CA Bordeaux, 1re ch. civ., 4 janvier 2017, n° 15-06539
BORDEAUX
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Airborne Design (SARL)
Défendeur :
Aa New Design (SARL), Qualicity (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Larsabal
Conseillers :
M. Franco, Mme Brisset
Exposé du litige
La SARL Airborne Design a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Mont-de-Marsan le 30 novembre 2010. Elle a pour gérante Mme P., née P., et pour associées mesdames P., L. et B.
Dans le cadre de la formation de la société, et préalablement à la signature de ses statuts, Mme P. et Mme L., agissant en leurs noms propres et pour le compte de la SARL à constituer " Airborne Design ", ont présenté une offre de reprise d'éléments d'actifs dépendant du fonds de commerce de la SAS Airborne, placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Nanterre en date du 20 mai 2010.
Par ordonnance du 6 octobre 2010, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Airborne, après avoir rappelé dans ses visas que la société liquidée exerçait anciennement une activité " spécialisée dans la vente de mobiliers de bureau et plus spécifiquement dans la vente d'un modèle de fauteuil dit " Butterfly ", le fauteuil " AA " " a retenu l'offre de Mmes P. et L., et en conséquence autorisé, conformément aux dispositions de l'article L. 642-19 du Code de commerce, la cession partielle du fonds de commerce dépendant de la liquidation judiciaire de la société Airborne à leur profit, pour la somme de 15 000 euros net vendeur, dont 12 000 euros au titre des éléments incorporels suivants :
" Enseigne, nom commercial, les marques AA, AA by Airborne et toute dénomination afférente au fauteuil AA, le BKF, le AA Butterfly et plus généralement l'intégralité des marques et sous-marques, noms de domaine internet (notamment airborne.fr)".
L'entrée en jouissance a été fixée à compter de l'ordonnance, qui précise que " le cessionnaire fera son affaire personnelle à compter de ce jour de la protection des droits de propriété intellectuelle repris ".
Dans le cadre de la reprise des éléments d'actifs dépendant du fonds de commerce de la SAS Airborne, la SARL Airborne a acquis la propriété intellectuelle des droits suivants :
la marque " Airborne " déposée à l'institut national de la propriété industrielle le 27 décembre 1982, sous le n° 1223041, dans les classes de produits ou services n° 01, 02, 03, 09, 11, 12, 16, 18, 19, 20, 22, 24, 25, 27, 28, 35, publiée au bulletin officiel de la propriété industrielle, cédée à la SAS Airborne le 11 octobre 2004 et renouvelée le 20 décembre 2002, la marque internationale " Airborne ", déposée à l'institut national de la propriété industrielle le 13 juil 1964 sous le n° 284938, dans les classes de produits ou services n° 18, 20 et 24, renouvelée le 10 juin 2004, la marque " AA by Airborne ", déposée à l'institut national de la propriété industrielle le 5 juillet 2007 sous le n°3512074 dans la classe de produits ou services n° 20 (fauteuils ; sièges), publiée au bulletin officiel de la propriété industrielle le 17 août 2007, la marque " AA " déposée à l'institut national de la propriété industrielle le 5 juillet 2007 sous le n° 3512160, dans la classe de produits ou services n° 20 (Fauteuils ; sièges) publiée au bulletin officiel de la propriété industrielle le 17 août 2007.
Les sociétés Qualicity et AA New Design sont toutes deux gérées par Mme N. La société Qualicity a été constituée le 31 mars 2008 avec pour activité le négoce, la distribution de tous produits notamment dans le domaine de l'ameublement, la décoration et l'aménagement intérieur et extérieur. La société AA New Design a été immatriculée le 3 juin 2010 avec pour activité la conception, la réalisation, le négoce, la distribution, la vente de tous produits en particulier dans le domaine de l'ameublement intérieur et extérieur. La société AA New Design est propriétaire de la marque AA Butterfly déposée à l'institut national de la protection industrielle le 6 juillet 2010 pour les classes de produits ou servies 18, 20 et 24 et de la marque communautaire AA Butterfly déposée le 11 octobre 2010.
