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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 26 janvier 2017, n° 15-01073

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Be-Poles (SAS)

Défendeur :

Monoprix (SAS), Havas 04 (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Palau

Conseillers :

Mmes Lelievre, Lauer

TGI Nanterre, du 15 janv. 2015

15 janvier 2015

La SAS Be-Pôles, créée en août 2010 par Monsieur R., est une agence de création qui assure notamment la conception artistique et graphique de l'image, des produits ou services de sa clientèle tels que leurs supports de communication.

Monsieur R. aurait créé en 2007, pour la société Delo qui développait six bouchons capsules contenant des extraits de plantes à visser sur une bouteille d'eau et une bouteille shaker conçue pour contenir cette boisson, l'identité visuelle des packagings de ces sept produits.

La société Be-Pôles a émis en 2007 des devis et factures à l'ordre de "Madame D. BTBO" portant notamment sur la conception et la réalisation du site internet de la société Delo, sur son identité visuelle, sur le "packaging capsules et source" et sur l'étude préalable au lancement de bouchons capsules ainsi que sur des éléments additionnels "print".

Le devis relatif au packaging capsules et source précise les conditions dans lesquelles sont cédés au client les droits de propriété intellectuelle.

La société Havas 04, agence de publicité, a créé à la demande de la société Monoprix, un Code de communication spécifique dont les représentations ont été diffusées à compter de janvier 2009.

Courant 2009, la société Monoprix lui a demandé de transposer cette identité visuelle aux produits de la marque Monoprix.

En septembre 2010, la société Monoprix a commencé la commercialisation de ces produits.

Par lettre du 16 décembre 2010, le conseil de la société Be-Pôles a mis en demeure la société Monoprix de cesser l'exploitation de ses packagings au motif que ceux-ci reproduisent les créations originales réalisées par elle. Le courrier indique que la société a créé "pour la société Delo l'ensemble de la charte graphique, du désign et du packaging de ses produits notamment le bouchon capsule et la bouteille shaker en réservant l'ensemble des droits d'auteur sur ses créations".

Par actes du 8 mars 2011, autorisés à cet effet, la société Be-Pôles et Monsieur R. ont fait procéder à deux saisies contrefaçons dans un magasin Monoprix situé à Paris et au siège social de la société Monoprix.

Par ordonnance du 12 mai 2011, confirmée par arrêt du 16 mai 2012, la saisie a été cantonnée et l'avenant conclu le 31 mai 2010 entre les sociétés Monoprix et Havas 04 et ses annexes, comprenant la charte graphique des packagings Monoprix, séquestré auprès de l'huissier instrumentaire.

L'ordonnance précise que Monsieur R. et la société Be-Pôles pourront se faire remettre "copie de tout extrait de ces documents concernant les seuls décors d'emballage des objets saisis".

Par acte du 23 mars 2011, Monsieur R. et la société Be-Pôles ont fait assigner la société Monoprix pour obtenir notamment sa condamnation, sur le fondement des articles L. 111-1 et suivants, L. 121-1 et suivants et L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, à réparer le préjudice subi par l'atteinte aux droits patrimoniaux de la société Be-Pôles et celui subi par l'atteinte au droit moral de M. R., et, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, sa condamnation à réparer le préjudice subi du fait d'agissements parasitaires.

Par conclusions du 6 juin 2011, la société Havas 04 est intervenue volontairement à l'instance aux cotés de la société Monoprix.

Par ordonnance du 5 juillet 2012, le juge de la mise en état a rejeté la demande d'annulation de l'assignation formée par la société Monoprix ainsi que les demandes de communication de pièces.

Par jugement du 15 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre a déclaré l'action en contrefaçon irrecevable et rejeté les autres demandes.

Il a condamné in solidum la société Be-Pôles et Monsieur R. à payer à chacune des deux sociétés la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le tribunal a, notamment, relevé que les demandeurs ne produisaient aucun exemplaire de la charte graphique invoquée et qu'en conséquence, l'appréciation du caractère original de leur œuvre ne pouvait se faire que par référence à la définition abstraite qu'ils en donnaient et aux produits Delo dont ils affirment qu'ils ne sont que des illustrations de cette charte.

Il a jugé vague la définition donnée, relevé des éléments de comparaison produits par les défendeurs et considéré que la combinaison des éléments composant la charte invoquée ne présentait pas un caractère original susceptible d'être protégeable par le droit d'auteur.

Il a rejeté l'action en parasitisme et en concurrence déloyale au motif que les emballages des produits Monoprix différaient suffisamment de ceux de la société Delo pour éviter toute ressemblance.

Par déclaration du 10 février 2015, la société Be-Pôles et Monsieur R. ont interjeté appel.

Par ordonnance du 8 septembre 2016, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande des appelants tendant à enjoindre à la société Monoprix de communiquer la pièce 27, produite par elle, en intégralité ou des pages précises de cette pièce.

Cette pièce est constituée d'un feuillet comportant les mentions : "charte graphique Monoprix (séquestrée au sein de la SCP L.-N.) (cf pièces n°16 et 19)".

Dans leurs dernières conclusions portant le numéro 3 en date du 14 octobre 2016, la société Be-Pôles et Monsieur R. demandent que soit écartée la pièce numéro 27 produite par la société Monoprix.

Ils sollicitent l'infirmation du jugement.

Ils demandent de :

- valider les saisies contrefaçon effectuées par Maître B. Huissier de Justice à Paris, le 8 mars 2011 et par Maître Huguet J., Huissier de Justice à Nanterre le 8 mars 2011 ;

- condamner in solidum les sociétés Monoprix et Havas 04 à payer à la société Be-Pôles la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice subi par l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux ;

- condamner in solidum les sociétés Monoprix et Havas 04 à payer à Monsieur R. la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi par l'atteinte portée à son droit moral ;

- faire injonction à la société Monoprix de cesser immédiatement de fabriquer, faire fabriquer et/ou commercialiser quelque reproduction ou imitation que ce soit des chartes graphiques réalisées par la société Be -Pôles et Monsieur R., et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter du prononcé de l'arrêt, la cour restant saisie pour statuer sur l'astreinte définitive ;

- ordonner la destruction, aux frais de la société Monoprix, des articles contrefaisants encore en leur possession en quelque lieu où ils se trouvent, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, dans les quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt, la cour restant saisie pour statuer sur l'astreinte définitive ;

- ordonner la publication de l'arrêt dans trois journaux choisis par eux aux frais des intimés, dans la limite de 3 000 euros par insertion ;

A titre subsidiaire :

- juger que la société Monoprix a commis des actes de parasitisme à leur encontre ;

- juger que la société Havas 04 a commis des actes de concurrence déloyale à leur encontre ;

- condamner solidairement les sociétés Monoprix et Havas à leur payer :

*la somme de 250 000 euros en réparation de leur préjudice subi du fait des agissements parasitaires ;

*la somme de 100 000 euros en réparation de leur préjudice subi du fait de l'exploitation sans autorisation des caractéristiques déterminantes de leur charte graphique ;

*la somme de 100 000 euros en réparation de leur préjudice subi du fait du bénéfice illégitime de la publicité pour la conception des Packagings Monoprix ;

* la somme de 50 000 euros en réparation de leur préjudice subi de la perte certaine de chance de collaborer avec la société Monoprix ;

En tout état de cause,

- confirmer le jugement du 15 janvier 2015 ayant débouté les sociétés Monoprix et Havas 04 de leurs demandes, fins et prétentions ;

- condamner in solidum les intimés à leur payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner in solidum les intimés aux entiers dépens, en ce compris les frais d'huissier et notamment ceux consécutifs à la saisie contrefaçon.

Les appelants exposent que Monsieur R. est l'auteur de créations commercialisées par la société Be-Pôles à laquelle il cède ses droits d'exploitation et que celle-ci a concédé à la société Delo une licence d'exploitation jusqu'en 2010.

