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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 20 janvier 2017, n° 14-24824

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Prop'hotel (SARL)

Défendeur :

DG Urbans (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mme Lis Schaal, M. Thomas

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Szwarc, Szleper

T. com. Marseille, du 7 oct. 2014

7 octobre 2014

Faits et procédure

En exécution d'un jugement rendu le 21 mai 2010 par le Tribunal de commerce de Montpellier, le contrat de prestations de services de " maintenance hôtelière " (n° 07 0898) signé le 6 août 2007 entre l'hôtel-résidence Grand Angle à Montpellier, de 99 chambres, et l'EURL Prop'Hotel s'est poursuivi avec la SARL DG Urbans (Urbans), nouvel acquéreur après la reprise de l'établissement hôtelier nouvellement dénommé " Villa Bellagio ". La société Urbans l'a résilié par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 janvier 2013, à effet du 18 janvier 2013.

Se prévalant de factures demeurées impayées, la société Prop'Hotel a, par lettre recommandée du 11 janvier 2013, mis la société Urbans en demeure de payer les sommes dues et, en l'absence donnée par la débitrice, a, par lettre recommandée du 18 janvier 2013 invoquant l'article 11 des conditions générales, notifié la suspension, le jour-même, des prestations jusqu'au paiement. Le 20 février 2013, la société Prop'Hotel a obtenu du président du Tribunal de commerce de Montpellier une ordonnance enjoignant à la société Urbans de payer à la société Prop'Hotel la somme principale de 18 937,44 euros correspondant au total des factures impayées de novembre et décembre 2012 et de janvier 2013. Saisi sur le fond par l'opposition émise dans les délais par la société Urbans, le Tribunal de commerce de Montpellier a condamné cette dernière à payer à la société Prop'Hotel ladite somme principale, par jugement du 26 mars 2014, confirmé par arrêt du 6 octobre 2015 de la Cour d'appel de Montpellier.

Le 8 avril 2013, la société Prop'Hotel a attrait la société Urbans devant le Tribunal de commerce de Marseille sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce en réparation du dommage résultant d'une rupture brutale des relations commerciales, en sollicitant l'allocation des indemnités d'un montant de 65 039,03 euros au titre de la rupture et de 20 000 euros au titre du préjudice d'image, outre l'indemnisation des frais irrépétibles. La société Urbans ayant décliné la compétence territoriale de la juridiction consulaire phocéenne, le Tribunal de commerce de Marseille s'est déclaré compétent par jugement avant dire droit du 15 octobre 2013 et l'instance a été reprise au fond à partir du 14 mars 2014.

S'opposant aux prétentions de la demanderesse, en soutenant notamment que le maintien du lien contractuel était devenu impossible en raison des comportements de la société Prop'Hotel, la société Urbans a reconventionnellement sollicité une indemnité d'un montant de 20 000 euros de dommages et intérêts, outre l'indemnisation de ses frais non compris dans les dépens.

Par jugement contradictoire du 7 octobre 2014, le Tribunal de commerce de Marseille a débouté la société Prop'Hotel de ses demandes et la société Urbans de sa demande reconventionnelle, la société Prop'Hotel étant condamnée à verser à la société Urbans la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La société Prop'Hotel a régulièrement interjeté appel le 8 décembre 2014. L'instruction de l'affaire a été clôturée par l'ordonnance du 29 septembre 2016 (13h30) du magistrat de la mise en état.

Vu les conclusions de procédure transmises par le RPVA le 6 octobre 2016 par l'intimée qui prétend que les conclusions de l'appelante télé-transmises le matin de l'ordonnance de clôture ne lui ont pas été communiquées en temps utile et qui demande :

- à titre principal, de les déclarer irrecevables en ce compris les deux pièces [n° 35 et 36] les accompagnants ;

- subsidiairement, de révoquer l'ordonnance de clôture et de prononcer la réouverture des débats ;

