CA Colmar, 1re ch. civ. A, 18 janvier 2017, n° 14-04537
COLMAR
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Sam Outillage (SAS)
Défendeur :
KS Tools (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dorsch
Conseillers :
Mm. Robin, Regis
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 5 octobre 2010, la société SAM Outillage, fabricant d'outillage à main, a fait assigner la société KS Tools devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg afin de faire juger que celle-ci commet des actes de concurrence déloyale et parasitaire, de lui faire interdire de fabriquer et de commercialiser divers modèles de coupe-boulons à bras tubulaires ou à bras forgés, comme d'utiliser toute référence au nom ou aux marques de la demanderesse dans la présentation de ses produits, et d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi.
Suivant jugement en date du 30 juin 2014, le Tribunal de grande instance de Strasbourg a débouté la société SAM Outillage de ses demandes en considérant que le coupe-boulons était un outil communément répandu dont les caractéristiques générales ne sont pas spécifiques à une marque déterminée, que la caractéristique déterminante du modèle de la société SAM Outillage est la fixation de la lame par rivets, que le fait pour la société KS Tools de commercialiser des mâchoires de rechange présentées comme " adaptables sur modèle de type SAM " est une pratique courante qui ne crée aucun risque de confusion, que la fixation de prix très inférieurs n'est pas fautive, et que l'acheteur, qui est nécessairement un professionnel averti et non un consommateur courant, est prêt à débourser un prix supérieur dès lors que la durée de vie du produit est substantiellement supérieure. La demande reconventionnelle de la société KS Tools en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'une désorganisation de l'entreprise et d'une atteinte au secret des affaires, en raison notamment d'un constat d'huissier effectué dans ses locaux le 9 juin 2010 en vertu d'une ordonnance rendue à la requête de la société SAM Outillage, a également été rejetée.
Le 17 septembre 2014, la société SAM Outillage a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions du 15 mars 2016, la société SAM Outillage demande à la Cour de déclarer irrecevables les conclusions notifiées par la société KS Tools le 13 février 2015 et de rejeter la demande de l'intimée tendant à ce que soient écartées des débats les pièces produites par l'appelante sous les numéros 43 à 47. Quant au fond, elle demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société KS Tools de sa demande reconventionnelle, de l'infirmer pour le surplus, d'interdire à la société KS Tools de commercialiser différents modèles de coupe-boulons sous astreinte de 500 euros par jour, par produit et par infraction constatée, d'ordonner sous la même astreinte le retrait des coupe-boulons litigieux des circuits commerciaux ainsi que la destruction des stocks, d'ordonner également la modification des documents commerciaux, d'interdire à la société KS Tools de faire usage des mentions " utilisable comme SAM " et " adaptable sur modèle de type SAM ", de la condamner à lui payer les sommes de 120 000 et de 326 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation respectivement de son préjudice moral et de son préjudice commercial, d'ordonner la production d'éléments comptables permettant de démontrer l'ampleur du préjudice commercial, d'ordonner la publication de la décision à intervenir, et de condamner la société KS Tools au paiement d'une indemnité de 25 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société SAM Outillage expose qu'à compter de 1994 elle a investi dans la conception d'un coupe-boulons innovant et qu'en 2003 elle a ainsi lancé sur le marché un modèle nouveau, spécifique par la forme des lames, la fixation des flasques sur les lames par rivetage plutôt que par vissage, la forme des bras et l'existence de poignées en caoutchouc. Ce nouveau modèle, commercialisé soit avec des bras forgés soit avec des bras tubulaires, aurait acquis une notoriété importante, sa part de marché aurait atteint 40 % en France, et sa vente représenterait environ 8 % du chiffre d'affaires de la société.
