CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 23 mars 2017, n° 15-20511
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
MBA Promotions (SA)
Défendeur :
Omea Télécom (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dabosville
Conseillers :
Mmes Schaller, du Besset
Avocats :
Mes Ronget, Grévellec, Baschet
Faits et procédure
La société Omea Télécom vient aux droits de la société Omer Télécom Limited.
A compter de 2005, à travers divers contrats successifs, elle a confié à la société MBA Promotion des prestations d'animation de son réseau.
Le 24 septembre 2012, les parties ont signé un avenant prévoyant un terme du contrat au 31 mars 2013.
Par courrier du 20 décembre 2012, la société Omea Télécom a informé la société MBA Promotion de sa volonté de ne pas procéder à un renouvellement à l'échéance du 31 mars 2013, et lui a proposé une prolongation jusqu'au 30 juin 2013, lui demandant de formaliser cet accord de prolongation en renvoyant la lettre avec un " bon pour accord ".
La société MBA Promotion n'a pas répondu à ce courrier.
Le 19 mars 2013, la société Omea Télécom a adressé un courriel invitant la société MBA Promotion à participer à une consultation de sélection pour un nouveau contrat.
La société MBA Promotion a répondu en présentant des offres les 19 et 24 avril 2013.
Le 6 juin 2013, la société MBA Promotion a reçu un courrier l'informant que ses propositions ne sont pas retenues, puis le 7 juin 2013, un deuxième courrier lui confirmant la fin de la relation au 30 juin 2013.
C'est dans ces conditions que la société MBA Promotion a fait assigner le 15 octobre 2013 la société Omea Télécom pour rupture brutale des relations commerciales établies.
Par jugement du 23 septembre 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société MBA Promotion de toutes ses demandes ;
- débouté la société Omea Télécom de sa demande au titre de la procédure abusive ;
- condamné la société MBA Promotion à payer à la société Omea Télécom la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté le 16 octobre 2015 par la société MBA Promotion à l'encontre de cette décision ;
Vu les dernières conclusions signifiées par la société MBA Promotion le 14 décembre 2016 dans lesquelles il est demandé à la cour de :
- recevoir la société MBA Promotion en ses demandes, fins, moyens et prétentions.
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
A titre principal,
- constater la poursuite de relations contractuelles entre les parties à compter du 1er avril 2013 y compris pour des secteurs géographiquement nouveaux.
- constater l'organisation de journées de formations des salariés de MBA Promotion juin 2013 à l'initiative de la société Omea Télécom pour des prestations futures pour de nouveaux produits Virgin mobile.
- constater que les parties ont négocié un nouvel avenant n° 14 en mai 2013 fixant notamment les rémunérations de MBA Promotion à partir du 1er mai et ce, sans prévision d'un quelconque terme au 30 juin 2013.
- constater que l'appel d'offres " Y8 reprise des secteurs " portait sur la reprise de secteurs géographiques et qui s'ajoutaient nécessairement aux secteurs précédemment dévolus à la société MBA Promotion, y compris depuis le 1er avril 2013.
- constater que la société MBA Promotion se trouvait en 2013 en situation de dépendance économique à l'égard de la société Omea Télécom.
- constater que la signification d'une rupture des relations commerciales établies entre les sociétés MBA Promotion et Omea Télécom a été formalisée de manière certaine et définitive le 7 juin 2013.
- constater ainsi la brutalité de la rupture des relations commerciales établies et l'existence d'une durée réelle de préavis de vingt-trois jours.
En conséquence,
- condamner la société Omea Télécom à verser à la société MBA Promotion une somme de 483 000 euros correspondant à un an de marge brute à titre de dommages et intérêts.
- condamner la société Omea Télécom à verser à la société MBA Promotion la somme de 34 329,85 euros correspondant aux conséquences pécuniaires liées à l'indemnisation des salariés directement consécutive à la rupture brutale du contrat Virgin mobile.
Sur la rupture des relations commerciales établies, MBA soutient que la société Omea Télécom a méconnu les dispositions du contrat qui prévoient une rencontre entre les parties trois mois avant la fin de la période contractuelle pour discuter de l'éventuel renouvellement du contrat, soit le 31 mars 2013, dès lors qu'elle a organisé une discussion postérieurement à cette date et que celle-ci avait un objet différent de celui convenu car relatif à un appel d'offres portant sur des prestations complémentaires à celles déjà attribuées MBA Promotion ; qu'à défaut d'accord de proroger le contrat au 30 juin 2013 telle que proposé par Omea Télécom dans son courrier de 20 décembre 2012, celui-ci prend fin au 31 mars 2013, selon les termes du dernier avenant du contrat-cadre ; qu'à compter du 1er avril 2013 la relation commerciale entretenue entre les sociétés Omea Télécom et la société MBA Promotion s'est poursuivie en dehors de l'ancien cadre contractuel et que, par conséquent, il lui était impossible de pouvoir anticiper la rupture soudaine des relations avec la société Omea Télécom, ce d'autant qu'elle pouvait croire légitimement au maintien de ces relations dès lors qu'un avenant avait été conclu le 6 mai 2013 et qu'au cours du mois de juin 2013, elle formait ses équipes pour de nouveaux marchés confiés par la société Omea Télécom, cette croyance ayant perduré jusqu'au courrier du 7 juin 2013 par lequel la société Omea Télécom lui confirmait la fin de leur relation au 30 juin 2013.