Par courrier en date du 18 mai 2011, le conseil de la société Airborne Design a vainement mis en demeure les sociétés AA New Design et Qualicity de cesser sous quinzaine toute utilisation, sous quelques forme et support que ce soit, du signe AA et de la dénomination Butterfly.
S'estimant victime d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale du fait de la conception, de la commercialisation et de la distribution par les sociétés AA New Design et Qualicity sous les marques française et communautaire AA Butterfly d'un fauteuil présentant des caractéristiques strictement identiques à celui par elle fabriqué et diffusé sous sa marque AA, la société Airborne Design les a assignées devant le tribunal de grande instance de Bordeaux par actes d'huissier signifiés les 17 janvier et 8 février 2012.
Les sociétés AA New Design et Qualicity ont formé des demandes reconventionnelles.
Par jugement du 8 septembre 2015, le tribunal a :
- déclaré irrecevables les exceptions d'incompétences territoriale et matérielle soulevées par la société AA New Design et la société Qualicity,
- déclaré irrecevable l'action en contrefaçon intentée par la société Airborne Design pour la période antérieure à la date du 5 mars 2013,
- débouté la société Airborne Design de sa demande de nullité partielle de la marque française AA Butterfly n°3751885 déposée au nom de la société AA New Design pour les produits ou services désignés en classes 18 et 20 suivants: fauteuils, sièges, meubles, glaces (miroirs), cadres, cuirs et imitations du cuir et peaux d'animaux,
- dit que l'usage par la société AA New Design et la société Qualicity de la marque communautaire AA Butterfly n°9435637 et de la marque française AA Butterfly n°3751885 postérieurement à la date du 5 mars 2013 ne constituent pas des actes de contrefaçon de la marque française AA n°3512160 déposée par la société Airborne et cédée à la société Airborne Design,
- dit que l'utilisation du signe AA dans la dénomination sociale de la société AA New Design ne constitue pas un acte de contrefaçon au préjudice de la société Airborne Design,
- débouté la société Airborne Design de l'intégralité de ses prétentions formulées à titre de sanction et de réparation de la contrefaçon, en ce compris ses demandes indemnitaires présentées sur le fondement de l'article L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle,
- débouté la société Airborne Design de sa demande tendant à voir interdire à la société AA New Design et à la société Qualicity l'usage des signes AA et Butterfly, sous quelque forme que ce soit, pour désigner les produits suivants : fauteuils, sièges, meubles, glaces (miroirs), cadres; cuirs et imitations du cuir, et peaux d'animaux, et garnitures de cuir pour meubles ; revêtements de meubles en cuir, revêtement de meubles,
- dit que la société AA New Design a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Airborne Design
- condamné la société AA New design à payer à la société Airborne Design la somme de 5000 euros en réparation du préjudice subi,
- dit que la société Qualicity n'a pas commis d'acte de concurrence déloyale à l'encontre de la société AA New Design et de la société Qualicity,
- condamné la société Airborne Design à payer à la société AA New Design la somme de 3000 euros en réparation du préjudice subi,
- condamné la société Airborne Design à payer à la société Qualicity la somme de 1000 euros en réparation du préjudice subi,
- débouté les parties de leur demande de publication du présent jugement,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Airborne Design d'une part et les sociétés AA New Design et Qualicity d'autre part, à supporter la moitié des dépens de l'instance,
- rejeté la demande d'autorisation de recouvrement direct des dépens présentés par chacune des parties sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,
- rejeté toutes autres demandes comme non fondées.
La société Airborne Design a régulièrement relevé appel limité (sauf en ce que le jugement a dit que la société AA New Design a commis des actes de concurrence déloyale) de ce jugement par déclaration au greffe de son avocat en date du 21 octobre 2015 dans des conditions de régularité non contestées.
La société AA new design forme appel incident.
