CA Lyon, 3e ch. A, 5 janvier 2017, n° 15-04417
LYON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Eva Solo A/S (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devalette
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Avocats :
SCP Aguiraud Nouvellet, Me Skaarup, SCP Baufume Sourbe, de Richoufftz, Selarl Berard - Callies, Associés
EXPOSE DU LITIGE
La société Eva Solo A/S, société de droit danois, fabricant et fournisseur de divers articles de décoration pour la maison et le jardin, a signé, le 1er septembre 2009, un contrat d'agent commercial avec Roberto X. qui était la reprise du modèle signé par Monsieur Y en mai 2007. Une deuxième convention dite de représentation signée le 1er septembre 2009 relative au versement des contributions et cotisations salariales et patronales vise une relation contractuelle soumise au droit français avec une clause attributive de compétence au tribunal dans le ressort duquel est établi le représentant.
Après refonte du secteur de ce dernier en 2009, le secteur géographique confié à Monsieur X était la région Paca.
Ce contrat stipule qu'il est soumis au droit danois et comporte une clause attributive de compétence pour tout litige en faveur du tribunal de la ville de Copenhague.
Par courrier du 20 décembre 2012, la société Eva Solo A/S a notifié à Roberto X la résiliation de son contrat d'agent commercial avec effet au 31 décembre 2012, en visant un manque d'implication et une baisse constante du chiffre d'affaires. Ce courrier de résiliation précisait que Monsieur X était dispensé d'effectuer son préavis mais allait recevoir sa commission pendant cette période.
A la suite de cette résiliation, le secteur de Roberto X a été à nouveau confié par la société Eva Solo A/S à Frédéric Y.
Roberto X a contesté la mesure de résiliation prise à son encontre et, n'étant pas satisfait de la réponse apportée par la société Eva Solo A/S, il a mis en demeure, par l'intermédiaire de son conseil et par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 octobre 2013, Frédéric Y de lui verser une indemnité de 27 870,15 euros outre une quote part des commissions générées sur la période de préavis.
Les démarches de Roberto X n'ayant pas abouti, il a saisi le Tribunal de commerce de Lyon, lieu du domicile de Frédéric Y en attrayant également la société Eva Solo devant cette juridiction pour obtenir, au dernier état de ses demandes, leur condamnation solidaire à lui payer une indemnité de 30 000 euros outre indemnité de procédure et la condamnation de la société Eva Solo à lui verser diverses sommes au titre du préavis, de 2 années de commissions et de dommages intérêts pour rupture brutale et vexatoire.
Par jugement du 18 novembre 2014, le Tribunal de commerce de Lyon :
- a jugé que l'action diligentée à l'encontre de Frédéric Y est dépourvue d'un caractère sérieux,
- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de ville de Copenhague au Danemark,
- a renvoyé Roberto X à mieux se pourvoir devant cette juridiction,
- a condamné Roberto X à payer à Frédéric Y la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- a condamné Roberto X à payer la somme de 1 500 euros à la société Eva Solo A/S au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a condamné Roberto X à payer la somme de 1 500 euros à Frédéric Y au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a condamné Roberto X aux entiers dépens de l'instance.
Le 1er décembre 2014, Roberto X a formé un contredit de compétence à l'encontre de cette décision.
