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Décisions

CA Dijon, ch. civ. B, 5 novembre 2009, n° 08-02185

DIJON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

LDS (SAS)

Défendeur :

Beaunoise de Financement et Participation (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Munier

Conseillers :

Mmes Vieillard, Vautrain

Avoués :

Me Gerbay, SCP Avril & Hanssen

Avocats :

Mes Seutet, Grammont

T. com. Beaune, du 28 nov. 2008

28 novembre 2008

Exposé de l'affaire

La SAS LDS (ci-après nommée société LDS) est une société d'expertise comptable, ayant pris la suite de la société Levy-Duc après changement de dénomination sociale. Cette dernière venait aux droits d'experts comptables ayant exercé à titre individuel leur activité pour le groupe Patriarche à Beaune depuis les années 60.

A la suite d'une opération de cession en 2003 des parts sociales de la société Coribel, appartenant au groupe Patriarche, au profit de Monsieur Levy, expert-comptable du cabinet LDS, la société Beaunoise de financement et de participation, intervenant pour le compte des sociétés du groupe Patriarche, a fait savoir au cabinet LDS, par courrier en date du 9 janvier 2007, qu'elle entendait mettre fin, sans préavis, aux mandats qui lui avaient été confiés pour l'assister dans la tenue de ses comptes.

La société LDS, jugeant la rupture abusive, a alors assigné la société Beaunoise de financement et de participation aux fins essentiellement de voir engager la responsabilité civile de cette dernière et d'obtenir le versement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts, et d'obtenir le paiement du solde d'honoraires demeurés impayés.

La société Beaunoise de financement et de participation de son côté a formé une demande reconventionnelle en réparation contre la société LDS, aux fins d'être indemnisée de son préjudice moral et des frais causés par les défaillances de celle-ci.

Par jugement en date du 28 novembre 2008, le Tribunal de commerce de Beaune :

- a débouté la société LDS de l'ensemble de ses demandes

- a reçu la société Beaunoise de financement et de participation en sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts, l'a déclarée mal fondée et l'en a déboutée,

- a condamné la société LDS à payer à la société Beaunoise de financement et de participation la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- a condamné la société LDS aux dépens taxés et liquidés.

Le 5 décembre 2008, la société LDS a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions en date du 2 septembre 2009, auxquelles il est fait référence par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la société LDS demande à la Cour d'appel de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

- réformer le jugement en toutes ses dispositions et dès lors,

- dire et juger que la société Beaunoise de financement et de participation a engagé sa responsabilité civile en n'ayant pas précédé la dénonciation du mandat de la société LDS d'un préavis nécessaire et raisonnable,

- dire et juger que compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales ayant existé entre les parties, ce préavis aurait dû être de deux années,

- en conséquence, condamner la société Beaunoise de financement et de participation à payer à la société LDS la somme de 22 920 euros, à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 15 000 euros compte tenu du caractère particulièrement brutal et vexatoire de cette rupture,

- condamner la société Beaunoise de financement et de participation à payer à la société LDS au titre du solde d'honoraires demeuré impayé pour l'ensemble des sociétés du Groupe, la somme de 73 311,81 euros, outre intérêts de droit à compter du 5 mars 2007, date valant mise en demeure,

- condamner la société Beaunoise de financement et de participation à payer à la société LDS la somme de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Elle expose, à l'appui de sa demande, que la rupture des relations contractuelles par la société Beaunoise de financement et de participation est brutale car elle n'a pas été précédée d'un préavis nécessaire, dont la durée ne pouvait être inférieure à deux ans compte tenu des relations commerciales qui existaient depuis près de 50 ans ; que cette dernière a en conséquence commis une faute engageant sa responsabilité civile, et l'obligeant à réparer les préjudices causés à hauteur de deux années d'honoraires, soit 170 000 euros, ainsi que les conséquences du caractère particulièrement brutal et vexatoire de la rupture, soit 15 000 euros.