Ils exposent également que Monsieur R. a créé un "habillage graphique", qu'ils dénomment "Charte Graphique", soit l'identité visuelle des sept packagings Delo. Ils indiquent qu'il a, à cet effet, créé trois boîtes différentes qu'ils décrivent pouvant contenir les bouchons capsules. Ils soulignent qu'ils revendiquent le droit d'auteur sur la charte graphique et non sur les bouchons capsules.

Ils décrivent les caractéristiques esthétiques de la charte graphique.

Ils affirment que le tribunal a conditionné la recevabilité de leurs demandes à la communication d'un document (cahier des normes graphiques) qui regrouperait les caractéristiques visuelles de la charte graphique et considèrent qu'ils ont produit une représentation de la charte graphique en versant aux débats les différents packagings dont la visualisation permet de déterminer les caractéristiques graphiques revendiquées et en définissant précisément ces caractéristiques dans leurs conclusions.

Ils déclarent que la société Be-Pôles a concédé à la société Delo une licence d'exploitation mais pas ses droits sur la charte graphique ainsi qu'il résulte du contrat de cession, du copyright, d'un courriel de la société Delo et d'une demande de sa part en 2010.

Ils indiquent que la société Monoprix était le principal distributeur des bouchons capsules Delo et, donc, connaissait l'identité visuelle de ses packagings.

Ils relèvent qu'elle reconnait qu'elle a souhaité refondre son identité visuelle dès 2008 en intégrant des bayadères, soit de larges rayures multi-couleurs, sur ses supports de communication et ses cartes de fidélité puis en refondant, en 2010, la charte graphique des packagings de sa marque distributeur.

Ils affirment que la charte graphique n'a été reproduite qu'en 2010 et contestent que la société Monoprix ait repris les Codes de Prisunic, le désign de celui-ci ne portant que sur des meubles et aucune pièce ne démontrant qu'ils comportaient des visuels en toutes lettres et de couleurs vives.

Ils soulignent que la société Havas a déclaré que "les textes de désignation qui d'habitude sont en mineur versus un visuel prennent ici de l'importance", l'idée étant de "faire parler les produits".

Ils précisent que la société Havas a sous-traité l'adaptation de la charte graphique à la société Cleo-Buro, leur concurrent, gérée par Cleo C. et font état des explications de celles-ci sur la similitude de son prétendu travail avec l'identité visuelle conçue par Monsieur R..

Ils comparent les packagings à partir du site internet de la société Cleo Buro et considèrent que l'équilibrage entre les couleurs et les lettres est identique et excipent de constats de consommateurs et d'articles faisant état de ces similitudes.

Ils déclarent que la société Monoprix a fait pression sur la société Delo pour qu'elle modifie sa charte graphique et invoquent des courriels et une attestation de Madame D., sa présidente. Ils affirment que l'attestation contraire de celle-ci est contredite par ses propres courriels.

Ils précisent que, malgré le changement de sa charte graphique, la société Delo a cessé la commercialisation de ses bouchons capsules compte tenu des pressions et de l'arrêt de leur distribution par la société Monoprix.

Ils rappellent la procédure.

Ils demandent que la pièce 27 produite par la société Monoprix, intitulée comme sa charte graphique, soit écartée des débats, seule la pièce 46 - composée d'extraits - devant être prise en compte.

Les appelants soutiennent que leur demande fondée sur la contrefaçon est recevable.

Ils rappellent les articles L. 111-2 et L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle (Code de la propriété intellectuelle) et soulignent que les œuvres sont protégées par le droit d'auteur quelle que soit leur forme. Ils font valoir, citant un arrêt de la cour d'appel de Paris, que les œuvres graphiques et typographiques sont protégées par le droit d'auteur à la seule condition de l'empreinte de la personnalité de leur auteur et relèvent que la cour a considéré que le dessin était identifiable.

Ils estiment, contrairement au tribunal, qu'il n'est pas nécessaire d'identifier les éléments originaux au sein d'un cahier des normes graphiques dès lors que l'œuvre est conçue, formalisée et perceptible c'est-à-dire matérialisée dans un support comme, en l'espèce, sur chacun des packagings.

Ils se prévalent de la production des packagings qui constituent la matérialisation ou la représentation de la charte graphique et de la description de la charte graphique telle que reproduite sur ceux-ci dans les conclusions.

Ils ajoutent que le juge de la mise en état a rejeté la demande d'annulation de l'assignation au motif que les caractéristiques de la charte graphique avaient été décrites.

Ils estiment sans incidence la différence de taille de certains packagings, carrés ou rectangles, dès lors que les caractéristiques revendiquées portent sur l'apparence et non la taille.

Ils reprochent donc au tribunal d'avoir ajouté une condition à la protection du droit d'auteur soit l'existence d'un cahier des normes graphiques regroupant les caractéristiques de la charte.

Ils soutiennent que Monsieur R. pouvait concevoir l'identité visuelle des packagings Delo sans réaliser de cahier des normes graphiques, l'œuvre existant indépendamment d'un tel cahier et les Codes visuels de la charte graphique étant perceptibles et pouvant être décrits. Ils estiment que l'élaboration d'un tel cahier par la société Monoprix se justifie par la multitude d'objets concernés.

Ils soutiennent également qu'il est contradictoire de juger que la charte graphique n'avait pas été formalisée et qu'elle n'était pas originale.

Ils reprochent aux intimés de confondre cahier des normes graphiques et charte graphique et estiment leurs pièces suffisantes pour permettre un débat sur l'originalité de la charte graphique des packagings Delo.

Ils déclarent justifier, par des devis et articles de presse, de sa création en 2007.

Ils soutiennent que cette charte graphique est originale.

Ils rappellent, citant des arrêts, la notion d'originalité qui doit s'apprécier globalement et qui peut résulter de l'association d'une combinaison d'éléments caractéristiques résultant d'une recherche créative et traduisant un parti pris esthétique ce qui confère à l'œuvre une physionomie propre empreinte de la personnalité de son auteur. Ils précisent que, dans une des espèces, la société Vente Privée ne versait aux débats aucun cahier des normes graphiques.

Ils rappellent également que des œuvres graphiques et publicitaires, y compris des emballages, sont protégeables en application de l'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Ils ajoutent que l'appréciation de l'originalité est indifférente du mérite de l'auteur de l'œuvre, de la facilité ou de la difficulté pour la réaliser.

Ils font valoir que, contrairement au tribunal, la nouveauté n'est pas un critère d'appréciation de l'originalité- ce qu'admettent les intimés- et que le seul critère est l'empreinte de la personnalité de l'auteur.

Ils soutiennent que la charte graphique est originale.

Ils invoquent l'agencement et la combinaison de caractéristiques originales, fruit des compétences de Monsieur R. dans le domaine du graphisme soit :

- un Code évocateur de couleurs vives

- des mots de couleurs différentes pour les goûts et les effets du produit

- des lignes horizontales d'écritures sur chaque face avec des lettres tout en capital

- la marque Delo mise en avant en tout lettres, se détachant et sans logo

- une combinaison entre des mots et des chiffres de couleurs différentes qui se superposent sur un fond uni

- des expressions scindées non linéaires formant une césure

- l'usage de la police précitée

- la combinaison en ligne horizontale et suivant différentes tailles des lettres et des chiffres créant un effet de surcharge

- l'accent mis sur le texte et la typographie et les messages plutôt que sur les photographies de produits, inexistantes

- l'existence messages humoristiques, avenants et chaleureux.

Ils estiment que la combinaison de ces éléments n'est ni fortuite ni imposée par un impératif fonctionnel mais résulte d'un investissement intellectuel et d'un effort créatif certain.

Ils réfutent toute incohérence sur la description de cette charte et affirment que l'extrait du blog personnel et familial de Monsieur R. ne contredit pas cette originalité.

Ils invoquent l'objectif recherché par cette combinaison.