Concernant l'appel d'offres, MBA fait valoir que celui-ci concernait un nouveau secteur d'intervention qui, en cas de réussite de son offre, se serait ajouté aux secteurs dont elle avait déjà la charge.
Concernant le préavis, que la lettre du 7 juin 2013 fixait pour la première fois de manière définitive la fin des relations commerciales et que, par conséquent, le préavis consécutif de vingt-trois jours était insuffisant.
Sur l'indemnisation des préjudices consécutifs à la rupture brutale des relations commerciales établies, MBA soutient que compte tenu de la durée de la relation le préavis aurait dû être de 12 mois et que, par ailleurs, elle était en situation de dépendance économique ; que son préjudice est constitué de la marge brute perdue sur une année et des licenciements consécutifs à la brutalité de la rupture ; subsidiairement, que le préavis de 6 mois retenu par la société Omea Télécom est manifestement insuffisant et qu'en conséquence, son indemnisation doit être évaluée à six mois de marge brute complémentaire à titre de dommages-intérêts, soit globalement une année de marge brute.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Omea Télécom le 14 mars 2016 dans lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 23 septembre 2015 en ce qu'il a débouté la société MBA ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Omea Télécom de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de condamner la société MBA Promotion à lui verser la somme de 10 000 euros à ce titre ;
- condamner la société MBA Promotion à verser à la société Omea Télécom la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur l'absence de rupture brutale des relations commerciales, l'intimée fait valoir que le contrat cadre de prestation de services signé le 1er juin 2010 est un contrat à durée déterminée qui, suite à l'avenant du 24 septembre 2012, se terminait le 31 mars 2013, date qui a été repoussée au 30 juin 2013 par courrier du 20 décembre 2012 ; que l'absence de brutalité dans la rupture se déduit du fait que dès le 24 septembre 2012, la société MBA Promotion ne pouvait ignorer que le contrat, conclu pour une durée déterminée et non reconductible tacitement, arrivait à échéance le 31 mars 2013 (échéance repoussée au 30 juin 2013) ; qu'elle ne peut prétendre déduire de la prolongation du contrat le point de départ d'un nouveau contrat, dès lors qu'elle a elle-même participé à un appel d'offres lancé le 19 mars 2013 et dont elle savait le résultat incertain ; qu'elle ne peut également déduire l'établissement d'un nouvel avenant de la formation de son personnel aux nouvelles offres de la société Omea Télécom par cette dernière dès lors qu'elle se devait de former le personnel de la société jusqu'à la fin du contrat, soit le 30 juin 2013 ; qu'avant même l'envoi de sa lettre du 20 décembre 2012, elle avait déjà prévenu la société MBA Promotion de son intention de dénoncer le contrat et de lancer un appel d'offres auquel la société MBA Promotion aurait la possibilité de participer ; que le préavis de 6 mois est suffisant et a été tacitement accepté par la société MBA Promotion qui a poursuivi l'exécution du contrat jusqu'au 30 juin 2013 ; qu'elle a en outre informé le 19 mars 2013 la société MBA Promotion de son appel d'offres et que cette dernière avait conscience de son aléa ; que la société MBA Promotion n'apporte pas la preuve du préjudice occasionné par la prétendue rupture brutale des relations commerciales ; que la preuve du lien de causalité entre le paiement des conséquences pécuniaires liées à l'indemnisation des salariés de la société MBA Promotion et la rupture du contrat n'est pas rapportée ; qu'enfin la société MBA Promotion n'est pas en situation de dépendance économique à son égard.
