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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 19 janvier 2017, n° 15-04847

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fucci Salotti Srl (Sté)

Défendeur :

Diffusion Design International (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mmes Rochette, Lefeuvre

Avocats :

Mes Ceccaldi, Pomies Richaud, Daniel, Neveu

T. com. Avignon, du 2 oct. 2015

2 octobre 2015

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 23 octobre 2015 par la société de droit italien " Fucci Salotti " à l'encontre du jugement prononcé le 2 octobre 2015 par le Tribunal de commerce d'Avignon dans l'instance n° 20143696.

Vu les dernières conclusions déposées le 25 janvier 2016 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions déposées le 22 mars 2016 par la société Diffusion Design International (ci-après DDI), intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu l'ordonnance du 30 juin 2016 de clôture de la procédure à effet différé au 10 novembre 2016 et de fixation de l'affaire à l'audience de plaidoiries du 21 novembre 2016.

La SARL DDI est une société d'agence commerciale immatriculée au registre spécial des agents commerciaux et au registre du commerce et des sociétés d'Avignon sous le n° 339015174. Son gérant est Monsieur Michel X. Elle a pour activité les " achats, ventes, importations, exportations, commissionnaires sur l'ameublement, les vêtements prêt-à-porter, chaussures, motocycles, bijouterie fantaisie, décoration, marchand de marchés, exploitation du réseau commercial de Monsieur Michel X, négoce d'aliments et de compléments alimentaires ou diététiques pour l'homme et les animaux et des articles de parfumerie ". Le siège de la société se trouve à Saint Saturnin les Avignon.

La société de droit italien SARL " Fucci Salotti " (ci-après FS) est spécialisée dans la fabrication de meubles et plus précisément de canapés et de fauteuils.

La société DDI et la société FS ont signé le 19 mai 1995 un contrat d'agence commerciale dénommée " contrat exclusif d'importation " aux termes duquel la société FS s'engage à fabriquer pour le compte de la société DDI divers modèles de création DDI pour les pays suivants : Suisse, France, Belgique, Luxembourg et principauté de Monaco. La convention comporte une clause attributive de juridiction au profit des " tribunaux d'Avignon. "

Par attestation du 8 février 1999, Monsieur Franco Fucci, administrateur de la société FS porte à connaissance que la société DDI est son agent commercial et représente la société FS sur le territoire français.

Par courrier du 22 octobre 2013, l'agent commercial indique que le montant des factures de commissions dues après déduction des acomptes s'élève à 82 494,99 euros de sorte qu'il est obligé de mandater un avocat et demande à ce que la moitié des sommes dues lui soit virée sous 15 jours, le solde pouvant être apuré par mensualités jusqu'au 30 décembre 2013.

Le conseil de la société DDI adresse une mise en demeure de payer la somme de 75 976,19 euros au titre de l'arriéré de paiement de commissions par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 janvier 2014.

Par exploit du 14 avril 2014, la société DDI fait assigner la société FS en paiement de l'arriéré des commissions devant le Tribunal de commerce d'Avignon qui, par jugement du 2 octobre 2015, a :

Retenu sa compétence pour statuer sur le litige,

Dit que la loi française s'appliquait audit litige,

Condamné la société FS à payer à la SARL DDI la somme de 85 096,29 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 janvier 2014,

Ordonné la capitalisation des intérêts qui seraient dus au moins pour une année entière dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,

Condamné la société FS à payer à la SARL DDI la somme de 1 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamné la société FS aux dépens,

Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La société FS a relevé appel de ce jugement et demande à la cour de :

Renvoyer les parties à mieux se pourvoir,

Subsidiairement,

Dire que la loi italienne sera appliquée au litige,

Reconventionnellement,

Condamner la société DDI au paiement de la somme de 2 000 euros titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

La société DDI conclut, au visa des articles 1134 et 1147, 1154 du Code civil L. 134-6 du Code de commerce, 515 et 48 du Code de procédure civile, 23 § 1er du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, de la convention de Rome de 1980, de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 octobre 2015 par le Tribunal de commerce d'Avignon,

