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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 19 janvier 2017, n° 16-20056

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bardinet (SAS)

Défendeur :

PX Trading (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chevalier

Conseillers :

Mmes Bodard-Hermant, Grivel

Avocats :

Mes Chekli, Fleury, Catoni

T. com. Paris, du 12 sept. 2016

12 septembre 2016

Exposé du litige

La SAS Bardinet, dont le siège social est situé à Domaine de Fleurenne à Blanquefort dans le département de la Gironde, a pour activité la production et la commercialisation de boissons alcooliques distillées.

Au mois de juillet 2011, elle a passé une convention avec la SARL PX Trading, dont le gérant est M. Pintoux, visant à développer la commercialisation de ses produits dans plusieurs pays africains. Par courrier recommandé en date du 23 juillet 2014, la société Bardinet a informé la société PX Trading qu'elle mettait un terme à leurs relations contratuelles.

Par acte du 9 octobre 2015, la société PX Trading a fait assigner la SAS Bardinet devant le Tribunal de commerce de Paris. Elle a demandé à cette juridiction de :

- à titre principal, condamner la SAS Bardinet à lui payer, en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce à titre d'indemnité de cessation d'un contrat d'agent commercial, la somme de 67 780 euros sauf à parfaire suivant expertise en fonction des commissions occultées, ainsi que la somme de 5 000 euros pour résistance abusive, outre les intérêts légaux sur les sommes sus-énoncées à compter de la mise en demeure en date du 22 mai 2015 ;

- à défaut, condamner la SAS Bardinet à lui fournir des justificatifs comptables lui permettant de vérifier l'intégralité des commissions qui lui sont dues pendant la période contractuelle, ces justifications devant être déclarées exhaustives par le commissaire aux comptes ou l'expert-comptable de cette dernière ;

- en application de l'article R. 134-3 du Code de commerce, ordonner une expertise pour définir le montant des commissions occultées et vérifier le compte des commissions qui lui sont dues ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

La société Bardinet, in limine litis, a soulevé l'incompétence territoriale du Tribunal de commerce de Paris au profit du Tribunal de commerce de Bordeaux.

Par jugement contradictoire prononcé le 12 septembre 2016, le Tribunal de commerce de Paris a rejeté cette exception d'incompétence comme non fondée et a renvoyé les parties à une audience au fond.

Par acte déposé au greffe du tribunal de commerce le 27 septembre 2016, la société Bardinet a formé un contredit à l'encontre de cette décision. L'affaire a été inscrite au rôle de l'audience du 8 décembre 2016.

La SAS Bardinet, reprenant oralement les conclusions qu'elle a déposées au greffe, a demandé à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 12 septembre 2016 par le Tribunal de commerce de Paris ;

- dire que le Tribunal de commerce de Bordeaux est seul compétent pour statuer sur les demandes formées par la SARL PX Trading contre elle et renvoyer la cause et les parties devant cette juridiction.

Elle a fait soutenir en substance les arguments suivants :

- la société PX Trading prétend à tort avoir exercé pour son compte l'activité d'agent commercial mais cette société n'avait pas le pouvoir de la représenter ; elle n'a jamais négocié ni conclu aucun contrat pour son compte ; elle n'a fait que rencontrer des prospects en Afrique et lui transmettre leurs coordonnées ;

- le tribunal compétent pour connaître de leur différend, en application de l'article 42 du Code de procédure civile, est celui dans le ressort duquel elle a son siège, c'est-à-dire le Tribunal de commerce de Bordeaux ;

- les dispositions de l'article 46 du Code de procédure civile aboutissent également à attribuer à cette juridiction compétence pour connaître du litige, le lieu d'exécution de la prestation de services étant celui où les services ont été ou devaient être fournis et les prestations de M. Pintoux consistant à fournir des informations, transmises par Internet, elles n'étaient pas fournies nécessairement depuis le siège social de PX Trading.

La SARL PX Trading, reprenant également les écritures qu'elle a fait remettre à l'audience, a demandé à la cour de débouter la SAS Bardinet de son contredit de compétence, de confirmer le jugement entrepris et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle a fait valoir en résumé ce qui suit :

- elle a exercé au profit de la SAS Bardinet l'activité d'agent commercial parce qu'elle a négocié les commandes avec les clients africains ; le fait qu'elle n'a pas négocié les prix est inopérant au regard du sens du mot "négocier" et des dispositions de l'article L. 134-1 du Code de commerce ; l'arrêt en sens contraire de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 27 avril 2011 repose sur une dénaturation de ce terme ;

- PX Trading avait la possession d'état d'agent commercial, elle était immatriculée au registre spécial des agents commerciaux et elle a passé des contrats en cette qualité avec d'autres mandants ;

- la SAS Bardinet ne propose aucune autre qualification du contrat conclu entre elles ; les intermédiaires de commerce chargés de visiter la clientèle en vue d'obtenir des commandes sont soit des VRP lorsqu'ils sont payés à la commission, soit des agents commerciaux devant bénéficier de la protection d'ordre public des articles L. 134-1, R. 134-3 et R. 134-4 du Code de commerce ;

- dans sa lettre de rupture du 23 juillet 2014, la SAS Bardinet reconnaît que PX Trading avait cette qualité ;

- selon la jurisprudence, le lieu d'exécution de la prestation de services fournie par un agent commercial est celui où il a son domicile professionnel.