Ils citent la volonté d'attirer le regard du consommateur par la grandeur des lettres définissant le produit, la création d'une physionomie particulière et peu conventionnelle pour des produits de consommation et donc les distinguant, la création d'une démarche esthétique propre à refléter l'approche de la personnalité de Monsieur R. et le désir de rendre le bouchon aussi attractif que le produit commercialisé étant précisé le caractère inhabituel du bouchon capsule.

Ils critiquent les prétendues antériorités invoquées par les intimés et recherchées sur Internet.

Ils font état de l'absence de combinaison identique voire de produits postérieurs et l'absence de caractéristiques communes sur un seul emballage.

Monsieur R. soutient donc qu'il est recevable à agir en sa qualité d'auteur au titre de la défense de son droit moral.

Il excipe de l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle et du caractère inaliénable de son droit moral.

La société Be-Pôles soutient qu'elle est recevable à agir en qualité de cessionnaire des droits patrimoniaux établie par les devis, la conclusion de la licence à la société Delo, le copyright et la reconnaissance par la présidente de la société Delo qu'elle n'est pas titulaire des droits patrimoniaux sur la charte graphique.

Elle déclare que la cession à la société Delo ne porte pas sur la charte graphique et qu'il est sans incidence qu'elle n'exploite pas commercialement les bouchons dès lors qu'elle exploite la charte graphique.

En réponse aux intimés, ils estiment qu'ils ne peuvent sérieusement prétendre avoir cru que la société Be-Pôles était l'auteur de la charte graphique, une personne morale ne pouvant avoir cette qualité, qu'ils dénaturent leur lettre de mise en demeure et leurs conclusions et qu'ils refusent tout débat au fond. Ils contestent toute contradiction au détriment d'autrui et soulignent que Monsieur B., présenté par eux comme l'auteur de la charte graphique, a démenti et reconnu n'avoir agi que comme exécutant.

Ils soutiennent que les intimés ont reproduit les caractéristiques originales de la charte graphique et l'aspect d'ensemble produit par cet agencement.

En réponse à la demande de nullité des procès-verbaux de saisie contrefaçon formée par la société Havas 04, ils font valoir qu'elle est irrecevable, seule "la partie contre laquelle l'acte est fait" soit la société Monoprix pouvant agir et mal fondée, aucun grief n'étant invoqué.

Ils rappellent que la contrefaçon s'apprécie par les ressemblances et non par les différences et qu'elle implique des "similitudes répétées et incontestables dans la composition des deux œuvres".

Ils ajoutent, avec la société Monoprix, qu'elle doit s'apprécier en fonction de la charte graphique de Monsieur R. et de celle créée par la société Havas 04 et exploitée par la société Monoprix. Ils considèrent qu'il n'y a pas lieu de comparer les extraits du cahier des normes graphiques de la société Monoprix avec l'identité visuelle des packagings Delo mais ces derniers avec l'identité visuelle des packagings Monoprix "c'est-à-dire le graphisme commenté dans le magazine Management et sur internet".

Ils relèvent que la société Monoprix ne conteste pas connaitre leur charte graphique, s'étonnent que la société Havas 04 mandatée par elle ait pu l'ignorer et soulignent qu'elle a sous- traité la nouvelle identité visuelle à sa concurrente qui a reconnu qu'elle avait étudié les packagings existants.

Ils ajoutent que les packagings existants comportaient tous des photographies représentant les produits et étaient classiques sauf les packagings Delo et que la société Monoprix a déclaré avoir voulu trancher avec l'existant et la concurrence.

Ils indiquent que la nouvelle identité visuelle de Monoprix a en commun avec leur charte la typographie, les couleurs et l'absence de photographies ce qui rend "en rayon impossible de confondre ses produits avec ceux des autres".

Ils font valoir que la directrice générale de la société Havas 04 a reconnu dans la presse que les packagings des sociétés Monoprix et Delo sont "proches" et déclaré que " les bonnes idées sortent souvent en même temps". Ils soulignent que les packagings Delo sont sur le marché depuis 2007 alors que ceux de Monoprix le sont depuis 2010. Ils réfutent donc tout "malencontreux hasard".

Ils affirment que les bayadères sont insuffisantes à distinguer les deux chartes et concluent, de la comparaison des identités visuelles des packagings, qu'il est difficile d'identifier les packagings Delo lorsque la partie frontale des packagings est mise côte à côte.

Ils estiment sans intérêt de comparer un produit Delo et un produit Monoprix, s'agissant d'identités visuelles.

Ils contestent toute déformation des emballages dans les illustrations contenues dans leurs conclusions et soulignent que la comparaison se fonde sur une image des parties frontales des packagings Monoprix mis en ligne par Cleo C.. Ils ajoutent que la société Havas 04 aurait pu réaliser une autre comparaison.

Ils soutiennent que la charte graphique des packagings Monoprix reprend la combinaison des caractéristiques graphiques originales de la charte graphique des packagings Delo soit :

- des textes imprimés de façon linéaire sur chaque côté du packaging apparaissant sur plusieurs lignes et comportant des césures

- des textes en plusieurs tailles

- un choix de couleurs vives, exceptionnel dans le domaine alimentaire

La superposition des couleurs entre le fond, les textes et les chiffres

- des mots de couleur différente pour la désignation du produit, ses effets et ses goûts

- l'absence de photographie des produits

- une marque en toutes lettres sans logo apparaissant sur un fond blanc distinctement

- l'insertion de chiffres dans une taille identique aux textes

- une police de la même origine

- des messages divertissants

- un packaging pour chaque produit soit une approche identique.

Ils citent également la pièce 27 produite par la société Monoprix regroupant les règles applicables mais non définitives à ses 2 000 packagings.

Ils déclarent qu'ils ne peuvent matériellement reprendre chacun des 2 000 packagings et invoquent une visualisation d'ensemble.

Ils estiment exceptionnels les packagings Monoprix comportant des photographies, 14 sur 2 000.

Ils considèrent que les différences sont trop rares.

Ils relèvent que la société Monoprix a également des packagings de forme carrée ou rectangulaire et font valoir que la forme n'a pas de conséquences sur l'identité visuelle.

Ils estiment que la scission des bayadères en rectangles sur quelques produits est insuffisante et qu'il en est de même de la césure des mots qui n'apparaît pas sur tous les packagings Monoprix alors que, sur les packagings Delo, certaines expressions sont scindées.

Ils indiquent qu'il existe des motifs sur certains packagings Monoprix et contestent que la marque Monoprix soit intégrée parmi les autres messages.

Ils invoquent la recherche, identique, de la connivence avec les clients branchés, adaptée aux bouchons capsules mais pas à des produits de marque distributeur.

Ils soulignent enfin que des articles de presse et des internautes ont constaté cette ressemblance, non démentie par la directrice générale de la société Havas 04.

La société Be-Pôles rappelle, en ce qui concerne l'indemnisation de son préjudice, l'article L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle et précise qu'elle a facturé à la société Delo la somme de 125 000 euros. Elle était son préjudice.

Monsieur R. rappelle l'article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle et souligne l'importance de la campagne publicitaire menée par la société Monoprix.

A titre subsidiaire, les appelants invoquent des actes de parasitisme commis par la société Monoprix et de concurrence déloyale commis par la société Havas 04.

Ils considèrent qu'ils ont qualité à agir en tant que créateur et exploitant pour se défendre du pillage de leur travail et de leurs investissements et d'agissements déloyaux.

Ils contestent toute contradiction dans leurs demandes.

Ils estiment que si le parasitisme subi par la société Delo est reconnu, ils en ont également été victimes.

Ils rappellent la définition du parasitisme et citent des décisions.

Ils font valoir que le risque de confusion n'est pas une condition au parasitisme et, au surplus, que ce risque existe.

Ils déclarent que leur travail et leurs investissements ont été banalisés par la charte graphique de Monoprix qui reprend des éléments distinctifs créés par Monsieur R..

