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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 8 mars 2017, n° 15-05184

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Touraine Jus de Pomme (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pellarin

Conseillers :

M. Cousteaux, Mme Salmeron

T. com. Toulouse, du 9 févr. 2015

9 février 2015

Exposé du litige

La SARL Touraine Jus de Pomme a pour activité la préparation de jus de fruits et légumes et commercialise ses produits par un réseau commercial d'agents indépendants dont la SARL I., les relations entre ces deux sociétés datant de juin 2009.

La SARL I. a refusé de signer le contrat d'agent commercial proposé par la SARL Touraine Jus de Pomme, tout comme l'avenant de février 2010 qui chargeait la société C4P Conseil du règlement des commissions, et a négocié avec cette dernière, dirigée par l'ancien directeur commercial de la SARL Touraine Jus de Pomme, de nouvelles modalités de règlement.

Se plaignant de commissions impayées, la SARL I. a résilié le contrat par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 février 2012, et a vainement sollicité le paiement d'une indemnité de préavis et de rupture.

Par acte du 30 novembre 2012, la SARL I. a fait assigner la SARL Touraine Jus de Pomme devant le Tribunal de commerce de Toulouse. Celle-ci faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde, la SARL I. a déclaré sa créance.

Par jugement du 9 février 2015, rendu en présence de M. B., mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SARL Touraine Jus de Pomme, le tribunal a :

- fixé la créance de la SARL I. au passif de la SARL Touraine Jus de Pomme aux sommes de 3 217,04 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation au titre des commissions, et 3 720,18 euro à titre d'indemnité de rupture,

- condamné M. B. ès qualités à payer à la SARL I. une indemnité de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit que les dépens seraient passés en frais privilégiés de procédure collective,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

La SARL I. a interjeté appel de cette décision le 27 octobre 2015.

L'appelante a notifié ses écritures par RPVA le 26 janvier 2016 et a fait assigner M. B., commissaire à l'exécution du plan auquel il a fait signifier ses conclusions le 10 février 2016. Celui-ci n'a pas constitué avocat. La SARL Touraine Jus de Pomme, qui fait l'objet d'un plan de sauvegarde, a constitué avocat mais n'a pas conclu. L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 novembre 2016.

Prétentions des parties

Il est fait expressément référence, pour plus ample exposé des moyens, aux conclusions visées.

La SARL I. demande que par réformation partielle du jugement, sa créance d'indemnité compensatrice de préavis soit fixée à 1 972,50 euro et celle d'indemnité légale de cessation de contrat à 15 780 euro. Elle réclame en outre une indemnité de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que la condamnation de la SARL Touraine Jus de Pomme aux dépens dont distraction au profit de son conseil selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'appelante fait essentiellement valoir :

- que la SARL Touraine Jus de Pomme est restée son mandant,

- que la créance de commissions n'a jamais été contestée,

- que l'indemnité compensatrice de préavis est légalement due, dès lors que la rupture est imputable au comportement fautif de la SARL Touraine Jus de Pomme,

- que l'indemnité de cessation de contrat réclamée est conforme aux usages, peu important la durée des relations, et que le grief retenu par le tribunal, l'absence de manifestation explicite du désaccord de la SARL I. sur des clauses illégales, n'est pas fondé au regard du refus de signature clairement exprimé.

Motifs de la décision

La cour n'est saisie que de la contestation de la SARL I. qui porte :

- sur le rejet de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis,

- sur le montant de l'indemnité de fin de contrat.

Dans sa partie non critiquée, le jugement a retenu que la SARL Touraine Jus de Pomme avait laissé des commissions impayées, ce dont il se déduisait que la résiliation du contrat était imputable à sa faute.

Sur la première demande, le tribunal a considéré qu'à défaut d'être prévue par l'article L. 134-13 du Code de commerce, l'indemnité compensatrice de préavis n'était pas due en cas de faute imputable au mandant. Toutefois, l'article L. 134-11 qui fixe la durée du préavis en cas de cessation d'un contrat d'agent commercial à durée indéterminée prévoit en son dernier alinéa que ce préavis n'est pas dû notamment en cas de faute grave de l'une des parties. Pour prétendre à une indemnité compensatrice de préavis à la charge de son mandant, la SARL I. doit établir que la faute de celui-ci était d'une gravité telle qu'elle le dispensait de l'exécution du préavis. Cette faute est caractérisée au constat des multiples mises en demeure de la SARL I. pour non-paiement à bonne date ainsi que de la lettre de résiliation qui récapitule les manquements répétés de la SARL Touraine Jus de Pomme à son obligation de paiement, de telle sorte qu'il restait dû trois mois de commissions impayées en février 2012.

En conséquence, la SARL Touraine Jus de Pomme est condamnée à payer à la SARL I. une indemnité correspondant à trois mois de préavis, la rupture étant intervenue la troisième année. Cette indemnité réparant un préjudice commercial et n'ayant aucune contrepartie, elle n'est pas assujettie à TVA et doit être calculée par référence aux commissions perçues HT. Le montant s'élève ainsi à (601 x 3) = 1 803 euro.

Le tribunal a évalué l'indemnité de fin de contrat à un an de commissions en considération d'une durée de contrat de 18 mois, avant de pratiquer un abattement de 50 % au motif que la SARL I. n'avait jamais manifesté explicitement son désaccord sur la clause contenue dans le projet de contrat qui excluait le versement d'une indemnité de rupture en cas de cessation de contrat.

Même si l'appréciation du préjudice subi est souveraine, le tribunal a justifié son évaluation par des considérations erronées : la relation a duré trente et un mois ; de plus, en refusant de le signer la SARL I. avait manifesté clairement son désaccord sur un contrat contenant une clause illicite.

Par la rupture de son contrat imputable à la faute de la SARL Touraine Jus de Pomme, la SARL I. a perdu la part de marché qu'elle pouvait espérer de la poursuite de cette activité, et l'élément incorporel que représente le mandat pour son entreprise. Il y a lieu d'évaluer son préjudice par référence à deux années de commissions H.T, à la somme de 14 424 euro.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant dans les limites de sa saisine, confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le rejet de la demande d'indemnité compensatrice de préavis et le montant de l'indemnité de rupture et statuant à nouveau sur ces points, Fixe la créance de la SARL I. à l'égard de la SARL Touraine Jus de Pomme aux sommes suivantes : la somme de 1 803 euro au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 14 424 euro au titre de l'indemnité de fin de contrat. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en appel, Condamne la SARL Touraine Jus de Pomme au paiement des dépens qui seront passés en frais privilégiés de la procédure de sauvegarde, dont distraction au profit du conseil de la SARL I. selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civile.