CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 8 mars 2017, n° 14-23938
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
EFR France (SAS)
Défendeur :
Belhous, El Gareh, Imane (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bartholin
Conseillers :
Mmes Gallen, Fremont
Avocats :
Mes Grappotte-Benetreau, Nin, Pinto
Faits et procédure
La société BP France a donné en location-gérance à la société Imane un fonds de commerce de station-service situé 16 avenue Aristide Briand à Montreuil (93 100), suivant contrat conclu le 2 octobre 2006 comportant mandat de distribution de la vente de carburants. La société Delek France est venue aux droits et obligations de la société BP France suite à un apport partiel d'actif de la branche d'activité de distribution de carburant de BP France.
M. Ali Belhous et Mme El Gareh se sont portés cautions personnelles et solidaires de la société Imane à hauteur respectivement de 40 000 euros et 25 000 euros au profit de la société Delek France.
La société Imane outre la gestion de ce fonds de station-service comportant mandat de la vente de carburants pour le compte de la société BP France, exploitait au sein de la station un point de vente de type supérette sous l'enseigne "Huit à 8".
Aux mois de juin et juillet 2011, compte tenu des ventes de carburants et encaissements réalisés par la société Imane, la société Delek France a émis des ordres de prélèvement automatique magnétique (PAM) en vue de la restitution desdites recettes carburants telles qu'encaissées par la société Imane.
Ces ordres de mouvement ont été systématiquement retournés impayés, la société Imane ayant donné instruction à sa banque de retirer l'autorisation de prélèvement accordée à la société Delek France pour la restitution des recettes issues de la vente de carburants.
Le 19 juillet 2011, la société Delek France a mis en demeure la société Imane de lui payer par chèque de banque la somme de 44 840,47 euros avant le 22 juillet 2011.
Le 21 juillet suivant, la société Imane a justifié son opposition en sollicitant le remboursement par la société Delek France de la somme de 200 154,20 euros au titre des pertes subies depuis le début de leurs relations contractuelles.
Le 22 juillet 2011 la société Delek France a notifié à la société Imane la résiliation du contrat de location-gérance avec obligation de restitution de la station-service à effet du 27 juillet 2011 à six heures.
La société Delek France a effectué deux saisies conservatoires les 27 juillet 2011 et 4 août 2011 sur les comptes bancaires de la société Imane et le 5 août 2011 sur les comptes bancaires des garants. La société Imane a restitué la station-service le 17 août 2011.
La société Delek France a déposé plainte des chefs des délits de vol, d'abus de confiance, d'escroquerie et de recel le 29 juillet 2011 auprès du Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bobigny, suivie d'une nouvelle plainte avec constitution de partie civile contre X le 9 mai 2012.
Par jugement en date du 25 septembre 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :
- dit que si la société Imane a subi des pertes d'exploitation au cours des exercices 2006 à 2011 au titre de la revente de carburant conformément aux dispositions de l'article 2000 du Code civil, celles-ci doivent être supportées par la société Delek France,
- ordonné une expertise,
- désigné en qualité d'expert M. Alain Auvray demeurant 5 avenue Franklin Roosevelt 75008 Paris - Tél. 01 44 95 16 40
- enjoint aux parties de remettre à l'expert judiciaire tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission,
- donné à l'expert la mission suivante, compte tenu des motifs de la présente décision :
* dire s'il existait des pertes d'exploitation spécifiquement sur l'activité sous mandat de distribution de carburants, dans l'affirmative :
* chiffrer le montant de ces pertes pour la période allant du 2 octobre 2006 au 17 août 2011,
* déterminer les causes et l'origine de ces pertes,
* vérifier le montant des ventes de carburant non restituées,
* déterminer le montant de la prime de fin de contrat,
* faire le compte entre les parties en portant au crédit du compte de la société Imane s'il y a lieu la prime de fin de contrat et/ou toute autre somme dont il aura connaissance dans le cadre de ses opérations d'expertise (loyers, marchandises en stock, factures restant dues').