Ils rappellent la définition de la concurrence déloyale et citent des décisions.

Ils affirment que la société Havas 04, concurrente de la société Be-Pôles, s'est enrichie en collaborant avec la société Monoprix, n'a pris aucun risque compte tenu du succès de la charte graphique des packagings Delo et que le retentissement de la nouvelle identité visuelle de Monoprix lui a donné un avantage concurrentiel majeur alors qu'elle n'avait aucune reconnaissance dans le domaine graphique et typographique. Ils ajoutent qu'ils sont privés de la possibilité de toute coopération possible avec la société Monoprix.

Ils évaluent leur préjudice au titre du parasitisme à 125 euros par produit soit 250 000 euros et étaient leurs préjudices au titre de la concurrence déloyale.

Ils justifient leurs demandes complémentaires.

Ils contestent toute procédure abusive.

Dans ses dernières conclusions en date du 25 octobre 2016, la SAS Monoprix conclut à la confirmation du jugement et réclame le paiement d'une somme de 80 650,39 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société expose qu'elle a souhaité en 2008 refondre son identité visuelle et sa stratégie de communication et qu'elle a retenu le projet de la société Havas 04 qui correspondait à l'identité jeune, urbaine et active de la clientèle visée par elle. Elle ajoute que cette communication reprenait les Codes du groupe Prisunic soit les rayures horizontales de couleur, des visuels reposant sur une communication en lettres capitales et de couleurs vives, l'utilisation de mots parfois coupés et l'emploi de couleurs vives. Elle indique que la société Prisunic proposait depuis 1954 des produits alimentaires.

Elle précise que, fin 2009, elle a décidé de transposer l'identité visuelle de sa communication aux packagings des produits vendus sous la marque Monoprix et que le projet de la société Havas 04 a été retenu, les premiers produits sous leur nouveau packaging ayant été commercialisés en septembre 2010.

Elle rappelle les courriers échangés avec les appelants et les procédures diligentées.

La société conclut à l'irrecevabilité des demandes.

Elle soutient qu'elles reposent sur une charte graphique qui n'est pas formalisée et dont elle n'a jamais pu prendre connaissance.

Elle rappelle les articles 9 et 15 du Code de procédure civile et infère, citant un arrêt et jugement, de l'article L. 111-2 du Code de la propriété intellectuelle que l'œuvre doit être formalisée.

Elle considère que la communication de l'œuvre sur laquelle est fondée l'action est indispensable pour permettre de déterminer si elle est originale et si la combinaison revendiquée des caractéristiques correspond à cette œuvre et pour la comparer avec le produit argué de contrefaçon.

Elle relève que les appelants n'ont pas versé aux débats la charte graphique sur le fondement de laquelle ils agissent et rappelle que, dans son ordonnance du 5 juillet 2012, le juge de la mise en état a jugé que le débat était circonscrit à la contrefaçon d'une charte graphique par rapport à une autre. Elle indique que des extraits de sa charte graphique ont été versés aux débats (pièce 45), l'intégralité étant séquestrée auprès de l'huissier (pièce 27) mais que les appelants n'ont jamais communiqué un document décrivant les caractéristiques prétendues de la charte invoquée.

Elle décrit sa charte graphique et souligne qu'elle définit avec une grande précision la composition de chacune des faces du produit. Elle ajoute qu'elle comprend en outre des spécifications précises pour la gestion des formats, des couleurs en fonction des produits, des accents et de la ponctuation, des labels...

Elle fait valoir qu'il n'est pas possible de connaître les caractéristiques de la charte graphique des appelants car celle-ci n'existe pas et se prévaut des termes du jugement. Elle estime nécessaire de produire un document formalisé recensant de manière précise et intangible la combinaison des caractéristiques sur lesquelles les appelants se fondent. Elle déclare que son inexistence la prive de la possibilité de débattre de son originalité prétendue.

Elle soutient que les éléments avancés pour esquisser ses contours ne sont pas pertinents.

Elle fait valoir que ses contours ne peuvent résulter de la description figurant dans les conclusions qui ne constituent que le support judiciaire de leur thèse et que cette description a évolué depuis les conclusions prises en première instance.

Elle ajoute que cette description est imprécise quant à la structure de chaque face (nombre de lignes et de mots), aux tailles des polices utilisées, aux combinaisons de couleurs, aux règles d'espacement entre les mots ou les lignes ..., éléments qui se retrouvent dans la charte conçue par la société Havas 04. Elle affirme que la société Vente Privée avait défini précisément la charte graphique de son site internet et que cette charte était formalisée par des copies d'écran du site.

Elle ajoute également que la description comporte des caractéristiques qui ne correspondent pas aux packagings versés aux débats. Elle fait état d'illustrations- niées puis minimisées-prépondérantes sur certains emballages, de prétendus messages divertissants, humoristiques alors que les mentions se limitent à une description des qualités ou à des précautions d'usage et d'une intégration de la marque au message finalement niée.

Elle ajoute en outre que la description passe toujours sous silence des caractéristiques des packagings Delo soit :

- le nom du produit figure toujours sur la ligne supérieure de la face avant en lettres blanches et dans une police largement supérieure aux autres lignes de taille décroissante

- la couleur de police utilisée pour les inscriptions figurant sur les côtés gauche et droit est la même que celle utilisée sur la face avant pour décrire son goût

- l'intérieur est de couleur et présente toujours un motif ornemental

-les boîtes sont toutes en carton et s'ouvrent par le dessus.

Elle fait également valoir que les caractéristiques de la charte ne peuvent être déduites des seuls packagings Delo.

Elle affirme que ces packagings présentent entre eux des caractéristiques différentes (taille, forme, composition, combinaison de couleurs ...) et que chacun d'eux, sauf la bouteille shaker, est décliné en six versions différentes et en trois tailles différentes. Elle en infère qu'elle ne peut percevoir les contours d'une charte graphique unique.

Elle estime insuffisante la notion d'impression d'ensemble évoquée et nécessaire d'analyser des caractéristiques clairement et précisément définies.

Elle soutient également que la combinaison des caractéristiques invoquée n'est pas originale.

Elle relève qu'à défaut de charte graphique, le tribunal a dû procéder à un examen des caractéristiques des packagings et rappelle sa motivation.

Elle indique que l'inspiration des deux packagings provient des courants Pop et Warolhien des années 60 et 70 et, citant des exemples dont celui de Prisunic, que le recours sur des emballages à une superposition de mots écrits en majuscules sur des couleurs différentes était répandu. Elle affirme que ce courant artistique a été remis au goût du jour depuis les années 2000 notamment pour des produits alimentaires, avant les packagings Delo. Elle excipe d'un article de presse décrivant son packaging et sa volonté de casser les Codes en supprimant les visuels et en nommant simplement le produit et l'importance de son investissement.

Elle indique que les packagings Delo se sont inspirés des emballages conçus notamment pour le riz Sivaris, fortement médiatisés et primés.

Elle considère qu'ils puisent leur inspiration dans les mêmes courants que les siens et que cette combinaison, reprise à partir de 2008 par d'autres opérateurs, s'inscrit dans l'air du temps. Elle cite des emballages de produits.

Elle conclut que les caractéristiques sur lesquelles les appelants revendiquent des droits ne portent pas l'empreinte de la personnalité de Monsieur R. et que la société Be-Pôles n'a fait que suivre une tendance déjà répandue pour les produits alimentaires.

Elle demande donc la confirmation du jugement qui, nonobstant l'emploi du terme nouveauté, a jugé que les demandeurs ne rapportaient pas la preuve que la combinaison des caractéristiques sur lesquelles ils se fondaient résultait du seul travail créatif de Monsieur R..

Elle ajoute que son site personnel présente des travaux laissant une grande part aux photographies et aux illustrations et n'utilise aucune couleur vive, rappelle qu'un arrêt du 12 février 2016, cité par les appelants, a considéré que l'œuvre revendiquée s'inscrivait dans la continuité de l'œuvre graphique et affirme que tel n'est pas le cas.