Elle reproche à la société KS Tools d'avoir mis sur le marché en 2009 un nouveau modèle de coupe-boulons, différent de son propre modèle antérieur et présentant un aspect général et des caractéristiques techniques quasiment identiques à celui de sa concurrente, et soutient que la société KS Tools a ainsi voulu se placer dans son sillage, ainsi que le démontrerait un compte-rendu d'une réunion commerciale de septembre 2008 évoquant expressément le coupe-boulons de marque SAM.
Le coupe-boulons de la société KS Tools copierait les caractéristiques de celui de la société SAM Outillage sur sept points et aurait repris à l'identique la combinaison des caractéristiques techniques précises. La seule véritable différence concernerait le mode de fixation des lames, et sur ce point la société KS Tools aurait donné aux vis qu'elle utilise l'aspect des rivets utilisés par la société SAM Outillage ; il s'agirait d'un procédé déloyal destiné à créer un risque de confusion chez les acheteurs.
En outre, alors qu'aucune des caractéristiques du coupe-boulons de la société KS Tools ne serait nouvelle ni originale, elle le présenterait abusivement comme une innovation et comme un produit substituable à celui de la société SAM Outillage. Celle-ci soutient que la commercialisation de pièces détachées ou d'accessoires compatibles est une activité spécifique, qui ne correspond pas à celle du marché de l'outillage à main professionnel. La mâchoire du coupe-boulons ne serait pas un accessoire mais l'élément essentiel de l'outil et en l'espèce la société KS Tools présenterait cet élément comme compatible uniquement avec l'outil de marque SAM. Il ne s'agirait donc pas de pièces de rechange adaptables à plusieurs types de matériel.
La société KS Tools se serait également livrée durant les deux premières années à une pratique de prix anormalement bas uniquement destinée à détourner la clientèle de la société SAM Outillage.
Pour l'évaluation de son préjudice, la société SAM Outillage invoque une atteinte à l'image de son produit, qui justifierait l'octroi de la somme de 120 000 euros, une perte de chance de vendre ses propres outils, qu'elle évalue à 35 000 euros pour les dix-huit premiers mois de commercialisation du modèle à bras forgés et qu'elle extrapole à 326 000 euros pour la commercialisation de deux modèles durant sept ans.
Enfin, la société SAM Outillage s'oppose à la demande reconventionnelle en indiquant qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dans la réalisation d'un constat d'huissier autorisé en justice, ni dans la production d'un document interne de la société KS Tools, et qu'aucune intention de nuire n'est caractérisée.
Par conclusions du 27 avril 2016, la société KS Tools demande à la Cour d'écarter des débats les pièces produites par la société SAM Outillage sous les numéros 43 à 47, de rejeter l'appel principal, et, faisant droit à son appel incident, de condamner la société SAM Outillage à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal depuis le jugement entrepris, ainsi qu'une indemnité de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société KS Tools s'oppose à l'exception de procédure soulevée par la société SAM Outillage en soutenant que celle-ci n'invoque aucun grief et qu'au surplus ses dernières conclusions emportent régularisation.
Quant au fond, la société KS Tools conteste l'existence d'actes de concurrence déloyale et parasitaire. Elle fait valoir que la demanderesse n'invoque aucune atteinte à un droit de propriété industrielle et que les caractéristiques générales d'un coupe-boulons ne présentent aucune originalité mais sont communes à tous les produits du marché. De même l'utilisation des couleurs rouge et noire n'aurait aucune originalité dans le domaine de l'outillage. Les caractéristiques du coupe-boulons de marque SAM ne seraient pas suffisantes pour fonder une action en concurrence déloyale ainsi que le démontrerait l'absence d'action concernant l'outil de marque Stanley, fabriqué par le fournisseur de la société KS Tools et se différenciant du produit de celle-ci uniquement par sa couleur jaune. La société KS Tools soutient que son modèle présente des différences notables avec celui de la société SAM Outillage en ce qu'il dispose d'une butée d'arrêt au niveau de la mâchoire, en ce que l'arrondi externe est moins marqué, en ce qu'il utilise des vis et non des rivets ce qui entraîne une épaisseur plus importante. L'utilisation de vis à tête plate n'aurait pas pour but d'imiter l'aspect des rivets, mais de réduire l'épaisseur de la mâchoire.