Répondant à l'argumentation adverse, elle réfute la thèse de l'opacité et des conditions extrêmement favorables pour Monsieur Levy et sa famille de l'opération de vente des parts sociales de la société Coribel. Elle fait en effet valoir que Monsieur Boisseaux a pris lui-même l'initiative de cette vente, qu'il est un professionnel averti, et qu'il est pour le moins surprenant de le voir remettre en cause les conditions de cette cession 3 à 4 ans après. Elle ajoute que le prix des parts n'était pas inférieur au prix du marché, que les conditions de financement n'étaient pas exceptionnelles, et que l'opération ne peut être considérée comme opaque puisque selon elle les projets ont été validés par le responsable juridique et par le responsable financier du groupe, qu'une expertise de valeur a été adressée pour projet et avis au notaire du groupe, et que les opérations, dans leur ensemble, ont été régulièrement soumises et approuvées par le conseil d'administration en la présence du responsable juridique du groupe, des délégués du comité d'entreprise et du commissaire aux comptes du groupe.

En outre, la société LDS entend faire plusieurs observations relativement au blâme pour manquement à son devoir d'indépendance qui lui a été infligé par la Chambre régionale de discipline auprès du Conseil régional de l'Ordre des experts-comptables de Bourgogne-Franche-Comté :

- elle estime en premier lieu qu'il ne peut être reproché à la société LDS un manquement personnel de Monsieur Levy ;

- elle ajoute en deuxième lieu que la faute justifiant la résiliation du contrat est celle qui rend impossible le maintien de la relation contractuelle, alors qu'en l'espèce il s'est écoulé plusieurs années avant que la résiliation ne lui soit notifiée par la société Beaunoise de financement et de participation ;

- en troisième lieu, elle soutient que ce manquement n'existait plus lors de la notification de la lettre de rupture puisqu'avait été régularisée le 30 novembre 2006 une convention par laquelle la société Beaunoise de financement et de participation rachetait les participations détenues dans la société Coribel par Monsieur Levy et sa famille,

- en tout état de cause, à supposer l'existence d'un motif légitime de résiliation acquise, la société LDS estime que devait être respecté un délai de préavis suffisant, sauf à démontrer sa faute lourde.

Elle demande également le paiement de la somme de 73 311,81 euros, correspondant au solde d'honoraires resté impayé pour l'exercice 2006, dans la mesure où l'essentiel des prestations du cabinet d'expertise a été fournie, à l'exception du bilan consolidé.

Elle soutient à ce sujet que la lettre de mission, dont l'absence est alléguée par la société Beaunoise de financement et de participation, n'est pas nécessaire puisqu'elle n'est obligatoire que depuis le 27 septembre 2007, soit après la rupture des relations contractuelles ; elle ajoute qu'entre commerçants, la preuve de l'accord obéit aux conditions posées par l'article 109 du Code de commerce, de sorte qu'il convient de se rapporter aux relations comptables antérieures des parties. Elle justifie le montant de la somme réclamée par le fait que les conditions d'intervention du cabinet d'expertise comptable étaient forfaitisées, et que les seuls travaux restant à accomplir n'ont pu l'être en raison de la rupture fautive du contrat, imputable à la société Beaunoise de financement et de participation.

Dans ses dernières conclusions en date du 26 juin 2009, auxquelles il est pareillement fait référence par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la société Beaunoise de financement et de participation demande à la Cour d'appel de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société LDS de l'ensemble de ses demandes, condamné la société LDS à payer à la société Beaunoise de financement et de participation la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et condamné la société LDS aux entiers dépens,

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société Beaunoise de financement et de participation de sa demande reconventionnelle et, statuant à nouveau :

- condamner la société LDS à rembourser la somme de 17 940 euros à la société Beaunoise de financement et de participation,

- dire et juger que la société LDS a manqué à son obligation de conseil,

- condamner la société LDS à payer à la société Beaunoise de financement et de participation la somme de 357 049 euros en réparation du préjudice financier qu'elle lui a causé,

- la condamner à payer à la société Beaunoise de financement et de participation la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral lié aux lourds désagréments qu'elle lui a causés,

- la condamner à payer à la société Beaunoise de financement et de participation la somme de 20 000 euros en réparation des frais importants, notamment de réorganisation, causés par ses graves défaillances,

En tout état de cause,

- condamner la société LDS, au titre de la procédure d'appel, à payer à la société Beaunoise de financement et de participation la somme de 6 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens d'appel.

