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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 23 mars 2017, n° 15-00672

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Groupe TPF (SARL)

Défendeur :

CM-CIC Bail (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bernaud

Conseillers :

Mme Clement, M. Nicolas

T. com. Villefranche-Tarare, du 8 janv. …

8 janvier 2015

La SARL Groupe TPF est spécialisée dans la filtration et le traitement des vins par le froid à la propriété ; elle a acquis auprès de la SAS D., fournisseur de matériels et fournitures vinicoles, un filtre tangentiel TMC 6A Velo pour un montant de 36 000 euro HT ou 43 056 euro TTC.

Un contrat de crédit-bail a été souscrit par la SARL Groupe TPF auprès de la SA CM-CIC BAIL pour financer l'opération.

Après avoir rencontré différentes pannes sur le matériel ayant nécessité les interventions du vendeur, la SARL Groupe TPF a prétendu que le filtre tangentiel était affecté de défauts constituant des vices cachés et par acte d'huissier du 21 juin 2013, elle a fait assigner la SAS D. et la SA CM-CIC Bail devant le Tribunal de commerce de Villefranche-Tarare, en résolution de la vente et résiliation du contrat de crédit-bail accessoire, sollicitant la condamnation de la SAS D. à lui payer les sommes de 36 000 euro HT au titre du prix du matériel, 2 748,95 euro HT au titre du coût du crédit-bail représentant la différence entre le prix d'achat du matériel et les loyers payés, 3 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi, 4 353,60 euro à titre de dommages-intérêts réparant la perte d'exploitation subie et 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement rendu le 8 janvier 2015, le Tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, débouté la SARL Groupe TPF de l'intégralité de ses demandes, considérant qu'elle avait mal utilisé le matériel sans respecter les préconisations du fabricant et qu'aucun vice caché n'était démontré et l'a condamnée à payer à la SAS D. les sommes de 4 797,06 euro HT outre intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2013, au titre de factures impayées et 2.500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, allouant à la charge de la demanderesse, une indemnité de 1 000 euro à ce même titre à la SA CM-CIC Bail.

Selon déclaration du 23 janvier 2015, la SARL Groupe TPF a formé appel à l'encontre de ce jugement.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 28 octobre 2015 par la SARL Groupe TPF qui conclut à la réformation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour de prononcer la résolution pour vices cachés de la vente conclue avec la SAS D. et la résiliation du contrat de crédit-bail conclu avec la SA CM-CIC Bail, condamner la SAS D. à lui payer les sommes de 38 748,95 euro HT, 3 000 euro en réparation du préjudice de jouissance et 4 353,60 euro en indemnisation de la perte d'exploitation subie, outre une indemnité de 4 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 30 novembre 2015 par la SAS D. qui conclut à la confirmation du jugement critiqué et au rejet de toute demande contraire, sollicitant la condamnation de la SARL Groupe TPF à intervenir pour enlever le filtre tangentiel déposé dans ses locaux, sous astreinte de 100 euro par jour de retard passé le délai de 30 jours à compter de la décision à intervenir, et à lui payer une indemnité de 4 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 27 juillet 2015 par la SA CM-CIC Bail qui s'en remet à la sagesse de la Cour sur le bien-fondé de l'appel et demande, au cas où la résolution de la vente soit prononcée, de prononcer la résiliation du contrat de crédit-bail et de condamner la SARL Groupe TPF à la relever et garantir de toutes les conséquences de la résolution de la vente et de la résiliation du contrat de crédit-bail et notamment la condamner à lui payer une indemnité de résiliation arrêtée au jour de l'arrêt devenu définitif majorée de la valeur résiduelle du matériel, sollicitant enfin l'octroi d'une indemnité de 3 000 euro à sa charge sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 avril 2016.

MOTIFS ET DECISION

I. Sur la résolution de la vente :

La SARL Groupe TPF soutient que le matériel acquis auprès de la SAS D. en décembre 2011 a fait l'objet de nombreux dysfonctionnements connus de son vendeur, dès sa date d'acquisition ; que dès mars 2012, les interventions de ce dernier n'ont pas permis de réparer les désordres pour permettre un usage normal du matériel qui se trouve hors service depuis le 31 janvier 2013 ; que malgré son engagement la SAS D. n'a effectué aucune déclaration de sinistre auprès de son assureur ni saisi le fabricant du matériel défectueux afin d'obtenir un complément d'explication technique aux désordres constatés qui rendent le filtre tangentiel impropre à l'usage auquel on le destine, un montant de réparation supérieur à la moitié du prix d'acquisition étant invoqué par la SAS D. elle-même.

