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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 1 mars 2017, n° 17-01310

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Rapid Systems CC (Sté)

Défendeur :

CDS Inc. (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Duminy, Vignes, Agid

T. com. Paris, du 7 déc. 2016

7 décembre 2016

Faits et procédure

La société Rapid Systems CC (ci-après, la " société Rapid Systems ") est une société de droit sud-africain, fondée, dirigée et détenue par Mr Zetler. La société conçoit et commercialise depuis plus de quinze ans des logiciels, applications numériques et sites Internet principalement destinés aux opérateurs de l'industrie de la mode. La société Rapid Systems a conçu, en particulier, le système de package Portfoliopad, permettant notamment la diffusion d'images en ligne. Ce système permet à une agence de mannequinat, après avoir souscrit un abonnement et acheté un logiciel à la société Rapid Systems, de constituer des portefeuilles numériques de mannequins à partir d'images stockées sur un serveur FTP de Rapid Systems, intitulé Portfoliopad. Ces portefeuilles de mannequins peuvent être transmis aux clients de l'agence par e-mail, via un lien hypertexte donnant accès au serveur FTP Portfoliopad.

La société CDS Inc. (ci-après, la " société CDS ") est une société de droit américain, constituée le 14 novembre 1994 par M. Jerôme Marechaux. Le capital de cette société est réparti entre M. Maréchaux à hauteur de 55 % et M. Zetler pour 45 %. M. Zetler a assuré les fonctions de président de la société CDS Inc. de 2005 jusqu'au mois de mars 2016, date à laquelle il a été révoqué de ses fonctions par le conseil d'administration et remplacé par Mme Treat. La société a pour objet la création et la commercialisation de logiciels, et, notamment, le logiciel " CDS Software (planification, imagerie, suivi de portefeuille) " ou CDS 6. Cette société prétend avoir développé également un logiciel appelé Agencypad, " de réservation, gestion de base de données et système de reporting, tout en un ".

Le 1er juin 2001, la société Rapid Systems a conclu avec les sociétés CDS Inc. et CDS SARL, société soeur de CDS Inc., inscrite au RCS de Paris et constituée le 6 mai 1984 par M. Maréchaux (qui en est le gérant et en détient 93 % du capital) un contrat de " distribution exclusive ", aux termes duquel elle a confié le soin à ces dernières de commercialiser le logiciel Portfoliopad et l'hébergement d'images sur le serveur FTP qui constituent ensemble le système de package Portfoliopad, dans plus de 80 pays. Aux termes de ce contrat, CDS Inc. doit promouvoir et distribuer dans tous les pays pour lesquels elle bénéficie d'une exclusivité territoriale les " produits contractuels ", et reverser mensuellement à Rapid Systems une commission calculée sur la base des ventes qu'elle réalise auprès des clients finaux.

Par lettre du 10 mai 2016, la société Rapid Systems a notifié aux sociétés CDS Inc. et CDS SARL qu'elle n'entendait plus poursuivre le contrat de distribution exclusive, et qu'elle fixait le terme de celui-ci au 1er juin 2017. Elle précisait que cette décision " s'applique naturellement à l'ensemble des produits, en ce compris Portfoliopad, Agencypad, Castingpad, les applications iOS et le Développement de Sites Web ". Par courrier adressé le 6 décembre 2016 à la société CDS France (CDS SARL), la société Rapid Systems a mis immédiatement un terme au contrat de distribution exclusive, conformément à l'article 16.4 du contrat. Cette lettre faisait état de plusieurs violations du contrat de distribution exclusive : accumulation d'arriérés de paiement, violation de l'obligation de non-concurrence, non réponse à des demandes de clients, proposition de prix trop bas, omissions de déclarations de recettes. La société Rapid Systems a également mis un terme aux relations avec CDS Inc. le 13 décembre 2016, lui signifiant dans ce courrier le retrait de son statut de distributeur exclusif, conformément à l'article 4.4 du contrat. Les deux sociétés CDS ont contesté la fin du contrat.

