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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 13 février 2017, n° 15-00718

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Organisation des Ressources et des Investissements par l'Audit Conseils (SARL)

Défendeur :

Banque Delubac et Compagnie (SCS), Compagnie de Gestion Privée du Patrimoine (SARL) , Opus Finance (SARL), Natixis Assurances (SA) , BPCE Vie (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Fabry, M. Pettoello

T. com. 7e ch. Bordeaux, du 9 janv. 2015

9 janvier 2015

EXPOSE DU LITIGE :

Par jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 28 novembre 2012, l'EURL DGS Conseil, courtier, a fait l'objet d'un redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire par jugement en date du 9 janvier 2013 qui a désigné la SELARL M.-P. en qualité de liquidateur judiciaire.

Par ordonnance en date du 7 mai 2013, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de l'EURL DGS Conseil a autorisé la vente de gré à gré du fonds de commerce dépendant des actifs à la SARL Organisation des Ressources et des Investissements par l'Audit Conseils (la société ORIA Conseils) moyennant le prix de 20.150 euros (150 euros pour les éléments corporels et 20 000 euros pour les éléments incorporels).

Le dirigeant de l'EURL DGS Conseil, présentant une proposition d'achat du fonds émanant de M. Frédéric D. pour un montant de 30 000 euros, a interjeté appel de cette ordonnance qui a cependant été confirmée par arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux du 28 mars 2014.

Par ordonnance du 19 novembre 2013, le juge des référés a condamné la Banque Delubac à verser :

- à la SELARL M.-P. ès-qualité, les commissions lui revenant et dues jusqu'au 7 mai 2013,

- à la société ORIA Conseils, sous astreinte, les commissions lui revenant au titre des contrats d'assurances souscrits par l'intermédiaire de l'EURL DGS Conseil en liquidation judiciaire, dues depuis le 7 mai 2013,

- condamné la Banque Delubac sous astreinte à communiquer à la société ORIA Conseils les bordereaux détaillés et exhaustifs des commissionnements versés à l'EURL DGS Conseil depuis l'origine du partenariat.

La Banque Delubac a relevé appel de cette décision le 17 décembre 2013. Elle a saisi le 20 décembre 2013 le premier président de la cour d'appel statuant en matière de référé, aux fins de se voir autoriser à consigner le montant de sommes dues au titre de l'exécution provisoire de la décision. Cette demande a été rejetée par ordonnance du 23 janvier 2014.

Par exploits d'huissier en date des 28 février et 3 mars 2014, la société ORIA Conseils a assigné devant le Tribunal de commerce de Bordeaux la Banque Delubac, la société Opus Finance, la Compagnie de Gestion Privée du Patrimoine (la CGPP), M. Frédéric D., la société Natixis Assurances et la SELARL M.-P. en qualité de liquidateur judiciaire de la société DGS Conseil aux fins de voir la Banque Delubac, la société Opus Finance et Monsieur D. condamnés in solidum à lui payer la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et préjudice moral, et les sociétés Natixis Assurances et la société ABP Vie in solidum à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inaction fautive outre la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement réputé contradictoire en date du 9 janvier 2015, le Tribunal de commerce de Bordeaux a notamment :

- reçu la société ABP Vie en son intervention volontaire,

- mis hors de cause la société Natixis Assurances,

- condamné la Banque Delubac et Compagnie à payer à la société ORIA Conseils la somme de 4 000 euros,

- condamné la société CGPP, la société Opus Finance et M.D. à payer à la société ORIA Conseils chacun la somme de 2 000 euros,

- débouté la société ORIA Conseils de sa demande à l'encontre de la société ABP Vie,

- débouté la société ORIA Conseils du surplus de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu de faire usage des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné la Banque Delubac à payer 40 % des dépens, et la société CGPP, la société Opus Finance et M.D. chacun 20 %.

Le tribunal a considéré qu'en dépit de l'intuitu personae figurant à la convention entre la société DGS Conseil et la Banque Delubac, la cession du portefeuille de clientèle détenu par cette dernière n'était pas sérieusement contestée, et que s'il y avait eu cession, c'est que ce portefeuille présentait une valeur que la cessionnaire, la société ORIA Conseils, avait elle-même chiffrée à 20 000 euros pour les éléments incorporels. Il a estimé que la demanderesse ne rapportait pas la preuve d'actes de concurrence déloyale de la part de la Banque Delubac ; que cependant, ce transfert de clientèle opéré sans contrepartie avait amoindri la valeur du fonds acquis par la société ORIA Conseils, lui causant un dommage qu'il convenait de réparer. Le tribunal a ainsi jugé que les bénéficiaires du transfert étaient redevables à la société ORIA Conseils d'une indemnité visant à compenser la perte de valeur de leur fait qu'il a chiffrée à 10 000 euros imputables à hauteur de 40 % à la Banque Delubac et 20 % à la CGPP, à la société Opus Finance et à Monsieur D..

La société ORIA Conseils a relevé appel du jugement par déclaration en date du 4 février 2015.

Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 12 décembre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Banque Delubac de sa demande reconventionnelle, la Banque Delubac n'ayant aucun droit constitué sur la clientèle dont elle lui a reconnu le droit, s'agissant de surcroit de l'exercice par des assurés d'un droit d'ordre public de rachat,

- l'infirmer en toutes ses dispositions défavorables,

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas qualifié les agissements de la Banque Delubac avec l'aide et la complicité active des sociétés Opus Finance et CGPP et de Monsieur D., d'actes de concurrence déloyale,

- infirmer le jugement entrepris quant au quantum des condamnations prononcées à l'encontre de la Banque Delubac, des sociétés Opus Finance et CGPP et de Monsieur D.,

Et statuant à nouveau,

Sur les exceptions dilatoires abandonnées par la Banque Delubac,

- dire et juger que faute de soutenir devant la cour de céans l'exception d'incompétence territoriale qu'elle avait soulevé en première instance, la Banque Delubac renonce à son exception, peu important qu'elle tente de dissimuler cette renonciation sous le couvert de s'en " rapporter à justice " ; qu'en toutes hypothèses, aucune autre partie ne soutient plus aujourd'hui cette exception d'incompétences,

- dire et juger que l'ouverture de la procédure collective de la société DGS Conseils n'a pu permettre la résiliation d'office de la convention de partenariat entre elle et la Banque Delubac, conformément à l'article L. 622-13 du Code de commerce,