Elle ajoute que le manuel d'instruction qui ne lui a pas été remis, ne prohibe en aucun cas un mode de transport y compris sur une remorque aménagée à cette fin ; que la SAS D. qui ne pouvait ignorer que la SARL Groupe TPF se déplaçait auprès de ses clients pour procéder aux opérations de filtrage, ne lui a jamais indiqué que le mode de transport qu'elle utilisait serait incompatible avec un bon fonctionnement du matériel ; que ce défaut de conseil de la part du vendeur est fautif et ne saurait l'exonérer de sa responsabilité dans cette affaire

La SAS D. fait quant à elle valoir que les désordres constatés sur le filtre tangentiel ne sont ni de son fait ni du fait du matériel mais la conséquence des conditions d'utilisation qui n'ont pas respecté les préconisations du constructeur dont le manuel d'utilisation avait été remis ; elle précise à ce titre que si la première panne est intervenue en février 2012 sur un appareil livré fin 2011, c'est en raison d'un problème de gel survenu en période hivernale ; que si le lavage automatique et le nettoyage à 100 % ne fonctionnent pas sur le filtre tangentiel, les cartouches étant hors service, c'est en raison d'une mauvaise utilisation et notamment de l'absence de nettoyage complet de celles-ci par son utilisateur.

Elle soutient que n'étant pas responsable de la fixation de l'appareil, elle ne pouvait savoir si le mode de fixation sur la remorque répondait aux critères applicables en la matière, la mise en place de silent block ou d'un système spécifique d'amortissement relevant des obligations de la SARL Groupe TPF ; que les photographies prises par l'huissier au titre de son procès-verbal de constat du 8 juillet 2013, démontrent que la machine est liée par des pattes de fixation soudées sur le chassis et boulonnées au plateau de la remorque, sans suspensions ; qu'un tel mode de transport d'une machine fragile qui doit être manipulée avec précaution est notamment la cause des pannes à répétition sur un matériel extrêmement précis dont les réglages sont minutieux et le fonctionnement sensible.

Elle ajoute n'avoir jamais reconnu au moment de la vente que le matériel était affecté de défauts intrinsèques qui n'auraient pas permis une utilisation normale ; que si la SARL Groupe TPF avait considéré que les pannes étaient dues à des vices cachés, elle n'aurait d'ailleurs pas accepté de régler quoi que ce soit au titre des réparations, l'absence de facturation à titre commercial d'une de ses interventions ne pouvant constituer un aveu de responsabilité de sa part.

Sur ce

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il incombe à l'acheteur de rapporter la preuve du vice qu'il invoque, qui doit correspondre à une défectuosité empêchant la chose de rendre pleinement les services que l'on attend et il lui appartient en conséquence d'établir la réunion des conditions posées par les dispositions susvisées : existence d'un vice, gravité du vice, caractère caché du vice et antériorité de celui-ci par rapport à la vente.

L'ensemble des documents produits au dossier des parties permet à la Cour de constater en l'espèce que :

- le filtre tangentiel acquis par la SARL Groupe TPF auprès de la SAS D., a été livré à l'acquéreur à la fin de l'année 2011 ainsi que l'attestent les factures établies au nom de l'acquéreur les 5 et 12 décembre 2011, faisant état de la livraison de l'appareil et de diverses interventions notamment électriques commandées préalablement par ce dernier qui s'est acquitté de la somme de 1 215,89 euro TTC à ce titre,

- il était précisé sur la facture du 12 décembre 2011, que le matériel livré constituait un matériel de démonstration, bénéficiant d'une tarification spéciale convenue entre les parties,

- aux termes d'une attestation établie par Joël C. le 2 décembre 2013, dont la régularité n'est pas contestée par la SARL Groupe TPF, il est indiqué par l'intéressé, responsable d'atelier au sein de la SAS D., que le filtre tangentiel en cause a bien été livré avec le livret d'utilisation et d'entretien placé dans l'armoire électrique de commandes de la machine,

- le filtre a donné lieu dès la fin du mois de février 2012, à plusieurs pannes qui ont nécessité l'intervention de la SAS D. les 31 mars 2012, 31 janvier et 28 février 2013 et à une révision générale de l'appareil pour la dernière fois le 17 octobre 2012, laquelle avait nécessairement satisfait l'utilisateur qui adressait le jour même un message au responsable de la SAS D. en lui indiquant : "super tout fonctionne correctement même le lavage automatique",

- le filtre tangentiel a été utilisé par la SARL Groupe TPF entre chaque panne avant que ce dernier ne soit définitivement abandonné par l'acheteur dans les locaux de la SAS D. fin janvier 2013, à l'occasion d'une panne qui a donné lieu à l'annonce par ce dernier d'un montant de réparation évaluée à 20.000 euro HT environ de façon à changer 6 modules s'étant avérés hors service au test de pression.