- fixé à 5 000 euros le montant de la provision à consigner par moitié entre les parties avant le 15 décembre 2014 au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l'article 289 du Code de procédure civile,
- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera constaté que la désignation de l'expert est caduque (article 271 du Code de procédure civile) et l'instance poursuivie,
- dit que lors de sa première réunion, laquelle devra se dérouler dans un délai maximum de deux mois à compter de la consignation de la provision, l'expert devra après débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge du contrôle des mesures d'instruction ce qu'il aura retenu pour ce qui concerne la méthodologie qu'il compte mettre en œuvre, le calendrier détaillé de ses investigations, d'où découlera la date de dépôt de son rapport, et le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, ainsi que la date de dépôt du rapport, lequel juge rendra une ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire, dans les conditions de l'article 280 du Code de procédure civile, ainsi que le délai prévu pour le dépôt du rapport,
- dit que, si les parties ne viennent pas à composition entre elles, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe dans un délai de six mois à compter de la consignation de la provision fixée ci-dessus et, dans l'attente de ce dépôt, inscrit la cause au rôle des mesures d'instruction,
- dit que le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction suivra l'exécution de la présente expertise,
- réservé les autres demandes des parties, ainsi que les dépens,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
La société EFR France (anciennement dénommée Delek France) relevé appel de ce jugement le 27 novembre 2014.
Par ses dernières conclusions signifiées le 18 novembre 2016 au visa des articles 1134, 1999, 2000 ainsi que 1347 anciens du Code civil et les articles L. 110-1 et L. 232-22 du Code de commerce, elle demande à la cour de :
Sur l'information pré-contractuelle :
- juger que BP France (aux droits de laquelle vient EFR France) a régulièrement appliqué la loi Doubin et que la société Imane ne rapporte pas la moindre preuve que son consentement aurait été vicié,
- constater que Monsieur Belhous, gérant de la société Imane a personnellement géré la station-service BP de Montreuil pour la société Gesmin juste avant de constituer la société Imane de sorte que le gérant de la société Imane avait personnellement connaissance des résultats économiques de la station-service,
- débouter les demandeurs de toute demande qu'ils pourraient former au titre d'une prétendue violation de la loi Doubin,
Sur la renonciation à l'indemnisation des pertes du mandat :
- juger que les recettes-carburant sous mandat ne constituent pas du chiffre d'affaires pour la société Imane,
- juger qu'il n'est pas démontré que l'exploitation commerciale de la station-service BP de Montreuil serait structurellement déficitaire,
- juger que les pertes dont la société Imane demande réparation sont imputables à l'activité Boutique hors mandat et pas imputable à EFR France,
- le déclarer irrecevable en ses prétentions aux motifs que :
a) la société Imane ne saurait venir contre son propre fait et se contredire au détriment de EFR France sur le fondement de l'adage "nul ne peut se contredire au détriment d'autrui" et n'est pas fondée à critiquer aujourd'hui le fait qu'elle a renoncé aux bénéfices des articles 1999 et 2000 du Code civil,
b) juger qu'en s'abstenant de déposer régulièrement ses comptes annuels, la société Imane a manqué à ses obligations contractuelles au titre de l'apurement des comptes,
c) juger que la société Imane a valablement renoncé aux articles 1999 et 2000 du Code civil, lesquels ne sont pas d'ordre public,
- la déclarer mal-fondée en ses prétentions aux motifs que :
a) la société EFR ne saurait garantir à la société Imane par l'octroi de commissions supplémentaires une marge commerciale sur l'activité carburant supérieure à celles généralement constatée dans ce secteur,
b) juger que la société Imane n'allègue pas et démontre encore moins :
* avoir été victime d'une quelconque discrimination par rapport à d'autres membres du réseau quant à la fixation du prix,
* ou que les prix fixés par BP France (aux droits de laquelle vient la société EFR France) seraient anormalement supérieurs aux prix du marché,
c) juger que les AIP ne mettent nullement à la charge de la compagnie pétrolière une obligation de combler les pertes d'exploitation éventuelles du pompiste et qu'aux termes des AIP, la Compagnie pétrolière s'engage simplement à examiner à tout moment la situation d'un pompiste qui estimerait ne pas dégager un résultat d'exploitation positif,
d) juger que la renonciation aux articles 1999 et 2000 ne sont pas en contradiction avec les AIP,
A titre subsidiaire,
- juger que la mission d'un expert devra être la suivante :
* dire si la politique de prix à la pompe pratiquée par la SA BP France (aux droits de laquelle vient la société EFR France) pour la station exploitée par la société Imane était, ou non, discriminante pour cette dernière, et, dans l'affirmative, si cette discrimination n'était pas justifiée,
* dire, si à son avis, la station-service de la société Imane a été, ou non, mise dans l'impossibilité de concurrencer les stations environnantes,
* donner son avis sur le niveau des stocks,
* dire si les éventuelles pertes d'exploitation ont pour seule origine la politique de prix à la pompe.
