CA Aix-en-Provence, 11e ch. A, 24 janvier 2017, n° 16-00145
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Le Rucher du Moulin de l'Aunay (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bebon
Conseillers :
Mmes Bruel, Perez
Exposé du litige :
La société IPS sous l'enseigne Le Rucher du Moulin de L'Aunay est spécialisée dans la vente par correspondance.
Le 23 février 2012, elle a adressé à Madame D. âgée de 90 ans, un courrier intitulé " avis définitif de remise de chèque " lui confirmant qu'elle avait gagné la somme de 4 590 euros.
Par un autre courrier, elle lui indiquait qu'elle avait également gagné la somme de 5 000 euros.
Madame D. souligne qu'elle n'a reçu aucune des sommes promises.
Par exploit en date du 27 janvier 2015, Madame D. a assigné la société IPS devant le tribunal de Marseille en paiement de la somme globale de 9 590 euros.
Par jugement en date du 17 novembre 2015, le tribunal a débouté Madame D. en se fondant sur le fait qu'elle n'établirait pas qu'elle aurait retourné les formulaires avec les vignettes réclamées pour l'obtention des sommes.
Madame D. a interjeté appel le 6 janvier 2016.
Par conclusions en date du 3 mai 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, elle indique qu'il n'y avait aucun aléa quant à l'attribution du prix et maintient ses demandes.
La société IPS, dans des conclusions en date du 22 novembre 2016 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, conclut au débouté des demandes de Madame D., cette dernière n'ayant pas renvoyé les formulaires exigés et soutient qu'il y avait un aléa et qu'en conséquence Madame D. ne saurait réclamer une quelconque condamnation.
Sur quoi :
Attendu que Madame D. âgée de 90 ans indique avoir été la cible de sociétés de vente par correspondance, au rang desquelles la société IPS exerçant sous l'enseigne Le Rucher du Moulin de L'Aunay ; qu'elle a reçu des publipostages, la présentant comme gagnante de différents prix.
Attendu que Madame D., lasse de ces procédés, a saisi le tribunal d'instance de Marseille, se fondant sur l'article 1371 du code civil ; que le premier juge l'a déboutée de toute demande de condamnation de la société IPS, en retenant que Madame D. n'avait pas accompli la contrepartie demandée par la socité IPS pour recevoir le gain par chèque, en ne renvoyant pas les formulaires exigés.
Sur l'appréciation de l'aléa :
Attendu que pour solliciter la confirmation du jugement querellé, la société IPSsoutient qu'une présention attractive des documents peut être considérée comme normale, ceci étant précisément imposé par le caractère commercial de ces opérations de loteries.
Que la société IPS ajoute que les juridictions du fond apprécient l'aléa de ces opérations par rapport à un consommateur moyen, normalement attentif et diligent et ne tiennent pas compte de l'âge du consommateur à qui il appartient de surcroît, de lire de manière complète et sincère tous les documents qu'il reçoit.
Mais attendu que la jurisprudence, toujours en recherche de la protection du consommateur, a une position constante visant à vérifier que l'aléa est clairement mis en évidence, à première lecture, dès l'annonce du gain ; que l'aléa doit être clairement mis en évidence sur chaque feuillet de publipostage, au recto comme au verso, d'une manière générale chaque fois que le gain est annoncé ; qu'il convient de réfuter l'idée prônée par la société IPS qu'il appartient au consommateur de lire les documents de manière complète.
Qu'il est constant que la notion d'aléa à première lecture est une lecture rapide où l'œil est immédiatement attiré par les mentions en gros caractères, voire même en caractère gras et en couleur.
Que renvoyer par des astérisques ou des mentions en plus petits caractères, à un règlement totalement illisible, car reproduit en caractères particulièrement petits, n'est pas une manière de faire apparaître l'aléa en première lecture.
Attendu que le premier juge a, à juste titre précisé qu'en l'espèce, une lecture des documents adressés à Madame D. par la société IPS, ne mettaient pas en évidence un aléa qui établirait aux yeux d'un destinataire normalement attentif que l'expéditeur ne s'est pas formellement et volontairement engagé à remettre le gain annoncé, le texte et la présentation mêmes de documents mettant en exergue la promesse certaine de gains, avec utilisation de gros caractères d'imprimerie, certains en couleur, pour attirer l'attention ou encore de mentions ou interpellations manuscrites, afin de personnaliser cette promesse.
Qu'ainsi le premier juge reconnaissait bien que l'aléa n'apparaissait pas à première lecture.
Que cela aurait dû suffire au tribunal pour condamner la société IPS à verser les sommes promises à Madame D.
Mais attendu que le premier juge, de manière surprenante, a débouté Madame D. de ses demandes, en retenant que cette dernière n'avait pas répondu à l'expéditeur en respectant le formalisme exigé, soit en retournant le formulaire avec des vignettes collées sur ce dernier.
Attendu que le premier juge exige donc que le consommateur, en l'espèce Madame D., prouve sa participation au jeu par le retour des formulaires de participation comportant des vignettes.
Mais attendu que cette contrepartie n'est nullement et de façon constante, exigée par la Cour de cassation.
Attendu enfin, que la société IPS ne saurait se fonder sur la notion de mauvaise foi de Madame D. en estimant qu'elle ne pouvait légitimement croire au gain promis, alors que le présent litige se fonde sur l'article 1371 du Code civil, quasi-contrat où la notion de bonne ou mauvaise foi est inopérante.
Que ce moyen sera également rejeté.
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du Tribunal d'instance de Marseille du 17 novembre 2015 doit être infirmé en toutes ses dispositions.
Qu'il convient en conséquence de condamner la société IPS exerçant sous l'enseigne Le Rucher du Moulin de L'Aunay, à verser à Madame D. la somme globale de 9 590 euros (4 590 + 5000) assortie des intérêts de droit à compter de l'assignation.
Attendu qu'il convient de condamner la société IPS exerçant sous l'enseigne Le Rucher du Moulin de L'Aunay à verser à Madame D. la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel.
Attendu que les dépens de première instance et les dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit des avocats de la cause en application de l'article 699 du code de procédure civile, seront mis à la charge de la société IPS exerçant sous l'enseigne Le Rucher du Moulin de L'Aunay.
Par ces motifs : la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré, Infirme le jugement du tribunal d'instance de Marseille du du 17 novembre 2015 en toutes ses dispositions. Et statuant à nouveau : Condamne la société IPS exerçant sous l'enseigne Le Rucher du Moulin de L'Aunay à verser à Madame D., la somme globale de 9 590 euros (4 590 +5 000) assortie des intérêts de droit à compter de l'assignation. Condamne la société IPS exerçant sous l'enseigne Le Rucher du Moulin de L'Aunay à verser à Madame D. la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Dit que les dépens de première instance et les dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit des avocats de la cause en application de l'article 699 du Code de procédure civile, seront mis à la charge de la société IPS exerçant sous l'enseigne Le Rucher du Moulin de L'Aunay.