La société KS Tools reproche à la société SAM Outillage de dénigrer la fabrication chinoise des outils de sa concurrente, en ajoutant qu'elle-même dispose de plusieurs ingénieurs qualifiés et qu'elle travaille en partenariat avec le fabricant chinois. Elle reproche également à la société SAM Outillage d'avoir dérobé un document confidentiel.
La société KS Tools ajoute qu'elle ne vend pas ses outils à vil prix et que la société SAM Outillage pratique même des offres promotionnelles à des prix inférieurs.
Par ailleurs la recherche d'une compatibilité entre produits ne serait pas un acte de concurrence déloyale lorsqu'elle ne porte pas atteinte à un droit de propriété industrielle. La société KS Tools proposerait d'ailleurs des gammes complètes d'accessoires avec l'ensemble des marques compatibles, notamment en ce qui concerne les lames de scie. Aucune confusion ne serait possible entre les mâchoires commercialisées par la société KS Tools, qui portent sa marque, et celles de la société SAM Outillage.
La société KS Tools conteste également la réalité du préjudice invoqué par la société SAM Outillage. Elle fait valoir que depuis 2009 celle-ci ne commercialise plus le modèle 2000 et que lors de son constat l'huissier a relevé un volume de ventes faible par la société KS Tools.
Reconventionnellement, la société KS Tools invoque la mauvaise foi de la société SAM Outillage et soutient que l'action de celle-ci avait pour but d'entraver l'activité d'un concurrent. Elle sollicite la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 1er juillet 2016.
Sur quoi :
Sur la procédure :
Attendu que la demande de la société SAM Outillage tendant à ce que soient écartées des débats les conclusions de la société KS Tools notifiées le 13 février 2015 est désormais sans objet, la Cour n'étant plus saisie desdites conclusions auxquelles ont succédé celles déposées le 27 avril 2016 ;
Attendu que dans le dispositif de ces dernières conclusions, la société KS Tools maintient sa demande tendant à ce que soient écartées des débats les pièces produites par la société SAM Outillage sous les numéros 43 à 47 ;
Attendu cependant que cette demande ne repose sur aucun moyen de fait ni de droit ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'y faire droit ;
Sur le parasitisme commercial :
Attendu que la société SAM Outillage démontre avoir engagé en 1994 des études afin de mettre au point un nouveau modèle de coupe-boulons, qu'elle qualifiait en interne de produit " cheval de bataille " ; qu'elle démontre notamment avoir exploré différentes voies d'amélioration de son produit, en avoir écarté certaines après des essais, mais avoir notamment retenu le principe d'une fixation des lames aux flasques par des rivets au lieu de vis ; qu'un nouveau coupe-boulons à lames rivetées a ainsi été défini et dessiné au début de l'année 2001, puis mis sur le marché au cours de l'année 2003 ;
Attendu que la société SAM Outillage justifie non seulement de la réalité de l'investissement réalisé pour concevoir un outil performant et innovant, mais également de ce que le coupe-boulons est un de ses produits principaux permettant d'attirer la clientèle et de valoriser sa marque ; que la société SAM Outillage utilise notamment l'image de cet outil pour illustrer la couverture de ses catalogues, et qu'elle verse aux débats des articles de presse, dont l'un publié en 2008, soit avant-même la naissance du présent litige, classe le coupe-boulons parmi " les produits emblématiques " de l'entreprise ;
Attendu qu'elle démontre également que son coupe-boulons a acquis une notoriété importante, notamment dans le monde professionnel ; qu'il bénéficie ainsi d'une mise en valeur particulière dans des catalogues de marchands d'outillage et que la marque SAM a été qualifiée en 2010, dans un article de la presse spécialisée, de marque de référence sur le marché du coupe-boulons ;
Attendu qu'au cours de l'année 2009, la société KS Tools a mis sur le marché un coupe-boulons présentant de fortes similitudes visuelles avec celui de la société SAM Outillage ;