Par ailleurs, le 1er avril 2003, les sociétés CDS SARL et Rapid Systems ont conclu un contrat de franchise, aux termes duquel la société CDS SARL a autorisé la société Rapid Systems à utiliser et exploiter la marque CDS et à distribuer les produits CDS, définis comme " tous les logiciels, à l'exception du produit Portfoliopad, dont l'exploitation est proposée par le franchiseur au franchisé, et dont la liste figure en annexe ", exclusivement sur le territoire d'Afrique du Sud. Ce contrat est arrivé à terme le 1er avril 2016 car la société Rapid Systems n'a pas souhaité le renouveler. Un différend relatif au paiement des commissions de ce contrat de franchise est à l'origine de son non-renouvellement.

Le 13 avril 2016, la société Rapid System a déposé des droits d'auteur relatif au logiciel Agencypad auprès de l'office américain des copyrights. Le 29 mars 2016 la société CDS LLC, fondée par M. Zetler a déposé ses droits sur la marque Agencypad auprès de l'office des marques US.

Contestant ces revendications de propriété intellectuelle ainsi que certaines pratiques imputables à M. Zetler, la société CDS Inc. a, par acte du 29 avril 2016, assigné M. Zetler et les sociétés CDS LLC et Rapid Systems devant le juge de New-York. Le 6 juin 2016, le juge du district Sud de New York a accordé aux sociétés CDS des mesures provisoires, ordonnant à la société Rapid Systems d'accorder à la société CDS un accès, à égalité avec elle, aux compte et outils nécessaires à la conduite, par CDS, de ses activités, tant que l'affaire n'a pas été tranchée au fond. Le 21 juin 2016, informé par la société Rapid Systems de sa décision de saisir le Tribunal de commerce de Paris, le juge américain a rejeté la demande de sursis à statuer effectuée par la société Rapid Systems, par jugement du 4 août 2016, réitéré le 30 septembre 2016.

Par ordonnance du 10 août 2016, la société Rapid Systems a été autorisée à assigner la société CDS Inc., de droit américain, à bref délai.

Il était prétendu par la partie saisissante qu'en intentant une action en justice pour protéger ses droits de propriété intellectuelle sur le logiciel Agencypad, la société CDS Inc. avait violé notamment l'article 15.2 du contrat de distribution exclusive conclu avec la société Rapid System, aux termes duquel " les distributeurs promettent et acceptent de ne jamais contester ou mettre en cause la validité ou la propriété des Droits de propriété intellectuelle afférents aux Produits contractuels ". Prétendant que ce logiciel Agencypad était compris dans le périmètre du contrat de distribution exclusive, elle demandait donc au juge d'ordonner à la société CDS Inc. de cesser, sous astreinte de 1500 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir, de formuler de telles demandes en nullité de l'enregistrement par la société Rapid Systems de droits d'auteur sur le logiciel Agencypad et de l'enregistrement de la marque Agencypad.

Par jugement du 7 décembre 2016, le Tribunal de commerce de Paris a :

rejeté l'exception d'incompétence du Tribunal de commerce de Paris au bénéfice du Tribunal du district Sud de New-York,

rejeté l'exception d'incompétence du Tribunal de commerce de Paris au bénéfice du Tribunal de grande instance de Paris,

s'est déclaré compétent,

dit que le logiciel Agencypad n'est pas un " produit contractuel " au sens du contrat de distribution,

débouté la société Rapid Systems de sa demande sous astreinte de faire cesser la société CDS Inc. de formuler des demandes relatives à la nullité des droits d'auteur de la société Rapid Systems sur le logiciel Agencypad, et de l'enregistrement de la marque Agencypad par la société CDS LLC,

débouté la société CDS Inc de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

condamné la société Rapid Systems à payer la somme de 10 000 euros à la société CDS au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et la déboute du surplus,

ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie,

débouté les parties de leurs demandes plus amples, autres, ou contraires aux présentes dispositions,

condamné la société Rapid Systems aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 67,98 euros dont 11,12 euros de TVA.