En tout état de cause,
- condamner solidairement la société Imane, M. Ali Belhous et Mme Khadija El-Gareh au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner solidairement la société Imane, Monsieur Belhous et Madame El-Gareh aux entiers dépens.
Par leurs dernières conclusions signifiées le 24 avril 2015 au visa des articles 1131, 1999 et 2000 du Code civil, les articles L. 330-3 et L. 442-6 du Code de commerce et l'article 3 du préambule des AIP (Accords Interprofessionnels), la société Imane, M. Ali Belhous, et Mme Khadija El Gareh demandent à la cour de :
- juger que la société Delek n'a pas permis à la société Imane de renoncer à l'article 2000 du Code civil en connaissance de cause,
- juger que société Delek ne peut se prévaloir d'une clause limitant sa responsabilité qui contredit la portée d'une obligation essentielle contenue à l'article 3 du préambule des AIP, qu'elle a de surcroît délibérément violé,
- juger que la société Delek doit rembourser à la SARL Imane les pertes du mandat de la station qui ont pour origine un fait dont elle a conservé la maîtrise,
- juger la rupture des relations contractuelles imputable à société Delek France,
- décharger Monsieur Belhous et Madame El Gareh de leur engagement de caution respectif,
En conséquence,
- condamner la société Delek France à verser à la société Imane la somme de 935 976,18 euros HT au titre des pertes du mandat, sauf à parfaire,
À titre subsidiaire,
- nommer tel expert qu'il lui plaira aux frais avancés par la société Delek France avec la mission de :
* chiffrer le montant des pertes afférentes à la seule activité de distribution des carburants,
* déterminer l'origine de ces pertes notamment au regard de la faiblesse des commissions,
En tout état de cause,
- condamner société Delek France à verser à la société Imane la somme de 150 000 euros au titre du non-respect de ses obligations et de la rupture des relations contractuelles,
- condamner la société Delek France à calculer et à verser la prime de fin de contrat augmenté des intérêts dus à la société Imane pour l'exploitation de la station pour les périodes allant du 2 octobre 2006 au 17 août 2011, date de rupture effective des relations contractuelles, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- ordonner à société Delek France de restituer à M. Belhous la somme de 40 000 euros et à Mme El Gareh la somme de 25 000 euros perçues à titre de caution sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- condamner société Delek France à verser à la société Imane la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- condamner société Delek France à verser à Monsieur Belhous et à Mme El Gareh la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal avec capitalisation conformément à l'article 1154 du Code civil à compter de la demande,
- débouter société Delek France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Sur ce
I - Sur le vice du consentement et/ou le défaut d'information pré-contractuelle ou contractuelle :
La société Imane fait valoir qu'elle ne s'est pas engagée en connaissance de cause car la société pétrolière n'a fourni à M. Belhous son gérant, préalablement à la signature du contrat, qu'un document d'information pré-contractuelle parcellaire, qu'il n'avait aucune information sur la rentabilité de la station et les éléments financiers (commissions, loyers, résultats) et qu'il a donc été obligé de faire confiance à la société Delek France laquelle a délibérément violé une obligation prescrite par l'article L. 330-3 du Code de commerce et les AIP (Accords Interprofessionnels), le non-respect de cette obligation étant sanctionné par l'impossibilité pour le débiteur de cette obligation de se prévaloir de la clause de renonciation à l'article 2000 du Code civil.
