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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 15 mars 2017, n° 15-13026

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Confobat (SARL)

Défendeur :

Cardin Elettronica SpA (Sté) , Centrale de l'Automatisme (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Havet, Dauchel, Meynard

T. com. Paris, du 18 mai 2015

18 mai 2015

Exposé des faits

La SARL Confobat (ci-après " la société Confobat "), créée en 1995, a pour activité la fourniture de matériels d'automatisme de portes et de contrôle d'accès.

La société Cardin Elettronica SpA (ci-après " la société Cardin ") est un distributeur de systèmes de fermeture automatique de sécurité.

La société La Centrale de l'automatisme (ci-après " la société LCA "), créée le 1er avril 2011, a également pour activité la fourniture de matériels d'automatisme de portes et de contrôle d'accès (conception, vente, diffusion de produits d'automatisme, domotique, fermeture, contrôle d'accès, sécurité, signalisation, alarme).

Les sociétés Confobat et Cardin étaient en relation d'affaires depuis 1999, la société Confobat achetant régulièrement du matériel informatique et électronique auprès de la société Cardin.

La société Confobat affirme avoir rencontré à partir de l'année 2011 de nombreuses difficultés d'approvisionnement. La société Cardin aurait arrêté d'honorer les commandes et imposé, sans discussion préalable ni préavis, de nouvelles conditions tarifaires se matérialisant par une augmentation de 28 % des tarifs.

Le 22 mars 2012, la société Cardin a saisi le Tribunal de commerce de Fréjus en référé d'une demande de paiement d'une provision de 98 403, 28 euros TTC au titre des factures impayées outre intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure, par la société Confobat à la société Cardin.

Le 1er août 2012, la société Confobat a assigné la société Cardin devant le Tribunal de commerce de Melun d'une demande d'indemnisation au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Par ordonnance en référé du 17 septembre 2012, le Tribunal de commerce de Fréjus, relevant l'existence d'une contestation sérieuse, a débouté la société Cardin.

Par jugement du 25 février 2013, le Tribunal de commerce de Melun s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris.

Enfin, le 23 avril 2013, la société Confobat a appelé en cause la société La Centrale de l'automatisme devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 18 mai 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Confobat de sa demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, ainsi que de l'ensemble de ses autres demandes,

- condamné la société Confobat à payer à la société de droit italien Cardin prise en sa succursale l'EURL Cardin Elettronica France la somme de 98 403,28 euros avec intérêts légaux à compter du 9 février 2012, capitalisés à chaque anniversaire de leur point de départ,

- débouté la société Confobat de sa demande de délais de paiement,

- condamné la société Confobat au paiement de la somme de 3 000 euros à la société La Centrale de l'automatisme pour procédure abusive,

- condamné la société Confobat au paiement des sommes de 6 000 euros à la société de droit italien Cardin prise en sa succursale l'EURL Cardin Elettronica France et 3 000 euros à la société La Centrale de l'automatisme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Confobat au paiement d'une amende civile de 3 000 euros en application de l'article 32-1 du Code de procédure civile,

- dit que le greffe de ce tribunal transmettra une expédition exécutoire du présent jugement au trésorier payeur général du département du lieu du siège social de la société Confobat pour en permettre la mise en recouvrement,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif, condamné la société Confobat, qui succombe, aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 euros dont 17,42 euros de TVA.

LA COUR est saisie de l'appel interjeté par la société Confobat du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 mai 2015.