Le tribunal de commerce a, en substance, dit " que le logiciel Agencypad n'est pas un " produit contractuel " au titre du contrat de distribution ". Il a, en conséquence, débouté la société Rapid Systems de sa demande de faire sous astreinte cesser la société CDS de formuler des demandes relatives à la nullité des droits d'auteur sur le logiciel et de l'enregistrement sur la marque Agencypad.

LA COUR,

Vu l'appel interjeté par la société Rapid Systems,

Vu la requête afin d'être autorisée à assigner à jour fixe,

Vu l'ordonnance d'autorisation du 24 janvier 2017,

Vu les conclusions de la société Rapid Systems, par lesquelles il est demandé à la cour de :

dire recevable et fondé l'appel interjeté par la société Rapid Systems,

y faisant droit,

dire irrecevable et subsidiairement mal fondé le déclinatoire de compétence présenté par la société CDS en première instance,

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable le déclinatoire de compétence présenté par CDS en première instance,

subsidiairement, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré mal fondé ce déclinatoire de compétence,

I/ Sur la violation du contrat de distribution, dire que la société Rapid Systems est fondée à alléguer à l'encontre de la société CDS

qu'en exerçant devant une juridiction américaine une action destinée à lui permettre d'être investie des droits de propriété intellectuelle attachés au logiciel Agencypad et à la Base de données avec laquelle fonctionne ce logiciel, la société CDS adopte un comportement illicite caractérisé par la violation des obligations qu'elle a souscrites aux termes des articles 11.1, 15.1 et 15.2 du contrat de distribution,

subsidiairement, qu'en exerçant devant une juridiction américaine une action destinée à lui permettre d'être investie des droits de propriété intellectuelle attachés à la Base de Données avec laquelle fonctionne le logiciel Agencypad, Base de Données qui correspond à celle du logiciel Portfoliopad, CDS adopte un comportement illicite caractérisé par la violation des obligations qu'elle a souscrites aux termes des articles 11.1, 15.1 et 15.2 du contrat de distribution,

infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que les violations contractuelles alléguées par la société Rapid Systems n'étaient pas établies,

II/ Sur les demandes que la société Rapid Systems est fondée à formuler à l'encontre de la société CDS Inc.

ordonner à la société CDS de cesser, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, de formuler de telles demandes et plus précisément d'affirmer comme elle le fait dans son acte introductif d'instance que :

" l'enregistrement par RS de droits d'auteur sur le logiciel Agencypad est nul, cet enregistrement doit être annulé, il doit être reconnu à la demanderesse la qualité de propriétaire unique des droits d'auteur se rapportant au code du logiciel, en ce compris, notamment, le code backend, le code frontend, la base de données, les procédures stockées et le schéma de la base de données pour Agencypad (...). La demande de LLC pour l'enregistrement de la marque Agencypad dont le numéro de série est le n° 86/956,066 est nulle, LLC doit retirer cette demande d'enregistrement de la marque Agencypad et ladite demande doit être annulée, il doit être reconnu à la demanderesse la qualité d'unique propriétaire des droits de propriété liés à la marque Agencypad "

subsidiairement, ordonner à la société CDS de cesser, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, d'affirmer comme elle le fait dans son acte introductif d'instance que :

" il doit être reconnu à la demanderesse la qualité de propriétaire unique des droits d'auteur se rapportant à la base de données, les procédures stockées et le schéma de la base de données, pour Agencypad ",

réserver à la juridiction de céans le droit de liquider elle-même l'astreinte provisoire sollicitée par la société Rapid Systems,

débouter la société CDS de toutes ses demandes, fins ou conclusions contraires,

condamner la société CDS à s'acquitter d'une somme de 20 000 euros au profit de la société Rapid Systems au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamner la société CDS aux entiers dépens, dont distraction au prodit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles ;