Attendu notamment que les dimensions du coupe-boulons commercialisé sous la marque KS Tools et les couleurs utilisées (noir pour les lames et les poignées et rouge pour le manche) sont identiques à celles du coupe-boulons de marque SAM de l'époque, que la forme des lames est identique, que la forme des bras est très voisine ; que l'existence de différences d'aspect affectant de manière infime l'arrondi des lames ou encore le dessin des flasques au niveau de la butée d'arrêt ne permet pas de démentir l'existence d'une volonté avérée de présenter un outil d'aspect quasi-identique ;
Attendu que la circonstance que la société SAM Outillage a modifié la couleur de son coupe-boulons à la suite de la mise sur le marché du modèle litigieux de la société KS Tools ne contredit pas la volonté de cette dernière de bénéficier d'une similitude d'aspect ;
Attendu que le procès-verbal de constat établi le 9 juin 2010 démontre que la société KS Tools n'avait aucun document technique concernant son coupe-boulons et qu'elle ne disposait d'aucun dossier de recherche et de développement relatif à ce produit ; que le dirigeant de la société a indiqué se charger uniquement de la commercialisation du produit sous sa marque, en se fournissant en Chine où il s'était déplacé une dizaine de fois, en précisant qu'il avait " tout simplement demandé à cette société chinoise ce [qu'il souhaitait] comme matériel " ; qu'interrogé par l'huissier sur l'existence d'un cahier des charges concernant ce produit, le dirigeant de société KS Tools a répondu par la négative ; qu'il est ainsi établi que la société KS Tools a mis sur le marché un produit sans avoir effectué aucune démarche particulière de conception, sans même dessiner son propre modèle et sans en définir les caractéristiques techniques ;
Attendu qu'il est donc démontré que le seul objet de la commande passée par la société KS Tools à son partenaire chinois était la fourniture de coupe-boulons similaires à ceux de la société SAM Outillage, sans que cette similitude puisse être justifiée par des données techniques issues d'un travail de conception mené par la société KS Tools ;
Attendu que la principale différence visuelle entre l'outil de marque KS Tools et l'outil de marque SAM est la fixation de la lame par vis et écrous sur le premier et par rivet sur le second ; que cependant, la société SAM Outillage fait valoir à juste titre que l'utilisation de vis à tête ronde et plate donne à l'outil de la société KS Tools un aspect similaire au sien, notamment sur les catalogues qui en présentent systématiquement une photographie montrant la tête des vis et non les écrous ;
Attendu que l'utilisation de telles vis à tête ronde et plate ne présente pas d'autre intérêt que la similitude d'aspect avec les rivets de l'outil fabriqué par la société SAM Outillage ; qu'en particulier la société KS Tools, qui soutient que l'utilisation de telles vis avait pour but de réduire l'épaisseur de la mâchoire afin de permettre à l'utilisateur d'accéder à des espaces étroits, ne verse aux débats aucun élément en ce sens, et notamment aucune étude technique portant sur un gain éventuel lors de l'utilisation ; que l'examen de l'outil ne révèle aucune recherche tendant à réduire l'épaisseur au niveau de la flasque, notamment en ce qui concerne les vis ; que l'absence de toute étude technique effectuée par la société KS Tools sur ce point démontre également que cette caractéristique avait pour seul but de présenter un produit similaire à celui de la société SAM Outillage ;
Attendu que la société SAM Outillage fait également valoir à juste titre que la société KS Tools présente dans son catalogue son modèle de coupe-boulons avec, sur la même page, une offre de " Mâchoires de rechange " décrites comme " Adaptables sur modèles de type SAM " ; que cette présentation, associant sur une même page le coupe-boulons et des mâchoires de rechange associées à la marque SAM, est également reprise sur le site internet de la société KS Tools ;
