CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 27 janvier 2017, n° 15-00007
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Shop Concept et Services (Sasu)
Défendeur :
Générale pour l'Enfant Major (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mme Lis Schaal, M. Thomas
Avocats :
Mes Rousseau, Bourayne, Zemmour Koskas
Faits et procédure
La société SAS Shop Concept & Services a pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation d'équipements de magasins.
La SAS Major, aux droits de laquelle vient la SAS La Générale pour l'Enfant Major (Sergent Major) exploite des magasins sous l'enseigne "Sergent Major".
Concept & Services a présenté à Sergent Major une proposition de fourniture de mobiliers qui n'a pas donné lieu formellement à un accord de Sergent Major, proposition comportant une offre de prix et faisant référence à une quantité commandée.
Concept & Services ayant livré les premières commandes, les relations entre Sergent Major et Concept & Services ont, durant l'été 2011, connu quelques difficultés, mais se sont poursuivies à l'automne 2011.
En février 2012, Concept & Services a informé Sergent Major d'un état de stock prévisionnel au 10 mars 2012. L'existence de ces stocks a donné lieu à des courriers de Sergent Major qui a contesté avoir voulu travailler avec des stocks constitués par avance et confirmant n'avoir pris aucun engagement quantitatif.
Sergent Major n'ayant pas passé de nouvelles commandes, Concept & Services a pris, par courrier du 27 juin 2012, acte de la rupture de la relation commerciale et mis en demeure Sergent Major de reprendre sous quinzaine le mobilier dont elle disposait en stock.
Estimant, au surplus que la rupture de la relation était déloyale, Concept & Services a assigné, le 25 juin 2013, la société La Générale pour l'Enfant Major devant de Tribunal de commerce de Paris.
Par un jugement en date du 15 décembre 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la SAS Shop Concept & Services de ses demandes ;
- condamné la SAS Shop Concept & Services à payer à la SAS La Générale pour l'Enfant Major, venant aux droits de la SAS Major, enseigne Sergent-Major, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le tribunal de commerce a débouté la SAS Shop Concept & Services de ses demandes en soulignant que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce supposait pour la société Shop Concept de rapporter la preuve de l'existence d'une relation établie. Il a écarté l'argument selon lequel les courriers des 5 et 18 mai 2010 établissaient des prétendus engagements quantitatifs pris par la société Major, considérant que ces courriers ne constituent que des éléments de la phase de négociation entre les deux sociétés. De plus, les juges ont rappelé que la société Shop Concept ne fondait pas sa demande sur un quelconque engagement contractuel et qu'il convenait alors de rechercher si le comportement de Sergent Major durant la relation commerciale a donné Concept & Service une croyance légitime dans sa stabilité. Or, ils indiquent que le fait de continuer à fabriquer des stocks, in fine à son détriment, ne suffit pas à démontrer que sa croyance en la stabilité de la relation commerciale était légitime.
La SAS Shop Concept & Services a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Prétentions des parties
La société Shop Concept & Services, par conclusions du 17 novembre 2015, demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris ;
A titre liminaire,
- constater l'absence de prétentions nouvelles formées par la société Shop Concept & Services en cause d'appel et débouter la société Sergent Major de ses demandes d'irrecevabilités non fondées ;
Au fond,
- condamner la société La Générale pour l'Enfant Major à payer à la société Shop Concept & Services la somme de 422 751,31 euros en réparation du préjudice qui a résulté pour cette dernière de la rupture brutale de la relation d'affaires sans préavis, outre 740 euros HT par mois écoulé depuis le 1er septembre 2013 au titre des frais d'entreposage du stock non repris ;
- condamner la société La Générale pour l'Enfant Major à payer à la société Shop Concept & Services la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle indique que ses prétentions sont parfaitement recevables puisqu'aucune prétention nouvelle, au sens de l'article 564 du Code de procédure civile, n'est formée en cause d'appel. En effet, elle souligne qu'elle ne réclame aucun préjudice nouveau ou distinct mais toujours la somme de 420 714,15 euros au titre de sa perte de marge et de la perte du stock comme elle l'avait fait en première instance, soulignant que la différence avec le montant de 422 751,31 euros désormais réclamé en appel correspond aux frais de stockage qui ont depuis augmenté.