Vu les conclusions de la société CDS Inc., par lesquelles il est demandé à la cour de :

déclarer la société Rapid Systems irrecevable et en tout cas mal fondée en ses demandes,

constater que les dispositions contractuelles et plus précisément les articles 2.1.9, 11.1, 15.1 et 15.2 ne visent qu'à protéger les droits de propriété intellectuelle que détient Rapid Systems sur l'application Portfoliopad,

constater en toute hypothèse que le logiciel Agencypad ne constitue pas un " produit contractuel ",

constater que la société Rapid Systems est dans l'incapacité de démontrer un quelconque droit de propriété intellectuelle sur le logiciel Agencypad,

constater qu'en saisissant la cour de New York aux fins notamment de faire établir un dépôt frauduleux par la société Rapid Systems du code logiciel Agencypad et un dépôt frauduleux par la société CDS LLC de la marque Agencypad, la société CDS Inc. n'a commis aucun manquement contractuel de nature à engager sa responsabilité,

en conséquence,

- débouter la société Rapid Systems de sa demande tendant à voir ordonner à la société CDS Inc. de cesser, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, de formuler des demandes concernant le dépôt du droit d'auteurs sur le logiciel Agencypad et de la marque Agencypad,

- débouter la société Rapid Systems de sa demande subsidiaire tendant à voir ordonner la société CDS Inc. de cesser, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, de formuler des demandes relatives à la base de données d'Agencypad,

- dire et juger qu'en formant pareille demande devant les juridictions françaises, celle-ci présente nécessairement un caractère abusif eu égard aux décisions rendues par la cour de New York,

- condamner la société Rapid Systems à payer à la société CDS Inc. en réparation du préjudice subi de ce chef une somme globale de 50 000 euros,

- condamner la société Rapid Systems à verser à la CDS Inc. une somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, la condamner enfin aux entiers dépens ;

Les positions des parties relatives à la propriété du logiciel Agencypad et à son intégration dans le périmètre du contrat de distribution exclusive sont diamétralement opposées :

Les sociétés CDS SARL et CDS Inc. avancent que le produit n'a jamais été spécifiquement couvert par le contrat de distribution puisque ce logiciel appartient à la société CDS Inc qui l'a développé sur la base des fonctionnalités du logiciel CDS6.

La société Rapid Systems expose que, depuis 2012, les sociétés CDS et CDS Inc. distribuent également un logiciel développé par Rapid Systems à partir de 2010, nommé Agencypad, et que celui-ci constitue une adaptation du logiciel Portfoliopad sans lequel il ne peut ni être commercialisé ni fonctionner. La société Rapid Systems fait notamment état de commissions qui lui auraient été versées pour la distribution de ce logiciel, au même titre que les autres logiciels objets du contrat de distribution exclusive du " Produit Contractuel ".

SUR CE,

L'appelante affirme que les droits revendiqués par la société CDS Inc. devant le juge américain constituent des " Droits de propriété intellectuelle afférents aux produits contractuels " au sens de l'article 15.2 du contrat de distribution, ou encore une " évolution du logiciel Portfoliopad et/ou du code source et/ou du Système Portfoliopad " au sens de l'article 15.1 du contrat de distribution.

Dès lors, l'appelante s'estime fondée à imputer à la société CDS une violation de ses obligations contractuelles : en saisissant le juge américain, la société CDS aurait violé ses obligations contractuelles puisque la thèse qu'elle développe constituerait une négation pure et simple d'une obligation de ne pas faire contractée à l'égard de la société Rapid Systems et des droits que le contrat de distribution consacre au profit de la société Rapid Systems.

L'appelante ajoute que lorsque l'obligation en cause est une obligation de ne pas faire, l'exécution forcée doit se traduire par une injonction faite au débiteur de mettre un terme au comportement illicite qu'il a adopté, le cas échéant sous astreinte. Ainsi, la société Rapid Systems sollicite que la société CDS cesse de revendiquer devant le juge américain la propriété de droits sur le logiciel Agencypad et/ou sur la " Base de Données " avec laquelle fonctionne le logiciel et qu'elle s'abstienne de formuler de telles demandes à l'avenir.

