et juger que Malabar n'a subi aucun préjudice.
- Débouter Malabar de sa demande de condamnation de Cargo à lui verser 50 000 euros au titre d'un " préjudice complémentaire " résultant d'une prétendue " résistance abusive " ;
A titre très subsidiaire :
- Dire et juger que Malabar a commis une faute et a agi de mauvaise foi.
- Débouter Malabar de sa demande de condamnation de Cargo à lui verser 50 000 euros au titre d'un " préjudice complémentaire " résultant d'une prétendue " résistance abusive " ;
En tout état de cause :
- Condamner la société Malabar Press Limited à verser à la SARL Cargo Culte Productions la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la société Malabar Press Limited en tous les frais et dépens dont distraction au profit de la SARL Intervista, agissant par Maître Benjamin S., dans les conditions fixées à l'article 699 du Code de procédure civile.
La société Malabar soutient que c'est grâce à son intervention auprès de France 2 que la société Cargo a pu conclure un accord direct avec France 2 pour la couverture de presse en Inde, qu'elle avait présenté la société Cargo à France 2 en tant que repreneur agréé par la société Malabar qui poursuivrait l'activité de celle-ci en Inde, qu'il était convenu que la société Cargo rachète les parts de la société Malabar, que des discussions tripartites ont eu lieu avec France 2, que le contrat de la société Malabar a été utilisé comme trame pour établir le contrat de la société Cargo, que la société Cargo a ainsi commis des actes de concurrence déloyale en évinçant la société Malabar des négociations et en concluant directement avec France 2.
Elle soutient que la société Cargo a bien repris l'activité de la société Malabar en Inde et qu'elle devait racheter le matériel, reprendre le personnel et racheter le fonds de commerce de la société Malabar, le rachat de parts devant intervenir pour 150 000 euro, mais qu'elle n'a rien payé et a contesté le prix.
Elle indique que la société Cargo a bien utilisé le matériel appartenant à la société Malabar dans les locaux de New Delhi, qu'elle a utilisé les " rushes " de la société Malabar sans son autorisation, qu'elle a de sa propre initiative, inséré dans ses propres reportages livrés à France 2, des images tournées par la société Malabar et qui se trouvaient dans les locaux de la société Malabar à New-Delhi, qu'en reprenant ces images, sans bourse délier, la société Cargo a commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la société Malabar et commis une faute dont elle doit réparation, qu'en effet, les images extraites de " rushes " précédemment tournés par la société Malabar mais n'ayant pas fait l'objet d'une facturation à France 2 et ne figurant pas sur les bilans récapitulatifs, visés aux articles 8.3 et 8.6 du contrat, n'étaient pas la propriété de France 2 et ne pouvaient être repris par la société Cargo pour les utiliser sans son autorisation.
Elle soutient enfin que la société Cargo aurait commis à son égard des actes de concurrence déloyale en utilisant frauduleusement des " rushes " qui n'avaient pas été achetés par France 2 et qui étaient restés dans les locaux de New Delhi, en les intégrant dans ses propres reportages transmis ensuite à France 2, alors qu'ils étaient restés la propriété exclusive de la société Malabar.
La société Cargo conteste avoir commis une faute en signant le contrat avec France 2 et conteste avoir évincé la société Malabar. Elle rappelle qu'il n'a jamais été question que la société Cargo rachète l'activité de la société Malabar en Inde, ni que la société Malabar cède le contrat liant la société Malabar à France 2, ledit contrat venant à expiration et n'étant pas transmissible, car conclu " intuitu personae " en considération de la personne de Monsieur M. Elle indique également qu'il n'a jamais été question de procéder à une quelconque cession de fonds de commerce et qu'il n'y avait ni contrat, ni activité à céder.
Elle conteste en outre tout préjudice subi par la société Malabar, le contrat liant France 2 à la société Malabar venant à terme le 30 avril 2010 et n'étant pas renouvelable.