Cela étant exposé, LA COUR,
Sur la rupture
MBA soutient que si, formellement, elle a bien reçu le 20 décembre 2012 notification de la rupture des relations commerciales établies depuis 2007, et ce à dater du 30 juin 2013, c'était sous réserve cependant de son accord, lequel n'a pas été donné, et sans qu'aient été respectées les dispositions du contrat mentionnant les discussions qui devaient précéder le début du préavis ; que la société Oméa Télécom a néanmoins poursuivi cette relation à partir du 1er avril 2013 qu'elle a matérialisée par la signature d'un avenant en date du 6 mai de la même année, l'entretenant dans la croyance légitime du maintien de ses relations ; que la société MBA Promotion a en outre participé en mars à une consultation concernant l 'animation du réseau de distribution de Virgin et formulé des propositions à cet effet le mois suivant ; que le 22 mai, elle a été sollicitée par la société Oméa Télécom de former son personnel, prestation exécutée les 11 et 13 juin suivants ; que ces éléments attestaient de la volonté de la maintenir dans la croyance légitime d'une poursuite des relations, et mettent à néant la portée du préavis du 20 décembre 2012 ; que, dans le même esprit, l'appel d'offres ne pouvait pas plus s'inscrire dans une optique de rupture puisqu'il concernait de nouveaux secteurs ; que la société Oméa Télécom doit assumer les conséquences d'une attitude déloyale eu égard à la durée des relations et de l'insuffisance du préavis et de sa situation de dépendance économique, qui l'ont conduit à licencier deux salariés.
Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
5) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...) " ;
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a fait une juste appréciation du droit et des moyens des parties.
La société MBA Promotion a en effet, en l'espèce, reçu notification le 20 décembre 2012 d'un préavis pour la date du 30 juin 2013 que la société Oméa Télécom proposait au lieu de celle du 31 mars qu'aurait entraîné l'application de l'article 4 du contrat, et ce en demandant l'accord de sa partenaire - que celle-ci n'a jamais donné, faute d'avoir répondu à ce courrier, lequel rappelait par ailleurs l'existence d'échanges préalables, et, notamment, par voie téléphonique.
Cette sollicitation valait approbation d'une disposition favorable à la société MBA Promotion, dont le silence avait valeur d'acquiescement et, du reste, la société MBA Promotion ne prétend pas avoir protesté de cette décision qui était en parfaite conformité avec les termes d'un contrat à durée déterminée.
La succession depuis plusieurs années de contrats de ce type, reconduits de 2007 à 2010, est constitutive d'une relation commerciale établie, mais néanmoins par définition précaire et elle ne conduit pas, en matière commerciale, à une quelconque re-qualification en contrat à durée indéterminée.
En l'espèce, la société MBA Promotion était non seulement en mesure de s'attendre à l'hypothèse que le dernier contrat souscrit ne soit pas renouvelé, moyennant un préavis, dont la durée était du reste prévue, mais elle avait de surcroît été dûment avisée de ce choix, qui excluait clairement la volonté de la société Oméa Télécom de la maintenir dans la croyance d'une poursuite des relations, lesquelles se sont certes poursuivies mais dans les limites que le préavis exigeait.
Ces relations ne peuvent pas s'apprécier au regard de la date du 1er avril 2013 revendiquée par la société MBA Promotion, dès lors qu'il a été rappelé que la société Oméa Télécom en avait spontanément prolongé la durée.
La mise en place le 19 mars 2013 d'un appel d'offres - peu important qu'il ait concerné un secteur nouveau - constituait un élément supplémentaire attestant de la fin des relations dont la reprise était logiquement soumise à cet aléa et les quelques séances de formation ponctuellement faites par la société MBA Promotion les 11 et 13 juin suivants ne sont pas suffisantes pour contrarier les informations précédentes sur cette issue.
La société MBA Promotion n'est pas plus fondée à remettre en cause la sincérité de l'appel d'offres ce dont, d'une part, et ainsi que l'a relevé le tribunal, elle n'apporte pas la démonstration, et qui, surtout, est sans portée sur la réalité de la rupture qui lui a été signifiée en décembre 2012. Vainement est-il en effet allégué que les autres prestataires ayant concouru auraient eux-mêmes reçu également un préavis à cette date, circonstance qui démontrerait le caractère " factice " de cette démarche et l'absence de volonté réelle de la société Oméa Télécom d'y donner suite, une telle accumulation de suppositions et projections intellectuelles étant tout simplement démentie par les termes mêmes du courrier en cause, et qui ont été ensuite mis à exécution.
Le jugement est en conséquence confirmé.
Ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure ne permettent de caractériser à l'encontre de la société MBA Promotion une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit de se défendre en justice ; il n'est pas fait droit à la demande de dommages intérêts formée à ce titre.
L'équité commande d'allouer à la société Oméa Télécom la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande de la société MBA Promotion de ce chef.
Par ces motifs : Confirme le jugement en toutes ses dispositions. Y ajoutant, Condamne la société MBA Promotion à payer à la société Oméa Télécom la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette toutes autres demandes. Condamne la société Oméa Télécom aux dépens.