Attendu que la société KS Tools ne rapporte aucune preuve d'une volonté sincère de développer des pièces de rechange pour des coupe-boulons d'autres marques que la sienne ; qu'il ne résulte notamment d'aucune pièce probante qu'elle commercialiserait de telles pièces de rechange pour des coupe-boulons d'autres marques ; qu'au contraire son catalogue présente les " Mâchoires de rechange " en les associant uniquement à la marque SAM et non à celles d'autres coupe-boulons, alors même que, selon ses propres explications, son modèle serait identique, sauf pour la couleur, à ceux produits par le même fabricant chinois et commercialisés sous la marque Stanley ; que cette démarche commerciale avait donc exclusivement pour but d'associer la présentation du coupe-boulons lui-même à la marque SAM, en profitant de la notoriété de celle-ci ;
Attendu que ces circonstances démontrent suffisamment que par la commercialisation d'un coupe-boulons d'un aspect quasi-identique à celui de marque SAM, la société KS Tools a cherché à se placer dans le sillage de la société SAM Outillage pour tirer profit d'une part de sa notoriété et d'autre part des investissements réalisés pour concevoir un outil dont les qualités sont très largement reconnues ;
Attendu que la société SAM Outillage est en conséquence fondée à reprocher à la société KS Tools un comportement fautif de parasitisme commercial, et à demander qu'il soit mis fin à ce comportement ;
Sur le préjudice
Attendu que conformément à l'ancien article 1382 du Code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ;
Attendu que les faits fautifs, constitutifs de parasitisme commercial, commis par la société KS Tools obligent ainsi celle-ci à en réparer les conséquences préjudiciables directes subies par la société SAM Outillage ;
Attendu que le préjudice causé à celle-ci résulte d'une part de la dévalorisation d'un produit emblématique de sa gamme, dont les caractéristiques techniques essentielles ont été banalisées pour promouvoir un outil ne présentant aucune originalité ;
Attendu que la banalisation et la dévalorisation du coupe-boulons de sa marque justifie d'allouer à la société SAM Outillage une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Attendu que la réparation de ce préjudice justifie également d'autoriser la publication de la présente décision qui constate le comportement déloyal et le sanctionne ;
Attendu d'autre part que la société SAM Outillage est fondée à solliciter réparation du préjudice commercial résultant des ventes dont elle a été privée en raison de la pratique commerciale déloyale de la société KS Tools ;
Attendu que du 16 janvier 2009 au 8 juin 2010, la société KS Tools a réalisé un chiffre d'affaires de 74 222 euros au titre de la vente de coupe-boulons à bras forgés ; qu'en l'absence d'autres éléments comptables fournis par la société KS Tools, la société SAM Outillage est fondée à soutenir que les ventes réalisées par celle-ci au cours de la période ultérieure peuvent être estimées par extrapolation, comme les ventes du coupe-boulons à bras tubulaires ;
Attendu que la société SAM Outillage a été privée d'une chance de réaliser une marge brute correspondant aux ventes de la société KS Tools ; que cette perte de chance ne peut cependant être égale à la marge brute qu'elle aurait dégagée sur la totalité des ventes ; qu'en effet il n'est pas certain qu'en l'absence de la pratique commerciale déloyale la totalité des clients de la société KS Tools aurait acquis un coupe-boulons de marque SAM ;
Attendu en revanche que compte tenu de la part de marché dont bénéficiait la société SAM Outillage avant la pratique commerciale litigieuse, de sa notoriété notamment sur le marché du coupe-boulons, et de la circonstance que, compte tenu des caractéristiques similaires des coupe-boulons d'autres marques, seul le parasitisme commercial de la société KS Tools permet d'expliquer l'ampleur de ses ventes de coupe-boulons au regard de la taille du marché et de l'absence totale d'innovation de son produit, les éléments produits permettent d'évaluer à 250 000 euros la marge brute dont la société SAM Outillage a été privée ;
Sur la désorganisation de la société KS Tools :
Attendu que les mesures diligentées par la société SAM Outillage pour faire constater la pratique commerciale déloyale de la société KS Tools ne relèvent pas d'une intention de nuire à un concurrent, mais de la défense légitime des intérêts commerciaux de la première ; qu'elles étaient en outre nécessaires à la défense de ses droits, et qu'elles étaient strictement proportionnées à celle-ci ;
