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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 16 février 2017, n° 15-13310

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

IN&FI France (SAS)

Défendeur :

Conseil et Recherche en Financement Marne-la-Vallée (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chevalier

Conseillers :

Mmes Roy-Zenati, Bodard-Hermant

Avocats :

Mes Fisselier, Feschet, Blondel, Dreyer

T. com. Paris, prés., du 3 juin 2015

3 juin 2015

Exposé du litige

La société IN&FI France, franchiseur de méthodes de promotion de services dans le secteur du courtage en crédit auprès des particuliers, a conclu le 27 septembre 2011 avec la SARL Conseil et Recherche en Financement Marne la Vallée (ci-après la SARL CRF), représentée par son gérant M. X, un contrat de franchise permettant à cette dernière de proposer des services de courtage en crédit sous la marque et avec l'assistance d'IN&FI.

En page 1 du contrat, sur laquelle figure la désignation des parties contractantes, il est indiqué, sous la mention de la SARL CRF, la phrase suivante :

" M. André X sera tenu personnellement et solidairement de respecter tous les termes et conditions du présent contrat ".

Le contrat contient également à l'article 15.2 la clause suivante :

" En cas de différend entre les parties sur l'interprétation, l'exécution ou la rupture du présent contrat, les parties s'efforceront d'y mettre un terme à l'amiable. A défaut d'y parvenir, le Tribunal de commerce de Paris sera seul compétent. "

Ce contrat constitue le renouvellement d'une convention passée le 8 novembre 2006.

Le 8 novembre 2006, M. X pour le compte de la société CRF en cours de constitution a également conclu un contrat d'abonnement avec la SARL Horus, prestataire agréé par la société IN&FI pour fournir aux agences franchisées de celle-ci un logiciel de gestion commercial et administratif dédié à l'activité d'intermédiaire et/ou de conseil en recherche de financement.

Par acte en date du 3 mars 2015, la SAS IN&FI France et la SARL Horus Technologies ont fait assigner la SARL CRF ainsi que M. X devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris en paiement de provisions.

Par ordonnance de référé du 3 juin 2015, le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris :

- s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Meaux en ce qui concerne les demandes formées contre M. X ;

- a dit n'y avoir lieu à référé s'agissant des réclamations de la SAS IN&FI ;

- condamné la SARL CRF à payer à la SARL Horus Technologie la somme de 2 188,13 euros avec intérêts au taux légal plus 5 points à compter de la date de l'assignation ;

- rejeté toute autre demande ;

- condamné la SARL CRF aux dépens.

Par déclaration du 23 juin 2015, la SAS IN&FI France a fait appel de cette ordonnance à l'encontre de M. X et de la SARL CRF.

Au terme de ses dernières conclusions communiquées par la voie électronique le 26 février 2016, la SAS IN&FI France demande à la cour de :

- réformer la décision du 3 juin 2015 et statuant à nouveau,

- se déclarer compétente pour statuer vis-à-vis de M. X,

- condamner solidairement M. X et la SARL CRF à lui régler la somme de 45 898,48 euros, arrêtée au 15 décembre 2015, correspondant aux redevances impayées, outre les intérêts de retard à hauteur de 1,5 % par mois à compter du 1er janvier 2015,

- condamner solidairement M. X et la SARL CRF à lui verser la somme totale de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens, avec application de l'article 699 du même Code au profit de son conseil.

Dans ses conclusions communiquées par voie électronique le 30 décembre 2016, M. X et la SARL CRF demandent à la cour de :

In limine litis,

1) S'agissant des demandes formulées à l'encontre de M. X

- confirmer l'ordonnance de référé du 3 juin 2015,

- à titre subsidiaire, se déclarer incompétent au profit du Tribunal de commerce de Meaux,

- dire que la société IN&FI France ne dispose pas d'un intérêt à agir à l'encontre de M. X, déclarer irrecevable l'action de la société IN&FI contre lui et le mettre hors de cause,

2) S'agissant des demandes formulées à l'encontre de la SARL CRF

Sur la compétence,

- infirmer l'ordonnance de référé du 3 juin 2015 en ce qu'elle a implicitement retenu la compétence du Tribunal de commerce de Paris pour statuer sur les demandes formulées par la société IN&FI France à l'encontre de la SARL CRF,

