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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 17 juin 2010, n° 09-02314

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Espace B & O (SARL)

Défendeur :

A & Olufsen France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maron

Conseillers :

Mmes Brylinski, Beauvois

Avoués :

SCP Jullien Lecharny Rol Et Fertier, SCP Keime Guttin Jarry

Avocats :

Mes Delecroix, Piessen

T. com. Nanterre, du 13 janv. 2009

13 janvier 2009

Faits et procédure

La SAS A... & Olufsen France commercialise en France une gamme complète d'équipements de hi-fi, de téléviseurs et de téléphones très haut de gamme fournis par sa société mère, la société danoise A... & Olufsen A/S.

Cette commercialisation est assurée à travers un réseau de distributeurs agréés indépendants, tous signataires d'un Contrat Européen de Distribution Sélective à durée indéterminée ; chaque distributeur agréé opte pour l'un des trois degrés d'implication dans la promotion de la marque et en fonction de la catégorie choisie, s'engage à respecter des normes qualitatives définies et bénéficie de conditions tarifaires particulières.

Pour chaque saison (du 1er juin au 31 mai), A... & Olufsen France établit des Conditions Commerciales définissant et actualisant les différentes catégories de remise et leurs conditions d'octroi, les modalités de financement des activités marketing et " retail " (publicité coopérée), les conditions de paiement des factures, les conditions générales de vente (commande, réserve de propriété, prix, livraison, garanties et autres).

Les Conditions Commerciales pour les saisons de 2003/2004 jusqu'à 2006/2007 prévoyaient des remises qualitatives payées trimestriellement sous forme d'avoir, dont l'octroi était conditionné par le respect des conditions commerciales dans leur ensemble et des conditions spécifiques, à savoir une remise " formation ", une remise " système d'information " et une remise " informations financières et commerciales ", chacune au taux de 2,5%.

Depuis 1989, la SARL Espace B & O animée par Monsieur D... C... est distributeur à Toulouse, exploitant un magasin classé dans la plus haute catégorie B1.

Se plaignant de pratiques discriminatoires à son égard caractérisées notamment pas la suppression de remise qualitative, la livraison tardive d'un modèle d'exposition d'un nouveau téléviseur, le défaut d'invitation à une réunion d'information, Espace B & O a assigné A... & Olufsen France aux fins de la voir condamner au paiement de diverses sommes en réparation de son préjudice.

Le Tribunal de commerce de Nanterre, par jugement rendu le 13 janvier 2009, a débouté la SARL Espace B & O de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamnée au paiement, à la SAS A... & Olufsen France, de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La SARL Espace B & O a interjeté appel et, aux termes de ses dernières écritures en date du 17 février 2010, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés, demande à la cour, infirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de condamner la SAS A... & Olufsen France à lui payer les sommes de :

- 14 889,89 € au titre de la remise qualitative ;

- 6 398,94 € au titre de la retenue formation ;

- 2 500 € au regard du comportement abusif de la SAS A... & Olufsen France concernant l'affectation de la remise qualitative litigieuse ;

- 15 000 € en réparation du préjudice de gestion de la société supporté par la SARL Espace B & O en raison et à la suite du licenciement de Monsieur B... ;

- 12 745,77 € au titre des commandes annulées ;

- 22 559 € au titre de la perte d'une chance de vendre cinq téléviseurs " beovision 7-40 " de plus ;

- 15 000 € en réparation du préjudice résultant de la perte d'un client et de l'atteinte à la notoriété ;

- 2 500 € pour refus d'invitation à la réunion commerciale du 24 octobre 2005.

Elle sollicite en outre la condamnation de la SAS A... & Olufsen France au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La SAS A... & Olufsen France, aux termes de ses dernières écritures en date du 4 mars 2010, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés, conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et au rejet de l'ensemble des prétentions de la SARL Espace B & O ; elle sollicite la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 12 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

DISCUSSION

Sur le fondement juridique de l'action

Espace B & O expose qu'en dépit de ses excellents résultats depuis de nombreuses années, A... & Olufsen France multiplie les mesures discriminatoires à son encontre, par mesure de rétorsion et dans le but apparent de se débarrasser d'un distributeur devenu gênant, en raison de ce qu'elle fait partie du groupe de distributeurs ayant obtenu la condamnation de A... & Olufsen France pour de nombreuses autres pratiques déloyales et discriminatoires.