Par conclusions du 16 septembre 2015, la société Confobat, appelante, demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article L. 442-6, 5° du Code de commerce,

Vu les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil,

- infirmer la décision rendue par le Tribunal de commerce de Paris le 18 mai 2015 en toutes ses dispositions,

Sur les relations commerciales unissant les deux parties :

- constater et au besoin dire que les relations commerciales unissant la société Confobat à la société Cardin sont parfaitement établies depuis l'année 1999 et jusqu'au mois de novembre 2011,

Sur le caractère brutal de la décision de rupture des relations commerciales :

- constater et au besoin dire que la société Cardin a rompu brutalement, sans le moindre préavis, lesdites relations commerciales au mois de novembre 2011,

- constater encore qu'à cette même époque, la société La Centrale de l'automatisme avait été créée,

- constater enfin que la société La Centrale de l'automatisme est aujourd'hui le distributeur agréé des produits Cardin sur le département des Alpes-Maritimes,

Sur le caractère fautif de la décision de rupture des relations commerciales :

- dire que la société Cardin a commis une faute à l'occasion de la rupture brutale des relations commerciales,

- dire que la création de la société La Centrale de l'automatisme n'est pas étrangère au sort des relations commerciales mises en cause,

Sur la durée du préavis devant être respecté par la société Cardin :

- dire que la société Cardin se devait de respecter un préavis sérieux et loyal envers la société Confobat en l'état de la durée des relations commerciales et de l'exclusivité de fait y attachées,

- constater et au besoin dire que telle exclusivité bénéficie désormais à la société La Centrale de l'automatisme qui n'est encore pas étrangère au sort des relations commerciales mises en cause,

- fixer le préavis devant encadrer la décision de rupture prise par la société Cardin à une durée de 24 mois,

Sur la réparation du préjudice subi pour rupture brutale :

- condamner solidairement la société Cardin et la société La Centrale de l'automatisme à payer à la société Confobat la somme de 16 140 euros pour perte de marge sur chiffre d'affaires,

- condamner solidairement la société Cardin et la société La Centrale de l'automatisme à payer à la société Confobat la somme de 50 000 euros pour perte d'image,

Sur la réparation du préjudice subi pour rupture fautive :

- condamner solidairement la société Cardin et la société La Centrale de l'automatisme à payer à la société Confobat la somme de 150 000 euros,

Sur les demandes reconventionnelles :

- dire que la société Confobat bénéficie d'un avoir d'un montant de 10 066 45 euros HT,

- dire que la société Cardin doit récupérer la marchandise invendue par la société Confobat eu égard à la rupture des relations commerciales,

- constater que la somme due par la société Confobat à la société Cardin, déduction faite de l'avoir et de la restitution des marchandises s'élève à 77 955, 91 euros,

- constater que la société Confobat justifie de tension de trésorerie résultant des fautes commises par la société Cardin dans les relations commerciales entretenues avec la société Confobat et de la rupture des relations commerciales,

En conséquence :

- dire que la société Confobat s'acquittera des sommes considérées au moyen de 24 échéances mensuelles d'égal montant, sans intérêt, la première courant à compter de la notification de la décision à intervenir,

- constater, et au besoin dire que l'assignation en intervention forcée de la société La Centrale de l'automatisme est justifiée par les circonstances de l'espèce,

En conséquence :

- débouter la société La Centrale de l'automatisme de sa demande de condamnation de la société Confobat au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- débouter les sociétés Cardin et La Centrale de l'automatisme de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

En toutes hypothèses :

- condamner solidairement la société Cardin et La Centrale de l'automatisme à payer chacune à la société Confobat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance.

Par conclusions du 13 novembre 2015, la société Cardin, intimée, demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce,

Vu les articles 1134, 1147, 1650 et 1153 du Code civil,

Vu les articles 515, 696 et 700 du Code de procédure civile,

- confirmer en tous points le jugement entrepris.

Sur la demande principale de la société Confobat :

- débouter la société Confobat de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Cardin,

Sur la demande reconventionnelle de la société Cardin :

- condamner la société Confobat à verser à la société de droit italien Cardin la somme de 98 403,28 euros TTC outre intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 février 2012 avec capitalisation des intérêts à chaque date anniversaire de leur point de départ,

- rejeter toute demande de délai de paiement,

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

- condamner la société Confobat à verser à la société de droit italien Cardin la somme de 15 000 euros titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la même en tous les dépens d'instance.