Elle ajoute qu'elle réclame la réparation du même préjudice et/ou d'un préjudice accessoire à sa demande de réparation des conséquences dommageables résultant de la rupture brutale de la relation d'affaires.
Sur le fond, la SAS Concept & Services indique que l'absence de contrat-cadre n'est pas à lui seul un signe de précarité de la relation commerciale et qu'il appartient au juge de dépasser les modalités de la relation pour apprécier in concreto le comportement des parties durant son exécution. De poursuivre, que des indices permettent incontestablement de considérer qu'elle pouvait légitimement s'attendre à la stabilité et la pérennité de sa relation commerciale avec la société Sergent Major. Dès lors la SAS Concept & Services indique qu'il n'est pas sérieusement contestable que la relation de 22 mois entretenue avec Sergent Major doit être qualifiée d'"établie" et que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce a pleinement vocation à s'appliquer.
Elle ajoute que la société Sergent Major a souhaité mettre fin à leur relation commerciale établie en s'affranchissant du respect du dispositif légal de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, en dissimulant son intention de changer de source d'approvisionnement et sous couvert de motifs fallacieux. En effet, elle indique que la société Sergent Major a obtenu d'elle un avantage consistant en des remises spécifiques calculées sur la base d'un volume prévisionnel sans toutefois s'engager sur ce volume qu'elle n'a dans les faits pas respecté, n'hésitant pas alors à rompre la relation soudainement au motif qu'elle n'avait pas pris d'engagement ferme. Pour ces raisons elle sollicite la réparation du préjudice causé par le comportement de Sergent Major.
Enfin, la société Shop Concept & Services indique qu'elle est fondée à réclamer la condamnation de la société Sergent Major à lui verser en réparation de ses gains manqués du fait de la rupture abusive et brutale de leur relation d'affaires, la somme totale de 422 751,31 euros à titre de dommages et intérêts, outre 740 euros par mois écoulé depuis le 1er septembre 2013 au titre des frais d'entreposage du stock non repris.
La société La Générale pour l'Enfant Major, par conclusions signifiées le 22 septembre 2016, demande à la cour :
- confirmer la confirmation du jugement entrepris ;
In limine litis,
- voir déclarer irrecevable la demande formée pour la première fois en appel de condamner la société La Générale pour l'Enfant Major à payer à la société Shop Concept & Services la somme de 740 euros par mois au titre du trouble de jouissance que lui causerait, depuis le 1er septembre 2013, l'entreposage des mobiliers dans ses locaux ;
- voir déclarer irrecevable la demande formée pour la première fois en appel au titre des dispositions de l'article L. 442-6 I 3° du Code de commerce ;
Au fond,
- voir débouter la société Shop Concept & Services de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;
- voir confirmer le jugement rendu le 15 décembre 2014 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- voir condamner la société Shop Concept & Services à payer à la société La Générale pour l'Enfant Major la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- voir condamner la société Shop Concept & services aux entiers dépens de première instance et d'appel.
In limine litis, elle indique que les prétentions nouvelles en appel de la SAS Shop Concept & Services sont irrecevables ; elle souligne que la demande en réparation du préjudice découlant de la violation prétendue des dispositions de l'article L. 442-6 I 3° du Code de commerce est une prétention nouvelle. Elle soulève également l'irrecevabilité de la demande en condamnation de payer la somme de 740 euros par mois depuis le 1er septembre 2013 en réparation du préjudice de jouissance que causerait depuis cette date l'entreposage prétendu du matériel litigieux ; elle indique que cette prétention est purement et simplement nouvelle et ne saurait être considérée comme l'accessoire ou le complément de la demande formée en première instance.
