CA Dijon, 2e ch. civ., 15 décembre 2016, n° 14-01455
DIJON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Garage du Dandarge (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vautrain
Conseillers :
Mmes Brugere, Lavergne-Pillot
Par ordonnance du 4 juillet 2007, le juge des référés du Tribunal de commerce de Dijon a ordonné une expertise portant sur un véhicule qui avait été confié par son propriétaire, Monsieur Jérôme D., à l'EURL Garage du Dandarge pour une restauration.
Deux devis ont été régularisés, le premier d'un montant de 3200 euro hors-taxes concernant la main-d'œuvre et le second d'un montant de 1082 euro hors-taxes correspondant à la fourniture de pièces.
Monsieur D. a passé commande des travaux le 12 juillet 2004.
Mécontent de la prestation fournie par son cocontractant, Monsieur Jérôme D. a obtenu en référé par ordonnance du 4 juillet 2007 la désignation de Monsieur G. en qualité d'expert.
Se fondant sur le rapport d'expertise déposé le 10 mars 2009, l'EURL Garage du Dandarge a fait citer Monsieur Jérôme D. devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Dijon afin de l'entendre condamner à lui payer la somme de 5683,70 euros correspondant au montant de sa prestation, outre 800 euro à titre de dommages intérêts et 900 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 6 mai 2010, le Tribunal de commerce de Dijon s'est déclaré incompétent au profit du tribunal d'instance de Dijon pour statuer sur la demande en paiement introduite par l'EURL Garage Dandarge le 9 juin 2009.
Par un jugement rendu le 25 novembre 2011, le Tribunal d'instance de Dijon a ordonné une contre-expertise qu'il a confiée à Monsieur D., considérant que le rapport du premier expert était faiblement motivé, superficiel et que son auteur n'avait pas tiré les conséquences de ses propres constatations.
L'expert a déposé son rapport le 27 novembre 2012
Devant le Tribunal d'instance, l'EURL Garage du Dandarge a repris les demandes présentées devant le Tribunal de commerce de Dijon à titre principal en sollicitant la condamnation de son adversaire au paiement d'une somme de 1700 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
À titre reconventionnel, Monsieur D. a fait valoir qu'il était créancier de l'EURL garage Du Dandarge à concurrence d'une somme de 4906,84 euros TTC correspondant au coût des travaux à reprendre tel qu'arbitré par l'expert, et à 630,05 euro TTC correspondant au surcoût des travaux de carrosserie.
Par un jugement rendu le 18 juin 2014, le Tribunal d'instance de Dijon a condamné Monsieur D. Jérôme à verser à l'EURL garage du Dandarge la somme de 3055,21 euros ainsi que celle de 400 euro au Titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Le tribunal a débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné chaque partie à conserver la charge de ses propres dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 30 juillet 2014, Monsieur Jérôme D. a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 22 mars 2016, Monsieur D. demande à la cour au visa de l'article 1147 du Code civil :
- d'infirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions à l'exception de celles concernant les frais de gardiennage revendiqués par l'EURL garage du Dandarge, statuant à nouveau,
- de dire et juger que l'EURL garage du Dandarge a engagé sa responsabilité contractuelle au titre de ses interventions pour la restauration mécanique de son véhicule, suivant devis accepté en date du 12 juillet 2004, en raison de diverses malfaçons et non façons affectant ses interventions telles que détaillées dans le rapport d'expertise judiciaire de Messieurs G. et D. et de l'expert amiable Caron, en conséquence,
- de condamner l'EURL garage du Dandarge à lui payer les sommes suivantes à titre de dommages-intérêts :
- 2421,16 euros au titre du solde des frais de remise en état à entreprendre,
- 7000 euro pour la rétention abusive du véhicule depuis le 1er juin 2007 et le préjudice de jouissance induit,
- de condamner l' EURL Garage du Dandarge à lui restituer le véhicule Peugeot 203 lui appartenant sous astreinte de 100 euro par jour de retard à compter de la date de signification de l'arrêt à intervenir, en se réservant le cas échéant le pouvoir de liquider l'astreinte,
- de condamner l' EURL Garage du Dandarge à lui payer la somme de 5000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise judiciaire de Monsieur G. ainsi que ceux de Monsieur D..
Monsieur D. expose qu'il a commandé le 12 juillet 2004 des travaux sur la base de deux devis acceptés sans aucune réserve de sa part ; que les travaux qui devaient à l'origine durer un an se sont éternisés puisque le garage ne lui a finalement proposé de reprendre possession du véhicule qu'au mois de mai 2007 en émettant à cette occasion une facture pour un montant de 7285,62 euros TTC, de près du double du montant des travaux chiffrés et commandés, qui ne peut s'expliquer par les deux seules interventions hors devis qu'il a sollicitées et qui ont nécessité cinq heures de main-d'œuvre au total.
Monsieur D. considère que le garage ne peut lui réclamer le paiement de travaux qui n'étaient pas prévus au devis et qui ont été effectués sans son accord préalable.
Il observe par ailleurs que le coût des pièces détachées qu'il a achetées et fournies n'a pas été déduit du montant du devis.