Elle rappelle qu'elle a, de bonne foi, écrit aux associés de la société Malabar pour leur proposer de racheter une partie du matériel resté en Inde pour 12 000 euro, et de verser à Arnauld M. la somme de 15 000 euro au titre de son intervention dans le cadre de la conclusion du contrat à intervenir entre la société Cargo et France 2, ce qu'il a refusé. Elle indique que la société Malabar ne justifie en outre ni de la valeur ni de sa propriété du matériel dont elle réclame le paiement et qu'elle n'a jamais mis en demeure la société Cargo de le lui restituer.
Enfin, elle conteste toute utilisation frauduleuse des " rushes ", la société Malabar n'établissant pas la preuve qu'elle serait bien titulaire des droits sur les " rushes " et n'ayant jamais dénoncé un vol ou détournement de ces " rushes ", qu'en tout état de cause, c'est France 2 qui a diffusé les documentaires litigieux et qui est le bénéficiaire des " rushes ", que rien n'établit que ces " rushes " ne seraient pas la propriété de France 2 alors que le contrat conclu entre la société Malabar et France 2 prévoyait un transfert de propriété, que France 2 n'a pas été mise en cause dans la procédure, et que ce n'est que dans le cadre de la procédure que Malabar a pour la première fois demandé la restitution des " rushes ".
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
Sur ce, la Cour,
Considérant que c'est sur le fondement de l'article 1382 du Code civil que la société Malabar sollicite l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi, " toutes causes confondues ", en raison du comportement déloyal de la société Cargo lors de la négociation entre France 2 et la société Malabar de la reprise des prestations en Inde confiées à la société Malabar suivant contrat du 1er mai 2008, de la reprise frauduleuse du matériel " sans bourse délier ", et de la contrefaçon par l'utilisation frauduleuse de ses " rushes " ;
Sur le comportement déloyal lors des négociations
Considérant tout d'abord que France 2 qui a négocié séparément les contrats avec la société Malabar et avec la société Cargo n'a pas été mise en cause dans la présente instance ;
Qu'en outre il ne résulte ni des échanges de mails ni des courriers entre France 2 et la société Malabar, ni des échanges de mails entre la société Malabar et la société Cargo, que France 2 ait, à un quelconque moment, envisagé de reconduire le contrat qu'elle avait signé avec la société Malabar pour les prestations à New Delhi, ni de le céder à la société Cargo ;
Qu'aucun engagement n'est établi sur ce point, les mails échangés faisant plutôt état du refus de France 2 de reconduire le contrat et de conserver les mêmes conditions avec le nouveau co-contractant ;
Qu'il n'y a jamais eu de négociations tri-partites, Monsieur M. négociant de son côté avec la société Cargo la reprise de la société Malabar par cession d'actions et la reprise du matériel et des bureaux en Inde, et prétendant avoir négocié avec France 2 la possibilité, pour la société Cargo, de reprendre le contrat pour cette mission, mais en vain, puisque France 2 s'est opposée fermement à toute reconduction et transmission de contrat et a souhaité négocier un nouveau contrat avec la société Cargo, à des conditions différentes ;
Qu'en tout état de cause, le contrat spécifiait qu'il n'était pas cessible, ce que Monsieur M. savait, puisqu'il a accepté la clause d' " intuitu personae " liée à sa personne prévue au contrat, et qu'il n'était pas reconductible, ce qui supprimait toute valorisation possible de la cession de la société Malabar qui n'avait pas d'autre actif ;
Que certes Monsieur M. a permis à la société Cargo de rentrer en contact avec France 2, mais qu'à aucun moment il n'a été convenu que la société Cargo pourrait reprendre la suite de la société Malabar, dans les mêmes conditions avec France 2, même si par mail du 20 janvier 2010 France 2 évoquait un " repreneur ", tout en précisant immédiatement que " le repreneur ne pourra invoquer les clauses du présent contrat pour négocier le nouveau " ;
Que France 2 n'a d'ailleurs pas souhaité faire une lettre de mission au salarié de la société Cargo qui devait partir à New Delhi ;
Qu'il n'a en outre jamais été convenu une rétribution pour cette " présentation " ;