Débouter la société FS de l'ensemble de ses demandes,

Condamner la société FS à lui payer la somme de 5 000 euros titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société FS aux dépens distraits au profit de Me Daniel, membre associé de la SCP Fortunet et associés, avocat au barreau d'Avignon, suivant l'article 699 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

Discussion

1°) Sur la compétence du Tribunal de commerce d'Avignon

La société FS fait valoir qu'il ne peut y avoir clause attributive de compétence dans un litige opposant un commerçant à un non commerçant. Or, de par la loi et par le statut, l'agent commercial exerce une activité civile qui relève par nature de la compétence des juridictions civiles.

La société DDI réfute ce moyen en ce que le présent litige oppose deux sociétés commerciales et que le Tribunal de commerce d'Avignon était nécessairement compétent pour trancher le litige en raison de la clause attributive de compétence insérée dans le contrat.

Cependant, nonobstant la nature civile du mandat unissant la société DDI, agent commercial, à la société de droit italien FS, la juridiction commerciale est bien compétente sur le fondement de l'article L. 411-4 du Code de l'organisation judiciaire puisque les parties présentent l'une et l'autre le caractère de sociétés commerciales par la forme et que le contrat litigieux a été conclu à l'occasion de leurs activités commerciales respectives portant sur l'importation d'ameublement fabriqué par la société FS.

Par ailleurs, le contrat litigieux est un contrat international, en ce qu'il est passé entre une société, domiciliée en Italie qui fabrique des produits dont elle confie la négociation d'une partie à un agent commercial qui est domicilié en France, afin qu'ils soient vendus dans les pays désignés dans le contrat.

Or, à la différence du droit interne où l'article 48 du nouveau Code de procédure civile prohibe les clauses attributives de compétence territoriale, la validité de ces clauses a toujours été reconnue dans les contrats internationaux d'agence, en particulier par l'article 23 du règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000, applicable aux actions judiciaires engagées postérieurement au 1er mars 2002, qui dispose :

" Si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un État membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État membre sont compétents. Cette compétence est exclusive sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de juridiction est conclue

a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou

b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou

c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée. "

La clause attributive de juridiction stipulée par écrit dans le contrat d'agence commerciale signée par les parties au procès est donc parfaitement valable sans qu'il n'y ait lieu de rechercher si elle était libellée de façon très apparente, condition qui n'est exigée que par l'article 48 du Code de procédure civile inapplicable à l'espèce.

Enfin, contrairement à ce que soutient la société FS, l'attestation du 8 février 1999 ne constitue pas un avenant supprimant la compétence des juridictions d'Avignon mais a seulement pour objet de confirmer que la société DDI est l'agent commercial de la société FS et que de ce fait " des éventuels échanges d'argent sont dus à notre rapport de travail ".

L'exception d'incompétence sera rejetée.

2°) Sur la loi applicable

La société FS soutient que la loi italienne doit régir les rapports contractuels entre les parties au motif que la convention du 19 mai 1995 a été signée à Forli, lieu de son siège social et que dans le cadre de la transposition de la directive du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux, ainsi que de la convention de Rome du 19 juin 1980, c'est la loi du for qui s'impose en l'absence d'indication dans le contrat de la loi applicable.

La société DDI conclut au contraire à l'application de la loi française au visa de l'article 4 de la convention de Rome du 19 juin 1980.

Il est patent que les parties n'ont pas expressément choisi de loi dans le contrat exclusif d'importation quand bien même il est fait mention de la législation européenne et française dans la clause relative aux litiges portant sur toute contestation due à une mauvaise fabrication.

À défaut de désignation expresse de la part des parties, il convient de rechercher d'après l'économie de la convention et le principe de proximité quelle est la loi qui doit régir les rapports des contractants, au visa des articles 4.1 et 4. 2 de la convention de Rome exactement visés par les premiers juges.

S'agissant du principe de proximité, le contrat d'agence commerciale porte sur des prestations de services dont l'exécution est localisée dans plusieurs Etats. Mais c'est au siège social de l'agence commerciale situé en France que sont reçues les instructions du mandant, les commandes des clients, que sont perçues les commissions, qu'est organisée l'activité professionnelle de l'agence.

