CA Rennes, 2e ch., 6 janvier 2017, n° 13-08351
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
BSA Atlantique Opel (SAS)
Défendeur :
D., Général Motors France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Christien
Conseillers :
Mmes Lefeuvre, Dotte-Charvy
Suivant facture en date du 05 février 2008, Mme Sandrine P. épouse D. (Mme D.) a acquis auprès de la SAS BSA Atlantique un véhicule d'occasion Opel, modèle Zafira Cosmo 1.9 CDTI 150, immatriculé depuis le 26 octobre 2005 et comptant 22 666 kilomètres parcourus, moyennant le prix principal de 17 200 euro.
À l'occasion d'une visite d'entretien du véhicule en janvier 2010, Mme D. a signalé au garage BSA Atlantique un claquement lors de l'appui sur la pédale d'embrayage.
La dépose de la boîte de vitesse s'avérant nécessaire afin d'établir un diagnostic, la SAS Général Motors France (Général Motors) à laquelle s'était adressé l'époux de Mme D. a refusé de prendre en charge le coût de cette opération.
Une expertise amiable contradictoire s'est déroulée début janvier 2011 à l'initiative de l'assureur du véhicule ; l'expert a conclu à un défaut interne du volant bi-masses et une responsabilité du constructeur au titre d'une usure/ destruction prématurée de cette pièce, devant entraîner une participation partielle dont le total était chiffré à 2 352,05 euro, ce que Général Motors a contesté.
Mme D. a obtenu par ordonnance de référé du 31 mai 2011 une expertise du véhicule, dont le rapport a été clos le 07 décembre 2011.
Par actes du 13 février 2012, Mme D. a fait assigner la société BSA Atlantique Opel (société BSA) et Général Motors aux fins de les voir in solidum condamnés à lui verser sur le fondement de l'article 1641 du Code civil le coût des travaux de réparation et diverses sommes au titre d'un préjudice de jouissance, frais financiers et dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par jugement en date du 19 septembre 2013, le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire a homologué le rapport d'expertise et :
- condamné in solidum la société BSA et Général Motors à payer à Mme D. la somme de 8 010,47 euro au titre du coût de la remise en état du véhicule, avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2012 sur la somme de 2 353,49 euro et du 22 novembre 2012 sur la somme de 8 010,47 euro, ainsi que la somme de 3 408,49 euro en réparation de son préjudice de jouissance avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2012,
- condamné Général Motors à garantir la société BSA à hauteur de 50 % de ces condamnations,
- débouté Mme D. du surplus de ses demandes,
- condamné in solidum la société BSA et Général Motors à payer à Mme D. la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté la société BSA de sa demande sur ce fondement,
- condamné la société BSA et Général Motors aux dépens qui comprendront ceux de l'instance en référé et les frais d'expertise,
- condamné Général Motors à garantir la société BSA à hauteur de 50 % de ces condamnations.
Par déclaration déposée au greffe le 22 novembre 2013 la société BSA a relevé appel de cette décision, et au terme de ses conclusions récapitulatives déposées le 1er septembre 2016 elle demande à la cour, outre divers constats et donner acte, de :
- réformer la décision et débouter Mme D. de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- subsidiairement de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à l'appréciation du tribunal en ce qui concerne sa responsabilité au titre des vices cachés,
- en tout état de cause, dire que la responsabilité de Général Motors est engagée, que Mme D. a par sa faute contribué à son propre préjudice et en conséquence qu'il doit lui être imputé une part de responsabilité à hauteur de 50 %, et tenir compte de ce partage de responsabilité dans le cadre des sommes qui pourraient lui être allouées,
- débouter Mme D. de sa demande tendant à obtenir le paiement des sommes de 1 620 euro, 1 890 euro et 16 900 euro au titre du préjudice d'immobilisation et de jouissance, de 67,99 euro concernant l'achat de barres de toit, de 143,52 euro au titre du nettoyage du véhicule, de 3 691,87 euro au titre des frais d'assurance, de 3 300 euro pour perte de valeur, et de 1 500 euro de dommages et intérêts complémentaires,
- ramener à de plus justes proportions l'indemnité qui pourrait être allouée à Mme D. au titre de l'article 700 tout en tenant compte du partage de responsabilité,
- en tout état de cause : condamner Général Motors à garantir la société BSA de toutes condamnations, à payer à la société BSA la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais et dépens de la procédure de référé et frais d'expertise, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Au terme de ses conclusions n° 2 déposées le 10 juin 2014, Général Motors demande à la cour d'infirmer intégralement la décision entreprise et statuant à nouveau de :