Par arrêt du 28 mai 2015, la présente cour a statué ainsi :
" Requalifie le contredit en appel,
S'en déclare saisie,
Renvoie l'affaire à la mise en état pour l'audience du 22 septembre 2015 pour permettre aux parties de conclure au fond,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Reserve les dépens. "
Dans ses dernières conclusions au fond, déposées le 4 mai 2016, Roberto X demande à la cour de
- dire et juger recevable et bien fondé l'appel de Roberto X,
- rejeter l'irrecevabilité soulevée par les intimés, déclarant l'action et l'ensemble des prétentions de Roberto X recevables,
- infirmer en conséquence le jugement en date du 18 novembre 2014 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau, vu l'article 42, alinéa 2, du Code de procédure civile,
- se déclarer compétent pour statuer sur l'ensemble du litige soumis par Roberto X,
- condamner solidairement Frédéric Y et la société Eva Solo A/S à verser à Roberto X la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire,
- condamner la société Eva Solo A/S à payer à Roberto X les sommes suivantes : 6 967,56 euros à titre de 6 mois de préavis, 27 870,15 euros à titre de 2 années de commissions,
- condamner solidairement Frédéric Y et la société Eva Solo A/S à verser à Roberto X la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Subsidiairement, statuant à nouveau,
Vu la faute délictuelle de Frédéric Y engageant sa responsabilité,
- le condamner à verser à Roberto X la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- le condamner à verser à Roberto X la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Vu le statut de Roberto X,
- renvoyer l'examen des demandes à l'encontre de la société Eva Solo A/S devant le Conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence,
- condamner la société Eva Solo A/S à verser à Roberto X la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Dans tous les cas,
- débouter la société Eva Solo A/S et Frédéric Y de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
Roberto X soutient que ses demandes sont recevables, au regard des dispositions des articles 563 et suivants du CPC, puisqu'il poursuit la même démarche qu'en première instance, à savoir faire valoir ses droits liés à la résiliation abusive de son contrat de représentant au bénéfice de Frédéric Y, seuls des éclaircissements et précisions sur son réel statut étant apportés en appel.
Il prétend à cet égard qu'il a un statut de représentant mandataire civil, voire probablement celui d'un VRP salarié, comme le démontre le fait qu'il n'ait jamais été immatriculé au RCS, ni sur le registre spécial des agents commerciaux.
Il soutient qu'en présence de plusieurs défendeurs, il pouvait, conformément à l'article 42 alinéa 2 du CPC, saisir la juridiction du lieu où demeure Monsieur Y et ce d'autant plus qu'il existe un lien de connexité entre les demandes car la société Eva Solo A/S et Monsieur Y sont solidairement responsables d'actes fautifs et de concurrence déloyale, Monsieur Y ayant détourné sa clientèle avec la complicité de la société Eva Solo A/S.
Il soutient également que la clause attributive de compétence n'est pas applicable au regard de l'article 48 du CPC puisqu'il n'a jamais eu la qualité de commerçant et que la clause n'était pas spécifiée de façon suffisamment apparente dans le contrat, celle-ci n'ayant jamais été acceptée de façon certaine et non équivoque.
Il ajoute que cette clause est d'autant plus inapplicable que l'article 23 du règlement européen n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ne peut trouver application en matière civile à l'égard d'une personne physique, et ce d'autant plus que le contrat n'avait aucune vocation internationale mais s'appliquait uniquement en France, lieu de diffusion des produits de la société Eva Solo et lieu où l'obligation essentielle du contrat a été exécutée. De plus, l'article 18 de ce règlement prévoit en matière de contrat de travail la compétence du tribunal du lieu où est accompli habituellement le travail.
Il relève que cette clause est contredite par celle visée le même jour dans l'autre contrat de représentation.
Sur le fond, il affirme que suite à la résiliation de son contrat le 20 décembre 2012 et sans attendre l'écoulement d'un préavis contractuel d'au moins 3 mois, Frédéric Y a immédiatement repris, le 1er janvier 2013, son secteur et la clientèle attachée, le privant ainsi de la possibilité de pouvoir travailler dès cette date.
Il soutient que Monsieur Y a détourné sa clientèle en reprenant son secteur avant l'écoulement du délai de préavis, et ce avec la complicité de la société Eva Solo A/S.
Il prétend que la société Eva Solo A/S a violé ses obligations contractuelles en résiliant de façon immédiate son contrat sans respecter aucun préavis ni allouer aucune indemnité de fin de contrat alors qu'il justifie de plus de 6 ans d'ancienneté et en lui interdisant de visiter la clientèle dès le 20 décembre 2012 et en diffusant largement dès le 7 janvier 2013 un large courriel à la clientèle.