Elle ajoute également que les compétences de Monsieur R. et la finalité du packaging ne peuvent caractériser son originalité.

Elle soutient que l'irrecevabilité est d'autant plus justifiée que Monsieur R. ne démontre pas qu'il est l'auteur de la charte graphique.

Elle fait valoir que, dans la lettre de mise en demeure et dans la requête aux fins de saisie contrefaçon, la société Be-Pôles a prétendu avoir créé l'ensemble de la charte graphique, que l'organigramme de la société fait état d'un directeur artistique, Monsieur B., et que, sur son site internet, celui-ci a revendiqué la réalisation de ces emballages. Elle doute de la sincérité de son attestation aux termes de laquelle il a reconnu que Monsieur R. était le seul auteur de la charte graphique compte tenu de son implication directe et personnelle, de sa qualité et de ses travaux antérieurs, dans la même veine. Elle affirme que la lettre de Madame D. du 12 novembre 2010 a été rédigée sous la dictée des conseils de la société Be-Pôles ainsi qu'elle en a attesté dans une lettre spontanée du 14 mars 2012. Elle ajoute que celle-ci n'a pas assisté à la rédaction des packagings. Elle conteste que la fin de la commercialisation des produits Delo ait un lien avec la procédure.

Elle soutient que l'irrecevabilité est également justifiée car la société Be-Pôles n'est pas cessionnaire des droits patrimoniaux sur les packagings Delo.

Elle fait valoir que celle-ci ne peut se prévaloir d'une présomption de titularité des droits sur les packagings Delo car elle n'exploite pas les créations, seule la société Delo en bénéficiant. Elle fait également valoir que les droits patrimoniaux d'auteur relatifs à ces packagings ont été cédés à la société Delo ainsi qu'il résulte des conditions générales de vente, communiquées dans le cadre de la procédure de saisie contrefaçon mais pas devant le tribunal. Elle ajoute que la présidente de la société Delo a confirmé, dans sa lettre du 14 mars 2012, qu'elle avait les droits lui permettant d'exploiter les packagings.

Elle en conclut qu'une cession des droits de propriété intellectuelle sur les packagings est intervenue au profit de la société Delo et qu'il n'est pas démontré qu'il existe d'autres créations que ces packagings.

Elle considère impossible de distinguer la charte graphique des packagings aux motifs que cette charte n'est formalisée, selon la société Be-Pôles, que dans les packagings et que l'exploitation par elle de cette prétendue charte porterait atteinte aux droits cédés à la société Delo.

Au fond, l'intimée réfute toute contrefaçon.

Elle estime que les descriptions par les appelants des caractéristiques des packagings Delo sont imprécises et que ces caractéristiques n'ont pas été reprises dans ses packagings.

Elle prétend que les emballages sont fondamentalement différents.

Elle fait état d'un esprit différent.

Elle déclare que les packagings Delo mettent en exergue le nom Delo et l'effet et le goût du produit et que le produit, le bouchon capsule, est décrit de manière accessoire alors que ses packagings décrivent de manière claire et précise le produit contenu dans l'emballage. Elle fait donc état d'une démarche focalisée sur le produit alors que celle de la société tourne autour du produit. Elle ajoute que son nom apparait dans une police de petite taille au milieu des autres informations dans des couleurs variables et que ses emballages comportent des mots coupés et des phrases d'un humour décalé.

Elle déclare que la forme même de ses emballages diffère d'un produit à l'autre alors que les emballages Delo présentent plus ou moins la même forme carrée, pour les faces supérieures et inférieures, quels que soient les formats. Elle affirme que la gestion des différents formats a une importance capitale car elle détermine les conditions dans lesquelles la charte graphique doit être mise en œuvre, les mêmes préceptes ne pouvant être formalisés de la même manière sur une boîte de conserve ou un pack d'eau. Elle souligne l'importance des formats non habituels.

Elle déclare que certains emballages, davantage que 14, reproduisent des photographies de produits.

Elle conteste toute ressemblance et reproche aux appelants d'avoir procédé à des travestissements pour réaliser un photomontage.

Elle affirme que ses packagings ne reprennent pas la combinaison des caractéristiques des packagings Delo.

Elle fait valoir que les emballages Delo présentent tous un fond de couleur unie ce qui n'est pas le cas de ses emballages dont le fond est composé par la juxtaposition de rectangles de couleur de dimensions différentes rappelant ses bayadères historiques qui délimitent l'espace et scandent le texte. Elle estime radicalement différente l'impression d'ensemble et déclare que ses Codes couleurs sont ceux du marché.

Elle fait valoir que les lignes d'écriture des emballages Delo sont identiques en nombre, de couleurs différentes mais sur un même fond uni coloré avec, sauf dans un cas, une couleur unique et une taille de police décroissante en descendant. Elle déclare que sur ses emballages, les lignes horizontales sur la face avant peuvent être scindées en plusieurs rectangles présentant un effet patchwork. Elle ajoute que la taille de sa police varie d'une ligne à l'autre sans systématisme et que la couleur de la police et la couleur du fond sont très contrastées.

Elle fait valoir la césure des mots, parfois anarchique, contrairement aux packagings Delo, l'absence de motif imprimé de couleur spécifique présent dans les packagings Delo - non précisé dans leur description -, l'intégration dans ses emballages de la marque Monoprix en couleur alors que les packagings Delo reproduisent la marque de manière isolée au centre en majuscules et lettres blanches.

Elle fait enfin valoir la présence de messages humoristiques absents des packagings Delo.

Elle conclut que les seules caractéristiques communes sont l'utilisation de couleurs vives, sur certains produits Monoprix, et de lettres capitales sur le packaging ce qui relève du domaine de l'idée.

Elle considère que les observations de tiers sur internet ne peuvent se substituer à une analyse juridique.

Elle réfute tout parasitisme et invoque l'absence de tout commencement de preuve.

Elle fait état des différences majeures entre les produits développés ci-dessus, de la motivation du tribunal, de l'absence d'exploitation par eux des packagings - ce qui rend leur demande irrecevable - et de l'absence de réalisation par eux d'investissement susceptible de caractériser la spoliation, condition du parasitisme. Elle ajoute qu'elle a eu recours à une agence et donc supporté des investissements substantiels ce qui écarte toute captation des investissements d'un tiers.

Elle étaie sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures portant le numéro 3 en date du 25 octobre 2016, la Sasu Havas 04 conclut à l'irrecevabilité et au rejet de l'appel.

Elle conclut au rejet de la demande de communication de la pièce 27 de la société Monoprix.

Elle demande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société Be-Pôles et Monsieur R. irrecevables à agir pour défaut de droit d'auteur, mais également de :

- juger que leur action fondée sur la prétendue charte graphique des produits Delo est irrecevable faute de produire au débat cette prétendue charte graphique et en raison de ses caractéristiques alléguées ;

- juger que Monsieur R. ne démontre pas être l'auteur de la prétendue charte graphique ;

- juger que la société Be-Pôles ne démontre pas être cessionnaire des droits d'auteur sur la prétendue charte graphique ;

- juger que Be-Pôles ne démontre pas exploiter la prétendue charte graphique ;

- écarter des débats la lettre du 12 novembre 2010 rédigée par Madame D. ;

- prononcer la nullité des procédures de saisie-contrefaçon, à savoir les ordonnances du 23 février 2011 et les procès-verbaux de saisie-contrefaçon du 8 mars 2011 ;

A titre subsidiaire :

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

Sur les demandes fondées sur le parasitisme et la concurrence déloyale - déclarer les appelants irrecevables à agir ;

- en tout état de cause, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés ;

- débouter la société Be-Pôles et Monsieur R. de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions

- donner acte à la société Havas 04 qu'elle s'associe aux moyens de défense présentés par Monoprix

- condamner solidairement les appelants à lui verser la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société s'oppose à la demande de rejet de la pièce numéro 27, rejetée par le conseiller de la mise en état.