Que M. Belhous n'a pas été salarié de la station pendant une période de quatorze ans avant de signer le contrat, mais pendant trois ans contrairement à ce qu'affirme la société appelante ;
Que la renonciation aux articles 1999 et 2000 stipulée au contrat est enfin contraire aux dispositions contenues dans le préambule des Accords Interprofessionnels.
Or il résulte du contrat signé entre la société BP aux droits de laquelle se trouve la société Delek d'une part et la société Imane représentée par son gérant M. Belhous s'autre part et M. Belhous lui-même et son épouse désignés comme cautions que :
" La société BP a remis à M. Belhous un dossier d'information pré-contractuel, trois semaines avant la signature du contrat lui-même, rappelant l'environnement concurrentiel national ainsi que les conditions déterminantes de l'engagement de BP, à savoir le dynamisme commercial et la gestion rigoureuse du gérant, dans la conservation et le développement du fonds de commerce qui lui est confié ;
Après avoir étudié le dossier pré-contractuel, ainsi que les autres éléments mis à disposition, le gérant a fait part de sa volonté de conclure le présent contrat ".
A cette occasion a été remis à M. Belhous un projet de contrat dont il n'est pas démontré qu'il ne contenait pas les informations relatives au montant du loyer et des commissions comme il est soutenu.
Il est encore indiqué plus avant que le contrat vise " les dispositions du protocole relatif à l'exploitation en location-gérance d'un fonds de commerce de station-service de société pétrolière (ci-après Accord interprofessionnel) du 12 janvier 1994 dont il reconnaît avoir reçu un exemplaire et accepter les termes ainsi que tous avenants et accords à venir, pour autant qu'ils demeurent en vigueur ",
Enfin, il est précisé que le contrat est régi par les dispositions des articles 1984 et suivants du Code civil " à l'exception des dispositions des articles 1999 et 2000 du Code civil qui sont mentionnés en termes clairs comme prévoyant notamment d'une part que le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a fait pour l'exécution du mandat s'il n'y a aucune faute imputable au mandataire, et d'autre part que le mandant doit aussi indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyées à l'occasion de sa gestion, sans imprudence qui lui soit imputable ".
Cette renonciation au bénéfice des articles 1999 et 2000 du Code civil ne contredit pas les dispositions des Accords Professionnels suivant lesquelles la gestion d'une station-service suppose que l'exploitant s'il se comporte en bon commerçant et en bon gestionnaire dégage un résultat annuel d'exploitation positif et qu'en conséquence, la société s'engage à étudier à tout moment le cas de toute station qui pourrait être soumis par l'exploitant qui estimerait ne pas dégager un tel résultat, cette disposition des AIP tempérant précisément la renonciation aux dispositions favorables des articles précités contenue dans le contrat.
M. Belhous a déclaré avoir ainsi parfaite connaissance du cadre juridique du contrat et notamment de l'Accord interprofessionnel du 12 janvier 1994 qui lui a été communiqué préalablement et dont il a accepté les termes.
Enfin, M. Belhous ès qualités a reconnu avoir reçu, au moins trois semaines avant la signature du contrat de location-gérance, une formation à la gérance d'une station-service ainsi que les informations nécessaires et pièces contractuelles relatives au contrat de gérance lui permettant en connaissance de cause de se déterminer et/ou de poursuivre les conditions d'exploitation de la station-service ; Il s'y ajoute que M. Belhous avait travaillé comme salarié pendant quelques années au sein de cette station-service.