Par conclusions n°2 signifiées par RVPA le 18 mai 2016, la société Airborne Design demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions frappées d'appel (c'est-à-dire à l'exclusion du chef du jugement qui a dit que la société AA New Design a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Airborne Design) sauf en ce que celui-ci a déclaré irrecevables les exceptions d'incompétence territoriale et matérielle soulevées par la société AA New Design et la société Qualicity;
- statuant à nouveau :
S'agissant de la marque française AA Butterfly
- sur le fondement de l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle, déclarer nulle partiellement la marque française AA Butterfly n° 3751885 déposée au nom de la Société AA New Design, en tant qu'elle désigne des fauteuils, sièges, meubles, glaces (miroirs), cadres, cuirs et imitations du cuir et peaux d'animaux ;
- à titre subsidiaire, sur le fondement des articles L. 713-3 et L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle, dire et juger que le dépôt et l'usage par la Société AA NEW DESIGN de la marque française AA Butterfly n° 3751885, constituent des actes de contrefaçon de la marque française AA n° 3512160 déposée par la SA Airborne, aux droits de laquelle vient la société Airborne Design, en tant qu'elle désigne des fauteuils, sièges, meubles, glaces (miroirs), cadres, cuirs et imitations du cuir et peaux d'animaux;
- en conséquence, ordonner la radiation partielle de la marque française AA Butterfly n° 37518851 à la diligence de Monsieur le Directeur de l'Institut national de la propriété industrielle, en tant qu'elle désigne des fauteuils, sièges, meubles, glaces (miroirs), cadres, cuirs et imitations du cuir et peaux d'animaux ;
S'agissant de la marque communautaire AA BUTTERFLY
- sur le fondement des articles L. 713-3 et L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle, dire et juger que le dépôt et l'usage par la société AA New Design de la marque communautaire AA Butterfly n° 9435637, constituent des actes de contrefaçon de la marque française AA n° 3512160 déposée par la SAS Airborne, aux droits de laquelle vient la société Airborne Design, en tant qu'elle désigne des meubles, cuirs et imitations du cuir ; peaux d'animaux ; garnitures de cuir pour meubles ; revêtements de meubles en cuir, revêtements de meubles ;
- en conséquence, ordonner la radiation partielle de la marque communautaire AA Butterfly n° 10 3 751 885 à la diligence de Monsieur le Directeur de l'OHMI, en tant qu'elle désigne des meubles, cuirs et imitations du cuir ; peaux d'animaux ; garnitures de cuir pour meubles ; revêtements de meubles en cuir, revêtements de meubles ;
- Subsidiairement, interdire l'usage de ladite marque en tant qu'elle désigne les produits énumérés au précédent paragraphe ;
Concernant la dénomination sociale de la Société AANew Design :
sur le fondement de l'article L. 713-6, et subsidiairement des articles L. 713-3 et L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle :
- ordonner la suppression du signe AA dans la dénomination sociale de la société AA new design, à la diligence de monsieur le greffier du Tribunal de commerce d'Avignon,
- à titre subsidiaire, ordonner à la société AA new design de procéder à cette suppression, sous astreinte de 1000 euro par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la signification de la décision à intervenir,
Concernant l'ensemble des signes contrefaisants utilisés par les sociétés défenderesses:
- En tout état de cause, sur le fondement de l'article L. 713-6, et subsidiairement des articles L. 713-3 et L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle, interdire aux sociétés aux sociétés AA New Design et Qualicity :
- l'usage de quelque manière que ce soit du signe AA, y compris sous forme de mots clefs dans les moteurs de recherche sur Internet,
- l'utilisation du signe AIRBORNE, notamment sous forme de mots clefs dans les moteurs de recherche sur Internet, pour désigner les produits suivants : fauteuils, sièges, meubles, glaces (miroirs), cadres, cuirs et imitations du cuir et peaux d'animaux, et garnitures de cuir pour meubles ; revêtements de meubles en cuir, revêtements de meubles, sous astreinte de 1000 euro par jour de retard passé un délai de quinze jours suivant la signification de la décision à intervenir,
Concernant la réparation du préjudice subi par la Société AIRBORNE DESIGN du chef de la contrefaçon :
- Sur le fondement de l'article L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle, condamner in solidum la société AA New Design et la Société Qualicity à payer à la société Airborne design, au titre de la contrefaçon de la marque française AA, la somme de 25 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, et la somme de 25 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
Concernant la concurrence déloyale commise au préjudice de la société Airborne design:
- juger que les sociétés AANew Design et Qualicity ont commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Airborne Design,
- en réparation, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, les condamner in solidum à payer à la société Airborne design une indemnité de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts, en lieu et place des 5000 euro de dommages et intérêts alloués en première instance ;
Concernant la concurrence déloyale alléguée à l'encontre de la société Airborne Design:
- à titre principal, constatant que la revendication de l'héritage de la société en liquidation Airborne relève d'un argumentaire commercial commun aux parties en présence, exonérer la société Airborne design de toute responsabilité de ce chef, et réformer le jugement entrepris en ce que celui-ci a retenu la responsabilité de la société Airborne design pour concurrence déloyale et l'a condamnée de ce chef à payer 3000euro de dommages et intérêts à la société à AA New design et 1000euro de dommages et intérêts à la société Qualicity ;
- à titre subsidiaire, dans l'éventualité dans laquelle la Cour estimerait ne pas devoir exonérer la société Airborne design de sa responsabilité de ce chef, dire et juger que la revendication par les sociétés intimées de la qualité de continuatrice historique de la SAS en liquidation Airborne et de la qualité de garante de l'authenticité du fauteuil d'origine AA, constituent des actes de concurrence déloyale, et les condamner de ce chef au même montant de dommages et intérêts que ceux qui ont été ou qui seront prononcés à l'encontre de la société Airborne Design ;
Concernant les autres mesures accessoires à la procédure,
- ordonner la publication de la décision à intervenir dans trois revues généralistes ou professionnelles, aux frais des sociétés défenderesses, sans que le coût de chaque insertion puisse dépasser 1500 euro,
- condamner in solidum les sociétés défenderesses à payer à la société Airborne design une indemnité de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner in solidum les sociétés défenderesses aux entiers dépens de l'instance et frais éventuels d'exécution, avec application au profit de la SCP G.-L.-de L.-R. des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par ses conclusions signifiées par RVPA le 23 août 2016, les sociétés AA New Design et Qualicity demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal sauf en ce qu'il a dit que la société AA New Design avait commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Airborne Design et qu'il n'a pas reconnu le réel préjudice subi des sociétés AA New Design et Qualicity du fait des actes de concurrence déloyale commis par la société Airborne
Statuant à nouveau sur ces deux derniers chefs :
- dire que la société AA New Design n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale
- débouter la société Airborne Design de toute demande de dommages et intérêts de ce chef
- confirmer que la société Airborne Design a commis des actes de concurrence déloyale envers la société AA New Design
En conséquence :
- la condamner à payer à la société AA New Design la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice commercial subi,
- débouter la société Airborne Design de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions plus amples et contraires
- ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois revues généralistes ou professionnelles, aux frais de la société Airborne design,
- condamner la société Airborne design à payer à chacune des sociétés AA New design et Qualicity la somme de 10 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens d'instance dont distraction au profit de maître C., Associé de la société C. & Associés.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières écritures déposées en application de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'action de la société Airborne design, les sociétés AA new design et Qualicity ne soulèvent plus en appel les moyens d'incompétence territoriale et matérielle soulevés devant le tribunal.
Il est rappelé que les demandes de la société Airborne design ne concernent que la marque française AA n°3512160 à l'exclusion de la marque communautaire AA by airborne n°35120 74.
Demeure en revanche soumise à la cour la recevabilité de la demande de la société Airborne design pour la période antérieure au 5 mars 2013, que le tribunal a exclue, ce que conteste la société Airborne design, et que les sociétés intimées contestent pour la période postérieure.
C'est en effet à cette date et à cette date seulement, postérieure à l'assignation des 17 janvier et 8 février 2012, qu'a été publié au registre de l'INPI l'acte de cession des deux marques au profit de la société Airborne design, qui résultait de l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce du 24 novembre 2011, étant précisé que les marques de la société AA new design avaient entre-temps été déposées les 6 juillet et 11 octobre 2010.