Elle conclut à l'irrecevabilité de l'action en contrefaçon de droit d'auteur.

Elle invoque l'absence d'originalité de la prétendue charte graphique, jamais communiquée.

Elle rappelle les articles 9 et 15 du Code de procédure civile et la nécessité pour celui qui se prévaut de ses droits d'auteur d'établir la preuve de sa qualité d'auteur et de sa création qui doit être incontestable dans sa date et son contenu.

Elle estime non transposables les deux arrêts de la cour d'appel de Paris invoqués, l'un portant sur des livres et l'autre sur un dessin identifiable en raison de sa reproduction dans des conclusions mais aussi de pièces complémentaires.

Elle considère que le tribunal n'a pas exigé la production d'un cahier de normes graphiques mais qu'après avoir relevé son absence, il s'est fondé sur la définition donnée par les appelants et sur les produits Delo supposés être l'illustration de la charte.

Elle invoque l'absence de date de la prétendue création, les appelants ne prouvant pas celle-ci alors que la nouvelle identité visuelle de la société Monoprix a été déterminée en 2008, diffusée en 2009 et transposée aux packagings en 2009 et diffusée en septembre 2010.

Elle invoque l'absence d'originalité des caractéristiques de la création alléguée.

Elle fait état, avec le tribunal, d'une définition vague et peu précise de ces éléments.

Elle déclare que des caractéristiques revendiquées ont évolué, que certaines ont été passées sous silence afin de gonfler les ressemblances et que certaines ne se retrouvent pas dans les packagings Delo tels l'absence de dessin ou de photographie du produit-présents sur la bouteille shaker- ou l'existence de messages humoristiques.

Elle estime, avec le tribunal, que les éléments produits sont insuffisants à caractériser l'empreinte de la personnalité de l'auteur.

Elle reprend les caractéristiques figurant dans les conclusions des appelants et déclare celles-ci, combinées ou pas, nullement originales.

Elle reprend les caractéristiques des emballages eux-mêmes et conteste leur originalité et la portée de celle-ci. Elle affirme qu'ils sont inspirés d'emballages anciens, tels ceux conçus pour Sivaris, et qu'ils reprennent des caractéristiques de formes de marques ou de produits antérieurs.

Elle considère que le tribunal n'a pas confondu nouveauté et originalité mais a déduit de ces éléments de comparaison l'absence d'empreinte de la personnalité de l'auteur, critère devant être pris en compte. Elle reprend les deux approches du critère d'originalité, l'une choisie par les appelants qui fait abstraction de toute antériorité et l'autre, plus répandue, qui considère que si une création nouvelle n'est pas nécessairement originale, toute création originale est nécessairement nouvelle et se prévaut d'arrêts.

Elle fait valoir que la protection d'un "genre publicitaire" soit un style comprenant des couleurs vives, des lettres capitales d'imprimerie disposées sur une surface, dans des tailles différentes, sous forme de lignes, ne peut relever du droit d'auteur.

Elle se prévaut d'un arrêt concernant une charte graphique et estime non transposables les autres arrêts visés par les appelants dont celui concernant la société "vente privée. com".

Elle invoque l'absence de droits des appelants.

Elle fait état de contradictions concernant l'identité de l'auteur et l'objet des droits réclamés dans leurs courriers, les requêtes aux fins de saisie contrefaçon ou leurs conclusions et en infère l'irrecevabilité de leurs demandes.

Elle soutient également que Monsieur R. ne prouve pas sa qualité d'auteur.

Elle excipe du copyright au nom de Be-Pôles et de son absence d'appartenance à la direction artistique de la société et affirme que l'auteur est Monsieur B.. Elle qualifie l'attestation de celui-ci de complaisance et fait état de contradictions dans celle-ci et au regard de propos tenus par lui sur Internet et de son contrat de travail.

Elle estime également de complaisance la lettre de Madame D. du 12 novembre 2010 et se prévaut du courrier adressé par elle à la société Monoprix le 14 mars 2012. Elle demande que la lettre du 12 novembre, qui ne respecte pas les articles 200 à 203 du Code de procédure civile et qui est ainsi contredite soit écartée des débats. Elle réfute l'existence de pression à l'origine de la lettre de Madame D. du 14 mars 2012. Elle ajoute que celle-ci n'a pas pris parti dans son courriel du 28 janvier 2011.

Elle soutient que la société Be-Pôles ne démontre pas sa qualité de cessionnaire des prétendus droits patrimoniaux de Monsieur R..

Elle fait valoir qu'elle ne peut bénéficier de la présomption de titularité des droits d'auteur compte tenu de l'absence d'exploitation de sa part, seule la société Delo exploitant les packagings et la société Be-Pôles ne démontrant pas exploiter la "charte graphique". Elle ajoute qu'elle peut d'autant moins en bénéficier que Monsieur B. a revendiqué sa qualité d'auteur personne physique des packagings Delo.

Elle fait valoir qu'elle ne démontre pas, en l'absence de l'écrit prévu à l'article L. 131-2 du Code de la propriété intellectuelle, sa qualité de cessionnaire des droits d'auteur.

Elle estime insuffisant le copyright, qui n'apparaît pas sur tous les packagings, et relève l'absence de contrat relatif à la conception des packagings.

Elle soutient que les devis, factures et conditions générales de vente n'établissent pas cette preuve.

Elle considère que la société Delo serait celle cessionnaire des droits invoqués et se prévaut des conditions de vente aux termes desquelles le prix visé au devis "emporte cession des droits de propriété intellectuelle au client" ce qui écarte une simple licence d'exploitation et de la lettre de Madame D..

Subsidiairement, elle soutient que l'action en contrefaçon est mal fondée.

Elle invoque l'importance de son travail et son ignorance alors des produits de la société Delo.

En ce qui concerne la société Be-Pôles, elle sollicite l'annulation des ordonnances du 23 février 2011 et des procès-verbaux de saisie contrefaçon au motif que les demandeurs étaient irrecevables à agir car ni auteur ni cessionnaire de droits d'auteur et, donc, dépourvus de qualité. Elle fait également valoir que les procès-verbaux sont nuls car insuffisamment descriptifs.

Elle rappelle que le juge des requêtes saisi d'une demande de rétractation n'est pas juge de la validité des saisies contrefaçons diligentées sur la base de son ordonnance et qu'elle n'était pas partie à ladite procédure.

Elle soutient que la question de la validité de l'ordonnance et du procès-verbal de saisie contrefaçon est un moyen de défense au fond et non une exception de procédure.

Sur le fond, elle conteste toute contrefaçon.

Elle relève que la comparaison doit être effectuée sur des éléments de ressemblance présentant une originalité qu'elle conteste et estime qu'il convient de comparer chaque emballage pris isolément et non de procéder à un amalgame d'ensemble et, encore moins, de prendre comme référence le graphisme commenté sur Internet.

Elle reproche aux appelants d'avoir pratiqué un photomontage déformant les emballages et ne concernant pas des produits ayant fait l'objet de la saisie-contrefaçon.

Elle compare les produits et soutient, avec le tribunal, que, même en procédant à une comparaison globale, les produits Monoprix ne reprennent pas les caractéristiques des produits Delo.

Elle estime fausses les caractéristiques invoquées soit le nombre aléatoire de lignes d'écriture - 4 ou 3 sur le produits Delo alors que totalement aléatoire sur les produits Monoprix-, le jeu entre les mots et les chiffres- imprécis et inexistant sur les packagings-, la police de caractère disposée de manière aléatoire - véritable dégradé dans les produits Delo - et le contenu humoristique ' absent dans le packaging Delo.

Elle excipe des différences qui évitent toute ressemblance.