Vu les conclusions de procédure en réponse transmises par le RPVA le 21 octobre 2016 par l'appelante qui demande le rejet de l'incident en soutenant qu'il est admis que les écritures déposées le jour de la clôture sont recevables et en faisant valoir que les siennes litigieuses du 29 octobre 2016 se bornent à produire deux pièces de procédure, soit l'arrêt du 6 octobre 2015 de la cour d'appel de Montpellier antérieurement intervenu entre les mêmes parties et la sommation de communiquer antérieurement délivrée à la société Urbans restée sans réponse ;

Vu les dernières écritures de fond (conclusions n° 3) transmises par le RPVA le 29 septembre 2016 par la société Prop'Hotel, appelante, réclamant la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant l'infirmation du jugement en renouvelant les demandes antérieurement formulées en première instance ;

Vu les dernières conclusions de fond transmises par le RPVA le 27 juillet 2016 par la société Urbans, intimée, réclamant la somme de 6 000 euros également au titre des frais irrépétibles et poursuivant :

- à titre principal, la confirmation du jugement sauf à le réformer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en sollicitant à nouveau l'allocation de la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts ;

- subsidiairement, le rejet des demandes de la société Prop'Hotel en observant que, fondée sur l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce, son action est de nature quasi-délictuelle et qu'elle ne justifie pas ni d'un lien de causalité entre le dommage allégué et la faute prétendue d'autant qu'elle a elle-même volontairement suspendue l'exécution de ses obligations, ni du montant des préjudices, celui d'image n'étant pas davantage établi ;

MOTIFS

Sur l'incident

Considérant, outre que l'intimée n'a pas sollicité le report de l'ordonnance de clôture avant le prononcé effectif de celle-ci, que, par rapport aux conclusions immédiatement antérieures signifiées le 15 juin 2015, les conclusions du 29 septembre 2016 (10h45) de la société Prop'Hotel ne comportent que 32 lignes nouvelles environ sur une douzaine de pages utiles, se rapportant exclusivement à l'arrêt prononcé le 6 octobre 2015 par la cour d'appel de Montpellier entre les mêmes parties, de sorte que la société Urbans a eu le temps matériel d'en prendre connaissance et, le cas échéant, d'y répondre avant le prononcé effectif de la clôture de l'instruction ;

Que l'incident soulevé par l'intimée sera rejeté ; que les conclusions du 29 septembre 2016 de l'appelante sont maintenues au dossier ;

Sur le fond

Considérant que le litige sur le règlement des factures arriérées et les manquements contractuels qui pouvaient éventuellement justifier des défauts et retards de paiement ont fait l'objet d'une précédente instance ayant abouti à l'arrêt du 6 octobre 2015 de la Cour d'appel de Montpellier, dont il n'est pas contesté qu'il est aujourd'hui définitif ;

Que les conséquences des retards de paiement et les défauts d'exécution des prestations de ménage ayant déjà été jugés, leur invocation est inopérante dans la présente instance ;

Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie

Considérant que le présent litige porte uniquement sur la rupture de la relation contractuelle existante depuis le 6 août 2007, résultant des messages adressés par la société Urbans à la société Prop'Hotel, soit :

- d'une part, la lettre recommandée AR du 22 janvier 2013 interrompant toute collaboration à compter du 18 janvier 2013 ;

- d'autre part, le courriel du 22 janvier 2013 (22h26) interdisant l'accès de l'établissement hôtelier au personnel de l'entreprise de nettoyage ;

Considérant que, faisant état de la tentative de reprendre l'accomplissement des prestations dès le 23 janvier 2013 et du refus d'accès à l'établissement hôtelier, la société Prop'Hotel estime que la résiliation du contrat a été motivée :

- non par une prétendue mauvaise exécution des prestations de maintenance hôtelière,

- mais exclusivement en raison de la suspension des prestations le 18 janvier 2013, laquelle était justifiée par l'application de l'article 11 du contrat ;

Qu'elle invoque la relation commerciale ancienne de plus de cinq années au jour de la rupture en estimant qu'elle aurait dû bénéficier d'un préavis d'au moins trois mois, tout en faisant observer que la période contractuelle en cours tacitement reconduite aurait dû expirer en août 2013 ;