Elle fonde exclusivement son action sur les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de Commerce, à titre principal dans sa version antérieure à la loi n°2008-776 du 4 août 2008.

Elle fait valoir que seule l'action du ministère de l'économie prévue par l'article L. 442-6 III, autonome, constitue une action répressive pouvant conduire au prononcé d'une amende civile assimilée à une sanction pénale et que l'abrogation de cette sanction par la loi du 4 août 2008 semblerait justifier l'application rétroactive de la loi, mais seulement à ce titre ; en revanche, elle-même exerce une action en responsabilité délictuelle pour obtenir réparation de son préjudice, et par référence aux règles de droit commun de l'application de la loi dans le temps, seul l'article L. 442-6 I en sa version en vigueur à la date des faits dommageables a vocation à s'appliquer ; subsidiairement, elle considère que son action serait en tout état de cause bien fondée au regard des nouvelles dispositions du même article telles que résultant de la loi n°2008-776 du 4 août 2008, les discriminations étant toujours condamnables en vertu de cette dernière disposition dès lors qu'elles constituent un abus de puissance d'achat.

A... & Olufsen France soutient que l'article 93 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 dite de modernisation des relations commerciales est venue abroger purement et simplement les dispositions de l'article L. 442-6 I 1° qui sanctionnaient per se les pratiques discriminatoires, dont le non-respect exposait jusqu'alors au prononcé de sanctions civiles, parmi lesquelles une amende civile qui revêt les caractéristiques d'une peine répressive ; les principes gouvernant l'application de la loi dans le temps doivent recevoir une interprétation et une application uniques et en conséquence aucune distinction ne doit être opérée, entre l'action civile de la victime des pratiques et celle introduite par le ministre de l'Economie ou le Ministère public sur le fondement de l'article L. 442-6 III du Code de commerce ; le principe de la rétroactivité in mitius commande qu'il soit fait application des nouvelles dispositions de l'article L. 442-6 résultant de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 à la présente instance.

Espace B & O exerce exclusivement une action en responsabilité quasi délictuelle à l'encontre de A... & Olufsen France, à laquelle elle reproche des pratiques discriminatoires commises en 2005 et 2006, pour obtenir réparation de préjudices en étant résultés ; l'article L. 442-6 I 1°sur lequel elle fonde son action est nécessairement applicable au présent litige en sa version en vigueur à la date des faits reprochés, antérieure à la loi n°2008-776 du 4 août 2008, qui dispose que ' Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de : 1° pratiquer, à l'égard d'un partenaire économique, ou d'obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence'.

Sur la remise qualitative liée aux systèmes d'information

Espace B & O reproche à A... & Olufsen France de l'avoir privée de la remise qualitative liée au taux d'enregistrement des garanties dans le délai d'un mois suivant la vente des produits aux consommateurs.

Elle fait valoir que A... & Olufsen France n'a pas accès au système informatique relatif à la facturation des distributeurs à leurs clients, de sorte qu'elle ne peut connaître la date à laquelle les produits sont vendus au client et les éléments essentiels lui permettant de mesurer le taux d'enregistrement des garanties ; elle en déduit l'emploi par A... & Olufsen France de critères subjectifs et occultes dépendant de sa seule volonté sans aucune contrepartie réelle à sa charge.

Elle souligne qu'elle a toujours pleinement respecté les conditions d'enregistrement des garanties lui permettant de prétendre au bénéfice de la remise, que cette conformité a pu être vérifiée par un employé de A... & Olufsen France qui a communiqué à cette dernière les conclusions de son constat.

Elle considère que A... & Olufsen France, qui ne produit pas les décomptes permettant de démontrer le taux d'enregistrement insuffisant, se garde bien d'informer ses distributeurs des modalités exactes de calcul, et que le taux d'enregistrement de garantie finalement indéterminable n'est qu'un prétexte permettant à A... & Olufsen France d'attribuer ou non de façon arbitraire et discriminatoire la remise qualitative litigieuse.