Il appartient à la société demanderesse de rapporter la preuve de l'inexécution, par la société intimée, des obligations du contrat mises à sa charge.

Aux termes de l'article 15. 2 du contrat de distribution exclusive : " Les distributeurs s'engagent et s'obligent à ne jamais attaquer, contester ou remettre en question la validité ou la propriété des Droits de Propriété Intellectuelle afférents aux produits contractuels ".

Elle doit donc démontrer que le logiciel Agencypad, dont elle-même revendique la propriété devant les juridictions américaines, constitue un " produit contractuel ", dont la validité ou la propriété des droits intellectuels ne peut être contestée au sens du contrat.

Or, les produits contractuels sont limitativement définis au point 2.1.6 : " 'Produit Contractuel' signifie le logiciel Portfoliopad et le système Portfoliopad, qui constituent le système de package Portfoliopad, sauf indication contraire ". Il en résulte que le logiciel Agencypad n'est pas compris dans les " produits contractuels " couverts par la protection. Il résulte d'ailleurs des pièces versées aux débats que l'incorporation d'un nouveau logiciel dans le périmètre du contrat de distribution exclusive a toujours été consacrée par l'adoption d'un avenant, et n'a jamais été conclue oralement, ainsi que le souligne à juste titre la société intimée. Un avenant écrit du 1er novembre 2004, signé entre les parties, est en effet venu compléter les produits objets du contrat de distribution par les produits suivants : "Productionpad, Castingpad, la création et le développement de sites Web ". Aucun avenant n'évoque le logiciel Agencypad, alors même que l'article 22 du contrat précise que " le présent contrat et ses annexes ne seront pas annulés, modifiés ou amendés de quelque manière que ce soit, sauf par un accord dûment signé et remis par les représentants dûment autorisés des parties aux présentes ". Une évolution tacite du champ contractuel est donc exclue par définition.

La société Rapid Systems critique le jugement entrepris en ce qu'il n'aurait pas répondu à tous ses arguments. Elle évoque notamment la prétendue inertie de la société CDS Inc. qui n'aurait pas contesté la mention d'Agencypad dans la liste des produits visés par la non-reconduction du contrat de distribution, dans le courrier du 10 mai 2016. En effet, dans ce courrier, la société Rapid Systems a notifié aux sociétés CDS Inc. et CDS SARL qu'elle n'entendait plus poursuivre le contrat de distribution exclusive, et qu'elle fixait le terme de celui-ci au 1er juin 2017. Elle précisait que cette décision " s'applique naturellement à l'ensemble des produits, en ce compris Portfoliopad, Agencypad, Castingpad, les applications iOS et le Développement de Sites Web ".

Mais il y a lieu de souligner que, dès le 29 avril 2016, la société CDS Inc. avait déjà introduit une action aux États-Unis visant à voir déclarer nuls les dépôts de marques et de droit de propriété sur le logiciel Agencypad. Dès lors, le silence prétendu de la société CDS Inc. ne peut être interprété comme un acquiescement tacite à l'inclusion d'Agencypad dans le périmètre contractuel.

La société Rapid Systems prétend que CDS Inc. lui a payé des commissions au titre d'Agencypad sans émettre la moindre réserve, ce qui démontrerait, selon elle, que ce logiciel faisait partie du périmètre de la distribution exclusive. Elle verse aux débats des relevés de commissions, intitulés " CDS Ins. CDS Capetown Distributorship 2010 " faisant apparaître des commissions de 15 % versées pour Agencypad et de 30 % pour Portfoliopad, de janvier 2012 à décembre 2015, ainsi que des factures.

Mais il résulte des pièces versées aux débats que la société Rapid Systems percevait une commission de 15 %, lorsque les sociétés CDS vendaient le logiciel Agencypad, non pas parce que Rapid Systems était titulaire des droits du logiciel, mais au titre du logiciel Portfoliopad qui était vendu simultanément sous forme d'une offre groupée.