Sur ce, LA COUR

Le contredit de la SAS Bardinet a été présenté dans les conditions de forme et de délai prévus par l'article 82 du Code de procédure civile. Il est donc recevable.

Si, en application de l'article 42 du Code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est celle du lieu où demeure le défendeur, l'article 46 du même Code permet de déroger à cette règle en matière contractuelle et autorise le demandeur à porter son action devant la juridiction du lieu de l'exécution de la prestation de services.

La SARL PX Trading a saisi le tribunal de commerce d'une demande en paiement d'une indemnité de cessation de contrat d'agent commercial et d'une demande d'expertise visant à déterminer le montant des commissions qui lui restent dues en vertu de ce contrat.

Dans l'affaire en examen, il est constant que la SARL PX Trading et la SAS Bardinet ont conclu un contrat ayant pour objet de développer la vente des produits de cette dernière dans plusieurs pays africains.

La SARL PX Trading était donc fondée à choisir de porter son action devant le tribunal compétent en application de l'article 46 du Code de procédure civile.

Les parties s'opposent sur le point de savoir si le contrat qui les lie a conféré à celle-ci la qualité d'agent commercial.

Le tribunal de commerce, dans le jugement frappé de contredit, ne s'est pas prononcé sur ce point. Il a fondé sa décision sur les motifs suivants : la société PX Trading effectuait pour la SAS Bardinet des prestations de services commerciales ; les zones couvertes par ces prestations étaient certains pays d'Afrique ; elles étaient rémunérées par une commission de 10 % et effectuées par une seule personne M. Pintoux ; il est ainsi raisonnable de considérer que ce dernier réalisait de nombreuses activités à partir de son siège à Paris, comme la préparation des voyages en Afrique et les échanges par mail.

Le tribunal de commerce a relevé également que la SAS Bardinet ne justifiait aucunement que les prestations de M. Pintoux étaient réalisées à son siège à Bordeaux.

En l'état des pièces produites et des débats, la cour ne dispose pas non plus de tous les éléments d'appréciation pour statuer sur le point de savoir si le contrat litigieux conférait à la SARL PX Trading la qualité d'agent commercial, ce point constituant l'une des questions de fond du litige entre les parties.

Pour autant, en l'état des pièces produites et des débats, il doit être retenu les éléments suivants, qui présentent un caractère déterminant pour la solution du contredit en examen :

- la SARL PX Trading, dont le siège social est situé 2 rue Scheffer à Paris 16e, exerce son activité uniquement par l'intermédiaire de son gérant M. Pintoux ;

- au vu du message électronique adressé à celui-ci par M. Lacombe, salarié de la SAS Bardinet, en date du 6 juillet 2011, celle-ci a confié à M. Pintoux la mission de diffuser les produits de la SAS Bardinet en Guinée Conakry, en Sierra Leone, au Liberia, au Tchad, en République Centrafricaine, en Guinée Equatoriale et en Angola, moyennant une commission de 10 % incluse dans le tarif 2011 joint à ce message ;

- ainsi qu'il résulte du message électronique adressé par M. Lacombe à M. Pintoux en date du 12 juillet 2013, les prestations effectuées par ce dernier en exécution de la convention passée entre eux ont consisté en un apport de contacts clients, des visites et des rendez-vous avec des clients sur zone et une présentation de produits ; en plus de ces prestations communes à tous les clients apportés par M. Pintoux, celui-ci a, vis-à-vis de certains clients, assuré également la prise de commandes ainsi que le suivi des livraisons et le suivi des paiements.

Il s'ensuit que les prestations fournies par la SARL PX Trading ne se sont pas limitées à fournir à la SAS Bardinet une liste d'acheteurs potentiels mais ont consisté dans certains cas à assurer la prise de commandes ainsi que le suivi des livraisons et le suivi des paiements.

Au regard de ces considérations, le premier juge a retenu à bon droit que l'essentiel des prestations fournies par la SARL PX Trading devaient être considérées l'avoir été à partir de son siège social, ce siège étant le lieu dans lequel M. Pintoux effectuait ses recherches de clients potentiels et préparait ses voyages et ses rencontres avec eux.

A l'encontre de cette analyse, la SAS Bardinet indique que la notion de lieu où les services ont été ou auraient dû être fournis doit être interprétée par référence aux dispositions de l'article 5 du règlement (CE) n° 44/2001.

Cet argument n'est pas fondé. D'une part, le règlement n° 44/2001 a été abrogé par le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, lequel est applicable aux actions introduites à compter du 10 janvier 2015. D'autre part, l'article 7 du règlement n° 1215/2012, qui correspond à l'article 5 du règlement n° 44/2001, s'applique lorsqu'il s'agit, en matière contractuelle, d'assigner une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre devant la juridiction d'un autre Etat membre. Tel n'est pas le cas dans le litige en examen.

Au vu de ces considérations, le contredit doit être déclaré recevable mais non fondé. L'équité commande de décharger la SAS PX Trading des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû engager dans le cadre du présent litige et de lui allouer ainsi, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 1 500 euros. La SAS Bardinet, qui succombe à cette instance, devra supporter les frais du contredit.

Par ces motifs : Déclare recevable mais non fondé le contredit formé par la SAS Bardinet ; Condamne la SAS Bardinet à payer à la SARL PX Trading la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les frais du contredit.