- dire que la preuve de l'existence d'un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil n'est pas rapportée et débouter Mme D. et la société BSA de l'intégralité de leurs demandes au titre de la garantie légale des vices cachés,
- subsidiairement : dire que les demandes de Mme D. ne sont justifiées ni dans leur principe ni dans leur montant et débouter en conséquence Mme D. et la société BSA de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner Mme D. à payer à Général Motors la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce notamment compris les frais d'expertise judiciaire, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Au terme de ses conclusions n° 2 déposées le 11 août 2016, Mme D. demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a homologué le rapport d'expertise, et les condamnations in solidum des sociétés BSA et Général Motors concernant le coût de remise en état, les frais irrépétibles et les dépens,
- réformer le jugement en ce qu'il lui a été alloué une somme de 3 408,49 euro au titre du préjudice de jouissance et en ce qu'elle a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, et condamner in solidum la société BSA et Général Motors à lui payer la somme de 27 970,84 euro au titre du préjudice de jouissance, de la perte de valeur du véhicule et des frais financiers, outre la somme de 1 500 euro de dommages et intérêts complémentaires, lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2012, date de l'assignation,
- y ajoutant : condamner la société BSA et Général Motors in solidum à lui payer la somme de 2 500 euro pour les frais irrépétibles exposés en appel et les dépens d'appel.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2016.
Sur ce,
L'expert judiciaire dans son rapport clos le 07 décembre 2011 a constaté que le volant moteur bi-masse présentait un jeu anormalement important au regard du kilométrage parcouru, et que le disque et le mécanisme d'embrayage présentaient des traces bleuâtres de chauffes légères provoquées par ce jeu important, le véhicule étant par ailleurs dans un état standard au regard de son année et de son kilométrage ; il expose que :
- le démontage de la boîte de vitesse était inévitable pour détecter le désordre, et le refus de prise en charge de la part de Général Motors était justifié tant que l'on ne connaissait pas l'origine du sinistre,
- par contre, après démontage et constatations lors des réunions d'expertise amiable et contradictoire, il apparaît que le jeu excessif constaté sur le volant bi-masse et provoquant un claquement signalé par Mme D. à 68 010 kilomètres ne peut être considéré comme une usure normale, et il s'agit d'un problème connu et déjà rencontré dans la marque Opel voire d'autres marques,
- la détérioration du disque d'embrayage et du mécanisme est une résultante du jeu du volant bi-masse,
- le remplacement du volant et du kit d'embrayage apporteront la solution du désordre, le devis de remise en état établi par la société BSA le 07 janvier 2011 pour 2 353,49 euro étant validé par l'expert,
- la prise en charge des réparations, avec peut-être des frais de vétusté, doit être prise par Général Motors au titre de pièces défectueuses à un kilométrage anormal et cas connu dans la marque Opel,
- la durée des expertises amiable et judiciaire a engendré des frais de location de véhicules, le véhicule de Mme D. étant immobilisé, et il y a lieu de retenir des frais de privation de jouissance.
Il est par conséquent établi que le véhicule était atteint d'un vice caché lors de la vente, en l'espèce un jeu anormalement important du volant moteur bi-masse au regard du kilométrage parcouru, désordre connu et déjà rencontré dans la marque Opel selon l'expert judiciaire, ressortant par conséquent d'un vice de conception ou de fabrication, Général Motors n'apportant aucun moyen technique contraire.
Si Mme D. a signalé le claquement de la pédale d'embrayage lors de la visite d'entretien du 28 janvier 2010, alors que le véhicule affichait 68 010 kilomètres, puis a continué à l'utiliser puisqu'il en affichait 81 500 lors de l'expertise amiable le 07 janvier 2011, la facture de la société BSA précise suite bruit en embrayant prévoir dépose de boîte de vitesse pour contrôle ; cette mention est insuffisante pour retenir que Mme D. a été alertée sur les risques encourus en continuant à utiliser son véhicule et que l'intervention était urgente, aggravant ainsi en toute connaissance de cause les conséquences du vice comme le soutiennent à tort les sociétés BSA et Général Motors ; c'est ainsi à juste titre que le premier juge a écarté toute faute de Mme D..
