CA Colmar, 1re ch. civ. A, 15 mars 2017, n° 14-04754
COLMAR
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Profilafroid (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Panetta
Conseillers :
Mmes Dorsch, Alzeari
Faits procédure prétentions des parties :
Par exploit d'huissier du 20 mars 2012, Monsieur M. Gilbert a assigné devant la deuxième Chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg la SA Profilafroid aux fins de prononcer aux torts exclusifs de la défenderesse la résolution judiciaire du contrat d'agent commercial du 17 novembre 1995 ainsi que des avenants n° 1, n° 2 et n° 3 dudit contrat.
Par jugement du 8 septembre 2014, le Tribunal de grande instance de Strasbourg a dit que les relations entre les parties ne relevaient pas du statut des agents commerciaux et a rejeté la demande de résolution judiciaire du contrat. En conséquence, il a condamné la SA Profilafroid à payer en quittance et deniers diverses sommes en contrevaleur de factures datées du 7 juillet 2013 et du 8 juin 2012. Il a également dit justifiée la réduction du taux de commission à 4% par la SA Profilafroid et a constaté que Monsieur M. Gilbert a été rempli de ses droits quant aux paiements des autres commissions. Le tribunal a débouté les parties du surplus de leurs conclusions et a condamné Monsieur M. Gilbert aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure.
Par déclaration faite au greffe le 2 octobre 2014, Monsieur M. Gilbert a interjeté appel de cette décision.
Le 14 octobre 2014, la SA Profilafroid s'est constituée intimée.
Par ordonnance du 25 septembre 2015, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence présentée par la SA Profilafroid et l'a condamnée aux dépens de l'incident et à verser à Monsieur M. Gilbert une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans des dernières conclusions du 20 Avril 2016, Monsieur M. Gilbert a demandé à la cour d'infirmer le jugement rendu par la deuxième Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg et de prononcer aux torts exclusifs de la Société Profilafroid la résolution judiciaire du contrat d'agent commercial du 17 novembre 1995 ainsi que des avenants n° 1, n° 2 et n° 3 dudit contrat. Monsieur M. Gilbert demande en conséquence à la cour de condamner la Société Profilafroid à payer diverses sommes pour son compte au titre d'indemnités et de factures impayées ainsi que de salaires bruts.
Dans des dernières conclusions du 26 avril 2016, la SA Profilafroid a demandé à la cour de constater le caractère nouveau des demandes de Monsieur M. Gilbert tendant à bénéficier de la présomption de l'article L. 7313-3 du Code du travail et à renvoyer la cause devant le conseil des prud'hommes et de dire irrecevables les nouvelles demandes de l'appelant tendant à bénéficier de la présomption de l'article susvisé.
Sur le fond, la SA Profilafroid demande à la cour de confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il a dit que les relations entre les parties ne relevaient pas du statut des agents commerciaux, a rejeté la demande de résolution judiciaire du contrat et constaté que l'appelant avait été rempli de ses droits quant aux paiements des commissions.
L'intimée demande en revanche à la cour d'infirmer la décision du Tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il l'a condamné à payer en quittance et deniers diverses sommes en contrevaleur de factures datées du 7 juillet 2013 et du 8 juin 2012. L'intimée demande également à la cour de constater le paiement par celle-ci de l'ensemble des factures invoquées par Monsieur M.
La SA Profilafroid demande à la cour le rejet des demandes de communication de pièces et de paiement de plusieurs factures de Monsieur M. ainsi que d'ordonner la communication par ce dernier des rapports trimestriels prévus à l'article 3.6 du contrat du 17 novembre 1995 et la justification de l'exécution de ses obligations de démarchage. La SA Profilafroid sollicite la condamnation Monsieur M. Gilbert au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers frais et dépens.
La Cour se référera à ces dernières écritures pour plus ample exposés des faits de la procédure et des prétentions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 juin 2016.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 4 juillet 2016, à laquelle les parties ont développé leur argumentation et déposé les pièces à l'appui de leurs allégations.
Motifs de la décision :
L'article L. 134-1, alinéa 1er, du Code de commerce dispose que " l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale ".
Comme le précise la définition légale, ce n'est en effet que de manière exceptionnelle que l'agent commercial est tenu de conclure un contrat, sa mission se cantonnant le plus souvent à la négociation des stipulations d'un contrat que son " mandant " conclura lui-même par la suite.
L'agent commercial peut créer une entreprise, il peut recruter du personnel destiné à le substituer dans sa mission, céder la clientèle au contact de laquelle il travaille. L'agent commercial est à la tête d'une véritable entreprise qu'il peut organiser et céder.
En l'espèce, les parties ont qualifié le contrat intervenu entre elles de contrat d'agent commercial, le 17 novembre 1995.
Or, l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité était effectivement exercée, et il appartient aux juges de donner aux actes leur véritable qualification.
Il résulte de la lecture de l'article 3 du contrat liant les parties que l'agent agit en toutes circonstances en qualité de mandataire du fabricant, qu'il proposera les produits à la vente à ses clients, selon la liste de l'article un aux prix et conditions fixées par le fabricant. Il ne devra en aucun cas garantir des prix fermes, sans l'accord préalable du fabricant. Toutes les affaires traitées par lui devront faire l'objet d'un bon de commande précisant les noms et adresse du client, les spécifications quantitatives afférentes aux produits commandés et les conditions particulières de vente. Il devra s'assurer de la bonne solvabilité de la clientèle.
Il est ainsi démontré que Monsieur M. Gilbert ne dispose d'aucun pouvoir de négociation au nom et pour le compte de la société Profilafroid.