Il considère que ces démarches conjointes et le dénigrement dont il a fait l'objet, engagent in solidum Monsieur Y et la société Eva Solo sur les fondements respectifs de la responsabilité délictuelle et contractuelle.
Subsidiairement, il soutient, si la cour estimait qu'il n'existe pas de lien suffisant et sérieux entre les deux actions, il conviendrait de ne retenir que celle contre Monsieur Y et de renvoyer celle contre la société Eva Solo devant le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence, où il est domicilié, compte tenu de son statut de VRP.
Dans ses dernières conclusions, déposées le 21 septembre 2015, Frédéric Y demande à la cour de :
- dire et juger irrecevables comme tardives les exceptions d'incompétence soulevées à titre subsidiaire par Monsieur X,
En conséquence,
- l'en débouter,
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lyon le 18 novembre 2014 en ce qu'il : a constaté l'absence de sérieux de l'action diligentée à l'encontre de Frédéric Y, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de la ville de Copenhague au Danemark, a renvoyé Roberto X à mieux se pourvoir devant cette juridiction, a condamné Monsieur X à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Y ajoutant,
- débouter Monsieur X de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- le condamner au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- le condamner au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- le condamner en tous les dépens.
Frédéric Y fait valoir sur l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence soulevée, à titre subsidiaire par l'appelant, que cette exception n'a pas été soulevée in limine litis et ne peut l'être par le demandeur, s'agissant d'un moyen de défense. Sur la clause attributive de compétence contenue dans la convention au profit des juridictions danoises, il soutient qu'elle est parfaitement régulière et que c'est pour la contourner que Monsieur X l'a assigné en dehors de tout caractère sérieux à cette action à son encontre et au prétexte du caractère indivisible de ses demandes.
Il soutient sur le fond qu'il ne peut strictement rien lui être reproché de nature à engager sa responsabilité puisqu'il n'est pas à l'origine de la résiliation du contrat de M. X et qu'il n'a fait que reprendre le secteur de celui-ci, comme ce dernier, qui n'est nullement propriétaire de la clientèle, l'avait fait avant lui et sans être au courant des raisons pour lesquelles la société Eva Solo voulait se séparer de ce dernier.
Il indique que cette action engagée en parfaite mauvaise foi lui a causé un préjudice.
Dans ses dernières conclusions au fond, déposées le 29 août 2016, la société Eva Solo A/S demande à la cour de :
À titre principal,
- confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance du Tribunal de Commerce de Lyon du du 18 novembre 2014 , se déclarant notamment incompétent au profit du Tribunal de la Ville de Copenhague, Københavns Byret, Domhuset, Nytorv, 1450 Copenhague K, Danemark et renvoyant M. X à mieux se pourvoir devant cette juridiction danoise,
Sur les demandes subsidiaires de l'appelant,
- déclarer irrecevables les nouvelles demandes (subsidiaires) en appel de M. X, liées à une prétendue absence de statut d'agent commercial de M. X, et de renvoi devant le Conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence,
À titre subsidiaire si la Cour devait envisager l'infirmation et souhaiter évoquer le fond,
- accorder un délai à Eva Solo A/S pour conclure au fond conformément à l'article 76 du Code de procédure civile,
- enjoindre M. X de clarifier le contenu de la loi danoise applicable et de conclure et formuler des demandes conformément à cette loi pour permettre le débat sur le fond,
En tout état de cause,
- condamner M. X à régler à Eva Solo A/S des dommages-intérêts pour procédure abusive à hauteur de 3 000 euros conformément aux dispositions de l'article 1382 du Code civil,
- condamner M. X à régler à Eva Solo A/S un complément de 5 000 euros pour la procédure engagée notamment de contredit suivi d'appel, conformément aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner M. X aux entiers dépens.
La société Eva Solo A/S fait valoir que le choix de soumission des litiges relatifs au contrat à la juridiction danoise a été convenu de façon claire et non équivoque dans le contrat intitulé 'Agent Agreement',conclu en anglais, avec sa traduction en français, ayant un caractère international et que la clause d'attribution de compétence est parfaitement valable conformément aux articles 5 et 23 du règlement n°44/2001 du Conseil de l'Union Européenne du 22 décembre 2000 comme conclue par écrit et sous une forme qui soit conforme aux habitudes des parties.
Concernant l'application de l'article 42.2 du Code de procédure civile, en cas de pluralité de défendeur, elle soutient que la demande à l'encontre de M. Y n'est pas sérieuse et qu'il n'existe aucun lien étroit de connexité entre les demandes dirigées à son encontre et celles dirigées à l'encontre de M. Y, et que la demande contre ce dernier n'est pas sérieuse, dès lors qu'il n'est pas intervenu dans ses relations avec M. X et que la clientèle n'appartenait pas à M. X en tant qu'agent commercial, en application de l'article L134-1 du Code de commerce.
Elle affirme que les demandes subsidiaires de M. X, liées au fait qu'il ne se considère plus comme commerçant mais comme 'un cocontractant exerçant une activité civile, voire comme un VRP, sont nouvelles, conformément à l'article 564 du CPC, et donc irrecevables. Elle réfute à cet égard que la pièce 12 dite convention de représentation produite par l'appelant, lui soit opposable, comme signée par Madame S. en qualité d'Area Sales Manager, qui ne dispose pas de délégation de pouvoir à cet égard, et non par elle, et comme n'étant pas susceptible de créer un lien contractuel en l'absence précisément de contrat de travail.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 août 2016.
Dans ses dernières conclusions, déposées après la clôture, le 1er septembre 2016, Roberto X demande à la cour de :
- constater que la société Eva Solo avait toute possibilité de répliquer aux conclusions notifiées par Monsieur X le 4 mai 2016 avant le 29 août 2016, veille du prononcé de l'ordonnance de clôture,
- constater que la société Eva Solo ne peut arguer d'aucun motif légitime justifiant des raisons pour lesquelles elle a attendu la veille du prononcé de l'ordonnance de clôture pour conclure alors qu'elle disposait de la possibilité de le faire depuis le 4 mai 2016,
- constater que, par le dépôt tardif de ses écritures, la société Eva Solo a méconnu le principe du contradictoire, ne permettant pas à Monsieur X d'apporter une réplique,
- constater que Monsieur X n'a pas disposé d'un temps utile et suffisant pour organiser sa défense,
En conséquence,
- écarter des débats les conclusions adverses signifiées le 29 août 2016 à 18h27.
Dans ses dernières conclusions, déposées après la clôture, le 6 septembre 2016, la société Eva Solo A/S demande à la cour le rejet de la demande de Roberto X visant à voir écarter des débats ses conclusions, mais non pas à révoquer la clôture pour répondre.
Motifs de la décision
Sur la demande de retrait des dernières conclusions déposées par la société Eva Solo
Il n'est pas demandé par l'appelant la révocation de la clôture pour pouvoir répondre aux conclusions de l'intimée effectivement déposées la veille de la clôture. Il n'y a donc pas lieu de les rejeter, d'autant qu'elles ne contiennent aucune prétention ou moyen nouveau par rapport aux précédentes écritures déposées et notifiées le 22 février 2016 et qu'il n'est pas ainsi porté atteinte au principe du contradictoire.
Sur l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence soulevée à titre subsidiaire par l'appelant au profit du Conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence
Il n'y a pas lieu d'opposer à cette exception de procédure, la fin de non-recevoir tirée des dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile, qui ne concerne que les demandes et non les moyens invoqués.
En revanche, l'exception d'incompétence étant précisément un moyen de défense, ne peut être invoqué par le demandeur lui-même à l'action et, de surcroît, en application de l'article 74 du Code de procédure, après que ce dernier ait conclu au fond en première instance, peu important le caractère d'ordre public des règles soulevées au soutien de l'exception.