En effet, bien que distincts, les deux logiciels étaient vendus ensemble.

Il résulte en effet des pièces du dossier que, dès le début, était prévu un lien entre les deux logiciels indépendants. Il ressort de messages électroniques échangés entre la société CDS Inc. et CDS SARL que la création d'un projet de logiciel " CDS on line ", le futur " Agencypad ", était envisagé le 13 septembre 2010 par CDS Inc. Madame Riot écrivait ainsi à Brad Zetler, alors président de CDS Inc. " nous devons également préciser qu'il s'agit d'un nouveau projet complet avec un développement démarrant 'à partir de zéro' et non pas un développement de réservation en ligne qui tentera de s'adapter à la base de données réelle de Portfoliopad ". Il lui était alors répondu par celui-ci : " je suis d'accord pour dire qu'il s'agit d'un nouveau projet, mais il faut absolument qu'il fusionne avec Portfoliopad. Seul le modèle et la base de données de contact du client est affectée et devra probablement être modifiée sur le côté de PP aussi bien pour accommoder la réservation. Il est important que nous ayons UNE plate-forme unifiée qui nécessite une synchronisation zéro entre les applications ".

Ce lien est attesté par le système de rémunération convenu entre les parties. Un échange de mail des 28 et 29 janvier 2016 entre les sociétés CDS et Rapid Systems confirme qu'un client pouvait migrer d'un abonnement Portfoliopad associé au logiciel CDS6 (appartenant à CDS Inc. et entraînant une rémunération au seul profit de CDS) à un seul abonnement à Agencypad, incluant le booking Agencypad mais également un accès aux solutions du système d'imagerie Portfoliopad. Au titre de cet accès des clients aux fonctions d'imagerie de Portfoliopad, une commission de 15 % était versée par les sociétés CDS à la société Rapid Systems pour la vente Portfoliopad inclus dans l'offre Agencypad.

Cette répartition des commissions est illustrée dans les échanges de mails du 28 janvier 2016 concernant un client dénommé The Society qui avait initialement fait le choix de l'offre Agencypad pour finalement revenir à la solution du cumul CDS6/Portfoliopad : " Nous avons décidé de continuer à les facturer pour AP (Agencypad), même si ils utilisent maintenant CDS6 et PP (Portfoliopad). Donc 50 % de ce qu'ils paient est pour CDS6 et 50 % pour PP, donc la commission sur AP pour CDS LLC est correcte et ne doit pas être inversée. Nous avons décidé de continuer à les facturer pour AP, même si ils utilisent maintenant CDS6 et PP. Donc 50 % de ce qu'ils paient est pour CDS6 et 50 % pour PP, donc la commission sur AP pour CDS LLC est correcte et ne doit pas être inversée. Nous devons commencer à payer ce que nous devrions pour la commission AP qui est la même que PP 30 % " (pièce 22 de Rapid Systems).

La société Rapid Systems se réfère ensuite aux dispositions combinées des articles 2.1.9 et 15.2 du contrat.

Aux termes de l'article 15.2 du contrat de distribution exclusive : " Les distributeurs s'engagent et s'obligent à ne jamais attaquer, contester ou remettre en question la validité ou la propriété des Droits de Propriété Intellectuelle afférents aux produits contractuels ". L'article 2.1.9 définit les droits de propriété intellectuelle comme " toutes les marques ou tous les noms commerciaux (y compris les Marques), copyrights, brevets, et autres droits de propriété intellectuelle utilisés ou incorporés dans le Système Portfoliopad ou en relation avec celui-ci, y compris, mais sans caractère limitatif, le Logiciel et/ou le Code Source ". La société Rapid Systems prétend que le simple fait que le logiciel Agencypad ne soit pas commercialisé séparément du logiciel Portfoliopad démontre que ces logiciels sont " en relation " car le logiciel Agencypad repose sur la base de données du logiciel Portfoliopad, sans laquelle il ne peut fonctionner de manière indépendante.