Sur le fond, la société Générale pour l'Enfant Major indique que sa relation contractuelle avec la SAS Shop Concept et Services n'est pas établie dans le sens où elle ne s'inscrit pas dans la perspective d'une certaine pérennité, partagée par les deux cocontractants. A cet effet elle souligne que :
- le fait même qu'elle n'ait pas souhaité la mise en place d'un contrat-cadre établit une volonté de précariser la relation ;
- le fait que des commandes aient été passées n'implique pas qu'elle avait adhéré à une logique d'une valeur approchante ;
- l'argument selon lequel elle était régulièrement et de manière transparente informée de la constitution de l'état du stock est sans incidence sur le caractère établi de la relation ;
- l'annonce limitée des commandes futures démontre que la relation est soumise à l'aléa du développement des magasins Sergent Major et que certains projets ne se réaliseront pas.
Elle indique que sur le plan formel elle n'a pas pris l'initiative d'une rupture avec la société Shop Concept et c'est cette dernière qui a entendu prendre acte d'une rupture par courrier du 27 juin 2012.
Elle précise que la société Shop Concept a gravement manqué à son obligation d'exécuter les conventions de bonne foi, et ce alors même qu'elle était pleinement engagée dans la relation contractuelle puisque la réalisation de 31 chantiers lui avait été confiée. Elle ajoute que ce manquement grave fait que la société Shop Concept est pleinement auteur de cette rupture et est incompatible avec l'existence d'un préavis. Elle conclut en soulignant que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que c'est ce conflit sur les stocks non commandés qui a provoqué la rupture de la relation commerciale.
Concernant la demande de paiement de préavis de la société Shop Concept, la société Générale pour l'Enfant Major indique que l'application d'un préavis de 6 mois est excessif pour une relation qui a duré 22 mois et cela d'autant plus que la société Shop Concept n'est pas dépendante de la société Major. Elle ajoute, que contrairement à ce qu'affirme la société Shop Concept, le chiffre d'affaires réalisé avec la société Major ne s'élève pas à 1 058 679 euros sur la période 2010/2012 mais à 882 855,62 euros HT soit environ 6 % du chiffre d'affaires sur la totalité de la période.
Elle ajoute que la demande de dommages et intérêts sollicitée par la SAS Shop Concept doit être rejetée car ni l'avantage obtenu, ni le préjudice en ayant prétendument résulté ne sont caractérisés.
SUR CE
Sur l'irrecevabilité des demandes de la société Shop Concept
Considérant que l'article 564 du Code de procédure civile dispose qu'" à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de le révélation d'un fait " ; l'article 565 du même Code prévoit que " les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ", qu'aux termes de l'article 566 du même Code, " les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celle-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément " ;
Considérant que la SAS Générale pour l'Enfant Major soutient que la demande en réparation du préjudice découlant de la violation prétendue des dispositions de l'article L. 442-6 I 3° du Code de commerce est une prétention nouvelle ; qu'elle soulève également l'irrecevabilité de la demande en condamnation de payer la somme de 740 euros par mois depuis le 1er septembre 2013 en réparation du préjudice de jouissance que causerait, depuis cette date, l'entreposage prétendu du matériel litigieux ;
Mais considérant que la demande principale de la société Shop Concept a pour objet, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la rupture brutale de la relation commerciale entretenue avec la société Générale pour l'Enfant Major et la réparation du préjudice qui en découle ; que le montant de 740 euros mensuel en réparation du préjudice de jouissance en fait partie ; que la demande fondée sur l'article L. 442-6 I 3° du Code de commerce - qui dispose : " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel (...) 3°) d'obtenir ou de tenter d'obtenir un avantage, condition préalable à la passation de commandes sans l'assortir d'un engagement écrit sur un volume d'achat proportionné et, le cas échéant, d'un service demandé par le fournisseur et ayant fait l'objet d'un accord écrit " - tend à la même fin que la précédente et n'est pas nouvelle en application de l'article 565 du Code de procédure civile ;