Que le rachat des parts de la société Malabar et la négociation d'un contrat avec France 2 étaient bien distincts et ledit rachat ayant fait l'objet d'échanges démontrant que les parties n'étaient pas d'accord sur le prix de 150 000 euros, la société Cargo ayant indiqué que le seul actif de la société Malabar était le contrat avec France 2 qui venait à terme et qu'elle ne disposait d'aucun élément sur la valorisation de la société à ce montant ;
Que par contre il est établi que la société Cargo a, par lettre du 31 mai 2010, proposé à la société Malabar de lui verser 15.000 euros pour le prix de son intervention auprès de France 2, ce que Monsieur M. n'a pas accepté ;
Qu'aucune faute n'est dès lors démontrée à l'encontre de la société Cargo, ni aucun comportement déloyal dans les négociations ;
Que la décision des premiers juges sera confirmée sur ce point ;
Sur l'utilisation du matériel resté en Inde
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Malabar avait acheté du matériel audiovisuel qu'elle a laissé dans les bureaux de New Delhi, et que la société Cargo a reconnu en avoir fait utilisation et lui avoir proposé de le racheter pour le montant de 12 000 euro ;
Que les premiers juges n'ont pas statué sur ce point qui était dans le débat ;
Qu'en l'absence de tout élément sur la valeur résiduelle réelle des matériels laissés sur place, et à supposer que la liste fournie par la société Malabar soit exacte, il y a lieu, compte tenu de cette proposition, de faire droit à la demande d'indemnisation de la société Malabar à hauteur de la somme proposée par la société Cargo, soit 12 000 euro ;
Que par contre la liste fournie ne précise ni la localisation, ni la propriété des matériels listés, ni surtout leur maintien dans les locaux de New Delhi ;
Qu'il y a lieu de rejeter la demande de restitution ;
Sur l'utilisation des " rushes "
Considérant qu'en l'absence de mise en cause de France 2, bénéficiaire des reportages dans lesquels des " rushes " prétendument appartenant à la société Malabar auraient été utilisés par la société Cargo, et en l'absence de preuve de la propriété desdits " rushes " par la société Malabar, la contrefaçon alléguée n'est pas établie, ni l'utilisation abusive des " rushes " par la société Cargo ;
Qu'en effet, aux termes du contrat signé entre la société Malabar et France 2, il était expressément prévu que " les sujets ou les "rushes" tournés par Malabar Press seront fournis à France 2 soit par transmission (par faisceaux, satellite ou Internet), soit, chaque fois que cela sera possible, notamment au regard de l'actualité, par cassettes expédiées par courrier express aux frais de France 3 " et que " les sujets, "rushes" ou directs fournis par Malabar Press à France 2 seront la propriété exclusive de France 2 qui pourra les diffuser, autant de fois qu'elle le souhaite, par tous moyens et procédés, dans le monde entier, sans limitation de durée ainsi que les céder à son gré " ;
Qu'il en résulte clairement, sauf preuve contraire, que la propriété des " rushes " était présumée appartenir à France 2 et que France 2 n'étant pas dans la cause, il n'est pas possible de faire une distinction entre les " rushes " fournis et les " rushes " tournés ;
Que la société Malabar doit être déboutée de toute demande d'indemnisation pour l'utilisation desdits " rushes " au profit de France 2 ;
Que par voie de conséquence, la demande d'indemnisation pour contrefaçon ou concurrence déloyale du fait de la société Cargo est dénuée de tout fondement ;
Qu'il y a lieu de débouter la société Malabar de ses demandes ;
Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande d'indemnisation de la société Cargo au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société Malabar au titre de l'indemnisation pour l'utilisation du matériel. Statuant à nouveau, Condamne la société Cargo à payer à la société Malabar la somme de 12 000 euro à ce titre, avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2011, date de l'assignation. Déboute la société Malabar du surplus de ses demandes. Condamne la société Malabar à payer à la société Cargo la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société Malabar aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître S., dans les conditions fixées par l'article 699 du Code de procédure civile.