En conséquence, M. Belhous ès qualités de gérant de la société Imane qui ne démontre en aucune manière la fausseté des affirmations contenues dans le contrat, l'a signé en ayant reçu les informations pré-contractuelles et contractuelles nécessaires à l'engagement de sa société et les allégations concernant le défaut d'information pré-contractuelle et contractuelle ne sont donc pas fondées.
II - Sur la demande d'indemnisation des pertes :
II - 1 - Sur le principe de l'indemnisation :
En présence d'une clause contractuelle d'exclusion des articles 1999 et 2000 du Code civil, il y a lieu néanmoins de rechercher si le mandant a conservé les éléments de l'exploitation lui conférant la maîtrise de l'activité de vente des carburants de telle façon qu'il ne disposerait d'aucune liberté dans la gestion du risque d'exploitation.
La société pétrolière fait valoir que la société Imane ne démontre ni le caractère insuffisant des commissions carburants (fixe et variables), ni une quelconque difficulté dans la fixation des prix à la pompe qui aurait été la cause exclusive des pertes qu'elle revendique, ni avoir été victime d'une quelconque discrimination par rapport à d'autres membres du réseau, ni que les prix fixés par la société EFR France, anciennement dénommée Delek France, seraient anormalement supérieurs au prix du marché. Elle demande à la cour si, par extraordinaire, il était fait droit à la demande d'expertise, que l'expert ait notamment pour mission de dire si la politique des prix à la pompe pratiquée par la société BP France (aux droits de laquelle vient la société EFR France) pour la station exploitée par la société Imane était, ou non, discriminante pour cette dernière et, dans l'affirmative, si cette discrimination n'était pas justifiée.
Or au cas d'espèce, la société Delek France a conservé tout au long des relations la maîtrise de tous les éléments relatifs la distribution des carburants (fixation des prix, horaires d'ouverture de la station, modalités de livraisons, quantités, stockage, moyens de paiement, modalités de reversement de la recette), laquelle représentait une part importante des ventes totales de la station-service ;
Les observations de la société Delek France quant à l'absence d'abus dans la fixation du prix ou encore d'une quelconque discrimination par rapport à d'autres membres du réseau sont à cet égard inopérantes, dès lors qu'il s'agit essentiellement de vérifier si le montant de commissions versées à l'exploitant étaient au cas d'espèce suffisantes pour lui permettre de couvrir les charges inhérentes au mandat.
II - 2 - Sur l'existence de fautes de la société Imane :
Pour s'opposer aux demandes de la société Imane, la société EFR France se prévaut de l'existence de fautes commises par M. Belhous gérant de la station-service et fait valoir que le tribunal n'a pas statué sur ses demandes indemnitaires concernant les préjudices subis du fait de la non-restitution des recettes-carburants, des impayés et lié à l'occupation illicite de la station-service.
Elle soutient que la résiliation du bail à l'encontre de la société Imane est fondée au regard de l'article 15 "Clauses résolutoires" de la section III du contrat de location-gérance, sur le défaut de restitution des recettes-carburants pour un total de 275 700,41 euros, la société Imane n'ayant pas eu véritablement de problème de trésorerie comme elle le prétend dans la mesure où elle a formé opposition unilatérale auprès de sa banque auxdits prélèvements, pour ensuite transférer l'intégralité des recettes-carburant vers un autre compte.
Que les loyers sont restés impayés pour les mois de juin et juillet 2011 pour un montant total de 17 416,38 euros,
Que la société Imane lui doit ainsi une somme de 233 707,81 euros au total dont elle demande condamnation sous astreinte de 1 500 euros par jour, augmentée des intérêts légaux à compter du 27 juillet 2011 avec anatocisme.