Sur la demande de la société LDS au titre du paiement d'honoraires, l'intimée fait valoir qu'il n'est produit aucune lettre de mission justifiant des factures dont le règlement est demandé, en violation des usages professionnels et de la charge de la preuve. Elle se base également sur l'article 16 du code des devoirs professionnels qui interdit la rémunération forfaitaire dont se prévaut la société LDS. Elle explique enfin qu'au regard des prestations réalisées par la société LDS et des acomptes que cette dernière a reçus, c'est la société Beaunoise de financement et de participation qui est en réalité créancière, en l'occurrence de la somme de 17 940 euros.

Sur la demande de la société LDS au titre de la rupture des relations contractuelles, elle expose qu'aucun préavis contractuel n'ayant été convenu, et dans la mesure où rien n'obligeait le client à renouveler la mission annuelle de l'expert-comptable, les relations pouvaient être rompues à tout moment et sans motifs.

Elle ajoute qu'aux termes de l'article L 442-6 du Code de commerce, aucun préavis n'est exigé lorsque la rupture fait suite à une inexécution par l'autre partie de ses obligations, et que tel est bien le cas en l'espèce puisque le cabinet LDS a non seulement manqué à son devoir de conseil, en incitant son client à conclure une opération à des conditions anormales et très désavantageuses, mais a également manqué à ses obligations déontologiques, en favorisant un conflit d'intérêt entre le groupe Patriarche et Monsieur Levy, et en ne se retirant pas du dossier alors que son dirigeant était entré en affaire avec le groupe Patriarche. Il s'est ensuivi, poursuit la concluante, une perte d'indépendance du cabinet d'expert-comptable et une perte de confiance légitime justifiant qu'il soit mis un terme aux relations avec ce cabinet. Elle relève à ce sujet que Monsieur Levy a été sanctionné par la Chambre de discipline en sa qualité d'expert-comptable du cabinet LDS, dont il était le dirigeant et le représentant, de sorte que le caractère personnel du blâme infligé ne saurait faire obstacle à ce qu'il soit mis fin au contrat la liant avec le cabinet.

Enfin, elle estime que la rupture des relations commerciales n'avait aucun caractère imprévisible, soudain ou violent, et qu'elle ne peut en conséquence ouvrir droit à indemnisation au profit de la société LDS.

Pour finir, la société Beaunoise de financement et de participation réclame la réparation des préjudices subis du fait des graves défaillances du cabinet LDS, qui se chiffrent selon elle à 357 049 euros, correspondant au coût du crédit gratuit sur 13 ans et à la différence entre le prix de vente des actions et leur prix tel qu'il résulte d'une évaluation faite par notaire.

La procédure a été clôturée le 14 septembre 2009.

Sur ce :

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la demande de réparation formée par la société LDS au titre de la rupture brutale du contrat

Attendu qu'il n'est pas contesté que les parties entretenaient des relations d'affaires, sous la forme de prestations libérales effectuées par la société LDS pour le compte de sociétés du groupe Patriarche, et que ces relations étaient suivies, stables et habituelles depuis près de cinquante ans ; que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce ont donc vocation à s'appliquer ;

Attendu qu'en vertu de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce, la rupture des relations commerciales établies, même partielle, suppose un préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant une durée minimale de préavis, à défaut de quoi la cessation est brutale et engage la responsabilité de son auteur ; qu'il n'en va autrement qu'en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ;

1-1) Sur la rupture du contrat par la société Beaunoise de financement et de participation

