CA Bordeaux, 5e ch. civ., 15 décembre 2016, n° 16-01486
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Subaru France (SAS)
Défendeur :
Stradale Automobiles (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Potée
Conseillers :
Mme Serres-Humbert, M. Bouyx
Exposé du litige et de la procédure
Par ordonnance du 8 février 2016 à laquelle il est référé pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure, statuant sur la demande d'expertise du véhicule Subaru acquis par M. P. auprès de M. P.-N. le 23 janvier 2012 et entretenu par la société Stradale Automobiles, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Bordeaux a fait droit à la demande de M. P. au contradictoire des autres parties en considérant que l'action en garantie des vices cachés n'était pas prescrite tant à l'encontre du vendeur de ce dernier que contre la société Subaru, importateur du véhicule, au regard de la date de première manifestation des désordres découverts en juin 2015 par l'acquéreur.
La société Subaru a régulièrement formé appel le 3 mars 2016 de la décision dont elle sollicite la réformation dans ses dernières conclusions du 27 octobre 2016, demandant à la cour de la mettre hors de cause et de condamner tout succombant à lui payer 3 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient qu'en application des dispositions de l'article L. 110-4 du Code de commerce, la prescription est acquise en raison de la date de la vente initiale du véhicule par elle le 14 octobre 2008, la garantie des vices cachés invoquée par le dernier acquéreur ne pouvant être mise en œuvre qu'à l'intérieur du délai de prescription quinquennale prévu par le texte précité.
Elle fait aussi valoir que sa participation à des pourparlers transactionnels ne vaut pas renonciation tacite à la prescription, comme soutenu par les intimés.
M. P. demande à la cour, par conclusions du 30 mai 2016, de confirmer l'ordonnance et de condamner la société Subaru à lui payer une indemnité de 2 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en faisant valoir que l'appelante a renoncé tacitement à se prévaloir de la prescription en reconnaissant être pour partie responsable de l'avarie subie par le véhicule, à l'occasion de la proposition transactionnelle faite en mai 2015, soit après expiration du délai de prescription invoqué, de prise en charge de partie des frais de remplacement du moteur.
La société Stradale Automobile demande, par conclusions notifiées le 30 juin 2016 de :
A titre principal,
- confirmer l'ordonnance de référé du 8 mars 2016 ;
- condamner la société Subaru à verser à la société Stradale Automobile une somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens;
A titre subsidiaire,
- dire que la société Subaru a renoncé à se prévaloir de la prescription de l'éventuelle action en garantie des vices cachés de M. P. à son encontre,
- en conséquence, confirmer l'ordonnance de référé du 8 mars 2016,
- condamner la société Subaru à verser à la société Stradale Automobile une somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens;
- à titre infiniment subsidiaire, dire que l'éventuelle action en garantie des vices cachés à l'encontre de la société Subaru n'est pas prescrite,
- en conséquence, confirmer l'ordonnance de référé du 8 mars 2016,
- condamner la société Subaru à verser à la société Stradale Automobile une somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'intimée conclut dans le même sens que M. P. en estimant en outre que l'article 145 du Code de procédure civile n'exige pas, pour l'organisation d'une mesure d'instruction, un examen préalable de la recevabilité d'une éventuelle action et par ailleurs que l'action en garantie des vices cachés n'est pas prescrite, la date de la vente initiale étant inopposable au sous-acquéreur sans pouvoir constituer en conséquence le point de départ de l'action en garantie des vices cachés contre le vendeur initial.
L'affaire a été fixée à l'audience du 2 novembre 2016 en application des dispositions de l'article 905 du Code de procédure civile.
Motifs de la décision
Aux termes de l'article L. 110-4 du Code de commerce, " les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. "
Aux termes de l'article 1648 du Code civil, " l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. "
La mesure d'expertise sollicitée par M. P. sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile est un préalable à l'exercice éventuel d'une action en garantie des vices cachées contre son vendeur à la suite de désordres ayant affecté le moteur de son véhicule. A ce titre, M. P. justifie d'un motif légitime à obtenir, par le biais d'une mesure d'instruction, des éléments de preuve dans la perspective du procès au fond, et remplit la condition exigée par l'article 145 du Code de procédure civile.
Outre que la prescription alléguée par la société Subaru est une question de fond qui ne fait pas en soi obstacle à l'organisation d'une mesure d'instruction in futurum, il apparaît en l'espèce que si le délai pour agir en garantie des vices cachés est enfermé dans le délai quinquennal de l'article L. 110-4 du Code de commerce, et si l'action en référé a été introduite le 22 décembre 2015 soit plus de cinq ans après que le véhicule a été vendu par la société Subaru au premier acheteur, M. P.-N., il convient de rappeler qu'il est loisible au titulaire du droit de renoncer à la prescription acquise, de manière expresse ou tacite. Or, il n'est pas contesté que dans le cadre de l'expertise amiable qui a abouti à un rapport déposé le 10 juin 2015, la société Subaru a signé le 21 mai 2015, alors que la prescription alléguée était déjà acquise, un protocole d'accord transactionnel dans lequel elle a reconnu sa responsabilité et s'est engagée à prendre en charge une partie du préjudice de M. P. Si la participation à des pourparlers transactionnels ne vaut pas renonciation tacite à se prévaloir de la prescription, il s'agit en l'occurrence de la signature d'un procès-verbal de transaction sur le fond du litige, traduisant la volonté non équivoque de la société Subaru de renoncer à invoquer toute fin de non-recevoir.
Par suite, M. P., dont les prétentions ne sont pas manifestement irrecevables, justifie d'un motif légitime de voir ordonner l'expertise qu'il sollicite. En conséquence, pour les motifs qui précèdent, substitués à ceux du premier juge, l'ordonnance entreprise sera confirmée.
La société Subaru, tenue aux dépens, sera condamnée à payer à M. P. la somme de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il ne sera pas fait application de ces dispositions au profit de la société Stradale Automobile.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme, par substitution de motifs, l'ordonnance déférée. Condamne la société Subaru à verser à M. P. une indemnité de 1 200 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute la société Stradale Automobile de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société Subaru aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.