Elle conteste à cet égard un prétendu droit de rétention des recettes-carburants invoqué par la société Imane et l'existence d'une convention de compte-courant entre elle et l'intimée, cette dernière n'apportant pas la preuve de l'existence d'une telle convention dans le contrat de location-gérance, faute d'intention commune en ce sens.
La société appelante invoque encore la violation de la clause de non-concurrence prévue à l'article 13 du contrat de location-gérance par M. Belhous, gérant de la société Imane, en ce qu'il a fait l'acquisition d'un fonds de commerce d'alimentation générale au n° 10 boulevard de Aristide Briand - Montreuil (93 100), qui concurrence directement l'activité Boutique de la station BP puisqu'il est situé à peine à 150 mètres de la station.
La société Imane fait valoir en réponse qu'un mécanisme de compensation est prévu à l'article 5.3 du contrat de location-gérance, que les commissions qui lui étaient allouées par la société EFR France, anciennement dénommée Delek France, pour couvrir ses charges d'exploitation liées à la vente de ses carburants se sont révélées être insuffisantes, notamment du fait que la société appelante prélevait un loyer d'un montant à peine inférieur à celui des commissions.
Le contrat de location-gérance comportant mandat de vente de carburants instaure un système de compensation entre les prélèvements opérés automatiquement par la société Pétrolière d'une part concernant le loyer, la partie fixe du loyer étant prélevée automatiquement en début de mois et la partie variable représentant 6 % du chiffre d'affaires mensuel réalisés sur les ventes boutique hors tabac, presse et cartes téléphoniques et cadeaux et 5 % du chiffre d'affaires lavage, étant réglée en fin de mois du mois suivant, et les commissions fixes et variables d'autre part, payées pour les unes en début de mois et pour les autres en début de mois suivant ;
La restitution des recettes mandat est prévue quant à elle se faire chaque jour par prélèvement automatique à l'initiative de BP, sur le compte bancaire de la société gérante.
L'échange de courrier que les deux parties ont effectué en juillet 2011 révèle que la société Delek France était informée des difficultés financières de la station qu'elle imputait pour sa part à des erreurs de gestion et une augmentation de la masse salariale, souhaitant en raison de l'insuffisance des capitaux propres de la société mettre fin au contrat en demandant au gérant de faire désormais l'avance des frais d'approvisionnement en carburant, ce à quoi M. Belhous s'est opposé en faisant valoir les difficultés financières liées à la concurrence, aux deux braquages subis et à l'insuffisance des commissions par rapport aux prélèvements de loyers et indiquant in fine qu'il n'avait pas les moyens de faire l'avance des frais de réapprovisionnement ;
Ce contexte hautement conflictuel précédant immédiatement la rupture effective des relations et alors que la société Delek France avait décidé elle-même de modifier unilatéralement les conditions de livraison des carburants ne permet pas à ce stade de retenir que la société Imane a délibérément commis une faute de gestion la privant de la possibilité de réclamer l'indemnisation des pertes d'exploitation.
Quant à la violation de la clause de non-concurrence, M. Belhous ne conteste pas avoir acquis un fonds de commerce d'alimentation générale mais indique sans être démenti que ce fonds est fermé depuis plusieurs années et la société Delek France n'est pas en mesure de produire des éléments suffisants quant aux conditions d'acquisition et d'exploitation de ce fonds pour lui permettre de démontrer tant l'existence d'une violation par M. Belhous de la clause de non-concurrence que la faute de gestion induite par l'exploitation d'un fonds concurrent.
Les dettes éventuelles de la société Imane, qu'il s'agisse de la restitution des recettes liées à la vente de carburant ou encore d'un arriéré de loyers devront s'imputer sur les créances de la société Imane telles qu'elles seront examinées plus avant ; le préjudice résultant pour la société Delek France du retard de paiement ou de restitution de la station sera lui-même examiné lors de la fixation de sa créance.
La société Delek France met également en avant l'absence de dépôt régulier de ses comptes pour les exercices 2010 et 2011 par la société Imane.