Attendu que la société Beaunoise de financement et de participation, invoquant une perte de confiance à l'égard de la société LDS à la suite de l'opération Coribel, a, par courrier du 9 janvier 2007, mis fin unilatéralement et sans préavis aux relations contractuelles nouées de longue date avec la société LDS ; que la société LDS lui reproche de ne pas avoir fait précéder la résiliation des mandats qui lui avait été confiés d'un préavis nécessaire et raisonnable compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales ayant existé entre les parties ;

1-1-1) Sur l'absence de préavis

Attendu qu'il résulte de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, qu'il ne peut être dérogé à l'exigence d'un préavis qu'en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ; que l'inexécution de nature à écarter l'exigence d'un préavis s'entend de celle à l'origine d'une situation de gravité et d'urgence telles qu'elle justifie la résiliation unilatérale et immédiate du contrat ;

Attendu en l'espèce que Monsieur Michel Levy, expert-comptable au sein du cabinet Levy DUC, puis de la société LDS, intervenait depuis de nombreuses années auprès du groupe Patriarche ; que ces cabinets d'expertise comptable ainsi que Monsieur Levy avaient acquis une bonne connaissance du groupe Patriarche et bénéficiaient de toute la confiance de ses dirigeants ; qu'ils occupaient à ce titre une place toute particulière de conseil auprès du principal dirigeant du groupe Patriarche, Monsieur Jacques Boisseaux ;

Attendu qu'au cours de l'année 2003, la société LDS et Monsieur Michel Levy ont conseillé et effectué différentes opérations de cession de parts de société appartenant au groupe Patriarche, dont celle de la société Coribel ; que les actes relatifs à ces cessions ont été rédigés par Monsieur Michel Levy, et signés pour le compte du groupe Patriarche par Monsieur Boisseaux ;

Que s'agissant de la cession des parts sociales de la société Coribel, les cessionnaires n'étaient autres que Monsieur Michel Levy, son épouse Madame Danielle Levy, et deux sociétés appartenant aux époux Levy et à leurs enfants, David Levy et Sarah Curiel-Levy, et dont Monsieur Michel Levy était cogérant ;

Attendu que, comme l'a relevé la juridiction de première instance, il apparaît que le comportement de Monsieur Michel Levy, tant à titre personnel qu'au titre des sociétés qu'il dirige, en ce qu'il a consisté à conseiller et à organiser la cession de parts sociales de son propre client en sa faveur et en faveur de sa famille, est contraire aux règles de déontologie professionnelle, qui prônent les qualités " essentielles de probité, de dignité, d'indépendance d'esprit et de désintéressement " ;

Que Monsieur Levy, agissant tant en qualité personnelle qu'en qualité de dirigeant de la société LDS, a ainsi manqué à son devoir d'indépendance, de conseil et de non immixtion dans la gestion des affaires son client ;

Attendu cependant que Monsieur Boisseaux ne peut reprocher à Monsieur Levy ni l'opacité de la cession des parts de la société Coribel, ni exciper des conditions extrêmement favorables dont aurait bénéficié Monsieur Levy ; qu'il ne peut non plus raisonnablement affirmer n'avoir découvert les conditions exactes de la cession des parts sociales de la société Coribel que trois ans après l'opération ;

Qu'en effet, en sa qualité de dirigeant averti du groupe Patriarche depuis de nombreuses années, il avait nécessairement une idée du prix des vignes et se trouvait entouré de collaborateurs et de conseils qui ont été informés des conditions de la cession des parts de la société Coribel ; que les actes rédigés à l'occasion de la cession l'ont été de façon régulière et ne comportent pas d'anomalies ; que le crédit gratuit n'était pas exceptionnel dans la mesure où ces conditions de paiement favorables ont été appliquées par un membre de la famille Boisseaux, Monsieur Pierre Boisseaux, lors du rachat des actions Vinipar par le groupe Patriarche ;

Attendu que l'inexécution contractuelle imputable à Monsieur Michel Levy agissant au nom de la société LDS réside donc dans un manquement à son obligation d'indépendance et à son devoir de conseil ;