- dire et juger que la cession de gré à gré du 7 mai 2013 est valable et produit tous effets de droits attachés à la propriété d'un bien,

- dire et juger qu'elle est propriétaire du portefeuille de la société DGS Conseil suivant cession de gré à gré du 7 mai 2013,

Sur les manquements contractuels et légaux de la Banque Delubac et la complicité des sociétés CGPP et Opus Finance et de Monsieur D.,

- dire et juger que la Banque Delubac devra payer en conformité avec l'usage n° 3 du courtage et faute de dénonciation régulière des contrats du portefeuille DGS Conseil, la totalité des commissions générées par les contrats souscrits par la société DGS Conseil et figurant au portefeuille cédé de gré à gré tel qu'existant à la date du 7 mai 2013,

- dire et juger que le non-paiement de ces commissions constitue un acte de concurrence déloyale accessoire et complémentaire des actes évoqués en première instance,

- déclarer en conséquence recevable les demandes liées au défaut de règlement du rappel de commissionnement,

- condamner la Banque Delubac à lui payer la somme de 500 000 euros de rappel de commissionnement, sauf à parfaire, et sous réserve des éléments d'information en possession de la Banque Delubac,

- ordonner à titre subsidiaire une expertise judiciaire quant au montant des commissions qui lui sont dues par la banque Delubac,

dire et juger en toutes hypothèses que la banque Delubac a commis des actes de concurrence déloyale par dénigrement, parasitage, confusion, désorganisation et détournement de clientèle, avec l'aide et la complicité active des sociétés Opus Finance et CGPP et de Monsieur D., visant à dépouiller le portefeuille d'assurances de la société DGS Conseil portant objet d'une cession de gré à gré ordonnée par le juge commissaire le 7 mai 2013,

- donner acte à la banque Delubac qu'elle reconnait avoir organisé le système de détournement de l'actif de la société DGS Conseil, via la présentation des cabinets Opus Finance et CGPP aux clients de la société DGS Conseil, suivant aveu judiciaire,

- condamner in solidum la banque Delubac, les sociétés Opus Finance et CGPP et Monsieur D. à lui payer la somme de 500 000 euros à tire de dommages et intérêts sauf à parfaire pour concurrence déloyale et préjudice moral,

- ordonner à titre subsidiaire une expertise judiciaire quant au montant des dommages et intérêts qui lui sont dus par la banque Delubac,

Sur les autres demandes,

- condamner la société Natixis Assurances et la société ABP Vie in solidum à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de son inaction fautive, de la défense passive des intérêts de la banque Delubac mais encore de son refus de respecter les usages du courtage,

- ordonner la publication du jugement à intervenir pendant 15 jours calendaires consécutifs au siège social de la banque Delubac, sous astreinte de 5 000 euros par jour de refus d'affichage

- ordonner la publication du jugement à intervenir aux frais de la banque Delubac dans 3 journaux professionnels de banque, d'assurance et de finance, dans la limite de 10 000 euros de frais de publication,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner in solidum la Banque Delubac, la société Opus Finance et CGPP, Monsieur D., la société Natixis Assurances et la société ABP Vie à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la Banque Delubac in solidum avec la société CGPP, la société Opus Finance, Monsieur D., la société Natixis Assurances et la société ABP Vie aux entiers dépens.

La société ORIA Conseils fonde ses demandes sur le comportement fautif de la Banque Delubac qui a commis selon elle des actes de concurrence déloyale à son encontre à la fois en organisant un système de fraude pour récupérer pour elle-même les clients les plus intéressants du portefeuille DGS, et en en répartissant d'autres entre Monsieur D., la société Opus Finance et la société CGPP, courtiers, et d'autre part en refusant de lui verser les commissionnements correspondant aux contrats détournés. Elle soutient que cette double fraude à ses droits a entrainé une chute des commissions et un préjudice considérable, et reproche en outre à l'assureur une inaction fautive.

Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 22 décembre 2016, comportant appel incident, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la banque Delubac demande à la cour de :

- déclarer mal fondé l'appel interjeté par la société ORIA Conseils à l'encontre du jugement entrepris,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'action en concurrence déloyale de la société ORIA Conseils à son encontre, en l'absence de tout acte fautif,

Vu l'article 564 du Code de procédure civile,

- déclarer irrecevables les demandes nouvelles de rappel de commissions et d'expertise de la société ORIA Conseils, et à défaut les déclarer mal fondées,

- débouter la société ORIA Conseils de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- déclarer son appel incident recevable et bien fondé,

Statuant à nouveau,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à verser une somme de 4 000 euros à la société ORIA Conseils, en l'absence de tout fondement juridique,

- condamner la société ORIA Conseils à lui payer à titre provisionnel la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice causé par la déstabilisation du portefeuille des souscripteurs,

- condamner la société ORIA Conseils à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société ORIA Conseils à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Elle conteste tout acte déloyal en soutenant qu'elle ignorait jusqu'au 20 août 2013 la cession partielle d'actifs ; qu'elle a contesté la qualité de cessionnaire de la société ORIA Conseils en raison des irrégularités formelles (l'acte de cession ne lui a jamais été signifié et n'a jamais été établi par acte authentique alors que c'était prévu expressément par l'ordonnance) ; qu'en outre, le contrat a été conclu intuitu personae avec une clause d'incessibilité, de sorte qu'il n'a pas été cédé à la société ORIA Conseils qui ne peut s'en prévaloir. Elle fait valoir que suite à la liquidation judiciaire et à sa cessation d'activité, la société DGS Conseil a été radiée du fichier ORIAS le 8 mars 2013, de sorte que la cession du fonds de commerce du 7 mai 2013 ne pouvait inclure le contrat de partenariat ni les commissions afférentes. Elle allègue par ailleurs qu'elle a répondu aux demandes du mandataire judiciaire et transmis les ordres et transferts, et les commissions au fur et à mesure de leur exigibilité ; que l'appelante ne justifie pas que les dénonciations aient été irrégulières ; qu'au contraire, elle a communiqué tous les ordres de remplacement qui sont parfaitement réguliers et opposables à la société ORIA Conseils ; que les commissions sur les contrats non transférés sont versées ; que compte tenu de l'absence de nouveaux contrats et versements, il est logique que les commissions diminuent. Elle justifie le message du 11 mars 2013 en alléguant qu'il était de sa responsabilité de s'assurer du suivi des contrats ; qu'en tout état de cause, en sa qualité de courtier inscrit au registre ORIAS, associée à la distribution des contrats, elle ne pouvait, sans risquer de ternir son image voire d'engager sa responsabilité, se désintéresser du sort des souscripteurs; que ce message comportait seulement des informations objectives, de sorte qu'aucun dénigrement ne peut lui être reproché, a fortiori à l'encontre de la société ORIA Conseils dont elle ignorait jusqu'à l'existence avant le courrier reçu le 25 mars 2013 où elle l'informait de sa candidature sans jamais la lui confirmer.

Elle soutient par ailleurs que la demande formée en cause d'appel au titre d'un prétendu rappel de commissionnement est une demande nouvelle sans rapport avec la concurrence déloyale, et donc irrecevable. Elle fait valoir qu'en toute hypothèse les demandes sont mal fondées dans la mesure où elle a réglé au fur et à mesure de leur exigibilité les commissions dues sur les contrats non transférés. Elle conteste enfin toute résistance passive envers le mandataire judiciaire à qui elle a transmis les éléments souhaités sans retard, dès qu'elle les a reçus des assurances, tout en maintenant qu'elle n'a pas à communiquer ceux qui ont fait l'objet d'un changement de courtier. Elle ajoute qu'il n'y a aucun lien de causalité entre les fautes alléguées et le préjudice invoqué, qui reste à démontrer ; que l'éventuelle diminution des commissions est une conséquence directe de la situation financière et économique de DGS et de l'état de déshérence du fonds de commerce depuis des mois , ce dont l'appelante était consciente, comme en atteste l'offre de reprise du 25 mars qui l'a amenée à valoriser 20 000 euros ; que la preuve du préjudice n'est pas rapportée ; que l'appelante a déjà perçu 79 050,20 euros de commissions au 30 novembre 2016 ; que le tableau versé est incomplet ; que le mode de calcul sur 7 ans est erroné, la plupart des contrats ayant déjà plus de 7 ans. Elle s'oppose à l'expertise qu'elle soutient irrecevable car nouvelle et en tout état de cause infondée, la cour n'ayant pas à pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve. Elle demande enfin la condamnation de la société ORIA Conseils au paiement d'une somme de 30 000 euros de dommages et intérêts pour 10 rachats de contrats subits résultant clairement de la campagne de déstabilisation menée par la société ORIA Conseils. Elle conclut qu'en l'absence de faute avérée, le jugement doit être confirmé sauf en ce qu'il l'a, usant de son pouvoir souverain d'appréciation et sans aucun fondement juridique, condamnée à payer 4 000 euros.

Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 25 juin 2015, comportant appel incident, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M.D. demande à la cour de :

- le recevoir en son appel incident et le dire bien-fondé dans l'ensemble de ses arguments, fins et moyens,

-dire et juger qu'il n'a eu aucune intention, ni action de détourner à son profit la clientèle de la société DGS Conseil à partir de sa mise en liquidation judiciaire le 9 janvier 2013 jusqu'en novembre 2013,

- dire que la société ORIA Conseils n'apporte pas la moindre preuve pour démontrer ses demandes à son encontre

- en conséquence,

- débouter la société ORIA Conseils de ses demandes dans toutes les dispositions qui lui sont défavorables

Infirmer le jugement déféré en ce sens

- en outre,

- condamner la société ORIA Conseils à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et infondée à son égard et en raison de tous les griefs que les deux procédures intentées par ORIA Conseils ont pu lui causer

- condamner la société ORIA Conseils à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile dépens comme de droit.

Il soutient que l'appelante ne démontre aucune fraude de détournement de clientèle de la société DGS Conseil de sa part ; que la pièce produite, supposée démontrer le taux de chute sur les contrats de la société DGS Conseil, est inopérante ; que l'origine de ce tableau n'est pas précisée par l'appelante qui ne justifie pas des sources de ses données ; qu'il est dépourvu d'intitulé comme de légende, ce qui en interdit la compréhension. Il fait valoir qu'il n'a pas la qualité de courtier ; qu'il a été inscrit dans la catégorie mandataire d'intermédiaire d'assurances du 5 novembre 2010 au 18 octobre 2013 ; que sa mission était donc un démarchage de courtiers en vue d'un partenariat avec la Banque Delubac; que cette activité donnait lieu aux versements de commissions différentielles sur le chiffre d'affaires réalisé par les courtiers dont la société DGS Conseil ; que cependant la Banque Delubac a mis fin le 04 janvier 2013 au contrat de mandataire ; qu'ainsi elle pouvait d'autant moins le faire bénéficier de contrats traités par la société DGS Conseil qu'elle avait rompu en février 2013 leurs relations contractuelles ; qu'il est resté inscrit à l'ORIAS jusqu'au 18 octobre 2013 afin que la banque puisse lui verser ses commissions. Il souligne que dans les attestations obtenues par la société ORIA Conseils, aucun des clients ne fait référence à lui ni ne le cite, aucun ne déclare avoir signé un ordre de remplacement à son profit, ce qui n'est pas le cas pour les autres intimés, ce qui s'explique aisément puisqu'ils ne le connaissaient pas, n'ayant jamais eu de relations directes avec eux. Il ajoute que depuis le 04 septembre 2013, il était donc dégagé de toutes dépendances à l'égard de la Banque Delubac qui n'était nullement au courant de sa proposition de rachat du portefeuille de la société DGS Conseil en mai 2013 ; que les allégations de l'appelante qui soutient que le rachat du portefeuille a été réalisé par la Banque Delubac directement ou pour son compte n'ont donc aucun sens ; qu'en réalité, sa proposition de rachat du portefeuille de la société DGS Conseil en mai 2013 était fondée sur la rupture du contrat de mandataire de la Banque Delubac qui le privait pour l'avenir de la totalité de ses revenus ; que c'était simplement pour lui un moyen de continuer à travailler pour son compte personnel, avec une clientèle développée sur Bordeaux par l'ancien gérant Dov S. qu'il connaissait parfaitement depuis fort longtemps, selon des modalités de partenariat qui restaient à définir.

Dans leurs dernières conclusions, remises et notifiées le 29 juin 2015, comportant appel incident, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, les sociétés CGPP et Opus Finance demandent à la cour de :

- recevoir l'appel incident,

- infirmer le jugement en ce qu'il les a condamnées sans caractériser la moindre faute de leur part,

- et statuant de nouveau,

- dire et juger qu'elles ne se sont rendues coupables d'aucun acte de concurrence déloyale,

- dire et juger que la société ORIA Conseils ne justifie pas de son préjudice,

- débouter en conséquence la société ORIA Conseils de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à leur encontre,

- la condamner à leur payer à chacune, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elles soulignent que les reproches de la société ORIA Conseils à leur encontre concernent la rencontre de clients dont certains les ont pris pour nouveaux courtiers, mais que ce fait ne constitue pas la preuve d'actes de concurrence déloyale ; que l'action en concurrence déloyale trouve son fondement dans les dispositions de l'article 1382 du Code civil en vertu desquelles seule la constatation d'une faute, d'un préjudice indemnisable et d'un lien de causalité permet d'engager la responsabilité de son auteur. Elles exposent que la Banque Delubac leur a proposé, à partir du mois d'avril 2013, de rencontrer un certain nombre de clients de la région bordelaise anciennement suivis par le courtier DGS Conseil, qui avait fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 9 janvier 2013 ; qu'entre les mois d'avril et d'octobre 2013, elles ont rencontré certains des clients de la Banque Delubac ; qu'à l'issue de ces rendez-vous, certains de ces clients ont signé des demandes de transfert de contrats auprès d'elles. Elles allèguent que c'est à la lecture de l'assignation devant le tribunal de commerce de Bordeaux qu'elles ont appris que la société ORIA Conseils avait présenté, le 25 mars 2013, une offre de reprise des éléments d'actifs composant le fonds de commerce de DGS Conseil et notamment son portefeuille de clientèle, et qu'elle avait acquis ce portefeuille auprès du liquidateur de DGS Conseil, et ce, pour le prix modique de 20 150 euros. Elles allèguent que les premiers juges n'ont fait que constater un déplacement de clientèle, sans caractériser la moindre faute à leur encontre, à l'instar d'ailleurs de la société ORIA Conseils qui est encore, au stade de l'appel, totalement défaillante dans la preuve de ses allégations et ne fait état d'aucun acte positif, ni d'aucune négligence qui pourrait laisser supposer qu'elles auraient commis des actes de concurrence déloyale ; que la quasi-totalité des développements contenus dans les conclusions d'appel d'ORIA Conseils visent la Banque Delubac, et que ce n'est qu'en fin d'acte, et sans aucune démonstration d'un comportement fautif de leur part, que l'appelante demande leur condamnation in solidum avec la Banque Delubac. Elles soutiennent que le tribunal, qui a, à juste titre, constaté que la société ORIA Conseils n'avait souffert d'aucun préjudice, a néanmoins commis une erreur de droit et de fait en les condamnant au titre de la concurrence déloyale, sans pour autant caractériser la moindre faute à leur encontre ; que faute de manœuvre de détournement de clientèle, leur responsabilité ne saurait donc être engagée.

Elles soutiennent en outre que l'indemnisation du préjudice allégué, à hauteur de 500 000 euros, est sans commune mesure avec la valorisation du fonds faite par la société ORIA Conseils à 20 000 euros, ce montant constituant donc la limite que cette dernière a elle-même fixé à un préjudice global, étant relevé que la société DGS Conseil avait aussi développé des portefeuilles de clientèle avec des compagnies d'assurances n'ayant pas recours à la Banque Delubac. Elles soulignent que l'offre de reprise est explicite sur la valeur du portefeuille (" Compte tenu de ces éléments d'évaluation, de l'absence de présentation de la clientèle, nous ne retiendrons qu'une valorisation au taux de 0,30, soit 20 000 euros, dès lors que nous serons bien déclarés propriétaires et successeurs des contrats et, par conséquent, des droits à commission afférents sur les contrats souscrits par l'intermédiaire de la société DGS Conseil, et ce, conformément au sens des usages généraux du courtage spécifiés dans le Code des assurances "). Elles concluent qu'il apparaît de manière incontestable qu'ORIA Conseils n'a subi aucun préjudice.

Dans leurs dernières conclusions, remises et notifiées le 13 décembre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, la société BPCE Vie anciennement dénommée ABP Vie venant aux droits de la société Natixis Assurances Partenaires venant elle-même aux droits de Foncier Assurances et la société Natixis Assurances demandent à la cour de :

- in limine litis,

- prendre acte de ce que la société ABP Vie est désormais dénommée BPCE Vie,

- juger que les demandes de la société ORIA Conseils visent la société BPCE Vie anciennement dénommée Natixis Assurances Partenaires qui vient aux droits de Foncier Assurances,

- en conséquence, prononcer la mise hors de cause la société Natixis Assurances, société holding qui détient les filiales d'assurances du groupe Natixis,

- rejeter la demande de dommages et intérêts de la société ORIA Conseils à l'encontre de la société BPCE Vie à défaut d'une faute et d'un lien de causalité,

- rejeter toute demande contre les sociétés BPCE Vie et Natixis Assurances,

- en toute hypothèse, condamner toute partie perdante à verser la somme de 2 700 euros à la société BPCE Vie au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Elles soulignent qu'aucun acte de concurrence déloyale ou de détournement de clientèle ne leur est reproché par l'appelante ; que la société BPCE Vie est totalement étrangère aux rapports existant entre le courtier grossiste, avec lequel elle a conclu un partenariat exclusif, et les courtiers directs avec lesquels elle n'est pas liée contractuellement ; qu'ainsi elle n'a conclu aucune convention de commissionnement avec la société DGS Conseil qui n'a donc pu céder aucune créance à son encontre à la société ORIA Conseils. L'intimée fait valoir qu'en vertu de la convention conclue avec la banque Delubac, elle n'avait aucun intérêt à privilégier un courtier direct plutôt qu'un autre, et que le litige opposant la société ORIA Conseils à la banque Delubac, qui d'ailleurs ne porte pas uniquement les contrats d'assurance vie assurés par elle, ne la concerne pas. Elle soutient par ailleurs que contrairement au grief qui lui est fait par l'appelante, elle lui a bien transmis le montant des commissions versées à la banque Delubac pour le portefeuille de la société DGS Conseil, ce qui lui a permis d'établir sa pièce 58, cependant que les ordres de remplacement lui ont été transmis directement par la banque Delubac. Elle ajoute que les dommages et intérêts punitifs n'existent pas en droit français ; que la société ORIA Conseils, qui formule contre elle une demande globale et forfaitaire de 100 000 euros de dommages et intérêts, ne justifie pas du préjudice imputé.

Dans ses dernières conclusions, remises et notifiées le 23 juin 2015, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la SELARL M.-P., en qualité de mandataire liquidateur de l'EURL DGS Conseil, demande à la cour de :

- déclarant la société ORIA Conseils recevable en son appel et statuant ce que de droit sur son bien-fondé,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à justice sur le fond, condamner la partie qui succombera aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle déclare s'en remettre à justice, et ne présenter aucune demande au fond, en faisant valoir que la procédure collective n'a pas subi de préjudice indemnisable du fait des actes de concurrence déloyale dont se plaint, à juste titre selon elle, la société ORIA Conseils.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 décembre 2016.

MOTIFS :

Sur les demandes principales :

L'appelante maintient devant la cour ses demandes de dommages et intérêts fondées :

- sur des actes de concurrence déloyale commis par la Banque Delubac avec la complicité, pour certains d'entre eux, des courtiers intimés;

- sur l'inaction fautive de l'assureur.

Elle formule en outre devant la cour, à l'encontre de la banque Delubac, une seconde demande d'indemnisation, du même montant que la première (500 000 euros), au titre du rappel de commissionnements.

Sur les actes de concurrence déloyale commis par la Banque Delubac avec la complicité des sociétés CGPP et Opus Finance et de M.D. :

Sur les demandes formées à l'encontre de la Banque Delubac :

La société DGS Conseil, courtier en assurance, a travaillé pendant dix ans avec la Banque Delubac (à la fois banquier et courtier en assurances) dans le cadre d'un contrat de partenariat en date du 29 juillet 2003 selon un schéma de courtier grossiste dont le principe de fonctionnement est le suivant : la banque courtier grossiste (ici la Banque Delubac) négocie, conçoit et rédige avec une compagnie d'assurance (ici la société Foncier Assurances devenue la société Natixis Assurances) un produit spécifique d'assurances que le courtier apporteur (ou direct) (la société DGS Conseil) est chargé de distribuer. La compagnie d'assurances verse des commissions au courtier grossiste qui en rétrocède une partie (rétrocommissions) au courtier direct.

Le débat porte d'une part sur les effets de la cession de gré à gré du 7 mai 2013 sur le portefeuille de la société DGS Conseil, et la consistance de ce dernier, et d'autre part sur la caractérisation d'actes de concurrence déloyale de la part de la banque.

Sur le premier point, la position de la banque Delubac consiste à soutenir en substance que la cession du fonds de commerce ne peut inclure le contrat de partenariat ni les commissions dans la mesure où il s'agissait d'un contrat intuitu personae, comportant une clause d'incessibilité, qui de surcroît a été résilié du fait de la liquidation judiciaire et de la radiation de la société DGS Conseil du fichier ORIAS en mars 2013, de sorte que la convention n'existait plus lors de la cession de l'actif et que l'appelante ne peut prétendre au paiement des commissions.

En réponse, l'appelante fait valoir d'une part, que conformément à l'article L. 622-13 du Code de commerce, l'ouverture de la procédure collective de la société DGS Conseil n'a pu permettre la résiliation d'office; que la clause d'incessibilité du contrat est totalement inopérante en vertu de l'article L. 631-14 selon lequel les contrats (y compris ceux conclus intuitu personae puisque la loi ne distingue pas selon le type de contrat) sont des contrats en cours s'ils n'ont pas été résiliés avant le jugement d'ouverture, sans que l'on puisse en l'espèce s'y opposer dans la mesure où il s'agit d'une cession judiciaire soumise aux règles d'ordre public du Code de commerce encadrant les procédures collectives, le critère essentiel étant celui de la continuité de l'activité de l'entreprise ; d'autre part, qu'en tout état de cause, ce n'est pas le contrat de partenariat qui a été cédé, mais le portefeuille de clients, qui fait partie des éléments incorporels du fonds et qui continue à générer des commissions tant que les contrats souscrits sont en cours.

Il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2 et R. 511-3, II du Code des assurances, et de la position adoptée par l'ACP (Autorité de Contrôle Prudentiel) que la rémunération allouée au titre de l'activité d'intermédiation ne peut être rétrocédée qu'à l'un des intermédiaires immatriculés au registre du commerce pour l'activité de courtage d'assurances et à l'ORIAS (Registre unique des Intermédiaires en Assurances, Banque et Finance), ce dont il découle que l''intermédiaire ne peut plus proposer de contrats d'assurances ni collaborer avec les organismes d'assurances dès lors que l'immatriculation à l'ORIAS est perdue.

C'est donc à bon droit que la banque fait valoir que le contrat de partenariat a été résilié du fait de la liquidation judiciaire de la société DGS Conseil et de sa radiation de l'ORIAS, de sorte que l'appelante ne peut prétendre au bénéfice de la reprise de ce contrat. Ceci étant, le débat sur la cession ou non du contrat de partenariat est sans intérêt véritable, la seule question étant celle de la composition de l'actif au jour de la cession du 7 mai 2013 et des droits de l'appelante à percevoir des commissions sur les contrats en vigueur à cette date.

Le contrat de courtage conclu le 29 juillet 2003 entre la société DGS Conseil et la banque Delubac stipule au VI des dispositions générales que " les affaires réalisées par le cabinet (la société DGS Conseil) sont sa propriété au sens des usages généraux du courtage spécifiés dans le Code des assurances ". L'intimée ne peut prétendre se soustraire à cette stipulation contractuelle qui fait la loi entre les parties. Elle ne peut pas davantage nier toute force aux usages alors même que pour réglementer le statut de courtier grossiste, qui est une pure création de la pratique, la profession a mis en place un Code de bonne conduite qui rappelle en préambule que la propriété de la clientèle revient au seul courtier direct.

Il est ainsi établi que le portefeuille de la société DGS Conseil était la propriété de cette dernière et l'est restée en dépit de sa radiation de l'ORIAS et de la mesure de liquidation judiciaire. En pratique, il est admis que dès lors qu'un distributeur ne respecte plus les conditions relatives à l'accès à l'activité d'intermédiaire et à son exercice, l'assureur doit suspendre le versement des commissions dans l'attente d'une régularisation de sa situation par le courtier ou d'une cession de son portefeuille. Dans cette hypothèse, les sommes dues au titre des commissions doivent être conservées à titre de séquestre par l'assureur dans l'attente d'une solution définitive, ces commissions pouvant être considérées comme définitivement acquises à l'assureur à l'expiration d'un délai de prescription quinquennale.

C'est donc à bon droit que la société ORIA Conseils soutient que la cession de gré à gré intervenue le 7 mai 2013 est valable et produit tous effets de droits attachés à la propriété d'un bien, et qu'elle est propriétaire du portefeuille de la société DGS Conseil, ce qui l'autorise à revendiquer un droit sur les commissions afférentes.

Sur les actes de concurrence déloyale, la société ORIA Conseils reproche à la banque Delubac d'avoir accaparé une partie du portefeuille figurant à l'actif de la société DGS Conseil par dénigrement, parasitage, confusion, désorganisation et détournement de clientèle, avec l'aide et la complicité active des sociétés Opus Finance et CGPP et de M.D.. Elle fait valoir que tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale constitue de la concurrence dite déloyale; que le dénigrement est caractérisé en l'espèce par l'envoi de la lettre faussement informative du 11 mars 2013 qui n'avait pour vocation que d'inquiéter les assurés en laissant entendre que la société DGS Conseil était incapable d'assurer le suivi des dossiers; par le fait que la banque a présenté les nouveaux courtiers aux clients, dans des conditions totalement contraires aux usages alors qu'elle n'a jamais été propriétaire du portefeuille, et ne justifie donc d'aucun droit ni titre pour ses agissements auprès des clients de la société DGS dont le portefeuille a été cédé ; par le fait enfin qu'elle a fait perdurer cette pratique en continuant pendant deux ans à faire figurer sur les courriers aux assurés le nom et les coordonnées de DGS avant de les remplacer par la mention ORIA Conseils sous réserve des procédures en cours.

L'intimée se défend de tout acte de concurrence déloyale en soutenant notamment que la lettre du 11 mars 2013 a été adressée aux clients à une date où elle ignorait le projet de rachat, dans le but de s'assurer du suivi des contrats et d'assurer leur information, aucun dénigrement n'étant avéré dès lors que l'information était exacte.

La chronologie des faits est la suivante :

- lors de la liquidation judiciaire, la société ORIA Conseils a manifesté son intérêt pour le rachat du portefeuille ;

- le mandataire a informé la banque Delubac de l'ouverture de la liquidation judiciaire le 17 janvier 2013 ; il lui a réclamé le 25 janvier 2013 les pièces relatives aux contrats d'assurance contractés par la société DGS Conseil, (je vous remercie de bien vouloir me faire le point de la situation) demande réitérée par deux relances les 18 février et 6 mars 2013 et une mise en demeure des 7 et 15 mars 2013 ;

- la banque a répondu le 15 mars 2013 qu'aucun contrat d'assurance n'avait été signé avec DGS Conseil ni aucune convention de co-courtage mais seulement une convention de partenariat qui se serait trouvée résiliée en raison de la liquidation judiciaire et du caractère intuitu personae de l'accord ;

- le 11 mars 2013, la banque Delubac a envoyé à tous les clients du portefeuille de DGS Conseil une lettre circulaire les informant de la mise en liquidation judiciaire et leur proposant de prendre contact avec elle ;

- la société ORIA Conseils a fait le 27 mars 2013 une offre de reprise du portefeuille sur la base du descriptif de fin 2012, soit 180 contrats ce dont elle a avisé la banque le 25 mars 2013 ;

- la banque s'étant opposée au versement des commissions dues avant et depuis le 7 mai 2013, elle a été condamnée par le juge des référés au paiement de ces commissions, ainsi qu'à produire les bordereaux des commissionnements par ordonnance du 19 novembre 2013 dont elle a fait appel.

Conformément aux usages auxquels la Banque Delubac ne peut sérieusement prétendre se soustraire pour les motifs exposés plus haut, une pratique loyale aurait dû la conduire à :

- répondre de manière aussi rapide que complète aux sollicitations du mandataire judiciaire afin de lui permettre, comme il le demandait, de prendre la situation en main ;

- s'abstenir de toute démarche particulière envers les clients sauf à justifier d'une demande ou réclamation de leur part ;

- en tout état de cause, leur communiquer les coordonnées du mandataire liquidateur ;

- s'abstenir de tout démarchage actif auprès de la clientèle ;

- suspendre le versement des commissions jusqu'à la régularisation ou la cession à un intermédiaire, échéance qu'elle savait prochaine puisqu'elle était informée de l'intérêt du mandataire liquidateur pour ce portefeuille et a été avisée par la société ORIAS Conseils de la proposition de rachat.

Au lieu de quoi, la banque Delubac, informée dès janvier 2013 de la liquidation judiciaire, a répondu avec une réticence empreinte à tout le moins de mauvaise foi aux sollicitations parfaitement explicites du mandataire dont les derniers courriers trahissent l'exaspération. Dans le même temps, elle a pris l'initiative, sans justifier d'une quelconque nécessité de préserver l'intérêt des clients ni sa propre réputation, d'adresser le 11 mars 2013 un courrier à chaque client. Même si ce courrier délivre une information exacte (le placement en liquidation judiciaire de la société DGS Conseil), il est tourné de telle manière qu'il vise manifestement à proposer ses services aux clients, ce que confirme le démarchage massif engagé sans aucune légitimité dès le mois d'avril dans des conditions contraires aux usages de la profession, et poursuivi même après avoir été informée de l'offre de reprise d'ORIA Conseils. Un tel comportement, alors même qu'elle savait n'avoir strictement aucun droit sur ces contrats, sur le sort prévisible desquels qu'elle n'a pas interrogé le mandataire liquidateur, et qu'elle n'a pas non plus proposé de racheter, caractérise de la part de la Banque Delubac un acte de concurrence déloyale.

Sur la complicité des sociétés Opus Finance et CGPP et de Monsieur D. :

L'appelante soutient que les sociétés Opus Finance et CGPP et M.D. se sont rendus complices des agissements de la banque en rencontrant, en connaissance de cause, des clients de la société DGS Conseil dont certains les ont pris pour nouveaux courtiers.

Les sociétés Opus Finance et CGPP ne contestent pas avoir rencontré, entre les mois d'avril et d'octobre 2013, sur proposition de la Banque Delubac qui était leur partenaire courtier grossiste, des clients de la région bordelaise anciennement suivis par le courtier DGS Conseil dont elles savaient qu'il avait fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 9 janvier 2013 et était radié du registre de l'ORIAS depuis le mois de mars 2013. Elles conviennent aussi qu'à l'issue de ces rendez-vous, certains clients ont signé des demandes de transfert de contrats auprès d'elles. Elles se défendent cependant de toute concurrence déloyale en soutenant, sans être utilement démenties, que ce n'est qu'à réception de l'assignation devant le tribunal de commerce de Bordeaux qu'elles ont appris que la société ORIA Conseils avait présenté, le 25 mars 2013, une offre de reprise des éléments d'actifs composant le fonds de commerce de la société DGS Conseil et notamment son portefeuille de clientèle. Dans un secteur où le démarchage de la clientèle d'autrui est libre, ces pratiques ne peuvent être qualifiées d'actes de concurrence déloyale que si la preuve est rapportée d'une intention dolosive caractérisée. L'appelante ne démontrant pas que ce démarchage a été réalisé en connaissance de cause s'agissant notamment de son offre de reprise, la responsabilité des deux intimées ne saurait être engagée.

Le jugement qui les a condamnées à paiement sans pour autant caractériser la moindre faute à leur encontre sera en conséquence infirmé.

M.D. en revanche conteste tout démarchage ou transfert frauduleux de contrat à son profit. Il ressort de ses écritures et des débats que ce n'est pas en qualité de courtier mais de mandataire d'intermédiaire d'assurances qu'il a été inscrit à l'ORIAS du 5 novembre 2010 au 18 octobre 2013, sa mission consistant à démarcher des courtiers en vue d'un partenariat avec la Banque Delubac. Il ne pouvait donc prétendre récupérer des contrats pour son compte, et ce d'autant moins que la Banque Delubac a mis fin en février 2013 à son contrat de mandataire. En l'état des justificatifs versés aux débats par l'appelante, et notamment des attestations produites, dont aucune ne cite M.D., aucun détournement de clientèle frauduleux n'est démontré le concernant alors que la Banque Delubac confirme qu'il n'a bénéficié d'aucun transfert de contrat de la société DGS Conseil. Quant à sa proposition de rachat du portefeuille de la société DGS Conseil en mai 2013, l'intimé soutient sans que cela soit démenti qu'il l'a faite en son nom personnel et non pour le compte de la Banque Delubac, dans le but de compenser la perte totale de revenus résultant de la rupture de son contrat de mandataire.

Il y a lieu en conséquence de le mettre hors de cause, et d'infirmer le jugement qui l'a condamné à paiement.

Sur l'inaction fautive de l'assureur

Bien que l'appelante sollicite la condamnation in solidum de la société Natixis Assurances et de la société ABP Vie à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause de la société Natixis Assurances qui, en qualité de société holding détenant les filiales d'assurances du groupe Natixis Assurances, n'a pas qualité à intervenir dans le litige.

Il convient par ailleurs de donner acte à la société ABP Vie, venant aux droits de Natixis Assurances Partenaires, qu'elle est désormais dénommée BPCE Vie.

L'appelante ne reproche à l'assureur aucun acte de concurrence déloyale ou de détournement de clientèle mais une défense passive des intérêts de la banque Delubac et son refus de respecter les usages du courtage se traduisant par une absence de réponse à ses courriers, ou la transmission partielle et tardive de certains documents portant sur le montant des commissions versées à la banque Delubac pour le portefeuille de la société DGS Conseil.

L'intimée conteste le grief en soutenant qu'elle est totalement étrangère aux rapports existant entre le courtier grossiste, avec lequel elle a conclu un partenariat exclusif, et les courtiers directs avec lesquels elle n'est pas liée contractuellement ; qu'elle n'a conclu aucune convention de commissionnement avec la société DGS Conseil qui n'a pu céder aucune créance à son encontre à la société ORIA Conseil ; qu'enfin elle a transmis à l'appelante tous les documents sollicités.

Les pièces et documents produits ne permettent pas de mettre en évidence le moindre intérêt, pour l'assureur, à privilégier un courtier direct plutôt qu'un autre. Il apparaît en outre que l'intimée a bien transmis à l'appelante le montant des commissions versées, dans un délai que l'appelante soutient tardif sans cependant rapporter la preuve que ce retard était délibéré, ni qu'il lui a causé un préjudice.

Le jugement qui l'a déboutée de sa demande à l'encontre de l'assureur sera donc confirmé.

Sur le préjudice :

Les intimées s'opposent à la demande de dommages et intérêts en faisant valoir que l'appelante ne démontre pas l'existence d'un préjudice indemnisable qui, particulièrement en matière de concurrence, résulte d'une perte de clientèle. Elles relèvent que l'indemnisation du préjudice allégué, à hauteur de 500 000 euros, est sans commune mesure avec la valorisation du fonds faite par la société ORIA Conseils à 20 000 euros, ce montant constituant la limite que cette dernière a elle-même fixé à un préjudice global aux termes de son offre de reprise (" Compte tenu de ces éléments d'évaluation, de l'absence de présentation de la clientèle, nous ne retiendrons qu'une valorisation au taux de 0,30, soit 20 000 euros, dès lors que nous serons bien déclarés propriétaires et successeurs des contrats et, par conséquent, des droits à commission afférents sur les contrats souscrits par l'intermédiaire de la société DGS Conseil, et ce, conformément au sens des usages généraux du courtage spécifiés dans le Code des assurances ").

L'argumentation fondée sur la faible valorisation du fonds est cependant inopérante, la logique qui préside à une proposition de rachat du fonds de commerce d'une société en liquidation judiciaire n'étant pas la même que celle qui tend à déterminer de manière objective et raisonnable la valeur dudit fonds. Il est établi que le portefeuille acquis par la société Oria Conseils s'est partiellement vidé au cours des mois suivant son acquisition du fait des démarches de la Banque Delubac, ce dont il se déduit de manière certaine que la société Oria Conseils a subi un préjudice du fait de cette dernière à la hauteur de la totalité des commissions générées par les contrats souscrits par la société DGS Conseil et figurant au portefeuille à la date du 7 mai 2013, et ce jusqu'à ce jour sauf pour ceux dont il sera démontré que leur transfert ne doit rien à l'intervention de la banque Delubac et qu'ils ont fait l'objet d'une dénonciation régulière au regard de l'usage n° 3 du courtage.

La cour n'étant pas en mesure, en l'état des justificatifs versés aux débats, de déterminer le montant de ce préjudice, il y a lieu de faire droit à la demande d'expertise de la société ORIA Conseils, qui ne constitue pas une demande nouvelle s'agissant d'une mesure d'instruction, et d'ordonner une expertise à cette fin, dans les termes précisés au dispositif, aux frais avancés de la société Oria Conseils qui en fait la demande.

Sur la demande d'indemnisation formée par l'appelante contre la banque Delubac au titre du rappel de commissionnements à hauteur d'une somme de 500 000 euros :

Devant la cour, l'appelante forme par ailleurs une demande supplémentaire en paiement d'une somme de 500 000 euros correspondant à la totalité des commissions générées par les contrats souscrits par la société DGS Conseils et figurant au portefeuille cédé de gré à gré tel qu'existant à la date du 07 mai 2013, et " ce au regard de l'ordonnance du 19 novembre 2013 devenue définitive et en conformité avec l'usage n° 3 de la convention de partenariat, faute de dénonciation régulière des contrats du portefeuille ". Elle expose que ce refus de commissionnement, en ce qu'il participe largement et directement à sa désorganisation et vient s'ajouter aux nombreuses fautes de la banque, constitue un acte de concurrence déloyale accessoire et complémentaire de la demande principale et un moyen nouveau qui n'est pas une demande nouvelle puisqu'il tend à l'indemniser du préjudice qu'elle subit du fait des agissements déloyaux des intimés.

La Banque Delubac conclut quant à elle à l'irrecevabilité de cette demande qu'elle soutient nouvelle.

Il apparaît à la cour que le grief nouveau, fondé sur le transfert irrégulier des contrats du portefeuille faute de dénonciation régulière, constitue non pas une demande, mais un moyen nouveau puisqu'il tend à obtenir l'indemnisation du même préjudice que celui subi par l'appelante du fait des agissements déloyaux de la banque Delubac, consistant dans la perte des commissions espérées. A ce titre, il ne peut fonder une demande indemnitaire distincte. Les conséquences de ces manquements doivent en revanche être prises en compte dans la détermination du préjudice dans le cadre de l'expertise.

La demande d'indemnisation supplémentaire sera donc rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles de la Banque Delubac :

La demande de dommages et intérêts formée par la Banque Delubac au titre des rachats subits de contrats qu'elle impute à la campagne de déstabilisation menée par la société ORIA Conseils sera rejetée, l'intimée ne rapportant pas la preuve d'un quelconque lien de causalité entre la faute alléguée et la perte de contrats dont au demeurant elle n'est pas propriétaire.

Succombant en ses prétentions, elle sera par ailleurs déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de M.D. :

Faute pour l'intéressé de rapporter la preuve d'un préjudice particulier résultant de la procédure, sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.

Sur les demandes accessoires :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société BPCE Vie anciennement dénommée ABP Vie, des sociétés Opus Finance et CGPP et de M.D. les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens. La société ORIA Conseils sera condamnée à leur payer à chacun une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il apparaît par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de la SELARL M.-P., en qualité de mandataire liquidateur de l'EURL DGS Conseil, les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens. La Banque Delubac sera condamnée à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Enfin, il apparaît d'ores et déjà inéquitable de laisser à la charge de la société ORIA Conseils les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens. La Banque Delubac sera condamnée à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les dépens seront réservés.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Donne acte à la société ABP Vie de ce qu'elle est désormais dénommée BPCE Vie, Infirme le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 9 janvier 2015, Statuant à nouveau, Met la société Natixis Assurances hors de cause, Déboute la société ORIA Conseils de ses demandes à l'encontre de la société ABP Vie devenue BPCE Vie, des sociétés Opus Finance et CGPP et de M.D. Déboute M.D. de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts, Condamne la société ORIA Conseils à payer à la société la société ABP Vie devenue BPCE Vie, aux sociétés Opus Finance et CGPP et à M.D. chacun la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que la Banque Delubac s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale envers la société ORIA Conseils, Condamne la Banque Delubac à payer à la SELARL M.-P., en qualité de mandataire liquidateur de l'EURL DGS Conseil, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la Banque Delubac à payer à la société ORIA Conseils la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la Banque Delubac de ses demandes reconventionnelles, Avant dire droit sur le préjudice, ordonne une expertise, Commet pour y procéder M.Hervé P., [...], avec pour mission, après avoir entendu les parties et leurs conseils, ou celles-ci dûment convoquées par LRAR, de : - se faire communiquer tous documents contractuels, - déterminer le contenu du portefeuille d'assurance de la société DGS Conseil à la date de sa cession à la société ORIA Conseils le 7 mai 2013, - faire l'inventaire des contrats figurant à ce portefeuille qui ont été transférés à la Banque Delubac ou aux sociétés Opus Finance et CGSS ; - préciser le cas échéant ceux de ces contrats dont le transfert ne doit rien à l'intervention de la banque Delubac et qui ont fait l'objet d'une dénonciation régulière au regard de l'usage n° 3 du courtage, - déterminer le préjudice subi par la société ORIA Conseils du fait de ces transferts, - plus généralement, faire toutes observations utiles. Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 264 et suivants du Code de procédure civile. Dit que dans les deux mois du présent arrêt, la société ORIA Conseils devra consigner auprès du Régisseur d'avances et de recettes une somme de 4 000 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert. Dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque, conformément aux dispositions de l'article 271 du Code de procédure civile, sauf prorogation du délai de consignation. Dit que l'expert devra déposer son rapport définitif au greffe de la Cour dans les trois mois de la date à laquelle il aura été avisé de la consignation de la provision par le greffe, et en faire parvenir une copie à chacune des parties. Dit que la mesure d'expertise sera effectuée sous le contrôle du conseiller chargé de suivre les opérations d'expertise, à qui il sera référé en cas de difficulté et qui pourra notamment pourvoir au remplacement de l'expert en cas de refus ou d'empêchement. Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 26 septembre 2017 à 9h. Réserve les dépens.