CA Lyon, 3e ch. A, 15 décembre 2016, n° 15-04455
LYON
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Pyrrhus Constructions (SARL)
Défendeur :
Leroy Merlin France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devalette
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Exposé du litige
Par contrat du 10 octobre 2011, la SARL Pyrrhus Constructions (Pyrrhus), société de droit suisse, s'est vu confier la fourniture et la pose de parquets dans trois appartements dans un immeuble situé à Nyon en Suisse.
La société Pyrrhus a acheté 286 m2 de parquet à l'établissement de Thoiry (Ain) de la SA Leroy Merlin, qui a émis, le 9 novembre 2011, une facture pour un montant de 15 242,40 euro.
Après la pose du parquet fin décembre 2011, la société Pyrrhus aurait constaté des désordres relatifs à des défauts de fabrication : (décollement et flambage de la couche d'usure sur la base multi-couches, multiples fissures et retraits de lames sur certaines pièces de parquet.
La société Pyrrhus a alors fait état de ces désordres à la société Leroy Merlin par courrier du 23 janvier 2012, qui, après réception de photographies, en a informé la société Lamett Europe (ci-après Lamett), société de droit belge.
Le 6 février 2012, la société Lamett s'est rendue sur place et a ensuite proposé à la société Pyrrhus, le 7 février, de lui fournir et de remplacer le parquet pour une surface de 240 m2 ainsi qu'une indemnité de 4000 euro.
La société Pyrrhus a accepté la proposition de remplacement gratuit du parquet, qui a par la suite été effectué par la société Lamett, mais a refusé l'indemnité proposée, estimant celle-ci insuffisante au regard des frais de dépose du parquet défectueux et de repose du nouveau, qu'elle estimait à 48 000 CHF.
Parallèlement, deux expertises privées ont eu lieu, une première le 26 janvier 2012 et une seconde le 23 février 2012 par un institut spécialisé, ISP, sur initiative de la société Pyrrhus.
Suite à cette dernière expertise, la société Pyrrhus a mis en demeure le 24 mai 2012 la société Leroy Merlin de lui payer la somme de 160 519,15 CHF, ce que cette dernière a refusé estimant qu'aucune non-conformité à la commande n'était caractérisée.
N'obtenant pas le paiement sollicité, la société Pyrrhus a assigné la société Leroy Merlin, par acte du 24 septembre 2013, devant le Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse.
La société Leroy Merlin a alors appelé en intervention forcée et en garantie, le 3 mars 2014, la société Lamett, laquelle a demandé sa mise hors de cause comme n'étant pas le fournisseur du parquet.
Par jugement en date du 20 mars 2015, le Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a :
- dit que les deux sociétés Leroy Merlin et Lamett Europe ont toutes deux la qualité de fournisseur du parquet litigieux, l'une en tant que détaillant, l'autre en tant que fabricant-grossiste,
- dit et jugé non fondée la réclamation de la société Pyrrhus Constructions,
- débouté la société Pyrrhus Constructions de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la société Pyrrhus Constructions à verser à la société Leroy Merlin la somme de 3000 euro au titre de l'article 700 du CPC et à la société de droit belge Lamett Europe la somme de 1500 euro au titre de l'article 700 du CPC,
- condamné la société Pyrrhus Constructions aux entiers dépens.