Statuant à nouveau,

- déclarer incompétent le Tribunal de commerce de Paris au profit du Tribunal de commerce de Meaux pour juger ces demandes,

Sur le fond,

1) S'agissant des demandes formulées à l'encontre de M. X

- dire n'y avoir lieu a référé en raison des contestations sérieuses s'opposant aux demandes formulées par la société IN&FI France,

A titre subsidiaire,

- octroyer à M. X les plus larges délais de paiement,

- ordonner, la mise sous séquestre auprès de la Caisse des Dépôts et consignations de toute somme que Monsieur X pourrait être condamné à payer,

2) S'agissant des demandes formulées à l'encontre de la SARL CRF

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance rendue le 3 juin 2015 en ce qu'elle a retenu l'existence d'une contestation sérieuse,

A titre subsidiaire,

- dire et juger n'y avoir lieu a référé en raison des autres contestations sérieuses s'opposant aux demandes formulées par la société IN&FI France à l'encontre de la SARL CRF,

- dire et juger que les demandes formulées par la société HORUS ne sont pas recevables, celle-ci n'ayant pas interjeté appel et n'étant pas dans la cause, outre le fait qu'il existe des contestations sérieuses avérées,

A titre infiniment subsidiaire,

- octroyer à la société CRF les plus larges délais de paiement,

- ordonner la mise sous séquestre auprès de la Caisse des Dépôts et consignations de toute somme que la société CRF pourrait être condamnée à payer,

En toute hypothèse,

- débouter la société IN&FI France de sa demande au titre des intérêts de retard et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société IN&FI France à payer à la société CRF et à M. X la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamner aux dépens, en ceux-ci compris les frais de signification et d'exécution de "l'ordonnance" à intervenir.

La société Horus Technologies n'est pas intimée.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour la connaissance des moyens et des arguments qu'elles ont exposés au soutien de leurs demandes, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR

Sur l'irrecevabilité des demandes de la SARL Horus Technologies

La SARL Horus Technologies n'est pas partie à l'instance en appel et n'a donc formé aucune réclamation à l'encontre des intimés. La demande de ces derniers visant à voir " dire et juger que les demandes formulées par la société Horus ne sont pas recevables " est donc sans objet.

Sur la compétence du juge des référés du Tribunal de commerce de Paris

En ce qui concerne M. X

La société IN&FI a fait assigner M. X, personne physique demeurant à Chessy en Seine et Marne devant le Tribunal de commerce de Paris sur le fondement de la clause attributive de compétence stipulée à l'article 15.2 du contrat conclu le 27 septembre 2011.

Selon l'article 48 du Code de procédure civile, toute clause qui déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant.

La société IN&FI soutient que M. X, en s'engageant personnellement et solidairement à respecter tous les termes du contrat de franchise, a accompli un acte de commerce dans la mesure où cet engagement a été passé dans le but d'exercer un commerce et était indispensable à l'exercice de celui-ci. Elle rappelle que, selon l'article L. 721-3 du Code de commerce, le juge consulaire connaît des contestations relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Il ressort toutefois de l'examen du contrat conclu par les parties le 27 septembre 2011 que cette convention, comme les intimés l'ont souligné dans leurs écritures, ne comporte que la signature de M. X sous la mention " Le franchisé ". Elle ne comporte pas la signature de M. X à titre personnel.

En outre, si la clause relative à l'engagement personnel de M. X figure sous la désignation de la SARL CRF en qualité de partie contractante et au-dessus de la mention " ci-après le franchisé ", il ne ressort pas du contenu de ladite clause que celle-ci lui a conféré la qualité de co-franchisé.

La clause stipule en effet que M. X " sera tenu personnellement et solidairement de respecter tous les termes et conditions du présent contrat ". Elle ne lui confère pas les droits prévus dans celle-ci en faveur du franchisé.

Il s'ensuit qu'il n'est pas établi que l'engagement résultant de la clause litigieuse constitue un acte de commerce permettant de rendre opposable à M. X la clause attributive de compétence stipulée à l'article 15.2 du contrat.

L'ordonnance rendue le 3 juin 2015 sera donc confirmée en ce que le juge des référés s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes formées contre M. X au profit du Tribunal de grande instance de Meaux.

En ce qui concerne la SARL CRF

Il ressort de l'exposé des réclamations des parties dans l'ordonnance attaquée que la SARL CRF avait soulevé avant toute défense au fond l'incompétence du Tribunal de commerce de Paris au profit du Tribunal de commerce de Meaux.