Or la société Imane produit aux débats ses bilans comptables pour les années considérées de telle sorte que l'allégation suivant laquelle le défaut de dépôt des comptes au greffe du tribunal de commerce laisse présumer leur absence de sincérité ne trouve pas à ce stade à s'appliquer. La société Delek France conteste enfin l'allégation de la société Imane quant à sa prétendue structure déficitaire et relève que de l'aveu-même de la société intimée, les pertes d'exploitation sont imputables à l'activité boutique hors mandat, notamment en raison de différents vols de fonds de caisse, l'interdiction de vente d'alcool dans les stations-services et l'ouverture en 2011 d'un centre commercial Super U à proximité, éléments dont la société EFR France, anciennement dénommée Delek France, n'est pas responsable.
Or, l'existence et l'importance des pertes cumulées entre 2006 et 2011 et les comptes détaillés établis par la société Imane quant à l'imputation des pertes liées à l'activité de vente de carburant représentant une part essentielle de l'activité de la station-service constituent des commencements sérieux de preuve de l'imputabilité des pertes à l'activité vente de carburants que la mesure d'expertise ordonnée devra permettre ou non d'établir avec précision, l'expert devant s'attacher à déterminer si les pertes d'exploitation trouvent leur origine dans l'exploitation de l'activité vente de carburants par rapport à celle de l'activité boutique.
III - Sur la prime de fin de contrat :
La société Imane rappelle que l'article 5.3 des AIP institue une prime de fin de contrat, qu'en l'espèce la société Delek France n'a ni calculée ni réglée au motif que le contrat n'aurait pas duré trois ans, alors que les relations ont débuté le 2 octobre 2006.
Ils demandent en conséquence que la société pétrolière soit condamnée à lui verser la prime de fin de contrat augmenté des intérêts dus à la société Imane pour l'exploitation de la station pour les périodes allant du 2 octobre 2006 au 17 août 2011, date de la rupture effective des relations contractuelles, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.
Néanmoins, l'expertise en cours devant déterminer l'existence ou non de fautes de gestion, il est prématuré de faire droit à cette demande qui sera examinée par l'expert comme indiqué dans sa mission.
IV- Sur la rupture brutale des relations et ses conséquences :
La société Imane expose que la société appelante est à l'origine de la rupture brutale des relations contractuelles, que la société Delek France a en effet préféré rompre les relations contractuelles plutôt que de satisfaire à son obligation de revoir les conditions économiques pour que le contrat puisse perdurer ;
La société Delek France fait valoir qu'elle a accordé initialement un préavis de six mois à la société Imane et n'a ensuite réclamé restitution de la station que compte tenu de l'attitude fautive du gérant ;
La société Delek France écrivait le 5 juillet 2011 à M. Belhous ès qualités de gérant de la société Imane en ces termes :
" La communication le 24 juin 2011, lors de notre entretien, d'une situation à six mois arrêtée au 30 mars 2011 laissant apparaître une perte de 52 000 euros démontre une aggravation de votre situation financière.
De surcroît, vous nous avez informé lors de cet entretien que vous n'aviez pas encore obtenu de la part de votre compagnie d'assurance le remboursement des sinistres ayant engagé des pertes financières très importantes pour votre SARL.
Vous nous avez également déclaré ne pas avoir encore envoyé les documents indispensables à la résolution du dossier d'expertise pour le sinistre datant du mois de novembre 2010.
Toutes ces anomalies et négligences nous amènent à douter de votre implication forte dans la gestion de votre SARL et douter de votre volonté de mettre en place un plan de redressement rapide et solide.
Les capitaux propres de votre SARL fortement négatifs sont de nature à compromettre la pérennité de votre entreprise et font courir un risque financier très important à notre société. C'est pourquoi lors de cet entretien, nous vous avons exposé l'impérieuse nécessité de mettre fin rapidement au contrat de location-gérance qui lie nos deux sociétés.