Dans ces conditions, il ne peut revendiquer le statut d'agent commercial.
C'est par des motifs propres et pertinents que la cour adopte que le premier juge a dit justifiée la réduction du taux de commission à 4 %.
Les factures dont Monsieur M. Gilbert sollicite le règlement, au titre de l'année 2012, totalisent la somme de 57 068,55 euros TTC, somme sur laquelle la société Profilafroid à régler la somme de 39 932,30 euros TTC.
Les factures dont Monsieur M. Gilbert sollicite le règlement, au titre de l'année 2013, totalisent la somme de 83 062,63 euros TTC, somme sur laquelle la société Profilafroid à régler la somme de 41 531,30 euros TTC.
Les factures dont Monsieur M. Gilbert sollicite le règlement, au titre de l'année 2014, totalisent la somme de 88 074,60 euros TTC, somme sur laquelle la société Profilafroid à régler la somme de 44 037,21 euros TTC.
Les factures dont Monsieur M. Gilbert sollicite le règlement, au titre de l'année 2015, totalisent la somme de 76 348,76 euros TTC, somme sur laquelle la société Profilafroid à régler la somme de 38 856,45 euros TTC.
Cette différence entre le montant réclamé par Monsieur M. Gilbert et celui réglé par la société Profilafroid est due au taux de commission appliqué par les parties.
Or, le taux de commission appliqué par la société Profilafroid, réduit par rapport au taux initial est justifié par le contexte économique irrésistible auquel était soumis la société Profilafroid et dont Monsieur M. Gilbert était informé.
La société Profilafroid a réglé l'intégralité des sommes dues à Monsieur M. Gilbert.
En conséquence Monsieur M. Gilbert sera débouté de ses demandes en paiement, et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Profilafroid à payer en quittance et deniers la contre-valeur de la facture du 7 juillet 2013, d'un montant de 7 611,90 euros et la contre-valeur de la facture du 8 juin 2012, d'un montant de 7 397,46 euros.
A titre subsidiaire, Monsieur M. Gilbert a demandé à la cour de requalifier son statut d'agent commercial en VRP.
La lecture des dernières conclusions déposées par Monsieur M. Gilbert devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg le 21 mai 2013, démontre que devant le premier juge, l'appelant n'a jamais sollicité que lui soit appliqué le statut de salarié et n'a conclu que sur le statut d'agent commercial, sur la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société Profilafroid et sur le paiement des indemnités et commissions au paiement desquelles il prétendait.
En vertu des dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile : Les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du Code de procédure civile dispose que : Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux même fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Dans ces conditions la demande présentée par Monsieur M. Gilbert et tendant à se voir appliquer le statut de VRP doit être considérée comme une demande nouvelle présentée devant la cour, dès lors que cette demande ne tend pas aux même fins que celles qui ont été soumises aux premiers juges, car il s'agit pour Monsieur M. Gilbert de se voir reconnaître un autre statut que celui qu'il revendiquait en première instance et des conséquences financières totalement différentes de celles évoquées devant le premier juge.
Monsieur M. Gilbert a sollicité la condamnation de la société Profilafroid à lui communiquer les bulletins de livraison et doubles de factures pour les années 2009, 2010, 2011 et 2012 sous astreinte définitive de 100 euro par jour de retard, prenant effet à l'expiration d'un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Monsieur M. Gilbert ne justifie pas que cette communication de pièces serait indispensable pour étayer les moyens soutenus à hauteur de Cour, dès lors qu'il a été en mesure de déposer des conclusions détaillées pour soutenir ses prétentions et que l'obligation de communication des justificatifs de commission est quérable et que dans ces conditions, il appartenait à Monsieur M. Gilbert de se rendre dans les locaux de la société Profilafroid qui lui a proposé dans des conclusions du 26 avril 2016, de s'y rendre pour prendre connaissance des documents dont il sollicite la communication.
Monsieur M. Gilbert sera en conséquence débouté de ce chef de demande.
C'est par des motifs propres et pertinents que la cour adopte, que le premier juge a débouté la société Profilafroid de sa demande de communication des rapports trimestriels.
Succombant, Monsieur M. Gilbert sera condamné aux dépens d'appel.
L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Profilafroid.
L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de Monsieur M. Gilbert.
Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement rendu par la deuxième chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg le 8 septembre 2014, en ce qu'il a condamné la société Profilafroid à payer en quittance et deniers la contre-valeur de la facture du 7 juillet 2013 d'un montant de 7 611,90 euros augmentée des intérêts légaux à compter du jugement et la contre-valeur de la facture du 8 juin 2012 d'un montant de 7 397,46 euros augmentée des intérêts légaux à compter du jugement, Confirme le jugement rendu le 8 septembre 2014, par la deuxième chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg, pour le surplus, Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et Y ajoutant, Déclare irrecevable la demande présentée par Monsieur M. Gilbert et tendant à se voir reconnaître le statut de salarié, comme étant une demande nouvelle au sens de l'article 564 du Code de procédure civile, Déboute Monsieur M. Gilbert de ses demandes en paiement des factures émises au titre des années 2012, 2013, 2014 et 2015, Déboute Monsieur M. Gilbert de sa demande de communication des bulletins de livraison et de doubles de factures pour les années 2009, 2010, 2011 et 2012, Condamne Monsieur M. Gilbert aux dépens de la procédure d'appel, Condamne Monsieur M. Gilbert à verser à la société Profilafroid la somme de 1500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de Monsieur M. Gilbert.