Elle s'étonne des commentaires parus sur Internet compte tenu de la faible diffusion des produits Delo et estime qu'ils se réfèrent à des idées ou à des concepts, non protégeables. Elle affirme que les propos de sa directrice ont été déformés et n'évoquent que des idées.

Subsidiairement, elle réfute tout préjudice.

En ce qui concerne Monsieur R., elle reprend ses moyens sur son absence de droit moral et l'absence de contrefaçon.

La société soutient que les demandes subsidiaires sont irrecevables car contradictoires. Elle déclare qu'en première instance, elles avaient été formées également à titre principal.

Elle invoque leur absence d'intérêt ou de qualité à agir aux motifs que le comportement déloyal aurait été commis au détriment de la société Delo, que la société Be-Pôles n'est pas en concurrence avec les intimées et qu'elle n'exploite pas commercialement les packagings.

Elle fait également valoir que Monsieur R. n'est ni le créateur de la charte ni son exploitant.

Sur le fond, elle conteste les actes de parasitisme reprochés à la société Monoprix et tout acte de concurrence déloyale de sa part.

A cet égard, elle affirme que les appelants ne rapportent la preuve ni d'une faute, ni d'un préjudice ni d'un lien de causalité

Elle fait état de l'absence de ressemblance, de l'absence d'exploitation par la société Be-Pôles des packagings Delo, de l'absence de perte d'investissement et de l'absence de perte de chance.

Elle était sa demande au titre des frais irrépétibles.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 octobre 2016.

Sur le retrait de la pièce numéro 27 produite par la société Monoprix

Considérant que le contenu de cette pièce est limité ; qu'elle renvoie à un arrêt du 16 mai 2012 ayant confirmé une ordonnance décidant du séquestre de cette charte et donnant la faculté aux appelants de solliciter la remise de copies des extraits concernant les décors d'emballage des objets saisis ;

Considérant qu'aucun motif ne justifie le rejet de cette pièce ;

Sur le retrait de la lettre du 12 novembre 2010 produite par les appelants

Considérant que cette lettre émane de Madame D. ; que celle-ci a, dans un document postérieur, remis en cause ce courrier;

Considérant qu'il appartiendra à la cour d'apprécier le cas échéant la portée des diverses pièces émanant de Madame D.;

Considérant qu'il n'y a donc pas lieu d'écarter cette lettre des débats;

Sur la recevabilité de l'action en contrefaçon

Considérant que l'article L. 111-2 du Code de la propriété intellectuelle, Code de la propriété intellectuelle, dispose :

" L'œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l'auteur "; qu'aux termes de l'article L. 112-1, sont protégés les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l'esprit, "quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ";

Considérant que cette protection s'applique à l'expression et à la conception de l'œuvre dès lors qu'elle est matérialisée dans un support ; que les œuvres graphiques et typographiques sont ainsi protégées; qu'il en est de même des emballages;

Considérant que cette protection est subordonnée à la seule condition de l'empreinte de la personnalité de leur auteur ;

Considérant que cette protection n'est pas subordonnée à l'identification d'éléments dans un cahier de normes graphiques; qu'il n'est pas nécessaire de produire un tel cahier regroupant les caractéristiques de la charte graphique invoquée;

Considérant qu'il incombe aux appelants, conformément aux articles 9 et 15 du Code de procédure civile, de démontrer les caractéristiques esthétiques de la charte graphique revendiquée et l'empreinte de la personnalité de son auteur;

Considérant que ces caractéristiques ne peuvent résulter de leur seule description dans leurs conclusions; que cette description doit être fondée sur les emballages réalisés et versés aux débats dont ils affirment qu'ils sont des illustrations de la charte;

Considérant que ces caractéristiques doivent être suffisamment précises pour permettre d'apprécier le caractère original de la combinaison revendiquée;

Considérant que sept emballages Delo - pour six bouchons capsules et une bouteille shaker - ont été mis au point, les bouchons capsules pouvant être contenus dans trois emballages de formats différents ;

Considérant que les appelants revendiquent les caractéristiques suivantes :

- la charte combine les couleurs et les lettres créant une typographie identifiable : le choix de la police " Helvetica condensed " en capital d'imprimerie est déterminant car elle est l'une des seules à pouvoir offrir une représentation entière de chaque lettre sans déformation, en l'absence d'empattement. Sur le plan graphique, les mots sont insérés dans les couleurs de façon équilibrée grâce à un espacement pertinemment choisi entre les lettres, les mots et les lignes ;

- elle ne comporte aucune photographie des produits contenus dans les emballages ;

- elle comporte très peu d'illustration au profit de nombreux textes ;

- sur le côté gauche de chaque packaging : un dessin du bouchon capsule à visser sur une bouteille identique à chaque gamme de bouchons capsules ;

- sur le côté droit de chaque packaging : un dessin d'une plante différent selon la gamme de bouchons capsules ;

- chaque Packaging des bouchons capsules comportent six faces toutes différentes mais présentant des caractéristiques communes entre les Packagings :

- la face supérieure du Packaging comporte la marque Delo en couleur blanche et en taille majuscule placée au centre ;

- en dessous de la face supérieure du Packaging, se trouve une face frontale, la plus en évidence, comprenant (i) la description de la gamme de produits " Equilibre ", " Energie, " Destress ", " Soleil ", " Sexy " ou " Minceur " (ii) son goût " désaltérant ", " tonique ", " fruité ", "orange", " exotique " ou " suave " (iii) son effet " bien-être ", "stimulant", "détente", " doré ", " pétillant " ou " légèreté " ;

- la face droite du Packaging comporte le dessin d'une plante pour chaque gamme différente de bouchons capsules ainsi que leurs contenus et à chaque fois la mention " 100 % d'origine naturelle ;

- la face gauche du Packaging comporte un conseil d'utilisation ainsi que le dessin d'une bouteille sur laquelle est vissé le bouchon capsule ;

- la face arrière du Packaging comporte une explication sur le bouchon capsule et sur les plantes qu'il contient ainsi que l'adresse du site de Delo et son adresse ;

- la face inférieure du Packaging comporte le copyright de Be-Pôles, la liste des ingrédients, le Code barre et la date de péremption ;

- chaque packaging de bouchon capsule est différent par l'attribution d'une couleur vive associant les effets des plantes ;

- chaque gamme des bouchons capsules est identifiable par sa désignation sur le côté face du Packaging en taille capital et à chaque fois en couleur blanche " Equilibre ", " Energie, " Destress ", " Soleil ", " Sexy " et " Minceur " ;

- la marque Delo est intégrée sur le dessus de chaque Packaging (côté supérieur) en blanc et renvoie à la couleur blanche des désignations des gammes des bouchons capsules (côté face) : " Equilibre ", " Energie ", " Destress ", " Soleil ", " Sexy " et " Minceur " ;

Considérant que l'insertion "de façon équilibrée" de mots dans les couleurs et le choix "pertinent" de l'espacement sont des notions subjectives et imprécises ;

Considérant que le nombre de lignes ou de mots sur chaque face, les combinaisons de chaque ligne de couleurs par rapport au fond, la taille des polices ou les règles d'espacement entre les mots ou les lignes ne sont pas précisés ;

Considérant que les messages portés sur les emballages décrivent les qualités, le goût et les ingrédients du produit ; qu'ils sont donc banals ;

Considérant que la police choisie est usuelle en publicité ;

Considérant que les emballages présentent entre eux des caractéristiques différentes quant à leur taille, leur forme, la combinaison de leurs couleurs ; que, sur certains emballages, les illustrations occupent une place plus importante ;

Considérant que les éléments revendiqués dans les conclusions des appelants ne prennent pas en compte ces différences ;

Considérant que, dans ces conditions, l'association des couleurs et des textes, l'attribution d'une couleur associant les effets des plantes, les messages figurant sur les produits et l'ensemble de la description précitée ne constituent pas des caractéristiques suffisamment précises pour établir l'existence de la charte graphique invoquée ;