Devant la cour, Général Motors ne conteste plus être le vendeur initial du véhicule ni sa garantie due à la société BSA en cette qualité ; en sa qualité de professionnel et concessionnaire Opel, la société BSA aurait dû alerter Mme D. sur l'urgence de l'intervention et l'aggravation précitée lui est imputable.
Par conséquent le jugement sera confirmé sur la condamnation in solidum des sociétés BSA et Général Motors et les garanties.
Mme D. produit la facture de réparation du 06 juin 2012 réactualisée par la société BSA à 2 502,15 euro (devis du 07 janvier 2011 initialement retenu par l'expert: 2 353,49 euro), ainsi que d'autres factures pour un montant total de 8 010,47 euro, somme allouée en première instance.
La facture de 2 502,15 euro concerne la réparation du vice caché, à savoir le remplacement du volant et du kit d'embrayage ; la société BSA s'en rapporte à justice et Général Motors s'oppose à la demande concernant le remplacement de l'embrayage, au motif précédemment écarté de la contribution de Mme D. à la survenance des désordres.
Les deux sociétés s'opposent au surplus des réparations au motif qu'elles concerneraient de nouveaux désordres sur lesquels l'expert ne se serait pas prononcé.
Il est établi que les démontages nécessaires pour déposer la boîte de vitesse ont été effectués le 07 janvier 2011 au cours des opérations d'expertise amiable et l'expert judiciaire a examiné le 28 juillet 2011 le véhicule qui se trouvait sur un pont élévateur avec la boîte de vitesse déposée ; il ressort des pièces versées par Mme D. que le véhicule était toujours immobilisé le 23 février 2012, la société BSA ayant de plus dans son nouveau devis émis des réserves sur la remise en route du véhicule suite à son immobilisation depuis le 07 janvier 2011 ; il est par conséquent justifié que les frais de remise en route, de recherche de panne et de réparation suite à l'immobilisation prolongée du véhicule ressortent du désordre initial, et la décision entreprise sera confirmée sur ce chef.
Le premier juge a également alloué à Mme D. la somme de 3 408,49 euro en réparation de son préjudice de jouissance, en retenant une facture de location de véhicule du 08 au 24 juillet 2011 pour une somme de 1 408,49 euro, et une somme supplémentaire de 2 000 euro en l'absence de justificatifs de la demande formée à hauteur de 14 355 euro ou de 10 858,65 euro.
Devant la cour, Mme D. produit deux nouvelles factures de location de véhicule du 17 au 22 février 2012 pour une somme de 306,67 euro et du 02 au 13 avril 2016 pour une somme de 262,30 euro qui seront retenues et ajoutées à la somme allouée initialement ; c'est à juste titre que le premier juge a écarté l'achat d'une barre de toit et le coût de nettoyage du premier véhicule loué comme étant des dépenses lui étant propres et sans lien direct ; enfin Mme D. ne justifie pas plus qu'en première instance les sommes demandées à hauteur de 10 euro par jour pour les périodes hors location de véhicule et qui a été justement indemnisée par la somme de 2 000 euro.
Devant la cour, Mme D. sollicite en outre une somme de 3 691,87 euro au titre des cotisations d'assurance du véhicule et de 3 300 euro correspondant à sa perte de valeur ; ces demandes nouvelles seront rejetées, le véhicule devant en tout état de cause être assuré et aucune perte de valeur n'étant établie lorsque le véhicule sera réparé.
Enfin le rejet des dommages et intérêts sollicités par Mme D. pour résistance abusive sera confirmé, la résistance des sociétés BSA et Général Motors n'excédant pas l'exercice d'un droit dont le principe est reconnu par la loi, et Mme D. ne justifiant pas d'un préjudice qui ne serait pas indemnisé par l'allocation d'une somme au titre de ses frais irrépétibles.
La décision entreprise étant confirmée sur ses dispositions principales le sera également concernant les dépens et frais irrépétibles.
Appelante principale qui succombe, la société BSA sera tenue aux dépens d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile, de même que Général Motors.
La société BSA devra verser sur ce fondement une somme de 2 000 euro à Mme D..