La SARL CRF soutient que la clause attributive de compétence stipulée dans le contrat ne s'applique pas dans le cadre d'une procédure de référé.

Ce moyen n'est pas fondé. En effet, s'il a été jugé qu'une clause de compétence territoriale est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés, en revanche, la partie qui saisit le juge des référés peut s'en prévaloir.

En outre, le caractère très apparent de la clause attributive de compétence stipulée à l'article 15.2 du contrat n'est pas contesté par la SARL CRF.

L'exception d'incompétence territoriale stipulée par celle-ci doit, par conséquent, être rejetée.

Au principal

Selon l'article 873, alinéa 2, du Code de procédure civile, le président du tribunal de commerce statuant en référé peut accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

La SARL IN&FI fonde sa demande de provision, en premier lieu, sur l'engagement souscrit par le franchisé dans une lettre en date du 15 mars 2014.

Certes, cette lettre a été écrite par la SARL CRF postérieurement à l'assignation devant le Tribunal de commerce de Paris que celle-ci, ainsi que 20 autres franchisés, ont fait signifier à la société IN&FI le 5 novembre 2012.

Cependant, la lettre en question, si elle comporte bien l'engagement de la SARL CRF de régler sa dette au titre des redevances pour la fin du mois de décembre 2014 (" Paiement intégral de la dette à fin décembre 2014 "), fait suite à une mise en demeure du 5 mars 2014 au terme de laquelle la société IN&FI lui écrivait ceci " sans réponse de votre part sous huit jours avec une proposition claire de règlement, nous serions à nouveau contraints de suspendre les services mis à votre disposition ".

Il s'ensuit que l'engagement en question fait suite à une menace précise de suspension des services permettant à la société CRF d'exercer ses activités.

La société IN&FI ne saurait donc soutenir que, dans cet engagement, la société CRF a renoncé à se prévaloir des réclamations et des moyens exposés dans le cadre de l'instance au fond.

Par ailleurs, il résulte de l'assignation délivrée à la société IN&FI par la SARL CRF ainsi que 20 autres franchisés devant le juge du fond que ceux-ci reprochent à celle-là des manquements à ses obligations contractuelles, des violations des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce ainsi que des pratiques de concurrence déloyales. Il en ressort également que la SARL CRF de même que les autres franchisés réclament la condamnation de la société IN&FI au remboursement des redevances déjà versées.

Si l'existence d'une procédure au fond ne constitue pas en soi une contestation sérieuse à une demande de provision devant le juge des référés, il en va différemment lorsque, dans le cadre de cette instance au fond, il est soutenu par des motifs qui ne sont pas manifestement dépourvus de sérieux que le demandeur à la provision a failli dans l'exécution des obligations qui fondent sa demande de provision.

Ainsi, dans leur assignation, les franchisés citent une décision au fond du Tribunal de commerce de Paris rendu le 26 septembre 2012 dans laquelle il a été jugé que la société IN&Fi n'avait pas fourni à l'un de ses contractants l'outil promis dans la convention qui les lie.

Ils y exposent également de manière précise et circonstanciée les motifs pour lesquels ils soutiennent que la société IN&FI a enfreint les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Au vu de ces considérations, la demande de provision de la société IN&FI fondée sur l'engagement pris par la SARL CRF dans sa lettre du 15 mars 2014 ne saurait être considérée comme dépourvue de contestation sérieuse.

Il en va de même, pour les motifs qui précèdent, de la demande de provision de la société IN&FI au titre des factures émises postérieurement à l'engagement précité.

Au vu de ces considérations, l'ordonnance attaquée doit également être confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la société IN&FI à l'encontre de la SARL CRF.

Le premier juge a fait une application équitable de l'article 700 du Code de procédure civile et fondée de l'article 696 du même Code. L'ordonnance attaquée doit aussi être confirmée en ce qu'elle a fait application de ces articles.

En cause d'appel, il sera dit également n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Conformément à l'article 696 du Code de procédure civile, la société IN&FI France, qui succombe à l'instance, devra supporter les dépens.

Par ces motifs : Confirme l'ordonnance rendue le 3 juin 2016 par le Tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions dont la cour est saisie ; En cause d'appel, Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SAS IN&FI France aux dépens.