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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 16 février 2017, n° 15-00556

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Agapes (SA), HDI Gerling Verzekeringen NV (Sté), Flunch (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mmes André, Cordier

T. com. Lille-Métropole, du 16 oct. 2014

16 octobre 2014

FAITS ET PROCEDURE

La chaîne de restaurants Flunch, filiale de la société Agapes, a organisé dans l'ensemble de ses établissements, une opération baptisée " moules à volonté ", prévue pour une période de trente jours à compter du 15 février 2011.

L'enseigne s'est fournie en moules auprès de la société de droit néerlandais V. et V., avec laquelle Agapes est en relation d'affaire, spécialisée dans ce type de crustacés. Environ 430 000 kg de moules ont été livrés.

Entre le 18 et le 26 février 2011, plusieurs consommateurs sont tombés malades après avoir consommé des moules, notamment dans les restaurants Flunch d'Aubagne et de Blagnac.

Le 1er mars 2016, la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) a fait procéder à un prélèvement, réalisé par la Direction générale de l'alimentation (DGAL), sur un des lots de moules proposés à la consommation dans le restaurant d'Aubagne.

L'analyse effectuée par l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) a révélé la présence de norovirus et de sapovirus dans les moules.

Le 9 mars 2011, la DGAL a ordonné le retrait de la consommation de tous les lots de moules du même fournisseur et du même lieu de pêche.

L'autorité administrative française a déclenché une alerte sur le réseau européen d'alerte et d'échanges d'informations RASFF (rapid alert system for food and feed) le 10 mars 2011.

La société V. et V. a demandé à ses clients de retirer les moules concernées de la vente et Flunch a mis fin à son opération " moules à volonté " le 10 mars 2011.

La société HDI Gerling, assureur de Flunch et d'Agapes, a indemnisé cette dernière à hauteur de 493 679,61 euros, une franchise de 40 000 euros étant laissée à la charge de l'assurée.

Par acte d'huissier en date du 13 mars 2013, les sociétés HDI Gerling et Agapes ont assigné la société V. et V. devant le tribunal de commerce de Lille-Métropole aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

La société Flunch est intervenue volontairement à la procédure.

Suivant jugement en date du 16 octobre 2014, le Tribunal de commerce de Lille-Métropole a :

- dit recevables les actions de la société HDI Gerling et Agapes à l'encontre de V. et V.,

- les a déboutées de leurs demandes d'indemnisation,

- condamné la société Flunch à verser à la société V. et V. la somme de 314 211,41 euros au titre des factures impayées,

- condamné in solidum les sociétes HDI Gerling et Agapes à verser à la société V. et V. la somme de 15 000 euros au titre du préjudice matériel,

- condamné in solidum la société HDI Gerling et Agapes à payer à V. et V. la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Les sociétés Agapes, HDI Gerling et Flunch ont interjeté appel par déclaration du 28 janvier 2015.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 septembre 2016.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Sur la procédure

Aux termes de leurs conclusions procédurales du 21 septembre 2016, les sociétés appelantes sollicitent le rejet des débats des conclusions prises par la société V. et V. le 2 septembre 2016, ainsi que des 22 pièces communiquées le 5 septembre 2016 ou, à titre très subsidiaire, le renvoi de l'affaire.

Elles exposent que ces conclusions, déposées le vendredi 2 septembre 2016, ainsi que les pièces communiquées le lundi 5 septembre 2016, alors que l'ordonnance de clôture était rendue le 5 septembre, sont tardives.

Elles font valoir que les écritures en cause comportent trois pages supplémentaires qui ne constituent pas de simples petits ajouts au regard de la complexité du litige et de son caractère hautement technique, et qu'elles sont donc dans l'impossibilité d'y répondre compte tenu du refus, par le conseiller de la mise en état, de reporter l'ordonnance de clôture.

Suivants conclusions du 15 septembre 2016, la société V. et V. s'oppose au rejet de ses écritures du 2 septembre 2016 soutenant que les appelantes, en s'opposant par principe au report de l'ordonnance de clôture, se sont privées de la possibilité d'y répondre et que les quelques paragraphes ajoutés ne concerne que des points techniques, sans argument juridique nouveau.

Rappelant la jurisprudence de la Cour de cassation, elle ajoute que :

- ne sont pas caractérisées les circonstances particulières qui auraient pu empêcher son adversaire de répondre,

- il appartient à la cour de rechercher si les conclusions contestées nécessitaient une réponse,

- le demandeur qui n'a pas demandé le report de l'ordonnance de clôture n'est pas recevable à reprocher au juge d'avoir tenu compte de conclusions déposées par l'autre partie quatre jours avant la clôture.

Sur le fond

Aux termes de leurs conclusions signifiées par voie électronique le 27 octobre 2015, les sociétés HDI Gerling, Agapes et Flunch demandent notamment à la cour, au visa des articles L. 121-12 alinéa 1 du Code des assurances, 1386-1 et suivants du Code civil, 1382 et 1383 du Code civil, 1147 du Code civil, de:

Sur le fondement, à titre principal, des articles 1386-1 et suivants du Code civil, ou au surplus, sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou contractuelle, de:

- les juger recevables et bien fondées à agir contre la société V. et V.,

- condamner la société V. et V. à payer à la société HDI Gerling la somme de 493 679, 61 euros au titre de l'indemnité d'assurance versée à la société Agapes, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance,

- condamner la société V. et V. à verser aux sociétés Agapes et Flunch la somme de 40 000 euros au titre de la franchise, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance.

Sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil:

- débouter la société V. et V. de sa demande en paiement des factures compte tenu du non-respect de ses obligations contractuelles.

Sur l'appel incident:

- se déclarer incompétente rationae materiae pour connaître des moyens soulevés par V. et V. au titre de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

- écarter des débats toute pièce produite à l'appui des demandes de V. et V. en langue étrangère sans traduction en langue française,

- rejeter toutes les demandes de V. et V.,

En tout état de cause:

- condamner V. et V. à payer chacune des sociétés HDI Gerling, Agapes et Flunch, la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour s'opposer au moyen tiré de l'irrecevabilité de leur action, soulevé par la société V. et V., les sociétés Agapes et Flunch relèvent que:

- le contrat-cadre conclu en 2010 entre V. et Flunch Restaurants, absorbé par la SAS Flunch le 1er novembre 2011, mentionne expressément que cette dernière est une filiale de la SA Agapes,

- aux termes de la police d'assurance " contamination de produits " n° PRD0900202, sont considérées comme " assurées " la SA Agapes, souscripteur de la police, ainsi que ses filiales,

- l'action d'Agapes et de Flunch est donc recevable sur les fondements respectifs de la responsabilité délictuelle et de l'article 1147 du Code civil.

Sur la recevabilité de son action, la société HDI Gerling fait valoir que:

- en vertu du principe de subrogation posé par l'article L. 121-12 alinéa 1 du Code des assurances, la seule preuve de la validité de la police d'assurance et du versement de la somme de 493 679, 61 euros à Agapes suffit à caractériser la recevabilité de son action contre V. et V., tiers qui a causé le dommage,

- la preuve du reversement, par Agapes à sa filiale Flunch, des sommes payées par l'assureur, n'est pas une condition de la validité de la subrogation elle-même, étant précisé que ce reversement est intervenu en l'espèce.

Sur les critiques de la société V. et V. tenant au non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle, les sociétés Agapes, HDI Gerling et Flunch répliquent que:

- la société HDI Gerling, qui n'a pas de lien contractuel avec V. et V., est fondée à agir en responsabilité extra-contractuelle à son encontre,

- en vertu de l'article 12 du Code de procédure civile, même si l'action en responsabilité délictuelle n'était pas fondée, la cour aurait le pouvoir de requalifier en responsabilité contractuelle,

- enfin, la cour peut faire droit à la demande subsidiaire fondée sur la responsabilité contractuelle.

A titre principal, les appelantes fondent leur action à l'égard de V. et V. sur l'article 1386-1 et suivants du Code civil et le manquement du fournisseur à son obligation de sécurité.

S'agissant du défaut affectant les moules livrées, elles soutiennent que:

- V. et V. était le fournisseur exclusif de l'opération " moules à volonté ", notamment pendant la période correspondant aux plaintes des consommateurs,

- la présence du norovirus de type II et de sapovirus dans les moules founies par V. et V. est démontrée par les analyses du laboratoire de l'Ifremer,

- une quinzaine de malades a été recensée dans des établissements différents et à des dates différentes par la DGAL et la totalité des moules contaminées provenait de lots fournis par V. et V.,

- au regard du risque sanitaire avéré, la DGAL a ordonné le retrait immédiat de toutes les moules fournies par V. et V., injonction suivie par les autorités néerlandaises.

Elles rappellent que les moules incriminées proviennent d'une zone de pêche classée en catégorie B et que de tels mollusques ne peuvent être mis sur le marché pour la consommation humaine qu'après avoir subi un traitement dans un centre de purification ou après reparcage (annexe 2 chapitre II A point 4 du règlement CE n° 854/2004), procédure destinée à garantir leur purification de contamination fécale.

Selon les appelantes, V. et V. a failli à ses obligations en matière de sécurité alimentaire en ce que:

- il ressort de l'audit mené chez V. et V. par le Bureau Véritas sur instruction de Flunch, que les moules destinées à Flunch n'ont été reparquées en mer que durant trois jours alors que le schéma général annoncé par V. et V. est d'une semaine de reparcage minimum; la procédure interne destinée à garantir la purification des moules n'a pas été respectée,

- ce schéma général interne ne fait pas référence aux normes et autorisations applicables,

- la DGAL a justifié le retrait des moules au motif qu'une durée de purification de 5 jours était insuffisante pour les assainir contre les norovirus, de sorte qu'il est douteux qu'une procédure interne de reparcage d'une semaine, supérieure de deux jours seulement à une période jugée insuffisante par les autorités françaises, soit efficace,

- V. et V. ne justifie pas d'un traitement en centre de purification, qui permettrait de satisfaire à ces normes avec une période de traitement plus courte (dans des bassins clos et non en mer),

- cette durée insuffisante de reparcage a été constatée par le bureau Véritas et par la DGAL sur des lots différents de V. et V.,

- il en résulte un risque de contamination fécale élevé qui implique une concentration de norovirus anormalement élevée,

- il appartient alors à V. et V., qui a reconnu dans un courriel du 27 mai 2011 qu'une partie des moules livrées était contaminée par le norovirus, de démontrer que ce processus de fabrication ne peut être à l'origine de la présence élevée de norovirus dans les moules qu'elle a livrées.

Sur la preuve du lien entre le norovirus et les intoxications alimentaires, les appelantes font valoir que:

- les trois alertes lancées au niveau européen confirment ce lien de cause à effet et décrivent les symptômes typiques en cas d'infection du norovirus (vomissements, diarrhées et douleurs abdominales),

- la commission européenne affirme que la présence du norovirus est avérée malgré l'absence de prélèvement effectué sur les selles des consommateurs malades,

- V. et V. allègue d'une absence de lien de causalité, qui selon elle doit être incontestable, entre l'intoxication et le norovirus en l'absence d'analyse des selles des patients, alors que la jurisprudence exige seulement que ce lien soit établi par des présomptions graves précises et concordantes,

- or, les autres éléments du dossier corroborent ce lien entre présence de norovirus et intoxications signalées; ainsi le rapport Gimaris communiqué par V. et V. et l'alerte Rasff du 21 mars 2011 établissent la concordance du temps d'incubation (entre 24 et 48 heures) entre la consommation des moules et les premiers symptômes ressentis par les consommateurs; le fait que pour certains malades le temps d'incubation ait été inférieur n'exclut pas que le norovirus soit la cause de l'intoxication dès lors qu'il existe des cas d'incubation plus courte,

- l'absence de méthode officiellement validée permettant de détecter de façon certaine la présence de norovirus n'exclut pas la possibilité d'une contamination ni la défectuosité du produit qui en est atteint, et ne dispense pas le juge de rechercher les présomptions graves, précises et concordantes,

- l'imputabilité des intoxications à d'autres causes, notamment des biotoxines, qui doit être recherchée, serait d'origine donc aussi issues de V. et V.,

- ces intoxications ne sauraient être dues au manque d'hygiène dans les restaurants Flunch dès lors qu'elles ont exclusivement fait suite à la consommation de moules, à l'exclusion des autres plats servis chez Flunch et qu'elles se sont produites dans plus de 10 restaurants distincts mais toujours en relation avec le même type d'aliment,

- le fait que seulement certaines personnes ayant partagé le plat de moules soient tombées malades tient à des facteurs individuels.

Les sociétés Agapes, HDI Gerling et Flunch en déduisent que la responsabilité de V. et V. est engagée sur le fondement de l'article 1386-4 du Code civil; elles exposent que le produit est défectueux car il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut s'attente dès lors que:

1) sa présentation est insuffisante: les étiquettes ne mentionnent aucune température de cuisson recommandée; selon les alertes Rasff, les consignes de préparation sur lesdites étiquettes ne garantissent pas que le produit soit exempt du norovirus après la cuisson; les développements de V. et V. contestant la défectuosité des moules au motif que Flunch serait rompu à la préparation des moules sont inopérants dès lors que l'attente légitime de l'utilisateur doit s'apprécier in abstracto et non in concreto,

2) c'est à tort que le tribunal de commerce a considéré que Flunch n'avait pas fait un usage raisonnable du produit en ne le cuisant pas à une température suffisante pendant une durée suffisamment longue alors que l'attente raisonnable d'un consommateur de moules est de se voir proposer des moules non contaminées par un virus les rendant impropres à leur consommation,

3) V. et V. ne saurait prétendre que le prélèvement effectué ne serait pas représentatif pour l'ensemble des moules dont Flunch retient le paiement, alors qu'il résulte de la jurisprudence de la CJUE que le constat d'un défaut potentiel des produits appartenant au même groupe ou relevant de la même série de production permet de qualifier de défectueux un tel produit sans qu'il soit besoin de constater dans ce produit ledit défaut; il s'ensuit que le caractère défectueux est établi pour l'ensemble des moules en provenance de V. et V.,

4) Flunch a pleinement satisfait à ses obligations sanitaires, notamment celle d'effectuer des tests destinés à vérifier l'absence de salmonelle et d'E.Coli dans les produits, aucune réglementation ne lui imposant des tests relatifs au norovirus,

- Flunch a respecté les conditions de préparation des moules, garanties par une Charte qualité qui prévoit des normes strictes d'hygiène, une formation du personnel et des audits réguliers internes et externes, son équipement est conforme aux normes européennes en vigueur et ses employés sont formés pour respecter le protocole de préparation des moules qui prévoit une cuisson de 10 minutes,

- en toute hypothèse, V. et V. ne saurait s'exonérer de sa responsabilité au motif qu'une cuisson à 100 degrés aurait suffit à éliminer toute trace du norovirus alors qu'il résulte de l'alerte Rasff que nonobstant la cuisson, l'éradication du virus n'est pas pleinement garantie, raison pour laquelle le retrait a été prononcé par la DGAL ; en outre, il n'appartient pas à Flunch de mettre en œuvre un traitement thermique afin de rendre consommables des moules impropres à la consommation.

Les appelantes chiffrent le préjudice subi à la somme totale de 493 679,61 euros, dont 435 445 euros au titre de la perte d'exploitation.

Sur la preuve du lien de causalité entre le défaut et le dommage subi, elles s'en rapportent à leurs précédentes explications sur le lien de cause à effet entre la présence du norovirus et les intoxications alimentaires, et précisent que l'arrêt de l'opération "moules à volonté" imposé par l'interdiction de commercialisation des produits, a engendré de lourdes pertes d'exploitation.

Enfin, les sociétés Agapes, HDI Gerling et Flunch font valoir que V. et V. ne peut se prévaloir d'aucune des conditions d'exonération de l'article 1386-11 du Code civil.

A titre subsidiaire, elles invoquent la responsabilité de V. et V. sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, considérant que sa faute consiste à avoir fourni des moules impropres à la consommation et à ne pas les avoir parquées pendant une durée suffisante, manquement qui est à l'origine de son préjudice.

A titre très subsidiaire, sur la responsabilité de V. et V. à l'égard de Flunch en vertu de l'article 1147 du Code civil, elles relèvent la non-conformité au contrat du produit livré, qui ne répond pas aux attentes légitimes des clients, et le lien de cause à effet avec les gastro-entérites ayant affecté les clients.

Elles s'opposent au paiement des factures réclamé par V. et V., estimant que les sociétés Agapes et Flunch étaient fondées, conformément aux termes du contrat cadre du 25 février 2010, à ne pas exécuter leurs obligations dès lors que V. et V. n'avait pas satisfait aux siennes et qu'elle ne proposait pas de solution de remplacement.

Elles contestent le caractère abusif de la clause du contrat qui prévoit le remboursement par le fournisseur de la marchandise détruite par Flunch en cas de mauvaises analyses confirmées par un organisme habilité, et excipe de la compétence exclusive de la cour d'appel de Paris pour statuer sur les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Sur l'appel incident formé par V. et V., elles sollicitent le rejet de la demande en paiement des factures pour les motifs évoqués plus haut, ainsi que tous les autres chefs de demande, compte tenu de la défectuosité des marchandises livrées.

Elles font observer que la somme de 15 000 euros allouée par le tribunal de commerce au titre du préjudice matériel n'est pas justifiée et que la prétendue atteinte à l'image de V. et V. n'est pas démontrée.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 27 août 2015, la société V. et V. demande à la cour de:

A titre principal:

- dire et juger irrecevables en leur action les sociétés Agapes, HDI Gerling et Flunch et rejeter en conséquences toutes leurs demandes.

A titre subsidiaire:

- dire et juger que les articles 1382 et 1383 du Code civil sont inapplicables et rejeter toute demande fondée sur la responsabilité délictuelle,

- ordonner la communication par le laboratoire Ifremer des données ayant servi de base à son rapport d'essai du 8 mars 2011.

A titre plus subsidiaire:

- dire et juger que les sociétés Agapes, HDI Gerling et Flunch ne rapportent pas la preuve du préjudice qu'elles invoquent,

- par conséquent, les débouter de leur demande,

- à titre subsidiaire, désigner un expert judiciaire avec mission habituelle en matière de détermination du préjudice, cet expert devant en outre faire les comptes entre les parties.

En tout état de cause et en statuant sur l'incident:

- condamner les sociétés HDI Gerling, Agapes et Flunch à lui payer la somme de 314 211,41 euros au titre des factures demeurées impayées, outre intérêts au taux prévu par l'article L. 441-6 du Code de commerce à compter de l'échéance de chacune des factures demeurées impayées, avec anatocisme,

- condamner les sociétés HDI Gerling, Agapes et Flunch à lui payer la somme de 53 083,91 euros au titre de son préjudice matériel avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2014 et anatocisme,

- condamner les sociétés HDI Gerling, Agapes et Flunch à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice d'image, avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2014 et anatocisme,

- rejeter les prétentions des appelantes au titre de leurs frais irrépétibles,

- confirmer l'allocation de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

- condamner les sociétés HDI Gerling, Agapes et Flunch à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles supportés en appel,

- condamner les mêmes appelantes aux entiers dépens, en ce compris tous frais de signification dont distraction au profit de Maître R., avocat.

La société V. et V. tient d'abord à apporter les précisions factuelles suivantes:

- c'est l'autorité administrative française et non la commission européenne qui a lancé l'alerte Rasff,

- il n'y a pas eu trois alertes Rasff mais une alerte et ses suivis,

- la DGAL a réalisé un seul prélèvement et un seul test et non plusieurs comme l'allèguent les appelantes; la méthodologie et les résultats des analyses réalisées par l'Ifremer sont fortement contestées par V. et V., de sorte que la décision de l'administration est viciée car fondée sur un test défaillant,

- l'arrêt de l'opération commerciale n'est pas dû à une injonction de l'administration mais à une décision unilatérale de Flunch et V. et V. a seulement arrêté de vendre des moules de la même zone de pêche en vertu du principe de précaution en attendant de confirmer l'absence de biotoxines,

- le lien épidémiologique n'est pas établi : sur 14 contaminations alléguées, trois sont antérieures à l'opération " moules à volonté " et sont donc non pertinentes, et selon le rapport Gimaris, une majorité des cas allégués sont incohérents avec une contamination au norovirus et sur les autres, l'incertitude persiste en l'absence de tests (coproculture) effectués sur les consommateurs.

A titre principal, V. et V. soulève l'irrecevabilité de l'action engagée par les sociétés HDI Gerling, Agapes et Flunch en ce que:

- Agapes, dans les droits de laquelle la société HDI Gerling se prétend subrogée, n'est pas le co-contractant de V. et V., puisque les moules ont été vendues à la SAS

Flunch Restaurants, entité distincte de la société Agapes, de sorte que ni la société Agapes ni son assureur HDI Gerling n'ont qualité à agir,

- la société HDI Gerling et Agapes doivent établir avoir effectivement réparti et versé l'indemnité à Flunch; à défaut de répartition conforme, toute demande de l'assureur est irrecevable faute de subrogation valable puisqu'en droit l'indemnisation doit être effective.

Sur le fond des demandes des appelantes, V. et V. fait valoir à titre liminaire que les fondements délictuels sont inapplicables dès lors qu'elle était contractuellement liée à la société Flunch, la même règle s'appliquant à Agapes et la société HDI Gerling, qui, à les supposer valablement subrogées dans les droits de Flunch, ne pourraient invoquer contre V. et V. que les fondements dont disposait Flunch.

L'intimée soutient que:

- la preuve incontestable de la présence du norovirus dans les moules de V. et V. n'est pas rapportée en l'absence de méthode d'analyse validée et normalisée par les autorités, et critique la méthode adoptée par l'Ifremer qui ne distingue pas entre norovirus actif et inactif et qui a tendance à créer des faux positifs,

- la présence de norovirus dans les moules ne les rend pas ipso facto impropres à la consommation, tout dépendant de sa concentration et de sa souche,

- en droit, l'implication d'un produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir son défaut au sens de l'article 1386-1 du Code civil; la cause de responsabilité n'est pas l'implication dans un dommage mais la défectuosité,

- cette logique s'impose d'autant plus s'agissant d'animaux vivants, les producteurs étant dans l'impossibilité de maîtriser à 100 % le risque lié à la présence de bactéries, virus et autres parasites,

- le législateur, par la notion d''utilisation raisonnable', reconnaît l'importance du comportement de l'utilisateur et la prise en compte de toutes les circonstances, en l'espèce:

- s'agissant d'animaux marins vivants, chaque moule est susceptible de présenter un défaut inhérent à sa qualité d'être vivant; une contamination par un norovirus ne peut en faire ipso facto un produit défectueux, de sorte que des professionnels avertis ne peuvent pas s'attendre légitimement à ce que toutes les moules livrées soient exempts du moindre virus,

- l'usage raisonnablement attendu des moules était sa consommation après cuisson; or, la cuisson à 90 °pendant 2 minutes suffit à le neutraliser; Flunch, professionnel de la restauration, a une parfaite connaissance du mode de cuisson des moules, clairement rappelé par l'étiquette apposée sur le produit,

- le norovirus n'a pas été éliminé à la cuisson car en période promotionnelle, pour respecter les cadences de service, les employés de Flunch ne respectent pas les temps de cuisson,

- les moules servies par Flunch ne provenaient pas exclusivement de chez V. et V.

La société V. et V. estime que la preuve d'une inexécution contractuelle et d'un lien de causalité n'est pas rapportée en ce que:

- l'origine de la contamination est incertaine: il n'est pas prouvé que les 14 consommateurs malades aient été infectés par les moules livrées par V. et V.,

- en l'absence de tests (coproculture) sur les consommateurs prétendument infectés, il est impossible d'établir un lien épidémiologique entre la cause alléguée et les symptômes constatés,

- les cas décrits ne présentent pas les caractéristiques d'une contamination au norovirus, tenant notamment aux temps d'incubation constatés et au nombre limité de malades au regard de l'ampleur de l'opération commerciale (320 000 personnes),

- les autres sources possibles de contamination sont très nombreuses: de personne à personne, un restaurant constituant un vivier de contamination (salariés malades, présence de rongeurs...),

- le strict respect à la lettre de règles d'hygiène chez Flunch est douteux compte tenu des cadences élevées de service, s'agissant d'une restauration rapide, du turn-over du personnel, des erreurs des salariés...

Subsidiairement, si la cour considérait que le lien de causalité était rapporté, V. et V. soutient que sa responsabilité devrait être écartée dès lors que:

- si un norovirus a été retrouvé dans les moules, c'est nécessairement parce que Flunch ne les a pas cuites correctement et selon les consignes figurant sur les emballages (cuisson de 4-5 minutes),

- or, en droit, une victime qui ne respecte pas les prescriptions du vendeur et utilise le produit de manière non conforme rompt par son action tout lien causal: les infections se sont donc produites par la seule faute d'Agapes et Flunch.

Très subsidiairement, V. et V. critique le rapport Galtier sur la base duquel le préjudice a été calculé et considère que celui-ci n'est pas matériellement prouvé dès lors que:

- l'évaluation du préjudice à 493 679,61 euros faite par l'expert privé des appelantes, qui retient un taux de marge de 75 %, est exagérée,

- Flunch avait l'obligation de limiter son préjudice (article 77 de la convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises); or, elle a arrêté l'opération " moules à volonté " alors que l'administration avait seulement ordonné le retrait des moules de même provenance et non l'arrêt de l'opération, de sorte que Flunch aurait pu se fournir auprès d'autres fournisseurs, et V. et V. aurait pu approvisionner Flunch en moules provenant d'autres zones de pêche,

- le rapport Galtier part du principe, non prouvé, que l'intégralité de la baisse du chiffre d'affaires trouve son origine dans les faits reprochés à V. et V.,

- compte tenu des failles de ce rapport, il est sollicité une expertise judiciaire.

Sur son appel incident concernant le paiement de ses factures, V. et V. fait valoir que:

- Flunch reste débitrice des factures émises pour l'opération "moules à volonté",

- elle ne saurait se dispenser de payer ses matières premières alors que l'opération commerciale n'a été arrêtée que dans sa toute dernière phase,

- les clauses du contrat sur lesquelles Flunch fonde sa rétention des sommes dues sont interdites par l'article L. 442-6 1 et doivent être déclarées nulles car abusives et créatrices d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,

- en outre cette clause n'a pas vocation à s'appliquer car elle suppose une " analyse confirmée par un organisme habilité " non réalisée en l'espèce.

A l'appui de ses demandes de dommages et intérêts, elle explique que:

- le préjudice matériel (53 083,91 euros), subi à la suite de sa décision de retirer les marchandises en application du principe de précaution, se compose notamment des frais de transport de retour des moules aux Pays-Bas, des avoirs envoyés aux clients suite au retrait des marchandises et des frais de laboratoire,

- le retour des moules n'est pas une pure initiative de V. et V. mais doit se comprendre au regard de l'urgence et des circonstances à l'époque, en l'absence d'information épidémiologique sur la cause de l'infection et l'hypothèse d'abord envisagée d'une contamination par des biotoxines thermorésistantes, et en raison du comportement excessif de Flunch,

- elle subit un préjudice moral et d'image car ses interventions en urgence auprès de ses clients et le retrait des produits ont altéré son image de marque et sa réputation.

MOTIFS DE LA DECISION

Il n'y a pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à " constater que... " ou " dire que... " ou " donner acte que ", telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lorsqu'elles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.

I - SUR LA PROCEDURE

A - Sur la demande tendant à voir écarter les conclusions et pièces de la société V. et V.

Il résulte de l'article 16 alinéa 2 du Code de procédure civile que le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

En l'espèce, les sociétés appelantes ont signifié leurs dernières conclusions le 27 octobre 2015.

Or, alors que l'ordonnance de clôture était fixée au lundi 5 septembre 2016 et qu'elle avait disposé de plus de 10 mois pour y répondre, la société V. et V. a attendu le vendredi 2 septembre 2016 à 18h48, soit dans la soirée du dernier jour ouvrable avant la clôture, pour signifier ses conclusions, et le jour même de la clôture pour communiquer 22 nouvelles pièces.

Dans ces conditions, compte tenu du refus du conseiller de la mise en état de reporter l'ordonnance de clôture, les appelantes ont été dans l'impossibilité d'y répondre.

Cette transmission très tardive des conclusions des intimées a fait échec au principe du contradictoire, étant en outre relevé que l'ajout de trois pages de conclusions et de 22 pièces dans un litige complexe nécessitait a minima un examen attentif, voire une réponse, auxquels les appelantes n'ont pas eu le temps de procéder.

La société V. et V. est dès lors mal fondée à invoquer sa propre turpitude et à reprocher aux appelantes de s'être opposées au report de l'ordonnance de clôture.

Les conclusions de la société V. et V. signifiées le 2 septembre 2016, ainsi que les pièces communiquées le 5 septembre 2016 seront donc écartées des débats.

B - Sur la recevabilité de l'action de la société Agapes

En vertu des dispositions de l'article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 31 du Code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agit aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

Ce texte subordonne l'existence du droit d'agir, et donc la recevabilité de la demande, à deux conditions: l'intérêt et la qualité.

A intérêt à agir toute personne qui prétend qu'une atteinte a été porté à un droit lui appartenant et qui profitera personnellement de la mesure qu'elle réclame.

La qualité pour agir n'intervient que s'agissant des seules actions attitrées, c'est à dire de celles que la loi réserve à certaines personnes. En dehors de ces hypothèses, la qualité pour agir se déduit nécessairement de l'existence d'un intérêt.

***

- La SA Agapes et la SAS Flunch, qui vient aux droits de la société Flunch Restaurants à la suite d'une fusion-absorption à effet au 1er novembre 2011, sollicitent la condamnation de la société V. et V. à leur payer la somme de 40 000 euros correspondant au montant de la franchise d'assurance.

Le contrat cadre en date du 25 février 2010 (pièce 13 des appelantes) a été conclu entre la société V. et V. NV et la SAS Flunch Restaurants, désignées comme les " parties " au " présent contrat ".

La convention précise que les bénéficiaires du contrat sont les 271 restaurants franchisés et locataires-gérant à l'enseigne Flunch, lesquels ont donné mandat cette fin à la SAS Flunch.

La société Agapes, qui n'est présentée, au sein du préambule, que comme la société holding ayant notamment la SAS Flunch comme filiale, n'est donc pas partie à ce contrat.

Il est admis que, sauf exceptions, seul le co-contractant peut invoquer la violation des obligations nées du contrat.

Sur ce seul fondement, la société Agapes est irrecevable à agir contre V. et V., faute de qualité.

- Sur le fondement des responsabilités délictuelle et du fait des produits défectueux, le seul fait qu'Agapes soit la holding de Flunch, personne morale distincte, et qu'il y ait une 'communauté d'intérêts' entre elles comme l'a relevé le tribunal, ne saurait suffire à établir l'existence d'un intérêt propre à Agapes et donc d'une qualité à agir.

En effet, l'action en responsabilité diligentée par l'actionnaire d'une société contre un tiers n'est recevable qu'à la condition d'alléguer d'un préjudice personnellement et directement subi, distinct du préjudice social comme de la perte de valeur de ses droits sociaux.

Or, la société Agapes n'allègue pas d'un préjudice qui lui serait propre puisqu'elle sollicite l'indemnisation de la perte des moules achetées et de la perte d'exploitation résultant pour la société Flunch de l'arrêt prématuré de l'opération " Moules à volonté ", même s'il ne s'agit que de la franchise restée à charge, la société Flunch, en réclamant d'ailleurs également réparation.

Le reversement par Agapes à sa filiale Flunch de l'indemnité d'assurance payée par HDI Gerling au titre des préjudices dont elle réclame l'indemnisation (pièces 6 et 15 des appelantes) démontre qu'elle considère elle-même que ces dommages ont été subis par Flunch et non par elle-même.

L'action en responsabilité diligentée à l'encontre de la société Agapes à l'encontre de V. et V. doit en conséquence être déclarée irrecevable.

C - Sur la recevabilité de l'action de la société HDI Gerling

Il résulte de l'article L. 121-12 alinéa 1 du Code des assurances que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à responsabilité de l'assureur.

Le recours subrogatoire institué par ce texte au profit de l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance s'exerce quelque soit le fondement de la responsabilité, contractuelle ou délictuelle.

Pour que son action soit recevable, l'assureur doit faire la preuve qu'il a effectivement payé l'indemnité d'assurance.

***

En l'espèce, la police d'assurance " Contamination de produits " n° PRD0900202 de la société HDI Gerling en date du 20 avril 2009, et ses avenants (pièce 5 des appelantes), ont été souscrits par la société Agapes pour le compte de plusieurs de ses filiales, dont l'enseigne Flunch, ainsi qu'il est expressément précisé dans les conditions particulières du contrat: " le présent contrat est dit " pour compte ", c'est à dire qu'il est souscrit par une entité au profit d'autres qui lui en dépendent ".

Les conditions générales rappellent que l' " assuré " est le souscripteur et/ou ses filiales.

Suivant écrit du 11 septembre 2012, la SAS Agapes a donné quittance à la société HDI Gerling du règlement à son profit de la somme de 493 679 euros à titre d'indemnité définitive dans le cadre du sinistre survenu le 26 février 2011.

En outre, la société Agapes atteste avoir reversé cette somme à sa filiale, la société Flunch, bénéficiaire de l'indemnité (pièce 15).

Dès lors que la société HDI Gerling a réglé à la société Agapes, souscripteur du contrat d'assurance pour le compte de ses filiales, l'indemnité d'assurance afin que celle-ci soit reversée à sa filiale Flunch, victime du dommage, l'indemnité a effectivement été versée à l'assuré, de sorte que l'assureur bénéficie de la subrogation légale dans ses droits et actions contre les tiers responsables.

L'action de la société HDI Gerling est en conséquence parfaitement recevable.

II - SUR LE FONDEMENT JURIDIQUE DES DEMANDES DES SOCIETES FLUNCH ET HDI GERLING

A - Sur la responsabilité de la société V. et V. du fait des produits défectueux

Aux termes de l'article 1386-2 du Code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 applicable au présent litige, " les dispositions du présent titre [De la responsabilité du fait des produits défectueux] s'appliquent à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne. Elles s'appliquent également à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même ".

En l'espèce, les sociétés Flunch et HDI Gerling sollicitent l'indemnisation du préjudice résultant du retrait des moules impropres à la consommation, qui se décompose ainsi (page 36 de leurs conclusions):

- 87 184, 61 euros au titre de la perte des moules achetées,

- 1 050 euros au titre des frais de consultants de crise,

- 435 445 euros au titre de la perte d'exploitation,

- 10 000 euros au titre des frais d'expert.

Ainsi, les appelantes réclament l'indemnisation de préjudices qui ne constituent ni des dommages à la personne, ni à un bien autre que le produit défectueux lui-même.

La responsabilité du fait des produits défectueux ne peut dès lors fonder une quelconque action en indemnisation contre V. et V., les préjudices invoqués étant hors du champ d'application de ces textes.

B - Sur la responsabilité délictuelle de la société V. et V.

En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil, dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016 applicable au présent litige, " tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer' et 'chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence ".

Ces textes sont inapplicables à la réparation d'un dommage se rattachant à l'exécution d'un engagement contractuel.

- En l'espèce, la société Flunch et son assureur reprochent à V. et V. d'avoir fourni des moules impropres à la consommation et d'avoir commis une faute en ne parquant pas les moules pendant une durée suffisante.

Or, la fourniture des moules par V. et V. se rattache, et en constitue même l'obligation principale, à l'exécution du contrat-cadre conclu entre elles le 25 février 2010, et des contrats subséquents.

Dès lors que la société Flunch était contractuellement liée à la société V. et V., que la faute qu'elle reproche et le préjudice qu'elle allègue résident dans l'inexécution par l'intimée de son obligation de livrer des moules conformes, la responsabilité de V. et V. ne peut être recherchée sur un fondement délictuel.

- L'assureur, en ce qu'il est subrogé dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers ne saurait disposer de plus de droits que celui-ci. L'assureur ne peut donc se prévaloir que des actions dont est titulaire l'assuré.

Il s'en évince en l'espèce que la société HDI Gerling, subrogée dans les droits de la société Flunch ne peut engager la responsabilité de V. et V. sur le fondement délictuel.

En conséquence, seule la responsabilité contractuelle de la société V. et V. est de nature à fonder une action en indemnisation.

III - SUR LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DE LA SOCIETE V. ET V.

Aux termes de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 applicable au présent litige, " le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait eu aucune mauvaise foi de sa part ".

Préambule : rappel des données scientifiques et réglementaires

Avant d'aborder les conditions de la responsabilité contractuelle de V. et V., il importe au préalable, pour la bonne compréhension et la résolution du litige, de rappeler, d'une part, les données scientifiques concernant les mollusques bivalves, telles les moules, et les norovirus, d'autres part les dispositions réglementaires applicables en la matière.

Les données scientifiques

Elles résultent des documents suivants versés aux débats:

- rapport du laboratoire Gimaris, dirigé par le Dr Van L., expert en microbiologie moléculaire médicale au centre Erasmus de Rotterdam, et par le Dr G., biologiste marin, professeur à l'institut de biologie de l'université de Leiden (pièce 1 de l'intimée),

- avis du 10 février 2011 de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail, relatif à des intoxications survenues après consommation d'huîtres de l'étang de Thau mais qui apporte des informations d'ordre général sur les mollusques bivalves et les virus (pièce 23 des appelantes),

- fiche de description sur les norovirus élaborée par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (pièce 20 de l'intimée).

Il en ressort synthétiquement que:

- les sapovirus provoquent des gastro-entérites bénignes chez les enfants et ne sont pas considérés comme des agents pathogènes importants dans les toxi-infections alimentaires,

- les norovirus sont des virus qui se caractérisent par une très grande variabilité aboutissant à la définition de plusieurs génotypes, les génogroupe I et II étant pathogènes pour l'homme,

- les norovirus sont responsables de près de 90 % des gastro-entérites virales épidémiques et représentent une cause importante de toxi-infections alimentaires; ils sont hautement infectieux,

- les gastro-entérites qu'ils provoquent se caractérisent par l'apparition brutale de vomissements, diarrhées, crampes abdominales, nausées après une période d'incubation moyenne de 24 à 48 heures,

- la dose infectieuse est faible mais elle varie selon les souches virales et les individus; certains peuvent réagir à des doses ingérées très faibles, d'autres restent asymptomatiques,

- les norovirus se transmettent notamment de personne à personne et par voie alimentaire (ingestion d'aliments consommés crus ou sans réchauffage, contaminés lors de la préparation par une personne porteuse, ingestion d'eau ou d'aliments tels les coquillages, fruits et légumes consommés crus, contaminés par des rejets dans lesquels des norovirus sont présents),

- les norovirus sont très résistants ; ils résistent aux traitements d'épuration des eaux usées (chlore, ozone, UV), et persistent après rejet dans l'environnement entraînant la contamination des eaux,

- les coquillages, en particulier les moules et les huîtres, de part leur mode d'alimentation par filtration, concentrent les particules virales qui persistent dans leur tissus,

- les norovirus sont reconnus comme le principal agent des épidémies transmises par la consommation de coquillages consommés crus prélevés dans des eaux de mer contaminées,

- en milieu naturel, la persistance des virus est très longue; l'épuration des coquillages en bassin conventionnel est également très longue (plusieurs jours, voire une ou deux semaines) par rapport à la bactérie E coli, éliminée en un ou deux jours,

- les norovirus sont résistants au froid et à la congélation, ainsi qu'à la chaleur (37 ° pendant 120 heures ou 100 °C pendant une minute); il ne présente plus de risque sanitaire lorsque l'aliment qui le contient est cuit à une température de 90 °C pendant deux minutes (rapport Afssa) ou égale ou supérieure à 100 °C pendant 4-5 minutes (rapport Gimaris),

- il n'existe aucune méthode d'analyse validée et normalisée des norovirus.

Les dispositions réglementaires

Le règlement CE n° 2073/2005 du 15 novembre 2015 établit des " critères micro-biologiques définissant l'acceptabilité des procédures et mesures de contrôle de l'hygiène, ainsi que des critères de sécurité microbiologique fixant une limite au-delà de laquelle on doit considérer qu'une denrée alimentaire est contaminée de manière inacceptable par les micro-organismes pour lesquels les critères sont établis ".

Aux termes de son paragraphe 12, le règlement relève que les indicateurs fécaux conventionnels ne sont pas fiables pour démontrer la présence ou l'absence de virus, et, dans son paragraphe 27, considère nécessaire de fixer des critères applicables aux virus pathogènes dans les mollusques vivants dès que les méthodes d'analyse seront suffisamment développées.

Ce texte n'établit ainsi de critères micro-biologiques que pour les bactéries salmonelles et E-coli.

Ainsi que le souligne l'ANSES dans son avis du 10 février 2011, contemporain aux faits objets du présent litige, " en l'absence de méthode d'analyse validée et normalisée, aucun critère micro-biologique réglementaire européen n'a été fixé à ce jour pour les virus ".

Ce rapport relève aussi que " la conformité des produits et des procédés de conchyliculture [la situation est identique pour la mytiliculture] s'appuie aujourd'hui sur un système de surveillance et de contamination bactérienne. [...]. Ce système de surveillance de la contamination bactérienne ne permet pas de conclure sur la présence d'une contamination virale, du fait de l'absence de corrélation entre la présence du virus et celle de l'indicateur bactérien. A ce jour, les norovirus et sapovirus ne sont recherchés dans aucun système de surveillance. Cependant, des analyses ponctuelles peuvent être menées en situation d'alerte, suite notamment à la déclaration de cas humains de gastro-entérite pour lesquels la source alimentaire est suspectée ".

Ainsi, il ressort de ces éléments qu'à l'époque au moins de la production et de la livraison des moules par V. et V., il n'existait aucune norme réglementaire imposant ni même recommandant aux producteurs de moules la recherche de norovirus et sapovirus dans les mollusques bivalves ni aucun critère micro-biologique pour ces virus au-delà duquel la commercialisation serait interdite.

S'agissant des obligations de reparcage et de purification invoquées par les parties, elles sont définies par le règlement CE n° 853/2004 du 29 avril 2004 fixant les règles spécifiques d'hygiène applicables aux denrées alimentaires d'origine animale.

Se définissent comme :

- zone de reparcage : " toute zone maritime, estuarienne ou lagunaire clairement délimitée et signalisée par des bouées [...] et consacrée exclusivement à la purification naturelle des mollusques bivalves vivants.

- centre de purification : établissement disposant de bassins alimentés en eau de mer propre, dans lesquels les mollusques bivalves vivants sont placés pour toute la durée nécessaire à l'élimination des contaminants micro-biologiques pour réduire la contamination afin de les rendre propres à la consommation humaine,

- " reparcage " : transfert de mollusques bivalves vivants dans des zones maritimes, lagunaires ou estuariennes, pour la durée nécessaire à la réduction des contaminants en vue de les rendre propres à la consommation humaine ".

Les obligations suivantes sont imposées aux producteurs:

- chapitre II A 3 : " les exploitants du secteur alimentaire ne peuvent mettre sur le marché, pour la consommation humaine, des mollusques bivalves vivants provenant d'une zone de production de la classe B qu'après que ceux-ci ont été traités dans un centre de purification ou après reparcage ".

- chapitre II C: Exigences applicables au reparcage des mollusques bivalves vivants:

- les exploitants [...] peuvent utiliser uniquement des zones agrées par l'autorité compétente pour le reparcage des mollusques vivants [...],

- les conditions de reparcage doivent assurer des conditions de purification optimales. Les exploitants doivent notamment [...] immerger les mollusques bivalves dans l'eau de mer à l'intérieur de la zone de reparcage pendant une durée appropriée, fixée en fonction de la température de l'eau, cette période devant être de deux mois minimum, sauf si l'autorité compétente autorise une période plus courte [...].

- chapitre IV A : Exigences applicables aux centres de purification:

- avant le début de la purification, les mollusques bivalves vivants doivent être débarrassés de la vase et des détritus par lavage à l'eau propre,

- le fonctionnement de purification doit permettre que les mollusques bivalves vivants retrouvent rapidement et maintiennent leur activité d'alimentation par filtration, éliminent la contamination résiduaire, ne soient pas recontaminés et soient capables de rester en vie dans de bonnes conditions après purification en vue du conditionnement, de l'entreposage et du transport avant leur mise sur le marché,

- les mollusques bivalves vivants doivent être soumis à une purification continue pendant une période suffisante pour être en conformité avec les normes sanitaires énoncées au chapitre V et les critères micro-biologiques adoptés en application du règlement CE n°.../2004".

Les normes sanitaires énoncées audit chapitre V concernent exclusivement des bio-toxines marines, le règlement auquel il est renvoyé s'agissant des critères micro-biologiques étant celui précédemment cité (salmonelles et E coli).

L'objet de l'obligation contractuelle de V. et V. portant sur la production et la livraison d'un animal vivant, livré comme tel à l'acheteur, susceptible en tant que tel d'être porteur d''anomalie', l'éventuelle faute de la société V. et V. doit être analysée à la lumière de ces données scientifiques et réglementaires.

A - Sur la faute contractuelle de la société V. et V.

1) Sur la présence de norovirus dans les moules livrées par V. et V.

La société V. et V. fait d'abord valoir que la présence d'un tel virus dans les moules qu'elle a livrées n'est pas établie, doutant notamment de la fiabilité de la méthode d'analyse.

Il ressort de l'unique test opéré par l'Ifremer que la présence de sapovirus et de norovirus de génotype II a été détectée sur un échantillon prélevé sur le lot n° 14002-2308 livré au restaurant Flunch d'Aubagne (pièce 2 et 3 des appelantes).

Ces virus ont été recherchés selon la méthode RT-PCR en temps réel.

S'il est constant qu'aucune méthode d'analyse n'a encore été 'officiellement' homologuée, il ressort cependant des rapports et avis précités, et particulièrement du rapport Gimaris (pages 3 et 7, AFSSA page 2), qui la qualifie de " fiable " et de " sensible ", que la méthode RT-PCR est la méthode de diagnostic de référence et qu'elle a été validée par un grand nombre de laboratoires européens.

Le fait que la méthode RT-PCR ne soit pas encore consacrée par les instances européennes ne suffit pas à invalider ipso facto lesdits résultats

Le doute dont fait état le rapport Gimaris sur un éventuel 'faux positif' compte tenu du faible nombre de copies du virus retrouvé dans le lot analysé et de l'impossibilité de déterminer les virus actifs des virus inactifs, doit être interprété au regard des autres éléments du dossier.

Ainsi, il peut être relevé que le nombre de 89 copies n'a rien d'anormal puisqu'il se trouve dans les normes statistiques (rapport de l'ANSES page 5 : les valeurs trouvées dans les huîtres varient de 25 à 85 ARN copie/g à 2500 ARN copie/gramme).

Par ailleurs, l'analyse produite par V. et V., réalisée le 14 mars 2011, ne remet nullement en cause ce résultat obtenu par l'Ifremer, puisqu'elle ne porte pas, contrairement aux affirmations de l'intimée, sur le même lot (lot n° 140020910, pièce 9).

Enfin, il apparaît que les symptômes présentés par les consommateurs du restaurant Flunch d'Aubagne, auquel ce lot de moules a été distribué, sont ceux de la gastro-entérite d'origine virale et qu'ils sont apparus dans les délais moyens d'incubation (24 heures, pièce 10).

2) Sur le lien épidémiologique entre le norovirus et les symptômes présentés par les consommateurs

Comme le souligne V. et V., la seule décision de retrait des moules ordonnée par la DGAL, qui se fonde sur les éléments transmis par la Direction de la sécurité alimentaire de Flunch et sur l'analyse de l'Ifremer (pièce 1 des appelantes), tout comme l'alerte enregistrée au RASFF - dispositif géré par la commission européenne qui relaie et diffuse les alertes déclenchées par les autorités sanitaires des pays membres (pièce 18 de l'intimée) - ne suffisent pas à conclure à l'existence du lien épidémiologique avec le norovirus.

Il ressort du rapport Gimaris, qui précise que dans seulement 5 % des cas les symptômes peuvent apparaître après seulement 12 heures, une très faible probabilité, voir une impossibilité, que les cas d'intoxication signalés dans les restaurants de Varennes, Reims, Manosque, Avignon, Bollène, St Priest et Roncq, soit sept consommateurs, soient dus à une infection par norovirus, les durées d'incubation variant de 0 à 11 heures, sans qu'aucune diarrhée ne soit en outre repérée (pièce 10 de l'intimée).

Dans ces cas, en l'absence d'analyse des selles des patients, qui selon les données scientifiques versées au débats est seule, bien que ne figurant pas dans les procédures standard, de nature à établir avec précision un rapport de causalité entre les moules en cause et les symptômes présentés par les consommateurs, le lien épidémiologique ne peut être considéré comme établi.

Selon le rapport Gimaris, les 8 personnes intoxiquées après avoir consommé des moules dans le restaurant Flunch de Blagnac ont présenté les symptômes de la gastro-entérite virale mais dans un temps d'incubation de 12 heures. Leur imputabilité à des norovirus ne peut ainsi être ni confirmée ni totalement infirmée, les experts rappelant que la sensibilité aux norovirus varie d'une personne à l'autre.

S'agissant des autres cas (3 dans le restaurant d'Aubagne le 18 février, 1 ou 2 à Roncq le 13 février, 1 à Chamnord le 13 février, 2 le 6 mars), il apparaît que les consommateurs ont développé des symptômes cliniques typiques des infections au norovirus dans un temps d'incubation correspondant.

Le rapport Gimaris indique que ces signes cliniques peuvent être causés par d'autres agents pathogènes viraux, des bactéries ou d'autres germes; il doit cependant être relevé qu'il ne se risque à exclure l'hypothèse du norovirus qu'en partant du postulat selon lequel les moules ont été cuites à 100 °C pendant plusieurs minutes.

L'hypothèse développée par V. et V. d'une contamination au norovirus dans les cuisines de Flunch lors de la préparation des moules n'est pas étayée et il serait pour le moins surprenant que ce virus, pourtant hautement contagieux, ne se soit retrouvé que dans les moules fournies par V. et V. et que seuls les consommateurs de moules soient tombés malades alors que les restaurants Flunch sont amenés à servir de très nombreux plats et produits dont certains ne sont pas cuits.

Egalement, le fait que seulement certaines personnes ayant partagé le même repas aient déclaré la maladie est sans incidence, la sensibilité au virus étant très variable d'un individu à l'autre, certains, bien qu'exposés, ne manifestant aucun symptôme.

Si aux termes de son courrier du 27 mai 2011 (pièce 17 des appelantes), V. et V. conteste toute responsabilité, d'une part en raison de l'absence de norme légale ou contractuelle sur les norovirus, d'autre part en imputant les intoxications à l'insuffisance de la cuisson par Flunch, il n'en demeure pas moins que V. et V. reconnaît la présence, au moins potentielle, d'un tel virus dans les moules qu'elle a livrées à Flunch et le lien avec les symptômes: " étant donné que le norovirus a été découvert dans nos moules et vu les symptômes cités dans l'alert notification du 10 mars dernier, il n'est pas improbable que des personnes aient été malades suite à la consommation de moules contaminées par le norovirus " [...] " Autrement dit: nous reconnaissons qu'une partie des moules livrées par nos soins étaient contaminées par le norovirus. Nous contestons toutefois être de ce fait en défaut, que ce soit légalement, contractuellement ou de toute autre façon. [...]. Le rapport du VWA, l'équivalent néerlandais de l'Anses français [...] montre que [...] dans les moules des zones B (Angleterre et Irlande), le virus est présent dans 56, 9 % des cas. Il est intéressant de constater à cet égard que l'on estime à 95 % les moules commercialisées par les Pays-Bas sur le marché français en provenance des zones B. [...] le VWA considère la présence du norovirus dans les coquillages crus comme une donnée fixe [...]. "

Par ailleurs, il n'est contesté par personne que les moules livrées à Flunch n'étaient affectées ni par la salmonelle ni par la bactérie E-Coli, les analyses réglementaires ayant été effectuées et s'étant avérées conformes (cf réponse des Pays-Bas dans le suivi RASFF, audit Bureau Veritas pièce 18 des appelantes).

Egalement, si les autorités sanitaires françaises et néerlandaises ont évoqué dans le suivi de l'alerte RASFF la recherche d'une éventuelle contamination chimique, par hydrocarbure, ou par des toxines lipophiles dans la zone de récolte des moules, celle-ci n'a pas été confirmée.

Enfin, l'hypothèse développée par V. et V. d'une imputabilité des intoxications aux conditions d'hygiène dans les restaurants Flunch, qui ne se fonde que sur des références à des incidents passés sans aucun lien ni similitudes avec les intoxications à type de gastro-entérites constatées pendant l'opération "moules à volonté", n'est établie par aucun élément objectif, étant observé de nouveau que les maladies en question ne sont apparues qu'après consommation de moules.

Dès lors, et nonobstant l'absence d'analyses sur les malades, les éléments suivants:

- survenance de cas de gastro-entérite avec signes cliniques d'une infection au norovirus après consommation de moules,

- dans au moins quatre restaurants Flunch, situés dans plusieurs départements, sur une période relativement brève de trois semaines,

- l'analyse positive à ce virus sur un lot de moules consommées par l'une des personnes affectées,

- la présence statistiquement élevée de ce virus dans les moules de la zone B, ainsi que le reconnaît V. et V., constituent un ensemble de présomptions graves, précises et concordances de la présence du norovirus et du lien épidémiologique entre celui-ci et au moins 6 à 7 des intoxications relevées.

Au regard de l'ensemble de ses éléments concordants, la communication par le laboratoire Ifremer des données ayant servi de bases à son rapport d'essai est inutile. La demande de V. et V. tendant à cette fin sera donc rejetée.

3) Sur la faute contractuelle de V. et V.

La SAS Flunch et son assureur reprochent à V. et V. d'avoir manqué à ses obligations contractuelles en ne délivrant pas des moules conformes, correspondant à ses attentes légitimes. Ils se fondent particulièrement sur l'insuffisance de la durée de reparcage des moules avant commercialisation.

La société V. et V. ne peut sérieusement faire valoir qu'il n'est pas établi que les moules contaminées soient de celles qu'elle a livrées puisqu'il ressort des pièces versées aux débats qu'à l'exception d'une livraison ponctuelle par la société Carrefour, la quasi-totalité des 420 tonnes de moules proposées à la consommation pendant l'opération promotionnelle incriminée a été fournie par V. et V. (pièce 16 des appelantes).

Sur le plan réglementaire, les producteurs de moules ne sont astreints qu'au dépistage et au respect de normes concernant les salmonelles et la bactérie E.Coli et aucune disposition contractuelle en l'espèce n'imposait à V. et V. de procéder à des analyses et ne la soumettait à des normes concernant les norovirus.

' Pour autant, il est indéniable que l'objet de l'obligation de V. et V. était de fournir à la société Flunch des moules propres à la consommation, le fournisseur étant ainsi astreint à une obligation de sécurité d'ordre sanitaire, laquelle doit s'apprécier à la lumière des données scientifiques et réglementaires ci-dessus rappelées, étant rappelé que les moules litigieuses provenaient du Royaume-Uni et d'Irlande, classés en zone B.

L'audit du Bureau Véritas, diligenté dans les locaux de V. et V. à la demande de la SAS Flunch (pièce 18 des appelantes), décrit ainsi le processus de fabrication : 'les moules de pêche en provenance du Royaume-Uni (qualité des eaux en B), sont reparquées en mer en face de la société V. et V. où la qualité des eaux est en A. Le reparcage n'a lieu qu'après qu'il y ait eu des analyses libératoires sur salmonelle et E. Coli. Le reparcage théorique préconisé et annoncé par V. et V. est de 1 à 2 semaines mais le test de tracabilité a montré que sur le lot 140022108, les moules n'avaient été reparquées que trois jours, ce qui paraît court pour éliminer les restes éventuels de vase par exemple. Ensuite, les moules sont pêchées à la drague et elles sont déchargées et lavées une première fois dans un tank + eau de mer + vis sans fin, les moules sont ensuite placées dans des gros tanks avec circulation d'eau de mer ayant subi une filtration UV pour une première purification durant 24 heures. Par la suite, les moules sont nettoyées et débyssussées [...].

Sur le lot incriminé, l'audit précise: ' [...] mais la durée de reparcage n'a été que de trois jours, en revanche, la durée de purification a été d'une journée' et conclut: 'le test de traçabilité a montré que le lot de moule en provenance du Royaume-Uni n'a été reparqué que durant une durée de trois jours alors que V. et V. annonce un reparcage de une à deux semaines en mer'.

La SAS Flunch en déduit l'existence d'une faute à l'origine de la délivrance d'un produit non conforme.

Cependant, il résulte des études rappelées dans l'avis de l'ANSES (page 5) qu'avec la méthode d'un simple parcage en eaux propres, l'élimination des norovirus des coquillages contaminés, même si elle varie selon leur concentration, est très longue (21 jours dans l'étude relatée) et qu'elle l'est encore (plusieurs jours, voire une ou deux semaines) lorsque les coquillages sont placés en bassin conventionnel.

Il s'évince des données scientifiques produites aux débats et de l'absence, significative, de réglementation sur ce point, qu'au regard de la grande persistance des norovirus dans les coquillages, le reparcage en mer, même en eaux de zone A et pendant une durée d'une à deux semaines, ne suffit pas à garantir l'absence de virus.

Dès lors, il n'est aucunement établi que si V. et V. avait respecté sa durée de reparcage théorique, les moules auraient été indemnes de norovirus étant rappelé que la purification a pour objectif d'éliminer les bactéries salmonelle et E.Coli et les bio-toxines marines et non les norovirus.

Par ailleurs, les appelantes oublient que V. et V. n'a pas fait que reparquer ses moules en mer mais qu'elle les a aussi placées, conformément à la législation européenne, en bassin de purification d'eau de mer ayant subi un traitement spécial par UV, étant souligné que le règlement européen du 29 avril 2004 présente ces deux méthodes comme alternatives.

Contrairement aux allégations de la SAS Flunch, V. et V. justifie avoir procédé à un traitement en centre de purification, ainsi que l'a relevé le bureau Véritas.

Ainsi, il ne peut être reproché à V. et V. aucun manquement à son obligation de procéder à la purification des moules avant leur commercialisation.

En tout état de cause, à supposer même que la société V. et V., quand bien même elle a procédé à une purification en eau traitée, aurait insuffisamment reparqué les moules, aucun lien de causalité ne peut être établi, compte tenu des aléas ci-dessus rappelés, entre cet éventuel manquement et la présence persistante de norovirus.

La société Flunch fait remarquer que, quand bien même les norovirus ne seraient pas la cause des intoxications observées, les moules devraient être considérées comme défectueuses comme affectées d'une autre source de contamination.

Si en effet, une autre contamination ne peut être exclue s'agissant particulièrement des intoxications ne présentant pas les symptômes d'une affection par norovirus, ce qu'indiquaient d'ailleurs les autorités sanitaires françaises et néerlandaises dans le suivi de l'alerte RASFF, aucun élément versé au dossier ne permet cependant d'étayer une telle hypothèse, les analyses auxquelles ces autorités devaient procéder (sur des bio-toxines ou une contamination chimique) n'étant pas produites, ni de l'imputer à un éventuel manquement de V. et V..

Surtout, il ressort des rapports et avis de l'ANSES, de l'AFSSA, de Gimaris, des autorités sanitaires néerlandaises et suisses (suivi RASFF pièce intimée n° 8) que la cuisson des moules à une température d'au moins 90-100 °C pendant une durée suffisante (de 2 à 5 minutes) permet d'éliminer ou en tout cas d'inactiver les norovirus et de rendre les coquillages propres à la consommation.

Il s'en évince même que le traitement thermique est actuellement le seul traitement fiable contre les norovirus.

Les moules livrées à Flunch n'étaient pas destinées à être consommées vivantes et donc crues, mais à être servies cuites.

La société Flunch, professionnel de la restauration, rompu à la cuisine des moules, ne peut ignorer les consignes de cuisson de ces coquillages, qui sont au demeurant parfaitement connus même des cuisiniers amateurs, quand bien même les instructions de cuisson figurant sur les paquets de moules V. et V., au demeurant suffisamment claires, ne mentionneraient pas la température de cuisson (pièce 16 de l'intimée).

La société Flunch justifie d'ailleurs de matériel et de protocoles de cuisson des moules parfaitement conformes, celles-ci devant être cuites dans un four à vapeur Steamer pendant 10 minutes à 96 °C (pièces 20 et 22 des appelantes).

Dès lors, dans un contexte d'offre promotionnelle imposant une forte augmentation des cadences de production et de service au sein des restaurants Flunch, la manifestation chez des consommateurs de gastro-entérites imputables à un norovirus tend à démontrer le non-respect des instructions de cuisson dans les restaurants concernés, ce que tend aussi à confirmer le très faible nombre de malades au regard du nombre de consommateurs de moules pendant cette période et de la quantité livrée par V. et V. (plus de 400 tonnes).

En l'absence de toute violation des normes réglementaires par V. et V., de l'impossibilité en l'état actuel des techniques de garantir la livraison de moule exemptes de tout norovirus, de l'absence de preuve d'une autre source de contamination imputable à V. et de la nécessité pour le restaurateur de respecter des consignes de cuisson seule de nature à garantir une consommation sécurisée, il ne peut être reproché à V. et V. aucun manquement à son obligation de délivrance conforme ni aucune autre violation de ses obligations contractuelles.

B - Sur le préjudice et le lien de causalité

Aucune faute contractuelle ne pouvant être reprochée à V. et V., il n'y a pas lieu d'examiner les moyens tenant au lien de causalité et au préjudice.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il déboute la société Flunch et la société HDI Gerling de leurs demandes respectives.

IV - SUR L'APPEL INCIDENT ET LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES DE LA SOCIETE V. ET V.

Sur la demande tendant à voir écarter les pièces en langue étrangère produites sans traduction

Aux termes de l'article 2 alinéa 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, la langue de la République est le français.

L'obligation d'utiliser la langue française s'impose au juge ainsi qu'aux parties, tant pour leurs écritures que pour les actes et documents qu'elles présentent au juge.

En l'espèce, les pièces annexées à la pièce 14 produites par V. et V. à l'appui de ses demandes de dommages et intérêts sont des factures, pour la plupart établies en langue néerlandaise; elles ne sont pas traduites.

Il convient en conséquence d'écarter des débats ces pièces non traduites.

A - Sur le paiement des factures

1) Sur l'incompétence ratione materiae de la cour

Pour s'opposer au paiement des factures restées impayées, la SAS Flunch invoque les dispositions du contrat cadre de 2010 (article 2.1.1 C) imposant au fournisseur le respect d'un cahier des charges et lui imposant de prendre en charge la livraison et le remplacement du produit en cas de non-conformité, ainsi que la clause suivante: [...] Si le résultat de cette analyse sur l'un des articles du fournisseur s'avérait non satisfaisant, la SAS Flunch se réserve le droit de bloquer la marchandise (sur plate-forme et/ou restaurants) et de procéder à des contre-analyses au frais du fournisseur sur les lots concernés. Si la mauvaise analyse était confirmée par un organisme habilité, le fournisseur d'engage à reprendre ou détruire la marchandise sur la plate-forme et/ou restaurants et à présenter un plan d'actions correctives à la SAS Flunch dans les deux jours ouvrés. Le fournisseur remboursera à la SAS Flunch Restaurants la marchandise incriminée.

V. et V. estime que cette clause ne peut lui être opposée au motif qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en violation des dispositions d'ordre public de l'article L 442-6 du Code de commerce.

Les appelantes demandent que la cour se déclare incompétente pour connaître de ce moyen soulevé par V. et V. exposant que les litiges relevant de ce texte sont de la compétence de la cour d'appel de Paris

Il résulte de l'article L. 442-6 du Code de commerce que " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel, de [...]. "

Ainsi, ce texte régit les actions en responsabilité découlant de la violation des pratiques commerciales fautives, qui sont en effet de la compétence de la Cour d'appel de Paris.

Cependant, en l'espèce, la société V. et V. n'engage pas la responsabilité de la SAS Flunch sur le fondement de ce texte - elle ne forme aucune demande de dommages et intérêts - mais se contente seulement d'opposer un moyen de défense à un autre moyen de défense.

Dès lors, ce moyen soulevé par Flunch et la société HDI Gerling tiré de l'incompétence de la présente cour pour statuer sur le moyen de V. et V. est parfaitement inopérant.

2) Sur la demande en paiement des factures

La clause contractuelle précitée, opposée par Flunch pour retenir le paiement des factures, est inapplicable au présent cas de figure puisqu'elle ne concerne que l'hypothèse du remboursement des marchandises par V. et V., et qu'au surplus la condition de double analyse, préalable à l'application du droit pour Flunch d'exiger le remboursement de la marchandise, n'est pas réalisée.

Aucune faute contractuelle n'étant établie à l'encontre de la société V. et V., la SAS Flunch ne saurait opposer une quelconque exception d'inexécution ni être déliée de son obligation de payer le prix des moules livrées.

Le quantum des sommes encore dues n'étant pas contesté par la SAS Flunch, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il condamne la société Flunch à payer à V. et V. la somme de 314 211, 41 euros au titres des factures impayées.

En application des dispositions de l'article L. 441-6 du Code de commerce, les pénalités de retard au taux d'intérêt BCE pour non-paiement des factures sont dues de plein droit et sans rappel.

Cette somme sera donc assortie des intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement le plus récente majoré de 7 ou 10 points de pourcentage suivant la dates des factures, selon détails et modalités fixées dans le présent dispositif, le tout avec anatocisme.

B - Sur les demandes en réparation au titre des préjudices matériel (53 083,91 euros), moral et d'image (50 000 euros)

Au titre du préjudice matériel, la société V. et V. inclut notamment les frais de transport relatifs au retour des marchandises aux Pays-Bas, des frais de laboratoire et des avoirs envoyés aux clients suite au retrait des marchandises.

S'agissant du préjudice moral et d'image, elle évoque l'altération de son image de marque et de sa réputation auprès de ses clients.

La cour observe que la société V. et V. ne précise pas le fondement juridique de ses demandes et rappelle que les indemnisations qu'elle réclame sont en tout état de cause subordonnés à la démonstration d'une faute, contractuelle ou délictuelle, de la part de la SAS Flunch.

Or, V. et V. se contente d'évoquer un préjudice " à la suite du retrait des marchandises " et ne caractérise ni même n'allègue précisément la faute qu'elle reproche à la SAS Flunch.

A supposer que cette faute réside dans le " retrait de la marchandise ", un tel grief ne pourrait être reproché à la SAS Flunch puisque cette décision a été prise par l'autorité administrative, précisément par la Direction Générale de l'Alimentation (pièce 1 des appelantes) et non par Flunch.

Si, en extrapolant encore les conclusions de l'intimée, il était reproché à la SAS Flunch de s'être montré trop alarmiste et d'avoir ainsi été à l'origine d'une mesure de retrait injustifiée, ainsi que d'avoir mis fin injustement à l'opération " Moules à volonté ", la cour considérerait qu'une telle faute n'est pas établie, la SAS Flunch ayant été confrontée à l'apparition de gastro-entérites aiguës consécutives à la consommation de moules provenant de V. et V. dans plusieurs restaurants, qui lui imposait d'alerter les autorités sanitaires et d'appliquer un principe de précaution.

Enfin, comme l'a relevé le tribunal, la société V. et V. ne saurait reprocher à la SAS Flunch d'avoir ainsi réagi alors qu'elle-même, dans le doute, a fait le choix d'appliquer ce principe, sollicitant de Flunch un retrait de la vente des moules ayant une date d'emballage jusqu'au 9 mars 2011 (pièce 6 de l'intimée).

La société V. et V., défaillante dans l'administration de la preuve d'une violation de ses obligations contractuelles par la SAS Flunch ou d'une faute délictuelle de cette dernière à l'origine des préjudices dont elle sollicite la réparation, sera déboutée de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts, étant relevé à titre surabondant qu'elle ne démontre pas la réalité d'un préjudice moral et d'image.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il condamne la SAS Flunch à payer la somme de 15 000 euros à V. et V.

V - Sur les frais et dépens

Aux termes de l'article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

L'article 700 du Code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

La SA Agapes, la SAS Flunch et la société HDI Gerling, qui succombent en leurs prétentions, seront condamnées aux dépens d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société V. et V. les frais qu'elle a exposé non compris dans dépens.

Les sociétes Agapes, Flunch et HDI Gerling enfin seront condamnées à lui payer la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en sus de l'indemnité accordée par le tribunal de commerce.

Par ces motifs : LA COUR, Reforme le jugement entrepris sauf en ce qu'il : - dit recevable l'action de la société HDI Gerling Verzekeringen NV à l'encontre de la société V. et V., - déboute la société HDI Gerling Verzekeringen NV de sa demande de condamnation de la société V. et V. à lui payer la somme de 493 679, 61 euros, - déboute la SAS Flunch et la SA Agapes de leur demande de condamnation de la société V. et V. à leur payer la somme de 40 000 euros, - déboute la société V. et V. de sa demande formée au titre du préjudice moral et d'image, - condamne la société HDI Gerling et Agapes à payer à V. et V. la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens. Statuant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant : Prononce l'irrecevabilité de l'action de la société Agapes à l'encontre de la société V. et V. Dit la SAS Flunch recevable en son action à l'encontre de la société V. et V. Dit n'y avoir lieu d'ordonner la communication par le laboratoire Ifremer des données ayant servi de base à son rapport d'essai du 8 mars 2011. Condamne la SAS Flunch à payer à la société V. et V. la somme totale de 314 211,41 euros, au titre des factures impayées, assortie des intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement le plus récente, 1) majoré de 7 points de pourcentage, à compter de la date suivante : - du 18 mai 2008 sur la somme de 240, 54 euros (facture n° 085910), 2) majoré de 10 points de pourcentage à compter des dates suivantes: - du 16/01/2011 sur la somme de 3 628,10 euros TTC (facture n° 113336), - du 14/03/2011 sur la somme de 7 793,50 euros TTC (facture n° 115180), - du 23/03/2011 sur la somme de 9 912,78 euros TTC (facture n° 115428), - du 30/03/2011 sur la somme de 9 400,05 euros TTC (facture n° 115745), - du 31/03/2011 sur la somme de 10 835,69 euros TTC (facture n° 115749), - du 31/03/2011 sur la somme de 10 596,42 euros TTC (facture n° 115750), - du 01/04/2011 sur la somme de 5 998,94 euros TTC (facture n° 115847), - du 01/04/2011 sur la somme de 13 125,89 euros TTC (facture n° 119013), - du 02/04/2011 sur la somme de 33 566,72 euros TTC (facture n° 115859), - du 02/04/2011 sur la somme de 21 056,11 euros TTC (facture n° 115860), - du 03/04/2011 sur la somme de 13 775,35 euros TTC (facture n° 115880), - du 03/04/2011 sur la somme de 21 192,84 euros TTC (facture n° 115881), - du 04/04/2011 sur la somme de 6 904,76 euros TTC (facture n° 115996), - du 04/04/2011 sur la somme de 6 750,95 euros TTC (facture n° 115997) - du 04/04/2011 sur la somme de 11 365,52 euros TTC (facture n° 115998), - du 06/04/2011 sur la somme de 10 767,33 euros TTC (facture n° 116000), - du 07/04/2011 sur la somme de 10 647,69 euros TTC (facture n° 116036), - du 07/04/2011 sur la somme de 10 391,33 euros TTC (facture n° 116037), - du 08/04/2011 sur la somme de 6 443,31 euros TTC (facture n° 116108), - du 09/04/2011 sur la somme de 27 943,79 euros TTC (facture n° 116129), - du 09/04/2011 sur la somme de 20 987,75 euros TTC (facture n°116130), - du 12/06/2011 sur la somme de 25397,97 euros TTC (facture n° 117710), - du 02/04/2011 sur la somme de 21 056,11 euros TTC (facture n° 115860). Ordonne la capitalisation des intérêts par années entières et échues conformément à l'article 1154 du Code civil. Ecarte des débats les pièces n° 14 de la société V. et V. en langue étrangère non traduites en langue française. Déboute la société V. et V. de sa demande en paiement de la somme de 53 083,91 euros au titre de son préjudice matériel. Condamne la société HDI Gerling Verzekeringen NV, la SAS Flunch et la SA Agapes à payer à la société V. et V. la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Rejette la demande des sociétés HDI Gerling Verzekeringen NV, Flunch et Agapes formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société HDI Gerling Verzekeringen NV, la SAS Flunch et la SA Agapes aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître R., avocat.