Que ce manquement afférent à " l'opération Coribel ", s'il a pu justifier qu'il soit soit mis fin aux relations contractuelles entre la société LDS et le groupe Patriarche, ne permettait pas en revanche la cessation immédiate du contrat ; qu'en effet, il ne revêtait pas, compte tenu des circonstances par ailleurs régulières de la cession, un caractère de gravité suffisant de nature à priver la société LDS d'un préavis raisonnable ; que de plus, il s'est écoulé plusieurs années avant que la résiliation des contrats de mandat par la société Beaunoise de financement et de participation ; qu'au cours de cette période, la société LDS a pour sa part satisfait à ses obligations sans qu'aucun incident ne soit mentionné, tandis que Monsieur Boisseaux n'a pas jugé utile de mettre fin aux relations contractuelles alors qu'il n'ignorait pas les conditions exactes de la vente des parts de la société Coribel qu'il invoque bien tardivement aujourd'hui ;

Attendu, en conséquence de ce qui précède, que la situation résultant de l'inexécution contractuelle de Monsieur Levy et de la société LDS, ne revêtait pas un caractère de gravité et d'urgence suffisant pour autoriser la société Beaunoise de financement et de participation à résilier le contrat sans préavis ; que cette dernière a donc mis fin au relations commerciales qui la liait à la société LDS de façon brutale, et commis de ce fait une faute au sens de l'article L. 442-6, I, 5° ;

1-1-2) Sur la durée de préavis

Attendu que la société Beaunoise de financement et de participation a commis une faute en ne respectant pas, lors de la rupture des relations commerciales avec la société LDS, un préavis raisonnable et nécessaire ; qu'un tel préavis doit tenir compte, selon les termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de la durée de la relation commerciale et respecter la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; qu'à défaut de tels accords, il appartient au juge d'apprécier le caractère raisonnable du délai de préavis nécessaire et suffisant ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la société LDS, venant aux droits d'experts comptables ayant exercé à titre individuel, était l'expert-comptable du groupe Patriarche à Beaune depuis les années 60 ; que ces relations d'affaires ayant duré plus de quarante ans, un délai raisonnable et suffisant de préavis ne saurait être inférieur à deux ans ;

1-2) Sur le préjudice résultant de la rupture brutale du contrat

Attendu que la rupture brutale des relations commerciales établies engage la responsabilité de son auteur et permet au cocontractant de demander la réparation intégrale du préjudice qui est résulté de l'absence de préavis ;

Attendu en l'espèce que, compte tenu de l'importance financière du groupe Patriarche, de l'absence de tout préavis, et de la durée minimale raisonnable de préavis de deux ans qu'aurait dû respecter la société Beaunoise de financement et de participation, la société LDS justifie d'un préjudice financier correspondant à la perte de deux années de marge nette, soit 22 920 euros ; que ce préjudice est directement lié à l'absence de préavis de résiliation, de sorte qu'il ouvre droit à indemnisation au profit de la société LDS ;

Qu'il convient en conséquence de condamner la société Beaunoise de financement et de participation à verser à la société LDS la somme de 22 920 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de préavis et rupture brutale des relations d'affaires établies ;

Qu'en revanche il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société LDS tendant à se voir allouer, à raison du caractère brutal et vexatoire de la résiliation, la somme de 15 000 euros, dès lors qu'elle ne justifie d'aucun préjudice autre que celui d'ordre financier ayant déjà donné lieu à indemnisation sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

2. Sur le solde des honoraires impayés réclamés par la société LDS

Attendu que si, en matière de prestations d'expertise comptable, les honoraires sont fixés librement entre les parties, il n'en demeure pas moins que seul le paiement des prestations effectivement réalisées peut être dû ; que le Code des devoirs professionnels prévoit en effet en son article 16 que les honoraires des experts comptables constituent " une juste rémunération du travail fourni " ;

Attendu que la société LDS réclame 73 311,81 euros TTC, correspondant au montant total des factures adressées le 5 mars 2007 à différentes sociétés du groupe Patriarche ;

Attendu cependant que dans chacune des factures mentionnées ci-dessus, il est fait état de " l'accord de mission en vigueur ", alors que la société LDS ne produit pas de document probant pour étayer l'existence d'un tel accord;