Par déclaration reçue le 28 mai 2015, la société Pyrrhus Constructions a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions, déposées le 22 août 2016, la société Pyrrhus Constructions demande à la cour de :
- dire recevable et bien fondé son appel, y faisant droit,
- dire et juger que les conventions entre Leroy Merlin et Lamett, respectivement fournisseur et fabricant, sont inopposables à Pyrrhus Constructions par application de l'article 1165 du Code civil,
- dire et juger que Lamett a reconnu sa responsabilité en procédant au remplacement du parquet litigieux sans réserve,
- dire et juger que les désordres constatés sur le parquet sont directement et exclusivement imputables à Leroy Merlin et Lamett, en qualité respectivement de fournisseur et de fabricant,
- dire et juger que Pyrrhus Constructions n'a commis aucune faute de pose susceptible d'engager sa responsabilité, par conséquent,
- condamner in solidum Lamett et Leroy Merlin à lui payer :
la contre-valeur en euros de 141 569,80 CHF au jour du jugement, en principal outre intérêts légaux à compter du 24/05/12, intérêts se capitalisant dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil,
10 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
5000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC,
- débouter Leroy Merlin et Lamett de l'ensemble de leurs exceptions, fins, demandes, moyens, et conclusions, subsidiairement, si la cour s'estimait insuffisamment éclairée,
- désigner tel Expert Judiciaire qu'il plaira à la cour avec mission de :
1) entendre tous sachant et se faire remettre tous documents utiles,
2) rechercher et décrire là ou les causes des désordres survenus sur le parquet dès le 10/01/12,
3) donner à la cour tous les éléments permettant d'apprécier les responsabilités,
4) décrire et chiffrer les travaux de remise en état,
5) fournir à la cour tous les éléments permettant d'apprécier les préjudices subis,
6) répondre aux dires des parties, et préalablement au dépôt du rapport, organiser une réunion de synthèse,
- condamner in solidum Leroy Merlin et Lamett aux entiers dépens et admettre la SELARL S. H. au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.
La société Pyrrhus Constructions soutient que, dans le cas présent d'une chaîne de contrats, la société Lamett est bien le fournisseur et/ou fabricant grossiste du parquet, même si celui-ci vient de Chine comme en témoigne l'accord permanent de partenariat conclu entre cette société et la société Leroy Merlin et le fait qu'elle ait proposé une intervention pour réparer les désordres constatés, qui s'est réalisée en mars 2012 et ait diligenté elle-même une expertise amiable du 31 janvier 2012, faisant état de collage insuffisant sur la couche d'usure et préconisant un arrangement pécuniaire.
Elle soutient que l'expertise ISP, émanant d'un organisme officiel suisse, même amiable, est bien opposable à la société Leroy Merlin, qui a été convoquée pour faire valoir ses observations, et qui a délégué la gestion du sinistre à son fournisseur, et à la société Lamett qui a assisté à une réunion et qui a fait valoir ses observations suite à la réception du rapport d'expertise.
Elle affirme que le parquet est manifestement atteint de désordres dont l'origine se trouve dans des panneaux en contreplaqué défectueux, comme le démontrent les deux expertises ainsi que le fait que la société Lamett ait accepté de procéder à un remplacement complet du parquet.
Elle soutient que les désordres constatés sur le parquet, après la pose, constituent des vices cachés au sens des articles 1641 et suivants du Code civil puisque ces vices rendent le parquet impropre à son usage et qu'ils n'étaient pas apparents, ceux-ci étant localisés à l'intérieur des lames collées recouvertes d'une couche d'usure en chêne huilé.
Elle ajoute que la responsabilité de la société Leroy Merlin peut être également recherchée sur le fondement des articles 1603 et 1604 du Code civil au titre de la violation de son obligation de livraison conforme.
Elle prétend qu'elle n'est pas à l'origine des désordres, les quelques taches de peinture et de colle étant sans lien avec ces désordres et le parquet pouvant être posé et collé sur un chauffage par le sol comme l'a indiqué lui-même le représentant de la société Lamett.
Elle soutient que sa demande d'expertise est recevable en cause d'appel pour être l'accessoire, la conséquence ou le complément de ses demandes d'indemnisation originaires, conformément aux dispositions de l'article 566 du CPC.
Concernant son préjudice, elle fournit la liste des postes de ce préjudice, réclame un préjudice complémentaire de 10 000 euro pour résistance abusive, et considère que les limitations de responsabilité prévues dans les conditions générales de vente de la société Lamett lui sont inopposables.