Monsieur D. fait en outre valoir en se fondant sur le rapport d'expertise de Monsieur D. l'existence de très nombreuses non façons et malfaçons, et une organisation des travaux qui a engendré de nombreuses pertes de temps qui lui ont cependant été facturées.
En conséquence , il propose d'établir le compte des parties en prenant comme référence le coût initial des deux devis déduction faite d'une somme de 467 euro TTC correspondant aux pièces qu'il a fournies, soit la somme de 4466,12 euros, à laquelle il ajoute celle de 209,30 euro correspondant aux cinq heures de main-d'œuvre nécessités par les travaux supplémentaires qu'il a commandés et dont il déduit les acomptes versés à hauteur de 2800 euros, le coût des malfaçons et non façons évalué globalement à la somme de 3954,49 euros, ainsi que le coût des travaux non exécutés à concurrence de 342,09 euros ce qui laisse apparaître un solde en sa faveur de 2421,16 euros TTC.
Monsieur D. conteste par ailleurs devoir régler des frais de gardiennage réclamé par le garage, en relevant qu'il s'est opposé à la restitution du véhicule qui se présente dans un état technique inacceptable six ans après la date à laquelle les travaux devaient être achevés.
Monsieur D. s'estime en revanche fondé à être indemnisé du préjudice de jouissance liée à la rétention abusive de son véhicule pendant près de 10 ans.
L'EURL Garage du Dandarge a constitué avocat mais n'a pas conclu à hauteur d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mai 2016, puis révoquée et de nouveau clôturée par ordonnance du président chargé de la mise en état du 1er août 2016 pour permettre la régularisation de la procédure vu la constitution pour l'appelant de la SCP CAPA, aux lieu et place de la SCP D. et P..
Sur ce ; Vu les conclusions de l'appelant et les dernières écritures de première instance de L'EURL Garage Dandarge auxquelles la cour se réfère, vu les pièces
A l'appui de son recours Monsieur D. verse aux débats :
- un devis manuscrit établi après contrôle du véhicule par le garage du Dandarge le 12 juillet 2004 pour une somme de 3851,12 euros TTC correspondant à 92 heures de main d'œuvre au prix unitaire de 35 euros HT et 1082 euros TTC correspondant à la fourniture de pièces détachées, étant précisé qu'il est indiqué sur ce document que Monsieur D. a fourni pour 467 euros de pièces.
- une facture datée du 7 mai 2007 pour un montant de 7285,62 euros TTC qui correspond selon le comptage effectué par l'expert, Monsieur D., à 156,85 euros de main d'œuvre au coût unitaire HT de 35 euros, et diverses pièces pour un montant de 602,73 euros.
Il s'ensuit un différentiel entre le devis et la facture de 2352,50 euros TTC.
Monsieur D. a réglé 2800 euros à titre d'acompte en trois versements les 23 août 2004, 10 mai 2015 et 8 février 2007.
Le litige porte d'une part sur la facturation de travaux supplémentaires, et d'autre part sur la qualité de prestation fournie par le garage du Dandarge.
En sa qualité de professionnel, l'EURL du Dandarge ne pouvait effectuer des réparations non prévues dans le devis sans l'accord écrit du client ainsi qu'il résulte de l'article L. 122-3 du Code de la consommation.
Monsieur D. en conclusion de son rapport admet que le devis initialement signé n'est que partiellement représentatif des travaux engagés et effectués sur le véhicule et observe qu'il ne fait aucune allusion à une dépose complète de la mécanique pour présentation de l'ensemble châssis-coque nu à la carrosserie Gérard pour rénovation, pourtant facturée. Il en déduit que la dépose des organes du véhicule s'est imposée au cours des travaux.
La simple constatation par l'expert de la réalisation de travaux ne suffit pas à engager le client, alors qu'il appartenait au garage du Dandarge, s'il estimait utile d'entreprendre des travaux supplémentaires, de solliciter au préalable son accord.
A cet égard Monsieur D. conteste avoir commandé des travaux supplémentaires même verbalement à l'exception du remplacement de la dynamo par un alternateur et du montage d'un allumage électronique justifiant selon l'avis concordant des deux experts 5 heures de main d'œuvre.
Aucun élément n'est produit attestant la réalité de la commande d'autres travaux supplémentaires.
Par conséquent, Monsieur D. ne peut être tenu pour redevable du coût des travaux non commandés.
Par ailleurs, Monsieur D., après comparaison des travaux commandés et effectués, estime que le garage du Dandarge a sous-estimé dans son devis l'ampleur des travaux de rénovation à entreprendre et que l'organisation des travaux effectués est décousue et improvisée, ce qui a généré de nombreuses pertes de temps dont il partage la responsabilité entre le garage et Monsieur D. considérant qu'elles résultent d'une incompréhension entre le client qui a mal exprimé ses souhaits au moment du devis et le réparateur qui aurait dû prévenir des coûts complémentaires.