Elle demande réparation du préjudice correspondant à la privation de la remise s'élevant à la somme de 14 889,89 €.

Elle soutient que le harcèlement de A... & Olufsen France par de nombreux courriers sur la prétendue faiblesse du taux d'enregistrement lui a causé un préjudice complémentaire à hauteur de la somme de 2 500 €.

Elle prétend que l'exploitation étant devenue plus difficile et son expert-comptable ayant préconisé une réduction de ses charges structurelles, elle a été contrainte de proposer à son vendeur une réduction de 1% de ses commissions, mais qu'en raison du refus opposé elle a été contrainte de licencier celui-ci ; qu'en raison des délais nécessaires à la formation de son successeur et de la baisse du chiffre d'affaires en grande partie générée par ce plus ancien et meilleur vendeur, elle a subi un préjudice dans l'organisation de sa structure, justifiant l'allocation d'une indemnité de 15 000 €.

A... & Olufsen France considère ne s'être rendue coupable d'aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard d'Espace B & O sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce invoqué par cette dernière.

Elle fait valoir que le mécanisme d'octroi de la Remise Qualitative liée aux Systèmes d'Informations prévu par l'article 1.4.2 des Conditions Commerciales pour la saison 2004/2005 et 2005/2006 repose sur des données et des règles de calcul parfaitement objectives, qui sont les mêmes pour tous les distributeurs du réseau A... & Olufsen ; Espace B & O n'a pas rempli les conditions d'octroi de la Remise Qualitative liée aux Systèmes d'Informations pour le troisième trimestre et le quatrième trimestre de la saison 2005/2006 ; elle ne démontre pas la réalité du prétendu préjudice lié au " comportement abusif " de A... & Olufsen France ni du prétendu préjudice " de gestion de la société ", les préjudices allégués étant en tout état de cause dépourvus de tout lien de causalité avec la prétendue faute reprochée à A... & Olufsen France.

L'article 1.4.2 des Conditions Commerciales éditées pour chaque saison (du 1er juin au 31 mai) impose à chaque distributeur, sous l'intitulé " systèmes d'informations ", l'obligation d'utiliser tous les systèmes d'informations, procédures et règles électroniques développées par A... & Olufsen, pour la gestion des commandes, de la relation, de l'Information et du point de vente, la planification et l'exécution du Plan de Marketing, et la gestion de l'enregistrement des garanties. En ce qui concerne le processus d'enregistrement des garanties, le distributeur est responsable de la collecte des informations, de leur saisie et de l'envoi des enregistrements de garantie de tous les produits vendus ; il est responsable des changements de coordonnées qui pourraient intervenir après l'enregistrement des garanties et de la mise à jour des informations auprès de A... & Olufsen, et doit impérativement saisir au moins 90% des enregistrements de garantie dans le délai maximal d'un mois à partir de la date d'achat du produit par le consommateur, à l'aide des outils électroniques mis à disposition des distributeurs par A... & Olufsen".

L'article 1.4. pour les saisons 2004/2005 et 2005/2006 prévoit une remise de 2,5% sur le volume d'achats réalisés par trimestre, conditionnée par le respect de ces obligations.

Espace B & O ne produit aucune pièce concernant l'organisation de son commerce, l'effectif de son personnel, l'importance du chiffre d'affaires réalisé grâce à Monsieur B... qu'elle a licencié, et l'évolution de son chiffre d'affaires après ce licenciement, le remplacement effectif de ce dernier. Elle a adressé à Monsieur B... le 21 avril 2006 un courrier l'informant de ce qu'elle se proposait de modifier les modalités de sa rémunération fixée en fonction de ses ventes à hauteur de 3% brut, pour ramener ce pourcentage à 2%, l'invitant à prendre position dans le délai d'un mois. ; mais les pièces produites aux débats démontrent que le départ de Monsieur B... n'est pas lié à un constat par ce dernier de la rupture de son contrat de travail, mais au fait que Espace B & O a pris la décision de le licencier en juin 2006, pour faute grave, au motif qu'en présence de clients dans le magasin il avait proféré des propos inadmissibles tels que " je n'ai rien à foutre de ton problème avec A... et Olufsen France " sur un ton menaçant le doigt pointé vers le directeur, et a par la suite refusé de revenir sur ses propos et n'a manifesté aucun regret.