Dans ses dernières conclusions, déposées le 23 octobre 2015, la société Leroy Merlin demande à la cour de :
- recevoir la société Leroy Merlin en ses écritures et la dire bien fondée,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a purement et simplement débouté la société Pyrrhus Constructions de l'intégralité de ses demandes, en tant que de besoin et statuant à nouveau,
- dire que la société Pyrrhus Constructions n'établit pas en quoi le parquet litigieux ne serait pas conforme à la commande passée auprès de la société Leroy Merlin, au sens des dispositions 1603 et 1604 du Code civil,
- dire que la société Pyrrhus Constructions ne rapporte pas la preuve certaine d'un vice caché et antérieur à sa vente, du parquet litigieux, ni celle du lien de causalité avec les dommages allégués dont l'imputabilité est a fortiori contestable,
- débouter purement et simplement la société Pyrrhus Constructions de l'intégralité de ses demandes formulées à l'encontre de la société Leroy Merlin,
- dire que la demande d'expertise formulée subsidiairement par la société Pyrrhus Constructions constitue une demande nouvelle, irrecevable, subsidiairement et en tout état de cause,
- condamner la société Lamett à garantir et relever indemne la société Leroy Merlin de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre,
- condamner tout succombant à verser à la société Leroy Merlin la somme de 5000 euro au titre des frais irrépétibles exposés et en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Aurélie B., Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La société Leroy Merlin fait valoir que la demande d'expertise judiciaire formulée par l'appelante est irrecevable puisque nouvelle au sens de l'article 564 du CPC, cette demande n'ayant jamais été formulée en première instance et le litige n'ayant connu aucune évolution.
Elle soutient à titre principal, que la société Pyrrhus ne démontre nullement en quoi il existerait une non-conformité de la commande ou en quoi celle-ci serait affectée de vices cachés, cette société ayant réceptionné sans réserve le parquet et faisant elle-même état de " défauts de fabrication en usine apparents ".
Elle affirme, à titre subsidiaire, que la société Lamett est bien le fournisseur du parquet litigieux, comme l'attestent leur accord permanent de partenariat et le fait que cette société ait proposé le remplacement du parquet ainsi qu'une indemnisation à la société Pyrrhus.
Elle ajoute que la société Lamett doit être condamnée à la garantir et à la relever de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et estime que la clause limitative invoquée par cette société doit être écartée dans la mesure où, s'agissant d'une action récursoire nécessairement fondée sur le vice caché, ces clauses ne sont valables qu'entre professionnels de même spécialité.
Dans ses dernières conclusions, déposées le 22 avril 2016, la société Lamett Europe demande à la cour de :
- déclarer recevable et fondé, l'appel incident interjeté par la concluante et dire pour droit que la concluante n'est pas le fournisseur ni le fabricant du parquet en question, et par conséquent de déclarer irrecevable, à tout le moins non-fondée, toute demande intentée à l'encontre de la concluante,
- à titre subsidiaire, déclarer non fondé l'appel interjeté par Pyrrhus et par conséquent, de confirmer le jugement a quo dans lequel Pyrrhus est déboutée de l'intégralité de ses demandes,
- en tout état de cause, déclarer sans objet à tout le moins non-fondée la demande en garantie de Leroy Merlin à l'égard de la concluante,
- à titre infiniment subsidiaire et au cas où une condamnation solidaire / in solidum était prononcée à l'encontre de la concluante et de Leroy Merlin, déclarer recevable et fondée la demande en garantie de la concluante vis-à-vis de Leroy Merlin et condamner cette dernière nommée au remboursement à la concluante de tout ce que la concluante aurait payé à Pyrrhus au-dessus de sa part, ce aussi bien en principal, intérêts et frais,
- condamner Leroy Merlin et/ou Pyrrhus aux entiers dépens dans le chef de la concluante, y compris la somme de 5000euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Lamett Europe affirme, par appel incident, qu'elle n'est pas le fournisseur ni le fabricant du parquet litigieux, comme le démontrent les factures et bons de transport qu'elle produit qui prouvent que c'est le groupe ADEO, dont fait partie la société Leroy Merlin, qui achète des parquets en Chine à Chinafloors.
Elle ajoute qu'elle n'est aucunement intervenue comme intermédiaire dans la chaîne de distribution des parquets litigieux, la société chinoise fabricant les parquets, que cette dernière vend au groupe Adeo qui les fournit à la société Leroy Merlin.