C'est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte que le premier juge :
- a dit que l'irrecevabilité soulevée constituait une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du Code de procédure civile, qui pouvait à ce titre être régularisée, et l'a en l'espèce été en cours de procédure, de sorte que l'irrecevabilité doit être écartée si la cause a disparu au moment où le juge statue, mais sans effet rétroactif,
- a dit que l'action en contrefaçon était recevable, mais n'était recevable que pour la période postérieure à la publication de la marque à son profit, soit pour les actes dénoncés qui auraient été accomplis par les sociétés AA new design et Qualicity à compter du 5 mars 2013.
En effet, en application des dispositions combinées des articles L. 714-7 et R. 714-2 du Code de la propriété intellectuelle, les droits sur une marque ne deviennent opposables aux tiers que postérieurement à l'inscription à l'INPI, qui n'a été effectuée que tardivement par la société Airborne design.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes de la société Airborne design
Sur la demande de nullité partielle de la marque française AA butterfly n° 3751885
L'article L. 711 -4 du Code de la propriété intellectuelle dispose que ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment : a) à une marque antérieurement enregistrée, et l'article L. 711-3 du même Code qui " est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4 ", ... " Seul le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement l'article L. 711-4 ", et " la décision d'annulation a un effet absolu ".
Ainsi que décidé au terme des motifs qui précèdent, la société Airborne design ne peut valablement se prévaloir de l'antériorité des droits de la marque qu'elle a déposée dès lors qu'elle n'en a acquis les droits que par l'effet de la cession réalisée le 24 novembre 2011 par le mandataire liquidateur de la société Airborne sur autorisation du 6 octobre 2010 par le juge commissaire du tribunal de commerce dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Airborne, à une date où la société AA new design avait déjà déposé sa marque, de sorte que la société Airborne design ne bénéficie d'aucun droit antérieur.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Airborne design de cette demande.
Sur la contrefaçon de la marque française AA n° 3512160
La société Airborne design soutient que l'usage de la marque française AA butterfly n° 3751885 et de la marque communautaire AAButterfly n° 9435637 déposées par la société AA new design constitue un acte de contrefaçon de sa marque AA n° 3512160.
La société Airborne design se fonde sur l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle aux termes duquel :
" Sont interdits sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :
a) la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
b) l'imitation et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement. "
L'article L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose quant à lui que : " L'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-4. ".
Il est fondamental de rappeler que la société Airborne design ne peut se prévaloir, tant du point de vue juridique qu'historique, d'aucun droit exclusif et privatif sur le modèle de fauteuil mis en cause qui est également fabriqué et distribué par les sociétés AA new design et Qualicity , pas davantage que sur le terme anglais " butterfly " traduit en français par papillon, qui ne correspond pas à une marque déposée par elle mais à la forme du fauteuil litigieux, modèle initialement créé sous le nom BFK (initiales de ses concepteurs) dans les années 1930 aux Etas-Unis, dont les droits sont tombés depuis 1951 dans le domaine public.
Il est d'ailleurs justifié par les sociétés AA new design et Qualicity de l'existence de nombreux fabricants en France et à l'étranger, proposant à la vente des fauteuils présentant un design et des caractéristiques identiques à celui produit et commercialisé tant par la société appelante que par les sociétés intimées (leurs pièces 9, 10, 14 à 19, 21, 22).
Il convient en conséquence de rechercher si sur le fondement des dispositions précitées au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les produits désignées par les marques objets du litige, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné, par la méthode de comparaison, ce risque s'appréciant globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce et l'appréciation de la similitude étant effectuée aux plans visuel, phonétique et conceptuel, en tenant compte des éléments distinctifs et dominants. Cette appréciation se fait par ailleurs par référence au public concerné, qui est en l'espèce un public de professionnels du design et de consommateurs avertis appréciant le design, et portant une attention à l'origine du fauteuil convoité, le fauteuil concerné, au regard de ses caractéristiques et de son prix n'étant pas un bien de consommation courante.
Pour le surplus de l'argumentation factuelle de la société Airborne design, c'est par des motifs complets et pertinents et que la cour adopte que le premier juge a, se livrant à une étude approfondie des différences visuelles, conceptuelles et phonétiques des marques en cause, considéré que les éléments produits n'étaient pas suffisants à établir le risque de confusion.