Par conclusions du 16 novembre 2015, la société La Centrale de l'automatisme, intimée, demande à la cour de :

- ordonner la radiation de l'appel introduit par la société Confobat à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Paris conformément aux dispositions de l'article 526 du Code de procédure civile,

- ordonner la fixation prioritaire de l'affaire qui est en état, au visa de l'article 905 du Code de procédure civile,

- déclarer irrecevable et infondé l'appel de la société Confobat et la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'égard de la société La Centrale de l'automatisme,

- condamner la société Confobat à payer à La Centrale de l'automatisme au visa de l'article 1382 du Code civil, une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée, intention de nuire et abus de droit,

- condamner la société Confobat au paiement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Didier Meynard SCP Brodu Cicurel Meynard Gauthier, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Motivation

Sur les demandes de procédure

S'agissant de la demande de radiation de l'affaire au rôle de l'appel présentée par la société La Centrale de l'approvisionnement sur le fondement de l'article 526 du Code de procédure civile, il appartenait à cette société de saisir le conseiller de la mise en état par conclusions d'incident, et non de présenter une telle demande dans ces conclusions au fond adressés à la cour, cette demande étant à ce stade irrecevable.

Par ailleurs, la demande tendant à voir la procédure traiter selon les dispositions de l'article 905 du Code de procédure civile paraît, présentée dans le corps même des conclusions au fond dont est saisie la cour, sans objet.

Sur la rupture brutale et fautive des relations commerciales

La société Confobat soutient avoir été en relations commerciales avec la société Cardin depuis 1999 et ce jusqu'à la fin de l'année 2011, à compter de laquelle cette société s'est rendue fautive de multiples retards ou d'absence de livraison et a rompu les relations commerciales.

Elle reproche à la société Cardin le caractère brutal de la rupture, en faisant état d'une commande du 28 octobre 2011 jamais livrée, alors qu'elle-même était au moment de cette commande à jour du paiement des factures à la société Cardin. Elle s'oppose à l'exception d'inexécution avancée par la société Cardin, laquelle a pris l'initiative de la rupture en refusant de la livrer. Elle souligne aussi l'augmentation tarifaire de 28 % qui lui a été imposée.

Elle reproche également à la société Cardin une rupture fautive, en relevant qu'aucun grief ne lui a été adressé pendant les 12 années de la relation commerciale, et que la société Cardin a fait montre de déloyauté en y mettant un terme afin de s'en libérer et de pouvoir confier la distribution de ses produits à un autre revendeur, la société LCA.

La société Cardin conteste avoir rompu brutalement les relations commerciales, relève n'avoir aucun distributeur exclusif, et dément avoir refusé de vendre ses produits à la société Confobat.

Elle déclare avoir seulement mis en œuvre l'exception d'inexécution en retenant une commande passée par la société Confobat du fait d'un impayé de 46 000 euros. Elle affirme avoir contacté la société Confobat pour permettre le déblocage de la situation, sans obtenir de réponse, et être prête à reprendre les relations entre les parties, sous réserve d'être payée de ses factures.

Elle soutient subsidiairement que l'absence de livraison de la dernière commande n'a pu causer de préjudice à la société Confobat, celle-ci devant disposer de stocks et pouvant s'adresser à la concurrence.

Sur ce

L'article L. 442-6 I 5e du Code de commerce dispose :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au registre des métiers (...) de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

En l'occurrence, les sociétés Confobat et Cardin admettent l'existence d'une relation commerciale établie depuis plus de 10 années en 2011. Le 28 octobre 2011, la société Confobat a adressé à la société Cardin une commande n° CF925 d'un montant de 95 797,55 euros, confirmée par la commande n° 017333/F du 7 novembre 2011 d'un montant de 95 731,55 euros, portant une date indicative de livraison au 18 novembre 2011 (pièces 5 et 6 appelante) ; il est précisé que les commandes prévoient que ces délais de livraison n'engagent pas les parties et que leur non-respect ne peut donner lieu à indemnisation, de sorte que la société Confobat ne peut utilement faire état du non-respect de ce délai.