Qu'en conséquence, il convient de déclarer les demandes de la société Shop Concept recevables ;
Sur la rupture brutale des relations commerciales
Considérant que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce dispose qu''engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel... 5°) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels" ; que l'application de ces dispositions suppose l'existence d'une relation commerciale établie qui s'entend d'échanges commerciaux conclus directement entre les parties, revêtant un caractère suivi, stable et habituel laissant raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine pérennité dans la continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux ; qu'en outre, la rupture doit être brutale, soit sans préavis écrit soit d'une durée insuffisante eu égard à la durée de la relation commerciale ou aux usages du commerce, ne permettant pas à la partie qui s'estime en avoir été la victime de pouvoir réorganiser sa politique commerciale et de retrouver un partenaire commercial équivalent ;
Considérant qu'en l'espèce, les relations entre les parties ont débuté en mai 2010 et se sont interrompues en février 2012 ; qu'elles se sont donc poursuivies pendant 22 mois ; que la société Shop Concept a fourni à la société Sergent Major du mobilier pour équiper ses magasins à une période de développement important caractérisée par une implantation dans de nouveaux secteurs géographiques ;
Considérant que la société Sergent Major soutient que cette relation n'était pas établie en ce que les commandes étaient effectuées au coup par coup et qu'elle avait informé expressément la société Shop Concept du caractère ponctuel et précaire de cette relation, par courriel du 2 août 2011 dans lequel elle contestait toute logique de réalisation de stock et précisait vouloir " signer magasin par magasin comme avec vos concurrents ", Sergent Major estimant ne pas vouloir prendre d'engagement contractuel quantitatif ;
Mais considérant que la réalité d'une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6 I 5° n'est conditionnée ni par l'existence d'un échange permanent et continu entre les parties, ni par la conclusion d'un accord-cadre, une succession de contrats ponctuels étant suffisante pour caractériser une relation commerciale établie ;
Qu'en outre, si, aux termes de courriels émanant de Madame Corinne Raguet de la société Sergent Major, cette dernière s'étonnait de n'avoir toujours pas reçu le planning des interventions en France et en Italie de la société Shop Concept, de sorte que Sergent Major n'avait pas de visibilité sur l'avenir de la relation commerciale, les courriers de la société Shop Concept font en revanche état de remises de 20 % pour un engagement d'un marché de 20 magasins (courrier du 5 mai 2010), une remise de 20 % + 5 % avec un engagement quantitatif de 30 magasins dont 10 à réaliser en 2010 et une remise de 15 % avec un engagement quantitatif de 10 magasins dont 3 à réaliser en 2010 (courrier du 18 mai 2010) ; que Sergent Major a annoncé, par courriel du 1er décembre 2011, l'arrivée de nouveaux chantiers (" Tu vas recevoir des dossiers à préparer début d'année pour une pose en mars ") ;
Qu'il résulte de ces éléments que la société Shop Concept pouvait légitimement croire en la pérennité de la relation établie par l'augmentation du chiffre d'affaires qu'elle réalisait avec Sergent Major, Shop Concept ayant équipé 31 magasins dans la première année de la relation commerciale ;
Qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de dire que la relation commerciale entre les parties était établie ;
Considérant que, selon courriel du 24 février 2012, Madame Raguet a écrit à Shop Concept : " Ce stock est de ta propre initiative ; à aucun moment je n'ai commandé un plus/à l'état des stocks envoyé l'année dernière. Je n'ai pas non plus envoyé de liste de magasins attribués à Shop Concept qui aurait pu faire prendre une telle décision. Je n'ai pas non plus fait de bon de commande ou validé le moindre devis pour un stock de 10 magasins théoriques " ; que, par courriel du 10 mars 2012, Madame Raguet a indiqué : " Je reviendrai vers Shop Concept si nécessaire mais pas avant avril ou mai. Je précise qu'un courrier va être adressé afin de confirmer qu'à ce jour aucun engagement de commande n'a été fait par Sergent Major pour un quelconque besoin en mobilier en 2011 ou 2012 et qu'évidemment, nous ne sommes en aucun cas liés par un contrat et ce pour toutes les entreprises avec lesquelles Sergent Major travaille selon ses besoins "; que les commandes se sont donc interrompues le 24 février 2012 à l'initiative de Sergent Major ; que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juin 2012, la société Shop Concept a pris acte de la rupture de la relation commerciale et sollicité la reprise du stock de mobiliers dont l'ordre de fabrication datait de mai 2011 pour les magasins Sergent Major ;