Que la société Urbans, intimée, allègue " de graves manquements contractuels " et invoque notamment les agissements du gérant de la société Prop'Hotel qui s'est livré (selon l'intimée) à une campagne d'intimidation et à des voies de fait rendant impossible la continuation des relations commerciales en justifiant l'absence de préavis ;

Mais considérant que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dispose aussi, dans sa version applicable à l'époque des faits, qu'il ne fait pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ;

Que la rupture notifiée le 23 janvier 2013 n'est pas seulement une réaction à la suspension des prestations de ménage le 18 janvier 2013, et que si la lettre du 23 janvier 2013 de la société Urbans fait état de l'interruption des travaux de nettoyage, elle vise également " le non-respect des obligations " par l'entreprise de nettoyage en ayant été complétée le jour-même par le courriel adressé en soirée faisant état des incidents ayant émaillés la journée du 23 janvier 2013 en citant la version du personnel d'accueil de l'hôtel transmis le jour même par courriel à sa direction générale à Paris ;

Qu'il résulte :

- tant de la teneur de ces courriels versés aux débats [pièce n° 7 de l'intimée],

- que des déclarations de main courante du 23 janvier 2013 (15h21 et 15h38) au commissariat de police de Montpellier et de l'attestation écrite établie le 23 janvier 2013 par Monsieur Pascal Lopez, réceptionniste, dans les conditions des articles 200 à 203 du Code de procédure civile [pièces n° 8, 9 et 10 de l'intimée],

- que le comportement du gérant de la société Propr'Hotel a été menaçant, grossier, voire psychologiquement violent envers le personnel d'accueil de l'hôtel Bellagio ;

Qu'en se bornant à dénier toute valeur probante aux déclarations de main courante, l'appelante ne rapporte pas pour autant la démonstration que les déclarations ci-dessus rappelées effectuées auprès de l'autorité de police seraient mensongères, ce qui enlève toute crédibilité à sa contestation ;

Que le comportement ainsi établi du gérant est incompatible avec les engagements de l'article 7 du contrat aux termes duquel la société Prop'Hotel s'est engagée à faire respecter par son personnel (et par voie d'extension par ses mandataires et représentants) l'interdiction de provoquer des désordres sur les lieux de travail, ni de manquer de respect au personnel de l'hôtel ;

Considérant que la gravité d'une telle attitude a définitivement dégradé le climat entre les parties rendant impossible la poursuite des relations commerciales et justifiant une rupture immédiate et sans préavis de la relation d'affaires ayant antérieurement existé ; que, dès lors, le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de la société Urbans

Considérant que, faisant état des avis négatifs déposés par les clients sur les réseaux internet, la société Urbans en déduit que les manquements contractuels de la société Prop'Hotel lui ont causé " une perte considérable de clientèle ", et qu'elle demande l'indemnisation de son dommage par l'allocation d'une somme d'un montant de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Mais considérant, en admettant que les faits invoqués n'aient pas déjà été jugés dans le cadre de la précédente instance ayant abouti à l'arrêt précité de la Cour d'appel de Montpellier, que, comme l'ont déjà pertinemment relevé les premiers juges, la société Urbans n'a pas versé aux débats de documents de nature à établir le bien-fondé de sa demande, le jugement devant être aussi confirmé de ce chef ;

Que, succombant dans son recours, la société Prop'Hotel ne saurait prospérer dans sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel mais qu'il serait, en revanche, inéquitable de laisser à la charge définitive de l'intimée, ceux supplémentaires qu'elle a dû exposer en cause d'appel ;

Par ces motifs, déboute la SARL DG Urbans de son incident de procédure, maintient au dossier les conclusions transmises par le RPVA le 29 septembre 2016 par l'EURL Prop'Hotel, confirme le jugement en toutes ses dispositions, condamne l'EURL Prop'Hotel aux dépens d'appel et à verser à la sarl DG Urbans une indemnité complémentaire d'un montant de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, admet Maître Katia Szleper, avocat, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.