Monsieur X qui a saisi le Tribunal de commerce de Lyon est donc irrecevable en son exception subsidiaire d'incompétence au profit du Conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence, ce qui serait au surplus contraire aux dispositions de l'article 79 du Code de procédure civile qui ne prévoit dans cette hypothèse que le renvoi devant la cour d'appel dans le ressort duquel serait la juridiction compétente.
Sur l'exception d'incompétence soulevée par la société Eva Solo au profit du tribunal de la ville de Copenhague au Danemark
Aux termes de la traduction française, non contestée, produite par Monsieur X, lui-même de la version anglaise du contrat qu'il a paraphé et signé le 1er septembre 2009 et qui s'intitule "contrat d'agent commercial", il est expressément stipulé au §6, qui emporte dispositions finales au contrat, que celui-ci est régi par les lois du Royaume du Danemark et qu'il a été rédigé conformément aux règles communautaires applicables aux agents commerciaux et a été, préalablement à sa signature soumis à un avocat français. Ce même article dispose que tout litige découlant du contrat ou en relation avec celui-ci sera soumis au tribunal de la ville de Copenhague.
Ce sont ces seules dispositions contractuelles qui régissent les relations de la société mandante danoise avec son agent commercial exerçant son activité en France, à l'exclusion de la convention dite de représentation, qui si elle a bien été consentie par un préposé de la société Eva Solo, muni d'un mandat apparent pour signer cet acte, ne concerne cependant que le mandat de représentation confié à Monsieur X pour représenter la société employeur dans toutes les déclarations salariales et patronales, convention qui n'a d'objet que si ce dernier était un salarié de la société Eva Solo et non un agent commercial et qui n'a pas pour effet de modifier ce statut résultant du contrat liant les parties, non plus d'ailleurs que l'absence d'immatriculation effective de sa part au registre spécial des agents commerciaux, malgré la référence qui est faite à un numéro d'immatriculation en première page de ce contrat.
Ce contrat qui a pour finalité de mandater Monsieur X, agent commercial français, pour prospecter et servir les clients français de la société danoise, présente un caractère d'extranéité et est donc soumis, par suite de sa ratification par les deux pays concernés, au règlement CE n° 44/2001 du Conseil de l'Union européenne du 22 décembre 2000, applicable en matière civile et commerciale, et notamment à son article 2 qui rappelle le principe selon lequel une personne est attraite en justice, quelle que soit sa nationalité, devant la juridiction de son Etat membre et à son article 23-1 qui reconnaît la compétence exclusive à la juridiction contractuellement désignée par les parties, dès lors que la convention est écrite ou est conclue sous une forme conforme aux habitudes des parties, et qui permet de déroger aux dispositions de son article 5, relatives, en matière contractuelle, à la compétence de la juridiction du lieu d'exécution de la prestation.
La clause claire, précise et non équivoque, régulièrement traduite en langue française par document annexé au contrat en langue anglaise, d'attribution de compétence à la juridiction de Copenhague est donc parfaitement opposable à Monsieur X, même si celui-ci exerçait son activité sur le territoire français et est exclusive des règles de droit internes posées par l'article 48 du Code de procédure civile, si tant est qu'il puisse être qualifié de non commerçant, ou par l'article 42 al. 2 du même code.
Il résulte en effet de la combinaison de ces deux articles, transposée dans l'ordre international, que si le demandeur peut assigner, en cas de pluralité de défendeurs, devant la juridiction où demeure l'un d'eux, malgré la clause attribuant, au profit de certains d'entre eux, compétence à une juridiction étrangère, c'est à la condition toutefois qu'il y ait indivisibilité entre les demandes formées contre les divers défendeurs.
En l'espèce, Monsieur X qui après avoir varié dans ses prétentions, demande au final la condamnation solidaire de la société Eva Solo et de Monsieur Y uniquement à des dommages intérêts pour rupture brutale et vexatoire, ne caractérise pas cette indivisibilité, qui résulte, en apparence seulement, de la demande de condamnation in solidum, alors que la faute de rupture reprochée à Monsieur Y est dénuée de fondement faute de lien contractuel entre les parties, et uniquement destinée à contourner la clause attributive de compétence.