Or, au 30 novembre 2011, la société Confobat présentait un impayé auprès de la société Cardin de plus de 46 000 euros, ainsi que l'établissent les relevés bancaires fournis (pièces 5 et 6 Cardin).

La société Cardin a alors pris l'attache de la société Confobat, par fax du 6 décembre 2011, en faisant état des deux impayés en cause d'un montant respectif de 35 240,41 euros pour une facture n° 2711 du 29 septembre 2011, et de 10 960,85 euros pour une facture n° 2871 du 30 septembre 2011, et en indiquant que deux autres factures étaient en cours, pour un montant de 8 345,34 euros (facture n° 3241 du 31/10/11) et de 43 858,04 euros (facture n° 3343 du 22 novembre 2011).

La société Cardin y demandait à la société Confobat de procéder à un ordre de virement, afin de débloquer les commandes.

Dans un autre courrier du 10 janvier 2012, la société Cardin intervenait à nouveau auprès de la société Confobat en rappelant l'existence d'impayés d'un montant supérieur à 43000 euros, faisant état de ses démarches auprès de la société Confobat, en lui demandant d'être informée des raisons de ces impayés et de régulariser la situation.

La société Confobat n'a pas justifié avoir répondu à ces courriers.

Elle ne peut utilement invoquer le fait que le règlement des commandes étant exigible à 60 jours les factures des 29 et 30 septembre 2011 ne sont arrivées à échéance que les 29 et 30 novembre 2011, soit postérieurement à la date prévisible de livraison de la commande du 28 octobre 2011, pour soutenir que la société Cardin a refusé d'honorer cette commande, dont l'importance peut justifier un temps de préparation plus important.

Par ailleurs, la société Confobat invoque une brusque augmentation des tarifs de la société Cardin, dont celle-ci l'avait avisée le 15 septembre 2011 et qu'elle a confirmée par lettre du 10 octobre 2011, avant de lui ré-expédier une nouvelle offre tarifaire le 19 janvier 2012.

Pour autant, la société Confobat ne justifie pas avoir contesté cette augmentation ou avoir sollicité d'explication, et ne dément pas que les factures impayées avaient été établies sur la base de l'ancien tarif.

De plus, elle ne justifie pas d'autres retards ou refus de livraison imputables à la société Cardin.

Aussi, les griefs dont elle allègue ne sauraient constituer une modification brutale des conditions commerciales à l'origine de la rupture.

Il s'en suit que c'est la société Confobat qui, en ne procédant pas au règlement des commandes et en n'apportant pas de réponse adaptée à ses impayés supportés par son fournisseur, n'a pas exécuté ses obligations, ce qui a justifié la rupture sans préavis des relations commerciales.

Le jugement du tribunal de commerce sera confirmé sur ce point.

Les agissements de la société Confobat étant à l'origine de cette rupture, elle ne peut reprocher à la société Cardin un quelconque comportement fautif au sens des articles 1382 et 1383 alors applicables du Code civil. Il sera de plus relevé que la société Confobat ne bénéficiait d'aucune exclusivité de distribution des produits de la société Cardin, laquelle pouvait librement s'adresser à un autre distributeur pour ces produits dans la zone géographique dans laquelle intervenait la société Confobat, ce d'autant qu'il est établi que le compte client de la société LCA auprès de la société Cardin a été ouvert en septembre 2012 (pièce 3 LCA), soit près d'une année après les impayés de la société Confobat auprès de cette société.

Sur le paiement des factures impayées à la société Cardin

La société Cardin demande le paiement des marchandises livrées et facturées pour un montant total de 98 403,24 euros. Elle soutient que les marchandises ont été livrées, comme l'établissent les bons de livraison, et régulièrement réceptionnées par la société Confobat, qui a reconnu sa dette par l'émission de traites.

Elle conteste toute demande d'avoir de la société Confobat, pour des marchandises endommagées en 2009, et tout défaut de livraison autre que celui de la dernière livraison. Elle reconnaît une augmentation tarifaire dont elle avait prévenu la société Confobat, laquelle ne bénéficiait d'aucune exclusivité.