Mais le seul fait pour le logiciel Agencypad d'être " en relation " avec Portfoliopad ne suffit pas à démontrer que les droits de propriété intellectuelle sur ces deux logiciels seraient partiellement identiques.

La société appelante ne démontre pas davantage qu'Agencypad constituerait une " évolution du logiciel Portfoliopad et/ou du code source et/ou du Système Portfoliopad ", au sens de l'article 15.1 du contrat.

L'expertise qu'elle verse aux débats ne démontre pas à suffisance de droit que les droits de propriété intellectuelle de Portfoliopad auraient été repris pour construire le logiciel Agencypad. La seule circonstance que les deux logiciels partagent partiellement ou complètement la même base de données ne saurait en soi faire rentrer Agencypad dans les " produits contractuels " qui ne les visent pas. Le fait que Portfoliopad assure la fonction d' " administration " des clients d'Agencypad au sens qu'une nouvelle agence est d'abord connectée sur Portfoliopad avant d'être connectée à Agencypad, selon l'expert de l'appelante, ne saurait permettre de conclure qu'Agencypad emprunte suffisamment de propriétés constituant des droits de propriété intellectuelle à Porfoliopad pour constituer une simple extension de ce logiciel. L'expert de la société intimée qualifie cette dépendance technique de mineure et expose qu'elle s'explique par des raisons historiques.

Il apparaît au contraire, au vu des pièces soumises à la cour, que le logiciel Agencypad constitue une évolution du logiciel CDS6 appartenant à CDS Inc, qui a presque toujours été vendu avec Portfoliopad. Selon l'expert de l'intimée, les deux logiciels présentent au niveau des captures d'écran de nombreuses similitudes. A l'inverse, les liens entre les logiciels Agencypad et Portfoliopad sont plus rares, le logiciel Portfoliopad ayant pour objectif essentiel de gérer des données visuelles (logiciels de photos).

Par ailleurs, la société Rapid Sytems ne démontre pas, en l'état, devant la cour détenir des droits de propriété intellectuelle sur le logiciel Agencypad.

Enfin, la société Rapid Systems ne démontre pas que la société CDS Inc. aurait violé l'article 18.1.1 du contrat de distribution qui prévoit que durant neuf mois à compter de la date de résiliation du contrat, elle ne devra pas s'intéresser à un logiciel identique ou similaire à Portfoliopad, échouant à démontrer que Agencypad constitue un tel logiciel.

Il convient donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le logiciel Agencypad ne constituait pas un " produit contractuel " au titre du contrat de distribution et a en conséquence débouté la société Rapid Systems de sa demande sous astreinte de faire cesser les actions en nullité de la société CDS Inc. devant les juridictions américaines.

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive

La société CDS Inc. sollicite la condamnation de la société Rapid Systems au paiement d'une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette procédure abusive. Elle expose que la présente instance a pour seul objet de s'opposer à une action devant les juridictions américaines et d'interdire à la cour de New York examiner les agissements frauduleux de la société Rapid Systems et de Monsieur Zetler.

Mais le droit d'ester en justice constitue un droit fondamental dont la privation ne peut être qu'exceptionnelle. Constitue ainsi un abus du droit d'ester en justice une action manifestement vouée à l'échec, intentée dans le seul dessein de nuire aux intéressés.

En l'espèce, la preuve n'est pas rapportée de cette intention, compte tenu de la complexité du contentieux en cause et de l'imbrication des diverses demandes pendantes devant les juridictions tant américaines que françaises.

Il y a donc lieu de rejeter cette demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles,

La société Rapid Systems succombant, elle sera condamnée à supporter les dépens et sera condamnée à payer à la société CDS Inc. la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, condamne la société Rapid Systems aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, condamne la société Rapid Systems à payer à la société CDS Inc. la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.