Considérant, par ailleurs, que les appelants doivent démontrer l'empreinte sur ces emballages de la personnalité de leur auteur ; que leurs caractéristiques, séparées ou combinées, doivent présenter un caractère d'originalité ;

Considérant que la superposition sur une face de mots écrits en majuscules, sous des couleurs différentes ou sur des fonds différents, l'existence de couleurs vives, d'une police proche ou de caractères larges et compacts ou la présence d'une couleur associée à chacun des produits ont antérieurement existé sur des emballages de marques renommées telles Kub Or, Hershey's, Ilford, Perrier Fluo ou Badoit ainsi qu'en justifient les intimés et que l'a retenu le tribunal ;

Considérant que le site Internet d'une école de design canadienne présente des boîtes à épices créées en 2006 comportant des inscriptions en capital d'imprimerie, de tailles et de couleurs différentes réalisées en linéaire "dont les couleurs vives distinctives permettent d'identifier les épices du premier coup d''il" ;

Considérant, enfin, que des extraits d'ouvrages produits par la société Monoprix contiennent des photographies d'emballages présentant des caractères semblables ;

Considérant qu'il résulte de ces éléments que les appelants n'ont fait, dans la création des emballages litigieux, que suivre une tendance en vogue, y compris pour des produits alimentaires ;

Considérant qu'ils ne rapportent pas la preuve de l'empreinte de la personnalité de leur auteur même dans la combinaison des éléments;

Considérant que l'objectif recherché est usuel ; qu'il ne peut pallier l'absence d'originalité de l'identité visuelle des packagings ;

Considérant par conséquent, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres fins de non-recevoir opposées, que les appelants ne démontrent pas que la combinaison des éléments revendiqués fondée sur les packagings Delo présente un caractère original pouvant être protégé par le droit d'auteur ;

Considérant, dès lors, que l'action en contrefaçon de droit d'auteur est irrecevable ;

Sur les actes de parasitisme reprochés à la société Monoprix

Considérant que les appelants invoquent des actes de parasitisme non au titre des emballages mais de la charte graphique ; que l'absence d'exploitation commerciale par eux de ces emballages ne rend donc pas irrecevable leur demande fondée sur la charte graphique ;

Considérant que le parasitisme est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne à titre lucratif et de façon injustifiée s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui individualisée et lui procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements ;

Considérant que l'action fondée sur le parasitisme ne tend pas à sanctionner l'atteinte à un droit de propriété mais est fondée sur l'article 1240 du Code civil, anciennement 1382 du Code civil ;

Considérant qu'il appartient donc aux appelants de démontrer que la société Monoprix a commis une telle faute ;

Considérant que les emballages des deux sociétés ont en commun l'utilisation de couleurs vives, de grandes lettres sur la face avant et de mots de couleurs différentes, l'impression de textes avec une police proche de façon linéaire et en plusieurs tailles, l'insertion de chiffres dans une taille identique au texte ainsi que l'absence de photographies et l'apparition distincte de la marque ;

Mais considérant que les emballages des produits Delo présentent un fond de couleur uni alors que celui des emballages des produits Monoprix n'est jamais uni mais composé par la juxtaposition de rectangles de couleurs différentes créant ainsi un effet patchwork et rappelant les bayadères historiques de l'enseigne Monoprix ou Prisunic ;

Considérant, également, que figure sur les emballages Delo un motif imprimé spécifique à chaque emballage alors qu'il n'en existe pas sur les emballages Monoprix ;

Considérant, en outre, que la marque Delo est toujours reproduite au centre de la partie supérieure des emballages en majuscules et en lettres blanches alors que les emballages des produits Monoprix l'intègrent parmi les autres messages ;

Considérant, au surplus, que les mots présents sur les emballages des produits Monoprix font l'objet le plus souvent d'une césure contrairement à ceux des produits Delo, en général entiers et sur une même ligne ;

Considérant, enfin, que les slogans figurant sur les emballages sont différents dans leur nature et leur contenu, ceux des produits Monoprix recourant - ou tentant de recourir - à un humour décalé fondé sur l'autodérision alors que ceux des produits Delo sont plus conventionnels ou descriptifs ; que ces derniers font ainsi état d'un "Effet bien-être", d'un "Effet doré", d'un "secret pour une bonne mine et du tonus pour toute l'année" qui "ne dispense pas de l'utilisation d'une crème solaire protectrice adaptée à votre peau" ou invitent à "visser un bouchon capsule une fois par jour sur une bouteille d'eau de 50cl et boire" alors que ceux des produits Monoprix mentionnent "Chez Monoprix, on est parfois à l'ouest" pour des cheeseburger, "Le contraire du lait crémé" pour du lait écrémé, "même à moitié plein, ce verre de lait est entier" pour du lait entier ou "Nous, quand on s'ennuie, on pèle des tomates" pour une conserve de tomates entières ;

Considérant que ces différences portant sur la charte graphique des packagings sont majeures ; qu'il en résulte que les agissements reprochés à la société Monoprix n'ont pu conduire à la banalisation des conditionnements caractéristiques de la société Delo ;

Considérant en outre que la société Monoprix justifie de ses investissements pour la création de la charte graphique de ses produits ;

Considérant qu'il en résulte que la société Monoprix ne s'est ni inspirée ni n'a copié le travail invoqué par les appelants qui leur aurait procuré un avantage concurrentiel en raison de leur savoir-faire, de leur travail intellectuel et d'investissements ; qu'elle ne s'est pas placée dans le sillage des appelants et n'a pas profité de leurs investissements ;

Considérant que la demande sera rejetée ;

Sur les actes de concurrence déloyale reprochés à la société Havas 04,

Considérant que cette demande est subsidiaire, et non cumulative, de celle formée au titre de la contrefaçon ; qu'elle est recevable de ce chef ;

Considérant que l'existence de faits distincts des actes de contrefaçon invoqués doit être appréciée au fond ;

Considérant que la demande est fondée sur la charte graphique et non sur les emballages exploités par la société Delo ; que les conditions de vente à la société Delo stipulent que "les créations réalisées par Be-Pôles constituent des œuvres originales protégées ..." et que "la commande du client n'emporte pas cession à son profit des droits de propriété intellectuelle sur les créations ..." ; que les appelants sont donc recevables de ce chef à invoquer un comportement déloyal de la société Havas 04 ;

Considérant qu'un produit libre de droit de propriété intellectuelle peut être librement commercialisé à la condition de ne pas créer de confusion dans l'esprit d'une clientèle normalement informée, raisonnablement attentive et avisée sur son origine ;

Considérant que cette notion est applicable à l'identité visuelle d'emballages ; qu'ainsi, la reprise de caractéristiques évocatrices d'un emballage de nature à créer une confusion est fautive ;

Mais considérant que les développements précités démontrent que les produits en cause ne présentent pas de ressemblance suffisante pour caractériser un tel effet ;

Considérant que la demande sera rejetée ;

Sur les autres demandes,

Considérant que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que les demandes tendant à l'annulation des saisies pratiquées sont dès lors sans objet ;

Considérant que les appelants devront in solidum verser la somme de 5 000 euros à chacun des intimés sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais exposés en appel étant rappelé que cette somme constitue une indemnisation forfaitaire des frais non compris dans les dépens dont l'allocation et le montant sont fixés selon des critères précisés dans cet article et qu'elle ne correspond donc pas nécessairement au remboursement des frais réellement exposés ;

Considérant que la demande aux mêmes fins des appelants sera compte tenu du sens du présent arrêt rejetée ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant : Condamne in solidum la société Be-Pôles et Monsieur R. à payer à la société Monoprix la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne in solidum la société Be-Pôles et Monsieur R. à payer à la société Havas 04 la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette les demandes plus amples ou contraires, Condamne in solidum la société Be-Pôles et Monsieur R. aux dépens. - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.