Les pièces postérieures au jugement produites par la société Airborne design ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation, dès lors que certains des mails font référence au fauteuil " butterfly " (pièce 64), mais qu'il est admis que c'est la dénomination généralement adoptée pour désigner ce siège vendu et fabriqué de longue date, comme indiqué ci-dessus, par de nombreux intervenants, et où, s'agissant des acheteurs anciens clients de la société Airborne s'étant fournis ensuite auprès de la société AA new design (pièces 61, 62 et 65), il convient de rappeler qu'entre la liquidation judiciaire de cette société par jugement du 22 mai 2010, l'autorisation du juge commissaire en date du 6 octobre 2010 et la cession effective par le mandataire liquidateur de la société Airborne à la société Airborne design par acte du 24 novembre 2011, onze mois après l'autorisation du juge commissaire, puis l'inscription à l'INPI en mars 2013, se sont écoulées trois années pendant lesquelles la marque Airborne n'a pas été exploitée de façon opposable aux tiers, ainsi qu'il résulte des considérations ci-dessus à propos de la recevabilité de l'action de la société Airborne design, d'où il ressort que seuls peuvent être pris en considération des actes postérieurs à cette date ; or, les faits signalés ont commencé avant l'acquisition par la société bb de la marque objet du litige; à l'occasion de la cessation d'activité de la société Airborne, qui a laissé un vide commercial.
De même le constat d'huissier du 8 avril 2013 (pièce 45 de la société Airborne design) porte sur une livraison en date du 5 septembre 2011, antérieure à la date à laquelle la société Airborne design peut se prévaloir de la marque Airborne.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Airborne design de ses demandes relatives à la contrefaçon, et en conséquence de sa demande de suppression du signe AA dans la dénomination de la société AA new design dont il n'est pas démontré qu'il serait en soi à l'origine d'une confusion, quel que puisse, éventuellement, être l'avantage procuré à l'occasions de consultations sur internet, par la position alphabétique favorable qu'induit ce signe composé de la première lettre de l'alphabet répétée.
Le rejet de ces demandes s'étend à celles formées contre la société Qualicity et aux demandes contre les deux sociétés tendant à l'interdiction de l'utilisation du signe Airborne, notamment sous forme de mots clefs dans les moteurs de recherche sur Internet, pour désigner les produits suivants : fauteuils, sièges, meubles, glaces (miroirs), cadres, cuirs et imitations du cuir et peaux d'animaux, et garnitures de cuir pour meubles ; revêtements de meubles en cuir, revêtements de meubles.
Sur la concurrence déloyale
1- Le tribunal a justement noté à titre liminaire que la limitation dans le temps de la protection de la marque dont bénéficie la société Airborne design n'a pas vocation à interdire la recherche de la responsabilité des sociétés AA new design et Qualicity en application de l'article 1382 ancien du Code civil sur le fondement de la concurrence déloyale, sous réserve d'apporter la preuve d'actes distincts, et ce y compris pour des actes commis entre le 24 novembre 2011 , date de la cession de la marque, et le 5 mars 2013 , date de l'inscription à l'INPI.
Le tribunal a également rappelé les principes découlant de la jurisprudence notamment de la CJUE.
2- La société Airborne design se fonde d'abord sur l'achat sur le moteur de recherche Google d'un référencement contenant AA, ce qui le ferait s'afficher en tête de première page ; le tribunal a précisément analysé cette problématique et la cour se réfère aux motifs du jugement, pour rejeter l'argumentation de la société Airborne design, motifs qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel.
3- La société Airborne design a ensuite invoqué des actes parasitaires tenant au fait imputé aux sociétés intimées d'avoir calqué la présentation de leurs tarifs et de leurs plaquettes publicitaires sur les siennes.
Le tribunal a considéré que la concurrence déloyale n'était pas constituée pour les plaquettes publicitaires, compte tenu des différences sensibles existant entre les deux types de plaquettes tant par leur présentation que par leur contenu, mais qu'en revanche, la grille tarifaire dans sa présentation constituait une concurrence déloyale compte tenu des similitudes, ce qui relève du parasitisme.
La cour se réfère expressément sur ce point à la motivation pertinente et complète du premier juge qu'elle adopte.