Vous avez informé lundi 27 juin 2011 par message téléphonique de votre volonté de poursuivre l'exploitation de ce fonds de commerce. Nous prenons acte de votre décision.
Cependant, nous vous confirmons par la présente notre intention de dénoncer le contrat de location-gérance susmentionné ainsi que ses avenants.
Cette résiliation sera effective le 4 janvier 2012 à 6 heures ".
Si l'existence des Accords professionnels préconisant une durée de préavis de six mois ne dispense pas de rechercher si le préavis qui respecte le délai minimal tient compte de la durée des relations et de la dépendance économique, force est de relever que la société Imane ne justifie pas précisément au regard de ces deux éléments, les relations ayant duré cinq ans, de la nécessité de lui voir accorder un préavis plus ample que celui initialement prévu. Il ne sera donc pas fait droit à cette demande.
V - Sur le recours contre les cautions :
La société Imane fait valoir qu'il n'est pas prouvé qu'elle était débitrice, que la société Delek France ne pouvait donc recourir aux cautions et qu'il existe une incohérence entre la somme réclamée aux cautions et la mention manuscrite figurant sur la dernière page du contrat, chacune des cautions n'ayant pas signé un engagement à hauteur de 65 000 euros mais à hauteur de 40 000 euros pour M. Belhous et 25 000 euros pour Mme El Gareh.
Que les engagements ne sont pas valables, faute pour les cautions d'avoir pu s'engager en connaissance de cause et sont disproportionnés. Elle demande que les cautions soient déchargées de leurs engagements respectifs et que leur soient restituées les sommes qu'ils ont versées et ce, sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la décision à intervenir.
Or la société Imane et les consorts Belhous ne démontrent ni en quoi les engagements de cautions limités dans leur montant à 40 000 euros pour M.Belhous et 25 000 euros pour Mme El Gareh étaient disproportionnés par rapport à leurs revenus conjoints de 38 958 euros par an en 2006 et ni en quoi ils encourent la nullité de sorte qu'ils doivent être considérés comme ayant été valablement souscrits ;
La société appelante justifie de son côté avoir fait application envers les garants de la société Imane de l'article 8 de la Section III du contrat de location-gérance du 26 avril 2005, et de l'article 10 de l'annexe 1 dudit contrat, dans lequel M. Belhous et Mme El Gareh se sont portés garants de la société intimée en qualité de cautions personnelles et solidaires à hauteur de la somme totale de 65 000 euros.
La cour n'étant pas saisie du litige concernant la mise en œuvre de la saisie conservatoire opérée par la société Delek France n'a pas à ce stade à en ordonner main- levée. La demande en restitution des sommes versées suivra le sort du fond.
VI - Sur les autres demandes :
La société Delek France qui succombe essentiellement en son recours supportera les dépens et paiera à la société Imane la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Réformant le jugement dont appel, en ce qu'il a jugé que si la société Imane a subi des pertes d'exploitation au cours des exercices 2006 à 2011 au titre de la revente de carburant conformément aux dispositions de l'article 2000 du Code civil, celles-ci doivent être supportées par la société Delek France, cette disposition étant prématurée, Déboute la société Imane et les époux Belhous de leur contestation quant à la validité du consentement donné au contrat de location-gérance, Confirme le jugement dont appel en ce qu'il a ordonné une expertise pour permettre de déterminer l'existence des pertes et leur lien avec l'activité sous mandat de vente de carburants mais aussi, les causes et l'origine des pertes, incluant l'analyse de la gestion par la société Imane, et en ses autres dispositions, Ajoutant, Dit que les créances alléguées par la société Delek France tant au titre des restitutions que des loyers devront être invoquées au cours de l'expertise qui devra procéder au compte entre les parties et que sa demande de dommages-intérêts sera examinée lors de l'ouverture du rapport, Déboute la société Imane et les époux Belhous de leur contestation quant à la validité des cautionnements, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne la société Delek France aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et la condamne à payer à la société Imane la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du même Code.