Le jugement qui a déclaré le Tribunal de commerce de Lyon, incompétent pour statuer sur l'action dirigée par Monsieur X contre la société Eva Solo doit être confirmé mais réformé en application de l'article 96 du Code de procédure civile en ce qu'il a désigné la juridiction étrangère compétente, alors que seul le renvoi à se mieux pourvoir pouvait être ordonné.
Sur les demandes d'indemnisation dirigées contre Monsieur Y devant le Tribunal de commerce de Lyon
En application de l'article 42 du Code de procédure civile, la compétence territoriale du Tribunal de commerce de Lyon n'est pas en cause, eu égard au domicile du défendeur.
Comme déjà relevé, la demande de dommages intérêts dirigée contre celui-ci pour rupture brutale et vexatoire de relations contractuelles n'est pas sérieuse et est infondée en l'absence de lien contractuel entre Monsieur Y et Monsieur X et d'imputabilité d'une telle rupture prise unilatéralement par la société Eva Solo, sauf à démontrer une collusion fautive de Monsieur Y dans cette rupture, engageant sa responsabilité délictuelle, preuve non rapportée en l'espèce.
En souscrivant un contrat d'agent commercial auprès de la société Eva Solo sur le secteur occupé par Monsieur X, avec effet au 1er janvier 2013, comme ce dernier l'avait fait en septembre 2009, Monsieur Y n'a commis aucune faute à l'égard de ce dernier, même pendant la période de préavis, qui ne concernait que le mandant et Monsieur X, et encore moins un détournement de clientèle à son égard, puisqu'aucun d'eux n'est propriétaire de cette clientèle.
Monsieur X doit être débouté de cette demande principale qui est non simplement dénuée de sérieux comme l'a jugé le tribunal, mais qui, surtout, est infondée. En l'absence de preuve d'une autre faute délictuelle qui justifierait sa demande subsidiaire en responsabilité contre Monsieur Y, telle l'attitude de dénigrement qui lui est imputée, sans la moindre preuve, Monsieur X doit être débouté de sa demande subsidiaire en dommages intérêts.
Monsieur X doit également être débouté de ses demandes principales ou subsidiaires d'indemnité de procédure et doit être condamné à payer à la société Eva Solo une indemnité complémentaire de procédure de 4 000 euros et à Monsieur Y également de 4 000 euros, le jugement étant confirmé sur les indemnités de première instance allouées.
Faute de caractérisation de la faute qu'aurait commise Monsieur X dans le fait d'interjeter appel d'une décision de justice qui n'a pas fait droit à ses demandes, les intimés doivent être déboutés de leur demande de dommages intérêts pour procédure abusive.
Par ces motifs : LA COUR, statuant contradictoirement, Dit n'y avoir lieu de rejeter les dernières écritures de la société Eva Solo déposées avant la clôture; Déclare Monsieur Roberto X irrecevable en son exception d'incompétence subsidiaire au profit du conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence ; Confirme le jugement entrepris du tribunal de commerce, - en ce qu'il s'est déclaré territorialement incompétent pour statuer sur les demandes dirigées contre la société Eva Solo, - en ses dispositions sur les indemnités de procédure mises à la charge de Monsieur Roberto X au profit de la société Eva Solo et de Monsieur Frédéric Y et sur le sort des dépens ; L'infirme pour le surplus ; Et statuant à nouveau, Renvoie Monsieur Roberto X à se mieux se pourvoir à l'encontre de la société Eva Solo ; Déboute Monsieur Roberto X de ses demandes principale et subsidiaire dirigées contre Monsieur Fréderic Y ;Y ajoutant, Condamne Monsieur Roberto X à payer respectivement à la société Eva Solo et à Monsieur Fréderic Y, une indemnité de procédure de 4000 euros ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne Monsieur Roberto X aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.