La société Confobat s'oppose à cette demande afin d'obtenir le paiement de marchandises à hauteur de 98 403,24 euros ; elle conteste avoir reconnu sa dette par l'émission de traites, en réalité des lettres de change émises par sa banque sans son accord préalable, donc insuffisantes à justifier de la dette.

Elle revendique le bénéfice d'un avoir de 10 066,45 euros HT résultant de la destruction en 2009 de marchandises commandées et réglées par la société Confobat, et explique l'absence de courrier alors entre les sociétés par la durée de leurs relations commerciales.

Elle entend restituer à son fournisseur un certain nombre de marchandises, pour un montant de 7 030 euros HT, qui ne peuvent plus être vendues par Confobat, faute de clientèle.

Sur ce

Pour justifier de sa demande en paiement de la somme de 98 403,24 euros, la société Cardin produit cinq commandes de la société Confobat ainsi que cinq lettres de voiture dont la société Confobat ne conteste pas qu'elles portent sur ces commandes, leurs dates correspondant à des livraisons effectuées peu de temps après ces commandes, et sur trois de ces lettres de voiture figurent les numéros des bons de commande.

Ces lettres de voiture portent également une signature, ou le tampon humide de la société Confobat avec indication manuscrite de la date ou de l'heure de livraison.

La société Confobat ne conteste pas non plus que des traites ont été émises correspondant à sa dette, mais soutient qu'il s'agit de titres émis automatiquement par sa banque sans son aval.

Néanmoins, la société Cardin produit également un relevé de commandes passées par la société Confobat, présentant un solde de 98 403,24 euros.

Au vu de ce qui précède, la demande de la société Cardin apparaît suffisamment justifiée, de sorte que sa demande sera accueillie.

La société Confobat indique avoir signalé en 2009 à la société Cardin que des marchandises Cardin avaient été détruites lors d'un incendie pendant leur transport, le message envoyé indiquait que le prix d'achat de ces marchandises s'élève à 10 066,45 euros HT.

Si la société Cardin s'étonne de l'absence de toute demande en remboursement pendant trois années, il n'en demeure pas moins que la société Confobat lui avait signalé le dommage, lui demandant d' " étudier un prix spécial qui amortira cette perte nette pour notre société ", et la société Cardin ne justifie pas y avoir répondu.

Par ailleurs, la société Cardin soutient que s'agissant de cette livraison le transport se faisait aux risques et péril du client, mais les conditions générales figurant sur le bon de livraison sont illisibles, et la société Cardin ne justifie pas que la société Confobat les aurait acceptées.

Au vu de ce qui précède, il est à considérer que la société Confobat bénéficie d'un avoir de 10 066,45 euros HT, soit 12 039,45 euros TTC venant en déduction de la somme due à la société Cardin. La décision du tribunal de commerce sera infirmée sur son quantum, afin de tenir compte de cette déduction.

S'agissant de la marchandise dont la société Confobat demande la reprise par la société Cardin, l'appelante ne justifie pas que ces produits auraient été livrés par erreur, et ne peut arguer d'une absence d'intérêt de la clientèle pour en solliciter la reprise par le fournisseur.

Sur la demande en délai de paiement

La société Confobat sollicite que des délais de paiement lui soient accordés, en faisant état d'une importante perte de clientèle et d'une baisse de son chiffre d'affaires.

Cependant, comme l'avait relevé le tribunal de commerce, elle ne justifie pas avoir procédé à aucun paiement durant les trois années écoulées. Elle fait par ailleurs état d'une baisse de son chiffre d'affaires au cours des années 2010 à 2013, mais ne produit qu'une déclaration d'impôt sur les sociétés faisant état d'une absence d'activité en 2014.

Aussi, et faute de produire toute autre pièce révélant que l'octroi d'un délai favoriserait sa capacité de financement, la société Confobat sera déboutée de cette demande.