Au regard des éléments produits elle ne justifie pas d'un préjudice complémentaire de gestion tel qu'allégué à hauteur de la somme de 15 000 €.

Les remises supprimées au titre des 3ème et 4ème trimestres de la saison 2005/2006 se seraient élevées à la somme non discutée de 14 889,89 €.

A... & Olufsen France en a supprimé à Espace B & O le bénéfice aux motifs que le taux d'enregistrement des garanties de 90% n'était pas atteint; cette décision a été prise à la suite de plusieurs avertissements auxquels Espace B & O a répondu, les multiples correspondances échangées s'apparentant à un dialogue de sourds.

L'objectif imparti étant de saisir au moins 90% des enregistrements de garantie dans le délai maximal d'un mois à partir de la date d'achat du produit par le consommateur, Espace B & O utilisant les données enregistrées sur le système " ROS " du réseau, dont elle dispose à son niveau local, vérifie son taux d'enregistrement en se référant aux ventes qu'elle a réalisées auprès de ses clients ; deux constats tels qu'établis ponctuellement par huissier, ainsi que d'une vérification opérée par l'animateur commercial régional A... & Olufsen en mai 2006 que par référence à ces éléments, font ressortir que le taux de 90% ainsi calculé était atteint.

A... & Olufsen France expose de façon détaillée la procédure suivie, consistant pour chaque trimestre le taux d'enregistrement atteint et en cas de difficulté à avertir son distributeur pour ne supprimer la remise qu'en cas de persistance de l'insuffisance de taux ; pour la vérification du taux réalisé par un distributeur, elle procède en comparant le nombre d'enregistrements de garantie, par référence non pas aux ventes réalisées par le distributeur aux clients, mais aux commandes passées par celui-ci auprès d'elle ; la différence de taux obtenus entre ces deux méthodes trouve plusieurs explications relevées par le cadre commercial A... & Olufsen en mai 2006, dont notamment le fait que Espace B & O constitue des stocks de sorte que certaines marchandises commandées à A... & Olufsen France faute d'avoir été vendues ne peuvent être enregistrées en garantie.

Le constat opéré à la requête de A... & Olufsen France démontre que le calcul du taux d'enregistrement des garanties est opéré automatiquement à partir des données enregistrées sur ROS, système informatique en vigueur dans le réseau dont l'utilisation est imposée de façon uniformisée à tous les distributeurs. Ce calcul apparaît sur un tableau reprenant pour chaque mois dans une colonne le nombre de produits achetés, dans une seconde le nombre de garanties enregistrées et dans une troisième le taux calculé ; ce tableau, s'il peut être édité en sélectionnant chaque distributeur individuellement, ressort au préalable pour tous les distributeurs regroupés sous un même directeur régional.

Il apparaît ainsi que le critère de référence pour le calcul du taux appliqué par A... & Olufsen France, quand bien même il s'avérerait en réalité inadapté, est néanmoins objectif et appliqué de façon systématisée et uniforme pour tous les distributeurs ; il n'existe pas le moindre indice de ce que A... & Olufsen France, dans l'octroi ou la suppression de la remise qualitative prévue, aurait, en dépit de constatations identiques, procédé à une application différenciée entre certains distributeurs et en particulier au détriment de Espace B & O.

Espace B & O qui fonde exclusivement son action sur l'article L. 442-6 I 1° du Code de commerce, reprochant à A... & Olufsen France une pratique discriminatoire à son égard au sein du réseau, doit en conséquence être déboutée de toutes ses demandes en relation avec la suppression de la prime qualitative.

sur la remise qualitative formation

Espace B & O reproche à A... & Olufsen France d'avoir procédé à une retenue de 2,5% en raison de son absence à une formation " refresh " organisée entre le 16 et 20 octobre 2006, alors que d'autres distributeurs absents n'ont pas été sanctionnés de la même façon, qu'elle avait prévenu de son absence et de la raison de celle-ci imputable selon elle au comportement déloyal de A... & Olufsen France.