Force est de relever que ce raisonnement n'est pas recevable, alors qu'il appartient au garage en sa qualité de professionnel tenu d'une obligation de conseil, à l'égard de son co-contractant, profane, d'informer ce dernier de tout élément de nature à modifier l'étendue de la prestation initialement convenue, afin de recueillir son accord sur le coût supplémentaire susceptible d'en résulter, avant d'engager les réparations, ce qu'il n'a pas fait.
Monsieur D. ne peut donc pas davantage être tenu de supporter ce surcoût
Monsieur D. conteste par ailleurs la qualité de la prestation fournie par le garage;
Les différents experts qui sont intervenus successivement relèvent qu'une remise en état du véhicule s'impose sur de nombreux points en raison de malfaçons, qu'il existe des non finitions et que certaines prestations réalisées sont inutiles, et leurs constatations ne sont globalement pas contredites utilement par le garage du Dandarge, dont la responsabilité doit être de ce fait retenue pour manquement à son obligation de résultat.
Les experts apprécient en revanche différemment les éléments à prendre en considération pour établir le compte entre les parties.
A cet égard, et compte tenu de ce qui précède, la cour retient comme base de calcul la somme de 1875,42 euros, correspondant telle que détaillée par Monsieur D. dans ses écritures au montant du devis, après déduction du coût des pièces fournies, des acomptes versés et majoration du coût des travaux supplémentaires commandés.
De cette somme Monsieur D. a déduit à bon escient conformément aux conclusions de Monsieur D., les coûts de la dépose du moteur et remplacement soit 334,88 euros TTC, de la remise en peinture sous châssis et train avant et arrière, soit 293,02 euros, et de la dépôt/pose du pont arrière désassemblage pour 1237,86 euros TTC, ainsi que celle de 342,09 euros correspondant à divers prestations non exécutées.
En revanche, Monsieur D. n'est pas fondé à déduire du compte la somme de 765 euros TTC correspondant au coût du transport de son véhicule à Sochaux, pour procéder au remplacement de la couronne de différentiel, à défaut pour les experts de s'être prononcés sur ce point et de toutes constatations effectuées contradictoirement permettant de mettre cette dépense à la charge du garage.
Par ailleurs, le coût du remontage de la planche de bord sera arbitré conformément à l'évaluation faite par Monsieur D. à la somme de 125,58 euros et non à 693,68 euros, cette somme incluant d'autres prestations.
En outre, les conclusions de l'expert, Monsieur G. sont trop succinctes pour justifier la déduction opérée par Monsieur D. à concurrence de la somme de 630,05 euros TTC correspondant au surcoût qui serait appliqué aux travaux de carrosserie restant à exécuter, en raison de l'immobilisation prolongée du véhicule, étant relevé que Monsieur D. n'évoque pas ce poste d'indemnisation dans son rapport.
Il ressort de ces éléments, un solde en faveur de Monsieur D. de 458,01 euros.
Par infirmation du jugement déféré, L'EURL Garage du Dandarge sera condamnée à payer cette somme à Monsieur D.
L'EURL Garage du Dandarge n'ayant pas fait appel de la décision qui l'a débouté de sa demande en paiement des frais de gardiennage, cette décision mérite confirmation.
Par voie de conséquence, l'EURL Garage du Dandarge doit être condamné à restituer le véhicule à Monsieur D.
Monsieur D. sollicite l'indemnisation de son préjudice de jouissance lié à l'immobilisation injustifiée de son véhicule à hauteur de 7000 euros, sans plus de précision.
Il convient de relever que le devis ne comportait aucun délai d'exécution. Il n'est cependant pas contesté qu'à la date de la facturation soit le 7 mai 2007, presque trois ans après l'établissement du devis, les travaux n'étaient pas achevés. Pour autant, Monsieur D. ne justifie pas s'être plaint de cette situation, avant de recevoir la facture.
La perte de jouissance du véhicule est imputable au garage du Dandarge qui n'a pas achevé sa prestation dans un délai raisonnable et s'est opposée à la restitution du véhicule, en faisant valoir son droit de rétention à tort. Le préjudice subi sera équitablement indemnisé s'agissant d'un véhicule de collection, qui n'est pas utilisé quotidiennement par l'octroi d'une somme de 3000 euros.
Rien ne prouve, que le Garage du Dandarge persistera à s'opposer à la restitution du véhicule, en sorte qu'il n'est pas justifié d'assortir la condamnation à restituer le véhicule d'une astreinte.
Partie perdante à hauteur d'appel, l'EURL Garage du Dandarge sera condamnée à payer à Monsieur D. une somme de 5000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à prendre à sa charge les dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs, infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande en paiement des frais de gardiennage, statuant à nouveau dans cette limite. Condamne l'EURL Garage du Dandarge à payer à Monsieur D., la somme de 458,01 au titre de la remise en état du véhicule, ainsi que 3000 euros à titre d'indemnité en réparation de son préjudice de jouissance et 5000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne L'EURL Garage du Dandarge à restituer le véhicule appartenant à Monsieur D. déboute Monsieur D. du surplus de ses demandes. Condamne l'EURL Garage du Dandarge aux dépens des procédures de première instance et d'appel et comprendront les frais d'expertises judiciaires.