Sur la demande de la société LCA

La société LCA soutient que la société Confobat a pour habitude d'intenter des actions dilatoires, et a intenté une procédure abusive afin de masquer sa propre carence de paiement. Elle soutient que le recours est abusif en ce qu'elle n'a été créée qu'en 2011 et n'a entrepris de relations commerciales avec la société Cardin qu'en 2012, de sorte qu'elle ne pouvait être responsable de la rupture des relations commerciales reprochées à la société Cardin. Elle s'étonne de l'absence d'activité de la société Confobat, de l'état de cessation de paiements et de déficit qu'elle présente.

La société Confobat soutient que la société LCA a été créée afin de récupérer la distribution des produits Cardin dans le département des Alpes maritimes à sa place, et de détourner sa clientèle.

Elle fait état de l'existence d'une collusion frauduleuse entre les sociétés Cardin et LCA afin de l'évincer de la distribution des produits Cardin justifie que la société LCA soit attraite en la cause.

Sur ce

La société LCA a été inscrite au registre du commerce et des sociétés du Tribunal de commerce d'Antibes le 1er avril 2011, et son compte client auprès de la société Cardin a été ouvert le 4 septembre 2012 (pièces 1 et 2 LCA), soit plusieurs mois après la rupture des relations commerciales entre cette société et la société Confobat.

De plus, si la société Confobat fait état d'un contentieux l'opposant à Monsieur Joseph Vanini, père de Monsieur Clément Vanini gérant de la société LCA, il apparaît qu'un protocole d'accord était intervenu entre Messieurs Eric et Daniel Prat (ce dernier étant gérant de la société Confobat) et Monsieur Joseph Vanini dans le cadre d'une cession par ce dernier de ses parts d'une société Chronotec aux consorts Prat par le biais d'un protocole, lequel a été déclaré nul par un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence qui a ensuite été cassé par la Cour de cassation.

Par conséquent, la société Confobat ne peut en déduire que la société LCA, dans laquelle Monsieur Joseph Vanini ne détient pas de parts, a été créée pour capter sa clientèle.

Elle ne justifie pas par la production d'autres pièces que cette société aurait été créée pour détourner sa clientèle, ou démontrant l'existence d'une collusion entre cette société et la société Cardin à cette fin.

Aussi, faute de toute démonstration de ses griefs à l'encontre de la société LCA, la société Confobat l'a appelée en la cause le 23 avril 2013 de mauvaise foi, puisqu'elle ne pouvait la rendre responsable de la rupture brutale de ses relations commerciales avec la société Cardin.

En conséquence, le jugement du Tribunal de commerce de Paris sera confirmé, en ce qu'il a condamné la société Confobat au paiement à ce titre de la somme de 3000 euros à ce titre.

Sur les autres demandes

Le jugement sera réformé en ce qu'il a condamné la société Confobat au paiement d'une amende civile de 3000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile, le fait d'avoir assigné en invoquant une rupture brutale des relations commerciales de la société Cardin, laquelle l'avait précédemment assignée devant le président du Tribunal de commerce de Fréjus d'une demande en paiement, n'étant pas nécessairement expliqué par une intention abusive ou dilatoire.

Les condamnations prononcées en 1ère instance sur les dépens et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile seront confirmées.

La société Confobat sera également condamnée au paiement des dépens d'appel, et d'une somme supplémentaire de 3000 euros à chacune des sociétés Cardin et LCA sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, déclare irrecevable la demande présentée sur le fondement de l'article 526 du Code de procédure civile, confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Confobat de sa demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales, sur sa condamnation au paiement à la société Cardin d'une somme réduite à 86 363,79 euros, sur sa demande de délai de paiement, sur sa condamnation au titre de la procédure abusive, des dépens de 1ère instance et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, infirme le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'avoir de la société Confobat et en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une amende civile de 3000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile, y ajoutant, condamne la société Confobat au paiement des dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Jean-Didier Meynard SCP Brodu Cicurel Meynard Gauthier, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, condamne la société Confobat au paiement de la somme de 3000 euros à chacune des sociétés Cardin et LCA sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.