Que chaque facture précise également qu'elle correspond aux interventions réalisées ainsi qu'aux diligences restant à accomplir du fait de l'interruption de la mission, de sorte qu'elle inclut des prestations non accomplies ;

Que chacune des factures fait référence à un barème forfaitaire " confirmé par mail du 6 décembre 2006 ", alors que ce mail renvoie au tableau " horaires cabinet Levy " qui ne prouve en aucune façon les prestations réellement accomplies par la société LDS ; qu'il doit être ajouté qu'un forfait constitue un mode de tarification mais ne peut faire présumer de l'exécution des prestations ;

Attendu de plus que la société LDS ne produit aucun document détaillant les prestations qu'elle a effectivement effectuées pour le compte des sociétés à qui elle réclame paiement ; que si la rupture brutale et sans préavis a pu l'empêcher, comme elle l'affirme, d'exécuter l'ensemble de ses obligations pour l'année 2006, la société LDS ne peut en demander le paiement dans le cadre de l'exécution du contrat ;

Qu'il s'ensuit que la société LDS, qui ne prouve pas avoir effectué les prestations qu'elle a facturées, et qui de surcroît admet qu'une partie d'entre elles restait à accomplir, ne peut en demander le paiement au titre de l'exécution du contrat ; qu'elle doit être déboutée de ce chef de demande ;

3. Sur les demandes reconventionnelles de la société Beaunoise de financement et de participation

3-1) Sur les prestations non réalisées

Attendu qu'en vertu de l'article 1376 du Code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ;

Attendu que la société Beaunoise de financement et de participation réclame le paiement de la somme de 17 940 euros, correspondant aux prestations non réalisées au titre de l'année 2006, mais avancées par plusieurs sociétés du groupe Patriarche à titre d'acompte ;

Attendu, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la société LDS ne prouve pas avoir effectué les prestations dont elle demande le paiement ; qu'elle ne démontre pas plus, pour les mêmes raisons, qu'elle a effectué les prestations correspondant aux acomptes déjà versés par les sociétés par les société du groupe Patriarche ; que la Cour ne peut en conséquence, en l'absence de tout document produit par la société LDS sur le détail de ses prestations, que retenir les sommes que la société Beaunoise de financement et de participation admet avoir payées, pour les retrancher des acomptes versés par les différentes sociétés du groupe Patriarche ;

Attendu que la société Beaunoise de financement et de participation admet l'existence d'honoraires réellement acquis, correspondant à des sociétés pour lesquelles l'ensemble des prestations a été réalisé (SNC Beaune Visites en Caves, SCI Phare, SC Domaine du Montmain, SCI Cuverie du Château, SNC Domaine du Château de Marsannay, SARL Athenaeum), soit 8 970 euros TTC ; que cette somme est donc acquise à la société LDS ;

Attendu en revanche que pour toutes les autres sociétés (Vinipar, Sorevi, Kriter B de B, SNC Domaine du Château de Meursault, Beaunoise De Financement), la société Beaunoise de financement et de participation affirme que la mission était à peine commencée de sorte que les factures établies à l'encontre de celles-ci ne sauraient être dues et que les acomptes, à hauteur de 22 500 euros HT, soit 26 910 euros TTC, doivent être remboursés ;

Qu'il résulte de ces éléments que la société LDS doit rembourser à la société Beaunoise de financement et de participation la somme de 17 940 euros (26 910 ' 8 970) au titre des prestations non réalisées;

3-2) Sur le préjudice financier allégué

Attendu que l'article 1147 du Code civil ne peut fonder la demande de réparation du créancier de l'obligation inexécutée que s'il justifie d'un préjudice en relation causale directe avec l'inexécution alléguée ;