4- La société Airborne design reprochait en suite à la société AA new design d'avoir repris la dénomination " butterfly " dans le nom de ses deux marques française et communautaire, ainsi que le nom de son produit pour désigner des fauteuils identiques à ceux qu'elle fabrique et commercialise, alors qu'aux termes de l'acte de cession du 24 novembre 2011 reprenant le dispositif de l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce, ont été cédées à son profit " les marques AA, AA butterfly n° 3751885 Airborne et toute dénomination du fauteuil AA, le BFK, le AA butterfly, et plus généralement l'intégralité des marques et sous-marques. ".
Cet élément n'est pas repris en appel; au demeurant, le tribunal avait à bon droit que le tribunal exclu ce fait comme élément de concurrence déloyale , dès lors que le juge commissaire et à sa suite le mandataire liquidateur de la société Airborne ne pouvaient céder des marques sur lesquelles la société Airborne n'avait aucun droit, les dénominations BFK (historique) et AA butterfly ; en effet, s'agissant de la dénomination BFK, qui n'est pas une marque, il importe de rappeler que ce n'est justement que parce que le modèle du fauteuil était tombé dans le domaine public en 1950 que la société Airborne a pu commencer à en entreprendre l'exploitation, comme de nombreuses sociétés françaises et étrangères.
Et s'agissant de la " marque " AA butterfly, sur laquelle la société Airborne ne disposait d'aucun droit lors de la cession de ses actifs, elle avait justement déjà a été déposée par la société AA new design avant l'autorisation de cession du juge commissaire.
Le tribunal a également pertinemment souligné qu'au regard du prix modique de la cession des éléments incorporels de la société Airborne (12 000 euro), les gérantes de la société Airborne design ne pouvaient raisonnablement se méprendre sur l'étendue de la cession, qui ne pouvait comporter l'exclusivité des droits sur ce modèle de fauteuil.
5- La société Airborne design faisait encore grief aux sociétés AA new design et Qualicity " de se présenter comme les continuatrices historiques de la société Airborne, et comme les garants de l'authenticité du fauteuil d'origine AA " pour en avoir repris la fabrication à la suite de la société Knoll, argument écarté par le tribunal et non repris en appel.
Sur la réparation du préjudice de la société Airborne design
Le tribunal n'a, s'agissant de la concurrence déloyale, retenu comme fait constitutif d'une faute à ce titre que l'imitation des grilles tarifaires de la société Airborne design par la société AA new design, et a en conséquence condamné la société AA new design, à l'exclusion de la société Qualicity, à payer à ce titre à la société Airborne design la somme de 5000 euro à titre de dommages intérêts. La société AA new design forme appel incident de ce chef.
La société Airborne design demande quant à elle au titre de la concurrence déloyale une somme de 50 000 euro.
Au regard de la confirmation d'un unique élément de concurrence déloyale retenu, de portée limitée, la cour estime que le tribunal a fait du préjudice de la société Airborne design une appréciation opportune et suffisante, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes reconventionnelles des sociétés AA new design et Qualicity
La société AA new design forme également une demande de dommages intérêts sur le fondement de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, à hauteur de 150 000 euro, et la publication du jugement (SIC) à intervenir dans des revues généralistes ou professionnelles.
Elle a été déboutée de ses demandes par le tribunal.
Elle reproche à la société Airborne design d'avoir adjoint à sa dénomination le terme de " design " qui n'était pas nécessaire puisque la société Airborne dont elle tient ses droits était déjà connue dans le domaine du design, et ce pour concurrencer la société AA new design.
Son argumentation sur ce point est fort peu étayée, et le terme générique de " design ", utilisé par de nombreuses sociétés ne peut faire l'objet d'une appropriation par la société AA new design.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Les dépens d'appel seront mis à la charge de la société Airborne design appelante, dont l'essentiel des prétentions est rejetée, et qui sera de ce fait déboutée de sa demande en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Airborne design sera condamnée à payer aux sociétés AA new design et Qualicity ensemble, dont l'appel incident et la demande reconventionnelle sont rejetés, une somme de 3000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, la Cour, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Condamne la société Airborne design à payer aux sociétés AA new design et Qualicity ensemble une somme de 3000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Airborne design aux dépens d'appel.