L'économie de la convention renvoie également à l'application de la loi française en ce que le contrat est rédigé en langue française, qu'il comporte une clause attributive de compétence au profit des juridictions françaises et plus précisément au profit des tribunaux d'Avignon, que la loi française (outre européenne) est mentionnée dans le règlement des litiges relatifs à la mauvaise fabrication des produits.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu l'application de la loi française.

3°) Sur le fond

La société FS ne conteste pas devoir des commissions à la société DDI mais critique le décompte actualisé communiqué par cette dernière. Elle invoque l'existence de doublons, en particulier dans les factures référencées 255/2012 et 256/12 dont les montants se retrouvent dans la facture 276. Elle conteste la réception des factures 254/12 et 3017/2013. Elle soutient avoir acquitté la facture 210/2010.

La société DDI maintient l'intégralité de ses demandes en paiement, estimant l'argumentation de l'appelante fallacieuse.

Au préalable, il convient d'écarter l'allégation exprimée au début de ses écritures selon laquelle la société FS a cessé son activité le 30 décembre 1999 car elle n'en justifie pas. Et au contraire, la société DDI produit un bon de commande du 20 mars 2015 adressé directement par Salons Center à la société Fucci ainsi qu'une attestation du gérant de la société FS en date du 24 octobre 2006 autorisant l'agent commercial à encaisser directement des commissions auprès de ses clients. Il est donc démontré que la société FS a poursuivi son activité au-delà du 30 décembre 1999.

Aux termes de l'article L. 134-6 du Code de commerce, l'agent commercial a droit à une commission lorsque l'opération commerciale a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.

La société DDI produit, à l'appui de sa demande en paiement, un décompte ainsi que toutes les factures et relevés de commissions afférents. Elle justifie donc de sa créance. Ainsi que relevé ci-dessus, peu de pièces sont contestées de manière précise par la société FS.

S'agissant de la facture n° 255 du 8 août 2012, elle porte sur des commissions dues au titre de factures n° 97 à 217 échelonnées sur la période du 2 février 2012 au 29 février 2012. Il est exact qu'elles sont à nouveau mentionnées dans la facture n° 276. Il en est de même pour la facture n° 256 du 8 août 2012 qui porte sur des commissions dues au titre de factures n° 222 à 304 échelonnées sur la période du 5 mars au 30 mars 2012. Eu égard à cette double facturation, la demande en paiement des factures n° 256 d'un montant de 3571 euros et n° 255 d'un montant de 6615 euros seront rejetées.

Par contre, il importe peu que la société FS oppose la non réception des factures n° 254 et n° 301 dans la mesure où elle a été mis en demeure de les payer, puis actionnée en justice, qu'elle ne les conteste pas au fond et que ces factures ont été régulièrement communiquées aux débats. La société FS en devra donc le paiement.

Enfin la société FS n'apporte pas la preuve de s'être libérée du paiement de la facture n° 210 du 21 avril 2010 de sorte qu'il sera fait droit à la demande en paiement de la société DDI.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la société FS sera condamnée à payer à la société DDI la somme de 74 910,29 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 janvier 2014. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 ancien du Code civil.

4°) Sur les frais de l'instance

La société FS, qui succombe, devra supporter les dépens de première instance et d'appel et payer à la société DDI une somme équitablement arbitrée, eu égard à sa situation économique, à 2000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Rejette l'exception d'incompétence, Au fond, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation de la société " Fucci Salotti ". Et statuant à nouveau. Condamne la société de droit italien " Fucci Salotti " Srl à payer à la SARL " Diffusion Design International " la somme de 74 910,29 euros avec intérêts légaux à compter du 3 janvier 2014. Dit que la société de droit italien " Fucci Salotti " Srl supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à la SARL " Diffusion Design International " une somme de 2000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile. Dit que Me Daniel, membre associé de la SCP d'avocats "Fortunet et Associés " pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.