Elle demande en conséquence indemnisation à hauteur de la retenue opérée soit 6 398,94 €.

A... & Olufsen France soutient que Espace B & O ayant décidé de ne pas participer à la formation organisée par A... & Olufsen France n'a pas rempli les conditions d'octroi de la Remise Qualitative Formation pour le deuxième trimestre de la saison 2006/2007, de sorte qu'elle-même ne s'est rendue coupable d'aucune pratique " discriminatoire " à son égard et n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité.

L'article 1.4.1 des Conditions Commerciales éditées pour chaque saison (du 1er juin au 31 mai) impose à chaque distributeur, à ses frais, de participer et faire participer son personnel aux programmes de formation et de stimulation organisés auxquels il a été convié

L'article 1.4. pour les saisons 2004/2005 et 2005/2006 prévoit une remise de 2,5% sur le volume d'achats réalisés par trimestre, conditionnée par le respect de cette obligation. Il n'est nullement fait référence au caractère justifié, excusé ou excusable de l'absence comme critère à prendre en considération.

Il est constant que Espace B & O, en litige avec A... & Olufsen France sur la remise qualificative systèmes d'information, a refusé de participer à une formation " refresh " organisée du 16 au 20 octobre 2006.

La condition d'octroi de la remise pour formation n'était objectivement pas remplie, et Espace B & O ne produit pas le moindre commencement de preuve que la sanction de la privation de cette remise lui aurait été appliquée de façon discriminatoire ; le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur le retard de livraison du modèle d'exposition

Espace B & O expose que les distributeurs devaient tous recevoir à compter du 8 novembre 2005 un modèle d'exposition du nouveau téléviseur " beovision 7-40 ", de haute technologie à fort potentiel commercial et vivement attendu par les clients de la marque, mais qu'elle n'a reçu livraison de ce produit que 15 jours après d'autres distributeurs de la région ouest tels que ceux de Rennes et la Rochelle pourtant situés dans une catégorie inférieure.

Elle prétend que seuls les douze distributeurs ayant initié des procédures contre A... & Olufsen France, dont elle fait partie, ont subi un tel retard de livraison ; que compte tenu de l'expérience et de l'organisation de A... & Olufsen France dans le lancement simultané d'opérations commerciales, ce retard de livraison ne peut s'expliquer autrement que par une intention de nuire.

Elle fait valoir qu'en raison de ce retard deux commandes de ce modèle ont été annulées et un client n'a pas donné suite à un devis, en conséquence de quoi elle a subi une perte de marge de 10 657 € HT (12 745,77 € TTC) ; qu'elle aurait pu vendre au moins cinq téléviseurs de plus avec les accessoires générant une marge brute de 22 559 € TTC, ce qui justifie l'allocation de cette somme en réparation du préjudice résultant d'une perte de chance ; que par ailleurs elle a subi une atteinte à sa réputation commerciale auprès de ses clients justifiant l'allocation de la somme de 15 000 €.

A... & Olufsen France prétend qu'en application des dispositions des Conditions Commerciales applicables pour la saison 2005/2006, les délais de livraison sont communiqués par A... & Olufsen France à ses distributeurs à titre indicatif ; elle a informé ses distributeurs le 24 octobre 2005 de ce que le modèle d'exposition du " beovision 7-40 " devrait être livré aux distributeurs du réseau français de distribution des produits A... & Olufsen à partir de la semaine du 7 novembre 2005, et Espace B & O a reçu livraison du modèle d'exposition le 15 novembre 2005, dans le délai indicatif communiqué, sans que A... & Olufsen France ne se soit rendue coupable d'aucune pratique discriminatoire à son égard ni d'aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité ; Espace B & O ne démontre pas la réalité du préjudice qui aurait résulté de l'annulation de deux commandes d'un " beovision 7-40 " et de la décision d'un client potentiel d'acquérir un autre produit, ni avoir réellement et sérieusement perdu une chance de vendre 5 téléviseurs de plus, et en tout état de cause ces préjudices sont dépourvus de tout lien de causalité avec la prétendue faute reprochée à A... & Olufsen France.