Attendu par ailleurs qu'aucun élément ne permet de démontrer la réalité de la désorganisation alléguée ;
Attendu que la société KS Tools ne rapporte aucune preuve de ce qu'un document produit par la société SAM Outillage aurait été obtenu dans des conditions illicites ; qu'elle ne précise même pas quelle serait la nature du préjudice susceptible d'avoir été causé par la production du document litigieux dans le présent procès ;
Attendu que la société KS Tools a donc été déboutée à bon droit de sa demande de dommages et intérêts ;
Sur les dépens et autres frais de procédure :
Attendu que la société KS Tools, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du Code de procédure civile ;
Attendu que selon l'article 700 1° de ce Code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ;
Attendu que les circonstances de l'espèce justifient de condamner la société KS Tools à payer à la société SAM Outillage une indemnité de 6 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés à l'occasion du présent procès ; qu'elle sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre ;
Par ces motifs : LA COUR, Constate que la demande de la société SAM Outillage tendant à ce que soient déclarées irrecevables les conclusions de la société KS Tools notifiées le 13 février 2015 est sans objet, Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces produites par la société SAM Outillage sous les numéros 43 à 47, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société KS Tools de sa demande de dommages et intérêts, L'infirme pour le surplus, Et, statuant à nouveau, Constate l'existence d'agissements parasitaires commis par la société KS Tools à l'égard de la société SAM Outillage, depuis le début de l'année 2009 et jusqu'au 31 décembre 2015 au moins, Fait interdiction à la société KS Tools de fabriquer ou de faire fabriquer, de commercialiser, ou de proposer sous quelque forme que ce soit, des coupe-boulons tels que ceux référencés sous les numéros 118 0118 et 118 0218, 118 0124 et 118 0224, 118 0130 et 118 0230, 118 0136 et 118 0236, 118 0142 et 118 0242, Fait interdiction à la société KS Tools d'utiliser les mentions 'utilisable comme SAM' et 'adaptables sur modèle de type SAM', comme le nom de la société SAM Outillage, dans toute présentation de ses produits, Ordonne à la société KS Tools de retirer du marché tous les coupe-boulons référencés ci-dessus, ainsi que tous les documents commerciaux comportant une présentation de ces produits ou l'une quelconque des mentions prohibées, Impartit à la société KS Tools un délai de trente jours à compter de la signification du présent arrêt pour se conformer aux dispositions ci-dessus, et dit que passé ce délai elle sera tenue d'une astreinte de 500 euros par jour de retard, par produit commercialisé, et par infraction constatée, Ordonne que les coupe-boulons et les documents commerciaux seront détruits aux frais de la société KS Tools, au plus tard six mois après la signification du présent arrêt, sous le contrôle d'un huissier de justice dont le procès-verbal sera transmis à la société SAM Outillage, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, Dit n'y avoir lieu à mesure d'instruction, Condamne la société KS Tools à payer à la société SAM Outillage la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice d'image et celle de 250 000 euros en réparation du préjudice commercial causé au cours des années 2009 à 2015, Autorise la société SAM Outillage à faire publier le présent arrêt par extraits dans trois revues de son choix, aux frais de la société KS Tools et dans la limite de 1 500 euros hors taxes par publication, Condamne la société KS Tools aux dépens de première instance et d'appel, à prendre en charge les frais afférents aux mesures ordonnées le 25 mai 2010 et aux constats effectués le 14 décembre 2009 et le 7 novembre 2011, ainsi qu'à payer à la société SAM Outillage une indemnité de 6 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre.