Livv
Décisions

CA Bourges, ch. civ., 23 février 2017, n° 16-00559

BOURGES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Foulquier

Conseillers :

MM. Guiraud, Perinetti

TGI, Châteauroux, du 1er mars 2016

1 mars 2016

Madame Edith B. s'est adressée à Monsieur Jacky S., exploitant sous l'enseigne Styl'déco pour la réalisation de travaux de rénovation à l'intérieur de sa maison d'habitation ayant donné lieu à un devis en date du 23 janvier 2012 pour un montant de 17 042,66 euros TTC accepté le 31 mars suivant avec le versement d'un acompte d'un montant de 4 200 euros.

En avril 2013, Madame Edith B. versait un deuxième acompte d'un montant de 4 500 euros.

Le 16 mai 2013 Monsieur Jacky S. établissait une facture d'un montant de 18 244,47 euros TTC sur laquelle il restait due la somme de 9 544,47 euros en tenant compte des deux acomptes versés.

Le 2 juillet 2013, Monsieur Jacky S. établissait une facture d'un montant de 3 150,08 euros relative à la pose d'une porte de douche en verre sécurit sans qu'ait été préalablement établi un devis.

Le 31 juillet 2013, Monsieur Jacky S. établissait une autre facture d'un montant de 1 499,87 euros pour la pose d'une toile de verre dans le couloir et deux couches de peinture sans devis préalable.

Les factures émises par Monsieur Jacky S. ont été réglées par Madame Edith B.

Par ordonnance en date du 22 janvier 2014, sur saisine de Madame Edith B., le Président du tribunal de grande instance de Châteauroux a ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur Jean-Philippe P.

L'expert ainsi désigné déposait son rapport le 9 mai 2014.

Par acte d'huissier en date du 28 octobre 2014, Madame Edith B. a assigné Monsieur Jacky S., exploitant sous l'enseigne Styl'déco par devant le Tribunal de grande instance de Châteauroux aux fins que soit constatée la nullité de ses engagements outre la restitution des sommes qu'elle avait indûment payées ainsi que sa condamnation au paiement d'une somme de 1 376,10 euros au titre de la reprise des désordres et 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Par jugement en date du 1er mars 2016, le Tribunal de grande instance de Châteauroux a :

- condamné Monsieur Jacky S. à payer à Madame Edith B. la somme de 1 376,10 euros TTC ;

- débouté Madame Edith B. du surplus de ses demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- laissé à chaque partie la charge des dépens exposés par elle, à l'exception de ceux de la procédure de référé et d'expertise qui seront supportés par Monsieur Jacky S. et Madame Edith B. à hauteur de moitié chacun.

Selon déclaration en date du 25 avril 2016, Madame Edith B. a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions reçues par voie électronique le 2 décembre 2016, auxquelles il est renvoyé plus ample exposé des moyens invoqués à l'appui de son appel, Madame Edith B. demande à la cour de :

Vu les anciens articles L 122-8 et suivants du Code de la consommation applicables antérieurement au 1er juillet 2016 ;

Vu les articles 1376 et suivants et l'article 1147 du Code civil ;

Vu le rapport d'expertise P. ;

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Châteauroux le 1er mars 2016 en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la disposition par laquelle le tribunal a condamné Monsieur Jacky S. à payer à Madame Edith B. la somme de 1 376,10 euros TTC ;

Statuant à nouveau,

Dire et juger que Monsieur Jacky S. a abusé de la faiblesse de Madame Edith B., faits prévus et réprimés par l'ancien article L 122-8 du Code de la consommation en vigueur à la date de l'acceptation du devis du 23 janvier 2012 ;

Dire et juger en conséquence que l'engagement pris par Madame Edith B. à l'égard de Monsieur Jacky S. résultant du devis du 23 janvier 2012 est nul et de nul effet ;

Constater l'absence de devis accepté par Madame Edith B. relativement aux travaux supplémentaires ;

Homologuer le rapport d'expertise déposé par Monsieur P. le 9 mai 2015 ;

Condamner Monsieur Jacky S. à payer à Madame Edith B. :

- la somme de 9 893,76 euros au titre de répétition de l'indu ;

- la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral ;

- la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Débouter Monsieur Jacky S. de l'intégralité de ses demandes ;

Condamner Monsieur Jacky S. aux entiers dépens qui comprendront les frais et les dépens du référé et le coût du rapport d'expertise dont distraction au profit de la Selarl Avelia en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 4 août 2016, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués à l'appui de ses prétentions et de son appel incident, Monsieur Jacky S. demande à la cour de :

A titre principal,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de grande instance de Châteauroux du du 1er mars 2016 ;

Débouter Madame Edith B. de ses demandes, fins et conclusions;

Condamner Madame Edith B. à payer à Monsieur Jacky S. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

A titre subsidiaire,

Prendre acte que la surfacturation est de 9 309,57 euros et non 9 895,76 euros comme indiqué par Madame Edith B. ;

Accorder à Monsieur Jacky S. un échelonnement de la dette sur 24 mois pour s'acquitter des condamnations prononcées par la cour ;

Débouter Madame Edith B. de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2016 et la cause a été appelée à l'audience du 3 janvier 2017 à 14 heures.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il sera constaté que, nonobstant l'appel général, les parties ne critiquent pas dans leurs écritures, les dispositions du jugement ayant condamné Monsieur Jacky S. à payer à Madame Edith B. la somme de 1 376,10 euros TTC au titre de la reprise des malfaçons.

La cour entrera donc en voie de confirmation des dispositions précitées du jugement que les parties n'ont pas jugé utile de soumettre à son appréciation.

Sur l'abus de faiblesse invoqué par Madame Edith B.

L'article L. 122-8 du Code de la consommation, modifié par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 et abrogé par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans sa version applicable au moment des faits, dispose :

" Quiconque aura abusé de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit sera puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 9 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte ".

Madame Edith B. soutient que Monsieur Jacky S. a abusé de sa faiblesse en lui faisant signer un devis à son domicile et en émettant des factures à un prix manifestement surévalué par rapport aux prix habituellement pratiqués pour les prestations fournies.

Elle précise qu'elle est âgée de 77 ans, qu'elle vit seule et qu'elle est dans l'ignorance des prix du marché.

Cependant, il n'appartient pas à la juridiction civile de statuer sur un abus de faiblesse, infraction prévue et réprimée par les dispositions précitées du Code de la consommation alors que la juridiction pénale n'a pas été saisie et n'a pas reconnu la culpabilité de Monsieur Jacky S. de ce chef.

En outre, les pièces produites par les parties au débat ne démontrent pas que Monsieur Jacky S. ait surpris le consentement de Madame Edith B. par suite de dol, en pratiquant à son égard des manœuvres destinées à provoquer une erreur de nature à vicier son consentement.

La seule circonstance que Madame Edith B. était âgé de 77 ans au moment de la signature du devis du 23 janvier 2012 et de son ignorance des prix pratiqués ne saurait constituer en soi la preuve d'un vice de son consentement ou même d'un abus de faiblesse.

En conséquence, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a jugé que l'abus de faiblesse n'était pas caractérisé.

Sur les comptes entre les parties

En application des dispositions de l'article 1134 du Code civil, dans leurs versions applicables aux faits de l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles doivent être exécutées de bonne foi.

Selon l'article 1235 du Code précité tout payement suppose une dette et ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition.

Il est constant que Madame Edith B. s'est adressée à Monsieur Jacky S. pour la réalisation de travaux de rénovation à l'intérieur de sa maison d'habitation ayant donné lieu à un devis en date du 23 janvier 2012 pour un montant de 17 042,66 euros TTC accepté le 31 mars suivant qui a donné lieu à une facturation d'un montant de 18 244,47 euros le 16 mai 2013.

Le devis accepté constituant la convention liant les parties, il ne peut être remis en cause par le juge le coût des prestations réalisées au prix et aux quantités convenues.

Si la facture afférente au devis diffère dans son montant et sur les prestations réalisées, il convient d'observer que le paiement par Madame Edith B. du solde des travaux après présentation de la facture démontre que celle-ci l'a acceptée.

Il doit être par ailleurs relevé que Madame Edith B. ne conteste pas avoir fait repeindre certaines pièces de son habitation en raison du fait que les tons ne lui convenaient plus tel que cela ressort de l'attestation de Monsieur Damien C., ce qui a eu pour conséquence de modifier le coût des travaux.

En conséquence, il ne peut être opéré de réfaction du prix sur les prestations facturées le 16 mai 2013.

Il est également constant que Madame Edith B. a été destinataire de deux autres factures, l'une en date du 2 juillet 2013 d'un montant de 3 150,08 euros TTC relative à l'installation d'une porte battante sécurit et l'autre d'un montant de 1 499,87 euros TTC relative à la mise en application de deux couches de peinture dans le couloir.

De tels travaux ont pu être exécutés en vertu d'un marché verbal tout à fait régulier en son principe dont la preuve est régie par les articles 1341 et suivants du Code civil.

Madame Edith B. étant la demanderesse à l'action en répétition de l'indu, il lui incombe d'établir que le payement qu'elle a fait n'était pas dû.

Madame Edith B. ne conteste pas avoir commandé ces travaux qui ont été réalisés et qu'elle a par ailleurs réglés à Monsieur Jacky S.

Dès lors, en acceptant de payer ces deux factures en intégralité, en toute connaissance de cause et sans émettre ni manifester la moindre réserve, Madame Edith B. a accepté les prestations réalisées et leur prix.

S'il résulte du rapport d'expertise que les travaux réalisés ont été surfacturés, cette seule raison ne peut justifier la réfaction du prix des prestations fournies eu égard à l'accord des parties à ce titre.

En conséquence, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame Edith B. de sa demande en répétition de l'indu.

Sur la demande de dommages et intérêts

Madame Edith B. ne justifiant d'aucun préjudice, le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Les faits de l'espèce commandent de condamner Madame Edith B., qui a succombé, à verser à Monsieur Jacky S. une somme de 800 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Madame Edith B. sera en outre condamnée aux dépens d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne Madame Edith B. à payer à Monsieur Jacky S. la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande plus amples ou contraires des parties, Condamne Madame Edith B. aux dépens d'appel.