Elle soutient qu'elle n'a pas livré le parquet litigieux à la société Leroy Merlin et que si elle avait fourni le parquet en vertu de l'accord permanent de partenariat la liant à la société Leroy Merlin, cette dernière aurait été en mesure de produire la facture de livraison.
Elle prétend que si elle s'est rendue sur le chantier, cette visite a été effectuée en sa qualité de mandataire, et donc en nom et pour compte de la société ADEO.
Elle fait valoir que c'est à titre purement commercial, sans la moindre reconnaissance préjudiciable et à cause des bonnes relations commerciales qu'elle entretient avec la société Leroy Merlin qu'elle a procédé au remplacement du parquet litigieux et proposé une indemnisation.
Elle soutient à titre subsidiaire, si elle devait être considérée comme fournisseur, que les défauts constatés au parquet ne constituaient que des malfaçons de pose, uniquement imputables à la société Pyrrhus qui n'a pas respecté les instructions de pose en terme de contrôle d'humidité et de pose flottante et non collée, comme l'avait fait observer son préposé Monsieur D. sur son rapport de visite du 6 février 2012. Elle demande en tout état de cause la garantie de la société Leroy Merlin.
Elle considère également que la demande d'expertise judiciaire de la société Pyrrhus est irrecevable car nouvelle en cause d'appel, et d'ailleurs irréalisable après dépose.
Elle soutient, encore plus subsidiairement que la société Pyrrhus ne rapporte pas la preuve de son préjudice (remise en peinture et replâtrage des 3 appartements, perte locative non justifiée, frais de suivi de chantier ou d'expertise non contradictoire) et oppose ses conditions générales de vente qui limitent sa garantie au remplacement du parquet défectueux.
Elle s'oppose enfin à la demande de dommages intérêts complémentaire.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 septembre 2016.
Motifs de la décision
La demande subsidiaire d'expertise judiciaire formée en cause d'appel par la société appelante n'est pas une demande nouvelle au sens des articles 565 et suivants du Code de procédure civile, en ce qu'elle est l'accessoire de sa demande originaire d'indemnisation.
Cette demande est donc recevable, sans préjudice de son bien-fondé.
Sur l'action principale engagée par la société Pyrrhus in solidum contre la société Leroy Merlin et la société Lamett.
Cette action est désormais fondée principalement sur les article 1641 et suivants du Code de procédure sur les vices cachés affectant le parquet et subsidiairement seulement contre Leroy Merlin au titre des dispositions des articles 1603 et 1604 pour absence de livraison conforme, actions en principe incompatibles en tant que la première suppose un vice caché antérieur à la vente et la seconde un vice apparent à la livraison, qui ne peut, de surcroît, être opposé à la société Lamett
Concernant l'action pour vice caché, qui suppose que ce vice ait préexisté à la vente, n'était pas décelable et rendait impropre le parquet à sa destination au sens de l'article 1646 susvisé, elle peut être exercée par l'acquéreur final contre les fournisseurs successifs des produits, que sont, sans contestation possible, la société Leroy Merlin, au vu de la facture émise, mais aussi la société Lamett. En effet cette dernière s'est bien inscrite dans la chaîne de contrats, comme distributeur fabriquant ou représentant en Europe du fabricant chinois, comme le confirme, le fait, en dehors de l'accord permanent de partenariat entre ces deux sociétés, qu'elle soit intervenue dans les opérations d'expertise amiable, puis dans la proposition de reprise du parquet et d'indemnisation, et enfin de pose d'un nouveau parquet, ceci à titre personnel et non comme mandataire, comme elle le prétend, sans en justifier, de la société ADEO qui n'est pas dans la cause ou de la société Leroy Merlin, qui, après lui avoir signalé les désordres relevés par son client, est restée en retrait de toutes ces opérations.