Attendu que la société Beaunoise de financement et de participation demande la somme de 357 049 euros en réparation de son préjudice financier résultant de l'inexécution du devoir de conseil de la société LDS ; qu'à l'appui de sa demande, elle se fonde l'estimation des parts sociales de la société Coribel faite par Maitre Camuset au regard des ventes effectives en 2006, à hauteur de 1 227,045 euros, alors qu'elles ont été cédées pour 1 126,208 euros, ce qui représente une perte totale de 100 837 euros et doit être corrélée avec les moins-values enregistrées par les actionnaires de la société Coribel lors de la cession ; qu'elle se base également sur le coût du crédit gratuit, évalué à 256 212 euros par Maitre Camuset ;

Mais attendu de première part que, s'agissant de la valeur des parts sociales, la société LDS se prévaut pour sa part d'une estimation de 1 137,04 euros émanant de l'agence immobilière beaunoise Nouveau-Maseau-Massot et effectué en janvier 2003 par Monsieur Nouveau, de sorte qu'il est difficile d'affirmer que seule l'évaluation de Maitre Camuset établit avec certitude la valeur des parts sociales litigieuses ; qu'il convient de rappeler que

Monsieur Boisseaux a lui-même signé l'acte de cession et a donc acquiescé au prix de 1 126,208 euros, alors qu'il est un professionnel averti, entouré de collaborateurs, et ayant accès aux documents comptables des sociétés du groupe Patriarche ; que dans ces conditions, il n'est pas démontré que le prix de cession des parts de la société Coribel ait été sous-évalué à la date de la cession ; qu'à supposer qu'il l'ait été, il ne peut être affirmé que la fixation de ce prix ait résulté directement du manquement au devoir de conseil de Monsieur Michel Levy ;

Et attendu d'autre part, quant au coût du crédit gratuit consenti à Monsieur Levy pour l'acquisition des parts sociales, que Monsieur Jacques Boisseaux a non seulement bénéficié des mêmes conditions de crédit pour le rachat des actions Vinipar, de sorte que ces conditions n'étaient pas exceptionnelles, mais a lui-même accepté en parfaite connaissance de cause d'accorder un crédit gratuit au cessionnaire des parts de la société Coribel ; que, nonobstant le devoir de conseil de Monsieur Levy, Monsieur Boisseaux était parfaitement conscient de toutes les conséquences financières d'un crédit gratuit ; que le coût d'un tel crédit n'est donc pas en relation causale avec le manquement de Monsieur Levy à son devoir de conseil ;

3-3) Sur le préjudice moral et les frais de réorganisation

Attendu que la société Beaunoise de financement et de participation demande à ce que la société LDS soit condamnée à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral lié aux lourds désagréments qu'elle lui a causés ;

Qu'elle demande également de voir condamner la société LDS à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des frais importants, notamment de réorganisation, causés par ses graves défaillances ;

Attendu cependant que la société Beaunoise de financement et de participation ne produit aucun justificatif tendant à prouver la réalité des préjudices allégués ; qu'elle doit être débouté de ces deux chefs de demande ;

4. Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties la totalité des frais irrépétibles qu'elles ont exposés à l'occasion de la présente procédure d'appel ; qu'il n'y pas lieu en conséquence, de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que chacune des parties succombe en parties à ses demandes; que chacune d'elle supportera ses propres dépens ;

Par ces motifs, LA COUR : statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, Vu l'article L 442-6, I, 5°, du Code de commerce,Vu les articles 1147, 1376 du Code civil, Réforme le jugement du Tribunal de commerce de Beaune en date du 28 novembre 2008, Statuant à nouveau, Dit que la société LDS a manqué à son obligation de conseil, Dit que la société Beaunoise de financement et de participation a engagé sa responsabilité civile en n'ayant pas précédé la dénonciation du mandat de la SAS LDS d'un préavis nécessaire et raisonnable, Dit que ce préavis aurait dû être de deux années, Condamne la société Beaunoise de financement et de participation à payer à la société LDS la somme de 22 920 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de préavis et rupture brutale des relations commerciales établies, Condamne la société LDS à verser à la société Beaunoise de financement et de participation la somme de 17 940 euros en remboursement des prestations dont non réalisées, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que chaque partie conservera ses propres dépens, Accorde aux avoués de la cause le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.