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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 15 février 2017, n° 16-20778

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Groupon France (SAS)

Défendeur :

Coty France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Schaller

Avocats :

Mes Fisselier, Tricot, Guerre

Paris, CME, du 4 oct. 2016

4 octobre 2016

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Marseille en date du 1er avril 2014, saisi par la société Coty France de demandes à l'encontre de la société Groupon France pour des faits de concurrence déloyale, de parasitisme et de publicité trompeuse, qui a notamment dit que le réseau de distribution sélective mis en place par la société Coty est licite et que la promotion de la société partenaire Princess Parfum et la vente en ligne de bons d'achat permettant d'acquérir à prix réduits les parfums des marques Calvin Klein, Cerruti, Davidoff, Guess, Karl Lagerfeld, Marc Jacobs, sans l'autorisation de la société Coty France, est constitutive de concurrence déloyale et trompeuse ;

Vu l'appel interjeté le 10 février 2016 par la société Groupon France ;

Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 4 octobre 2016 qui a rejeté la demande formée par la société Groupon France tendant au sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision soit rendue par l'Autorité de la concurrence dans le cadre de l'affaire enregistrée sous le numéro 15/0091 F ;

Vu la requête à fin de déféré présentée le 19 octobre 2016 par la société Groupon France;

Vu les dernières écritures sur déféré déposées et notifiées le 6 décembre 2016, aux termes desquelles la société Groupon France demande à la cour, au visa des articles 378 et suivants et 916 du Code de procédure civile, de :

- infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 4 octobre 2016,

- prononcer un sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision soit rendue par l'Autorité de la concurrence dans le cadre de l'affaire enregistrée sous le numéro 15/0091 F,

- condamner la société Coty France aux dépens ;

Vu les dernières écritures en réponse au déféré déposées et notifiées le 25 novembre 2016, aux termes desquelles la société Coty France demande à la cour, au visa des dispositions des articles 378 et suivants, 771 et 916 du Code de procédure civile, de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), du Règlement n° 1/2003 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du TFUE et du Règlement CE n° 330/2010, à la cour de :

- confirmer l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 4 octobre 2016,

- débouter la société Groupon France de sa demande de sursis à statuer,

- condamner la société Groupon France aux dépens de l'incident ;

Sur ce,

La société Coty France considère en premier lieu que la société Groupon France n'est pas fondée à solliciter le déféré de l'ordonnance du 4 octobre 2016 à la cour, laquelle n'est pas compétente pour statuer sur une ordonnance relative à un incident d'instance ne mettant pas fin à l'instance, comme c'est le cas en l'espèce. Elle en conclut que l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui rejette la demande de sursis à statuer n'est susceptible d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond de sorte que la société Groupon France doit être déboutée de sa demande de sursis à statuer.

La société Groupon France réplique que cet argument constitue une exception d'incompétence du conseiller de la mise en état au profit de la juridiction de jugement, que la société Coty France aurait dû soulever in limine litis devant le conseiller de la mise en état, ce qu'elle n'a pas fait de sorte qu'elle est irrecevable.

Mais, il s'avère que la société Groupon France se livre à une interprétation erronée du moyen invoqué par la société Coty France pour conclure au débouté de la demande de sursis à statuer. En effet, il ne s'agit nullement d'une exception d'incompétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur une demande de sursis à statuer, la société Coty France considérant seulement que l'ordonnance du conseiller de la mise en état rejetant la demande de sursis à statuer n'est pas susceptible de déféré mais d'un appel devant la cour.

L'exception d'irrecevabilité de la prétendue " exception d'incompétence " sera donc rejetée.

Pour autant, le moyen tiré de l'impossibilité de déférer à la cour l'ordonnance critiquée n'est pas sérieux. En effet, en application des articles 73 et 74 du Code de procédure civile, la demande tendant à faire suspendre le cours de l'instance, constitue une exception de procédure. Par suite, en rejetant la demande de sursis à statuer, le conseiller de la mise en état a statué sur une exception de procédure. Or, l'article 916 alinéa 2 du Code de procédure civile ouvre le déféré contre les ordonnances du conseiller de la mise en état notamment " lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure " de sorte que l'ordonnance en cause était bien susceptible d'être déférée à la cour. Ce moyen sera donc rejeté.

La société Groupon France sollicite, dans un souci d'une bonne administration de la justice, le sursis à statuer dans l'attente de la décision de l'Autorité de la concurrence saisie de sa plainte pour pratiques anticoncurrentielles. Elle relève que le conseiller de la mise en état a rejeté sa demande au seul motif qu'elle ne versait aucune autre pièce sur l'évolution de cette procédure, comme la désignation d'un rapporteur. Elle indique justifier par le courriel du chef du bureau de la procédure de l'Autorité de la concurrence en date du 3 mai 2016, confirmé par un courriel de M. Poncelet, Chef du bureau, en date du 30 novembre 2016 que la plainte a été affectée à l'unité de M. Joël Tozzi, rapporteur général adjoint. Elle considère que la décision de l'Autorité de la concurrence est de nature à éclairer la présente cour d'appel quant à l'appréciation à porter sur l'existence et la licéité du prétendu réseau de distribution de la société Coty.

La société Coty France fait valoir l'absence de nécessité de surseoir à statuer dès lors que la société Groupon France a saisi l'Autorité de la concurrence postérieurement à la procédure d'appel déjà en cours au mois d'octobre 2015, en invoquant une prétendue " entente illicite " dans le cadre de l'organisation du réseau de distribution sélective Coty. Elle soutient que la société Groupon France devrait, pour démontrer l'existence d'une entente illicite, justifier devant la cour d'appel que l'accord de distribution sélective Coty contient des restrictions caractérisées de concurrence et ne bénéficie pas non plus de l'exemption individuelle visée au 3e paragraphe de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Elle ajoute que cette appréciation relève de la cour d'appel et que l'Autorité de la concurrence ne peut être saisie aux fins de requalification de l'accord de distribution sélective en entente anticoncurrentielle.

Il est constant que l'Autorité de la concurrence, autorité administrative chargée de la protection de l'ordre public économique, est compétente pour poursuivre et le cas échéant, sanctionner les pratiques anticoncurrentielles mais que sa décision de condamnation ne lie pas la Cour d'appel de Paris, saisie en tant que juridiction spécialement désignée pour connaître des litiges dans lesquels les dispositions des articles L. 420-1 à L. 420-5 du Code de commerce ainsi que celles des articles 101 et 102 du TFUE sont invoquées, d'une action en réparation du préjudice éventuellement subi par la partie qui se prétend victime de pratiques anticoncurrentielles, comme tel est le cas en l'espèce. A contrario, l'existence d'une procédure judiciaire introduite antérieurement à sa saisine, comme c'est également le cas en l'espèce, n'empêche pas l'Autorité de la concurrence, conformément à l'article L. 462-5 du Code de commerce, d'examiner les pratiques dont elle est saisie.

En conséquence, la société Groupon France ne justifie pas que le souci d'une bonne administration de la justice commande de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de l'Autorité de la concurrence. L'ordonnance déférée sera donc confirmée.

La société Groupon France qui succombe, supportera les dépens de la présente procédure de déféré.

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, publiquement par mise à disposition au greffe, Confirme l'ordonnance du conseiller de la mise en état en toutes ses dispositions, Condamne la société Groupon France aux dépens du présent déféré.