Que la date du 24 février 2012 est le point de départ de la rupture de la relation commerciale ;
Considérant qu'il est constant qu'aucun préavis de rupture n'a été accordé à la société Shop Concept ; que la société Sergent Major n'établit pas de manquement ou une mauvaise foi de la part de la société Shop Concept dans l'exécution de ses obligations pouvant justifier une absence de préavis ; qu'aucun reproche n'a été présenté à Shop Concept pendant l'exécution de ses prestations ; que, les échanges entre les parties sur l'existence ou pas d'un stock commandé par Sergent Major ne pouvant constituer une cause justificative à la rupture, dès lors :
- que la société Sergent Major était informée de l'existence de ce stock puisque Madame Raguet en faisait état dans son courriel du 24 mai 2011 adressé à un franchisé ;
- que la constitution du stock de mobilier par Shop Concept devait répondre aux besoins de son client pour les chantiers à venir, lesquels ne devaient souffrir d'aucun retard ;
Qu'au regard de la durée de la relation - de 22 mois - du temps nécessaire pour trouver un partenaire commercial équivalent, la société Sergent Major se devait d'accorder à la société Shop Concept un délai de préavis de trois mois ;
Qu'en conséquence, la rupture des relations commerciales a présentait un caractère brutal au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
Sur le préjudice
Considérant qu'il résulte de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce que seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même ; que le préjudice doit tenir compte de la durée du préavis qui aurait dû être accordé et du gain manqué constitué de la marge bénéficiaire brute que la société Shop Concept était en droit d'escompter s'il n'y avait pas eu rupture de la relation commerciale ;
Considérant qu'il ne peut être tenu compte, dans le préjudice directement lié à la brutalité de la rupture, de l'existence d'un stock de mobilier qui a été fabriqué sans l'accord express et sans commande de la société Sergent Major aux risques et périls de la société Shop Concept ;
Que le chiffre d'affaires HT réalisé par la société Shop Concept en 2010/2011 s'élève à la somme de 968 699 euros HT (attestation de l'expert-comptable), le chiffre d'affaires des magasins affiliés Sergent Major devant être pris en compte ; que le taux de marge brute retenu sera de 46,56 % équivalent à la différence entre le prix de vente des équipements et le prix de revient ; que la marge brute manquée est donc de : 968 699 euros / 12 x 3 x 46,56 % = 112 756,56 euros ;
Qu'il convient en conséquence de condamner la société Sergent Major à payer à la société Shop Concept la somme de 112 756,56 euros en réparation du préjudice qui a résulté de la rupture brutale de la relation commerciale ;
Considérant que l'équité impose de condamner la société Sergent Major à payer à la société Shop Concept la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement entrepris, Statuant à nouveau, Dit recevables les demandes de la SAS La Générale pour l'Enfant Major, Dit que la relation commerciale entre les parties était établie, Dit que la rupture a été brutale au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, En conséquence, Condamne la société Générale pour l'Enfant Major à payer à la société Shop Concept & Services la somme de 112 756,56 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale, Déboute la société Shop Concept & Services de ses plus amples prétentions, Condamne la société Générale pour l'Enfant Major à payer à la société Shop Concept & Services la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, La Condamne aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Huvelin & Associés en application de l'article 699 du Code de procédure civile.