Alors même qu'il n'est pas contesté par la SARL Groupe TPF que le filtre tangentiel litigieux lui a permis de procéder à la filtration de plusieurs milliers de litres de vin auprès de ses clients, aucun élément du dossier ne permet, en l'absence de toute expertise contradictoire entre les parties qui sont contraires en fait sur l'origine des pannes, de constater l'existence et la gravité d'un vice affectant le matériel, le caractère caché du vice allégué et son antériorité par rapport à la vente, alors même que la cause des défectuosités constatées ne peut être identifiée ni reliée à une bonne ou mauvaise utilisation ou un mode de transport adapté ou non de l'appareil.

La SARL Groupe TPF ne peut donc qu'être déboutée en ses demandes au titre de son action en résolution de la vente pour vice caché au visa de l'article 1641 du Code civil, confirmant en cela la décision critiquée.

II. Sur la demande reconventionnelle en paiement des factures présentées par la SAS D. :

Comme l'a retenu justement le Tribunal de commerce, les factures établies par la SAS D. au titre de réparations non comprises dans la garantie légale ou correspondant à des fournitures de terre de filtration consommées par l'utilisateur doivent donner lieu à paiement par ce dernier.

Il s'avère néanmoins que dans la mesure où la SAS D. a, à titre commercial, décidé de ne pas facturer à la SARL Groupe TPF son intervention du 31 octobre 2012 s'élevant à la somme de 1.813,61 euro HT ou 2 169,07 euro TTC, seule une somme de 2 983,45 euro TTC correspondant aux factures établies les 31 mars 2012, 31 janvier 2013 et 28 février 2013 à hauteur des sommes respectives de 591,79 euro TTC, 1 592,90 euro TTC et 798,76 euro TTC, doit être mise à la charge de cette dernière qui doit donc être condamnée au paiement correspondant, outre de cette somme intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2013, date de première présentation de la demande en paiement par voie de conclusions devant le Tribunal.

III. Sur la demande de la SAS D. tendant à voir ordonner la reprise par la SARL Groupe TPF du matériel :

Il est constant que le filtre tangentiel acquis par la SARL Groupe TPF est entreposé depuis janvier 2013, au sein des locaux de la SAS D. ; il convient donc de faire droit à la demande de cette dernière tendant à ce que l'appareil, monté sur remorque, soit enlevé par la SARL Groupe TPF, sous astreinte de 50 euro par jour de retard à compter d'un délai de 30 jours à compter de la signification du présent arrêt.

IV. Sur les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :

L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi à la charge de la SARL Groupe TPF, d'une indemnité de 3 000 euro au bénéfice de la SAS D. outre une indemnité de 1 500 euro au bénéfice de la SA CM-CIC BAIL au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement rendu le 8 janvier 2015 par le Tribunal de commerce de Villefranche-Tarare en ce qu'il a : constaté l'absence de démonstration d'existence de vices cachés antérieurs à la vente, débouté la SARL Groupe TPF de l'intégralité de ses demandes, condamné la SARL Groupe TPF aux dépens et au paiement des indemnités de 2 500 euro et 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice respectif de la SAS D. et de la SA CM-CIC BAIL, ordonné l'exécution provisoire, Le réforme pour le surplus, Statuant à nouveau et y ajoutant, condamne la SARL Groupe TPF à payer à la SAS D. une somme de 2 983,45 euro TTC outre intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2013, Condamne la SARL Groupe TPF à enlever le filtre tangentiel monté sur remorque entreposé dans les locaux de la SAS D., sous astreinte de 50 euro par jour de retard à compter d'un délai de 30 jours à compter de la signification du présent arrêt, Condamne la SARL Groupe TPF à payer en cause d'appel, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, les sommes respectives de 3 000 euro et 1 500 euro à la SAS D. et la SA CM-CIC BAIL, Condamne la SARL Groupe TPF aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.