A... & Olufsen France avait informé l'ensemble de ses distributeurs du lancement du nouveau téléviseur " beovision 7-40 " par une note circulaire détaillée datée du 24 octobre 2005, indiquant que les commandes pouvaient être passées immédiatement et qu'à partir de la seconde semaine de novembre ils recevraient automatiquement un exemplaire de démonstration ; Espace B & O a reçu livraison de son modèle d'exposition le 18 novembre.

Espace B & O produit aux débats un courrier par lequel un client lui a notifié sa décision d'annuler sa commande de " beovision 7-40 " au motif qu'en dépit de trois passages au magasin il n'avait pu le voir en exposition.

Mais ce courrier est daté du 8 novembre, il se réfère à un bon de commande daté du 26 octobre 2005, sur lequel mention étant faite que " le client passe au magasin à partir du 4 novembre dès que nous sommes en mesure d'exposer notre premier BV 7-40 "

Elle produit également le courrier daté du 16 novembre, d'un autre client ayant annulé sa commande au motif que Espace B & O s'était engagée à lui en faire une démonstration la première semaine de novembre, qu'il ne serait pas disponible entre le 17 novembre et le 5 décembre pour venir voir le téléviseur dont l'arrivée lui était annoncée pour le 18, et qu'il préférait annuler sa commande pour se tourner vers une autre marque. Ce courrier se rapporte à un bon de commande daté du 31 octobre sur lequel mention était portée que " le client vient au magasin à partir du 3 novembre pour avoir une démonstration sur le produit et confirmer son choix. Nous devons recevoir le BV7-40 dès la première semaine de novembre ".

Les prétextes de ces deux annulations, manifestation de l'impatience particulière de deux clients, trouvent leur cause immédiate dans le non-respect du délai de présentation du modèle d'exposition tel qu'indiqué aux clients par Espace B & O, anticipant la date prévisionnelle annoncée par A... & Olufsen France dans sa circulaire, dont il n'est ni démontré ni même prétendu qu'elle aurait fait l'objet d'une annonce modificative.

Le troisième courrier produit par Espace B & O émane d'une personne pour laquelle un simple devis avait été établi et qui, étant impatient d'avoir un téléviseur LCD était allé chez un concurrent et avait trouvé un modèle sa convenance, pour un prix inférieur de près de 2/3.

Espace B & O ne produit aucun élément concernant les ventes réalisées après réception du modèle d'exposition, et n'établit pas que le seul retard de livraison du modèle d'exposition par rapport à la date prévisionnelle annoncée aurait eu d'autre conséquence qu'un simple décalage dans les passations de commandes ; elle ne produit pas davantage de justification de la marge réalisée sur chaque téléviseur vendu, qui ne peut correspondre à la simple différence entre le prix de revente au client et le prix d'achat à A... & Olufsen France ; le préjudice subi ne pourrait correspondre à la marge perdue, mais seulement à la perte d'une chance de réaliser une marge.

En tout état de cause Espace B & O n'agit pas en responsabilité contractuelle à raison de ce que A... & Olufsen France n'a pas respecté un délai de livraison auquel elle aurait été impérativement tenue, mais exerce une action en responsabilité qu'elle qualifie elle-même de délictuelle, sur le fondement exclusif de l'article L. 442-6 I 1° du Code de commerce.

Espace B & O a reçu livraison du " beovision 7-40 " d'exposition le 18 novembre.

A... & Olufsen France prétend que le 28 octobre 2005, l'usine danoise a indiqué que les produits d'exposition devraient partir de l'usine au cours de la semaine 44 (du 31 octobre au 6 novembre 2005) pour être livrés selon toute vraisemblance à partir de la semaine 45 (du 7 au 13 novembre 2005) avec un planning de livraison de 29 produits par semaine pour la France, sur une période minimum de 15 jours et que les magasins du réseau français A... & Olufsen ont reçu livraison de ce modèle au fur et à mesure et à des dates différentes, au cours des deux semaines prévues par le planning de livraison des modèles d'exposition, du 7 au 20 novembre 2005.