Les réserves émises par Monsieur Bruno D., préposé de la société Lamett, lors des échanges de mails avec la société Pyrrhus ou lors de l'expertise amiable réalisée par L'ISP, ne portent d'ailleurs aucunement sur la qualité de fabricant distributeur ou de représentant de celui-ci de la société Lamett, de sorte qu'il importe peu que la société Leroy Merlin ne produise pas la facture de commande du parquet en cause ou que ce soit le GIE ADEO auquel elle appartient qui ait passé commande directement des parquets au fabricant et ait organisé son acheminement, étant observé à cet égard que les pièces produites par la société Lamett ne permettent guère de faire le lien entre ces pièces et le parquet litigieux, et que cette dernière entend elle-même opposer ses conditions de vente contenues dans l'accord cadre.
Le jugement a donc exactement retenu que les deux sociétés Leroy Merlin et Lamett pouvaient être recherchées, en tant que distributeurs successifs par l'acquéreur final des parquets, sur le fondement du vice caché, mais ne peut être suivi, en ce qu'il a considéré qu'à cet égard, la société Pyrrhus n'apportait pas la preuve lui incombant, du vice caché affectant les parquets, en raison du caractère non contradictoire des deux expertises amiables réalisées.
Or ces deux rapports, constituent bien des éléments de preuve en ce qu'ils ont bien été communiqués et soumis au contradictoire des parties, et si le premier rapport du 26 janvier 2012 de Monsieur B., est succinct et ne contient aucune analyse ni mesure d'humidité relative, le second, du 23 février 2012, réalisé, en présence de la société Lamett, après étude en laboratoire d'échantillons de lames posées et de lames non posées, que l'origine des décollements et des ruptures du contreplaqué du parquet, constatés peu de temps après la pose de ce parquet, provenait " d'un collage insuffisant entre les différents placages se trouvant à l'intérieur des panneaux en contreplaqué, certaines couches de placage présentant en outre des endommagements dus à des insectes et plantes nuisibles sur toute la surface . En outre le placage est entièrement rongé et pourri à certains endroits. La résistance des panneaux est considérablement atténuée par ces deux éléments. Les forces de retrait normales émanant des larges couches d'usure en chêne ne peuvent plus être transmises à la chape par l'intermédiaire du support de panneau aggloméré et de la colle du parquet mais conduisent à des décollements dans les différentes couches de contreplaqué ....le parquet doit être entièrement remplacé ".
La preuve d'un vice caché existant avant la vente et non décelable au moment de la pose, car intérieur aux lames, et de ce que ce vice rend ce parquet impropre à sa destination, puisqu'il a dû être entièrement remplacé sur les trois appartements, est donc rapportée, sans qu'il soit besoin d'une expertise judiciaire, l'expert ayant exclu tout problème d'hygrométrie ambiante ou interne, ou, comme l'indique la société Lamett elle-même dans un mail du 2 mars 2012, que le collage direct du parquet sur une chappe chauffante, puisse être à l'origine de ce décollement, même si ce type de parquet, selon les préconisations techniques du fabricant, devait être, en principe, flottant.
Après remplacement intégral du parquet par la société Lamett, les sociétés Leroy Merlin et Lamett, vendeurs-distributeurs professionnels, tenus de connaître les vices de la chose, doivent, en application de l'article 1645 du Code civil, être condamnées à indemniser également la société Pyrrhus du préjudice qu'elle a subi du fait de ces désordres, sans que la société Lamett puisse opposer à cette dernière, ses conditions limitatives de garantie.
Au vu des pièces produites, et sans qu'il y ait lieu, là encore d'ordonner une expertise, ce préjudice en lien direct avec les dommages se décompose et s'évalue de la manière suivante :
- pose /repose parquet et évacuation des matériels selon facture GUETAZ 37.301,00 CHF
- expertise parquet, selon facture ISP 3 221,65 CHF
- nettoyage et déménagement de l'appartement occupé selon facture 2.622,15 CHF
PRONET et PMS
- honoraires d'architecte pour suivi des travaux de reprise 5740,20 CHF
Soit au total 48 885 CHF
Les frais de gestion interne et de suivi réclamés par la société Pyrrhus à hauteur de 34.992 CHF, doivent être écartés comme non justifiés par le décompte d'heures que cette société s'est établie à elle-même.
De même les seules factures produites au titre des travaux de plâtrerie peinture pour un montant total de 42 830 CHF ne permettent pas de considérer que ces travaux sont consécutifs aux travaux de reprise des parquets. Il en est ainsi également pour les factures de fournitures à hauteur de 2036, 50 euro.