Elle n'en rapporte nullement la preuve, ne produisant aucune pièce se rapportant au planning tel qu'annoncé par l'usine danoise ou au planning effectif des livraisons aux distributeurs en France.

Les pièces produites aux débats par Espace B & O démontrent en revanche que les distributeurs de la Rochelle et Rennes ont été livrés de leur modèle d'exposition dès le 28 octobre et 3 novembre, et que le " beovision 7-40 " était en exposition dans le magasin de Bordeaux dès la première semaine de novembre.

Ce traitement différencié sensible, dans la livraison d'un matériel de démonstration, dans le cadre d'une opération de grande envergure attendue du public et censée être planifiée de longue date, au détriment de Espace B & O, qui ne trouve pas de justification objective à plus forte raison au regard de la classification de cette dernière au plus haut niveau B1 dans la nomenclature du réseau, doit être considérée comme relevant d'une attitude discriminatoire.

Le fait même de cette discrimination, et la différenciation péjorative perceptible par le client de Espace B & O par rapport à d'autres distributeurs du réseau, sont générateurs d'un préjudice, qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 3 000 €

Le jugement sera réformé en ce qu'il a débouté Espace B & O de l'ensemble de ses prétentions au titre de la livraison du " beovision 7-40 ".

Sur la réunion régionale du 24 octobre 2005

Espace B & O reproche à A... & Olufsen France de ne pas l'avoir conviée à une réunion d'information régionale du 24 octobre 2005 sans motif apparent alors qu'au cours d'une telle réunion sont présentés le produits développés et évoquées les stratégies de marketing ; elle fait valoir qu'agissant ainsi A... & Olufsen France cherche à l'exclure du réseau ouest, comme les distributeurs de Biarritz et Bordeaux qui font comme elle partit des distributeurs ayant engagé une action à son encontre, et que le préjudice résultant de cette privation d'information et de contacts avec les autres distributeurs justifie l'allocation de la somme de 2 500 €..

Elle considère que le tribunal a renversé la charge de la preuve en considérant que Espace B & O ne démontrait pas l'existence de manœuvre de A... & Olufsen France et du préjudice résultant du défaut d'invitation à la réunion, alors qu'elle ne peut prouver un fait négatif et qu'il revient à A... & Olufsen France de démontre qu'elle l'a invitée.

A... & Olufsen France indique que Espace B & O a été conviée à la session de formation sur les nouveaux produits organisée au siège de A... & Olufsen France à la fin du mois de novembre 2005 et a bénéficié de toute l'information nécessaire sur l'évolution des produits de la marque A... & Olufsen ; elle-même ne s'est rendue coupable d'aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard d'Espace B & O à l'occasion de la réunion régionale d'octobre 2005, et cette dernière ne démontre pas la réalité du préjudice qu'elle invoque de ce chef.

Il n'est pas contesté que Espace B & O n'a pas été conviée à la réunion régionale d'octobre 2005, sans que ce défaut puisse recevoir de justification.

A... & Olufsen France ne peut prétendre que ce défaut d'invitation à cette réunion serait dépourvu de toute incidence, sauf à considérer que cette réunion n'aurait eu aucune utilité ni intérêt. Ce genre de réunion ayant pour objet d'obtenir des informations de toute nature qui peuvent ne pas toutes se retrouver en détail sur le réseau d'information interne formalisé, et de permettre également des échanges entre distributeurs, la privation de l'occasion d'y participer, à plus forte raison non justifiée, nécessairement génératrice d'un préjudice, qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 2 500

Sur les frais et dépens

Le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais et dépens de première instance.

A... & Olufsen France supportera les dépens de première instance et d'appel, et devra verser à Espace B & O une indemnité de procédure qu'il convient de fixer à la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort, infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau et, y ajoutant, Condamne la SAS A... & Olufsen France à payer à la SARL Espace B & O la somme de 5 500 € à titre de dommages et intérêts ; condamne la SAS A... & Olufsen France à payer à la SARL Espace B & O la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; Condamne la SAS A... & Olufsen France aux dépens de première instance et d'appel, dont recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.