Les pertes locatives, pour lesquelles la société Pyrrhus réclame une somme de 12 825,75 euro ne peuvent être justifiées par des factures de travaux ou une feuille manuscrite dont le contenu n'est pas compréhensible Cette prétention à indemnisation doit être écartée comme non justifiée.
Ainsi, les sociétés Leroy Merlin et Lamett doivent être condamnées in solidum à payer à la société Pyrrhus Constructions la contre-valeur en euros au jour du présent arrêt de la somme de 48 885 CHF, outre intérêts au taux légal à compter présent arrêt, s'agissant d'une demande indemnitaire.
Faute de caractérisation des fautes qu'auraient commises ces sociétés en s'opposant à cette demande en justice, la société Pyrrhus doit être déboutée de sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive.
En revanche, les sociétés intimées doivent être condamnées à payer à la société Pyrrhus une indemnité de procédure de 5 000 euro.
Le jugement qui a débouté la société Pyrrhus de l'ensemble de ses demandes et qui l'a condamnée à une indemnité de procédure, doit être infirmé.
Sur les actions en garantie réciproques des sociétés Leroy Merlin et Lamett
En tant que fabricant distributeur ou représentant de celui-ci en Europe, la société Lamett ne peut demander sa garantie contre la société Leroy Merlin, distributeur, à laquelle, pour le compte du fabricant chinois, elle a fourni les produits défectueux, ceci en application de l'accord cadre dans laquelle la société Lamett s'engage, en tant que fournisseur " à assumer une responsabilité pleine et entière et à garantir Leroy Merlin de toute action en responsabilité qui serait engagée du fait de la défectuosité des produits . "
La société Lamett doit donc garantir intégralement la société Leroy Merlin sans pouvoir opposer à celle-ci des limitations de garantie qui seraient contenues dans ses conditions générales de vente qu'elle ne produit pas, puisqu'elle fait état elle-même d'une absence de production des factures où elle apparaîtrait comme fournisseur, l'accord cadre permanent visé ci-dessus qui lie ces deux sociétés, ne faisant état d'aucune limitation de garantie mais précisant au contraire au § 1.4.5 du chapitre service après-vente : " la partie qui est l'origine du défaut ou du dysfonctionnement intervenu après l'installation devra prendre en charge, en plus du remboursement du produit et des dommages immatériels, la dépose et la repose du produit et de tout autre élément directement concerné " ce qui couvre donc les postes d'indemnisation mis à la charge notamment de la société Leroy Merlin.
Le jugement, qui n'a pas eu à statuer sur ces points, doit être complété en ce sens.
La société Lamett doit être condamnée à payer à la société Leroy Merlin une indemnité de procédure de 3000 euro.
Par ces motifs, La Cour, rejette l'exception d'irrecevabilité opposée à la demande subsidiaire d'expertise judiciaire formée par la société Pyrrhus ; infirme le jugement entrepris excepté en ce qu'il a jugé que la société Leroy Merlin et la société Lamett Europe avaient toutes deux la qualité de fournisseur du parquet en cause, la première en tant que détaillant, la seconde en tant que fabricant-distributeur ; et statuant à nouveau sur les autres chefs infirmés ; condamne in solidum la société Leroy Merlin et la société Lamett Europe à indemniser la société Pyrrhus, pour vice caché affectant le parquet fourni, à hauteur de la contre-valeur en euros, au jour du présent arrêt, de la somme de 48 885 CHF ; condamne in solidum les mêmes à verser à la société Pyrrhus une indemnité de procédure de 5 000 euro ; déboute la société Pyrrhus du surplus de ses demandes ; y ajoutant, condamne la société Lamett Europe à garantir la société Leroy Merlin de ces condamnations et à lui verser une indemnité de procédure de 3000 euro ; déboute la société Lamett Europe de toutes ses prétentions dirigées contre la société Leroy Merlin ; condamne la société Lamett Europe aux dépens de première instance et d'appel qui, pour ces derniers, seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.