CA Chambéry, 2e ch., 13 avril 2017, n° 15-00979
CHAMBÉRY
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
B2B Booster (Sarlu)
Défendeur :
Si Pasta (SARL) , Mantovani (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Thomassin
Conseillers :
MM. Madinier, Balay
Avocats :
SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon, Me Bonsirven, Selarl FDA
Faits, procédure et prétentions des parties :
La famille Gazzola est devenue au cours du 20e siècle une entreprise leader en Europe, dans la production de pâtes alimentaires et a cédé ses parts en 2004 à la société Monte Regale Spa, laquelle, connaissant des difficultés financières importantes, a concédé le 19 mai 2012, un contrat de bail d'entreprise à la société Si Pasta.
La société B2B Booster a alors proposé à la société Si Pasta un contrat de prestation et d'assistance, indiquant avoir une bonne connaissance du marché et des intervenants sur les pâtes alimentaires et le couscous, et une expérience de management de plus de 15 ans. Elle fournissait un accompagnement par entretiens individuels, journées de travail et compte rendu mensuel pour un forfait de 10 500 euros et obtenait en outre un statut d'agent commercial exclusif en France moyennant des commissions de 1 à 2 % du CA sur des clients définis. En 2013, le contrat d'agent commercial a été renouvelé avec des commissions à la hausse puisque de 1,5 à 2 %.
Le 24 avril 2013, la société Monte Regale, bailleresse, a été déclarée en liquidation judiciaire et le liquidateur a dénoncé le contrat de bail avec un préavis de 120 jours, de sorte que la société Si Pasta, elle-même, privée de son outil de travail, a procédé à sa liquidation amiable.
La société B2B Booster a entendu résilier le contrat d'agent commercial le 25 septembre 2013 aux torts exclusifs de la société Si Pasta à laquelle elle reproche un manque de loyauté et d'information dans l'exécution du contrat les liant ce qui l'a mise dans l'impossibilité d'exécuter son mandat.
Le Tribunal de commerce d'Annecy, dans un jugement du 4 mars 2015 a, avec exécution provisoire :
- retenu sa compétence pour connaître du litige,
- condamné la société Si Pasta à payer la somme de 14 990,52 euros TTC au titre de factures émises en mai, août 2013 avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation,
- condamné la société Si Pasta à payer la somme de 1 148,04 euros TTC au titre de factures du 4 septembre 2013 pour des commissions d'encaissement d'avril à juillet 2013 avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation,
- également mis à sa charge la somme de 7 017,12 euros au titre d'une indemnité de cessation sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce, et 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté la société B2B Booster de sa demande au titre d'un manque à gagner.
La SARL B2B Booster a fait appel de la décision par déclaration au greffe en date du 30 avril 2015.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 29 juillet 2015, elle demande à la cour de :
Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
Vu les articles L. 134-1 et s. et L. 441-6 du Code de commerce ;
- juger que l'ensemble des factures objet de ces contrats sont dues, soit la somme de 24 093,51 euros,
- dire valable la lettre de résiliation de la société B2B Booster dans la mesure où l'agent a sans équivoque et clairement prononcé la rupture du contrat pour des circonstances imputables au mandant au sens de l'article L. 134-13 du Code de commerce et son droit à une indemnité de cessation ;
Infirmer partiellement le jugement dont appel et statuer à nouveau;
- juger que les contrats de prestation et assistance et les contrats d'agent signés entre B2B Booster et Si PASTA sont indissociables, le contrat de prestation et d'assistance étant le préliminaire au développement des ventes du contrat d'agent ;
- condamner en conséquence la société Si Pasta à lui payer :
1. Les commissions, les frais et la rémunération fixe soit 24 093,51 euros suivant factures,
2. Les intérêts de retard à 15 % l'an conformément aux factures émises et aux dispositions de l'article L. 441-6 du Code de commerce, depuis la date de déchéance de chaque facture jusqu'au paiement,
3. L'indemnité de cessation visée à l'article L. 134-12 du Code de commerce calculée sur la moyenne des rémunérations perçues du 13 juin 2012 au 17 septembre 2013, moyenne x 2 soit 191 994 euros,
4. Le manque à gagner sur l'objectif de 10 000 000 euros imposé pour 2013 et non atteint du fait de la société Si Pasta soit 150 000 euros,
5. La somme de 20 000 euros tant au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
6. Les frais de traduction et tous les dépens compris ceux visés par l'article 10 du tarif des Huissiers de Justice, recouvrés pour ceux d'appel par la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon, Avocats associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La société B2B Booster, malgré beaucoup d'énergie consacrée au démarchage et à la promotion de la production, fait reproche à la société Si Pasta de n'avoir pas su s'adapter à la production et aux normes de qualité et d'approvisionnement réclamés par les clients, refusé les investissements nécessaires, manqué aux règlements de factures qui lui étaient adressées par son agent commercial. La société Si Pasta ne communiquait pas davantage les documents comptables utiles et visés par l'article R. 134-3 du Code de commerce, ce pourquoi, elle-même a été contrainte de prononcer la résiliation du contrat d'agent commercial le 25 septembre 2013.
Malgré ce qu'a retenu le Tribunal de commerce d'Annecy, la facture du 29 avril 2013 n'a jamais été payée par la société Si Pasta, alors que le contrat de prestation d'assistance n'a pas été rompu d'un commun accord et que les rémunérations réclamées lui sont dues.
La société B2B Booster, devait donner tous conseils pour mettre en conformité la chaîne de production de son mandant avec les exigences des acheteurs de la grande distribution et ainsi, promouvoir la vente des produits de son mandant. Elle affirme que ces deux missions sont étroitement liées et de ce fait indissociables et que dès lors, son indemnité doit être calculée sur la totalité des sommes perçues de la société Si Pasta soit la somme de 191 994 euros ainsi calculée sur 24 mois, de la moyenne de rémunérations :
Total des sommes facturées du 13 juin 2012 au 17 septembre 2013 = 119 996,06 euros
Moyenne rémunération sur 15 mois = 7 999,73 euros
Rémunération par mois x 24 mois = 191 994 euros
Concernant les intérêts, la concluante rappelle que ces derniers sont dus tant en application des conditions générales figurant dans les factures acceptées par le mandant (et payées pour 16 d'entre elles), qu'en application des dispositions d'ordre public de l'article L. 441-6 du Code de commerce ; qui dispose que " sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l'année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l'année en question. Pour le second semestre de l'année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l'année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire ".
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 23 décembre 2015, la société Si Pasta demande à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal de commerce,
Statuer à nouveau,
- débouter la société B2B Booster de l'ensemble de ses demandes,
- dire que la résiliation du contrat d'agent commercial n'est pas intervenue aux torts de la société Si Pasta,
En conséquence, débouter la société B2B Booster de ses demandes de réparation au titre de la résiliation du contrat d'agent commercial,
Si par impossible, la cour reconnaissait des torts à la société Si Pasta dans le cadre de la résiliation du contrat d'agent commercial,
- réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires présentées par la société B2B Booster, sans aucune relation avec la durée de d'exécution du contrat (14 mois), de la nature de contrat à temps partiel et des commissions d'agent commercial perçues,
- condamner la société B2B Booster au paiement d'une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle affirme une totale indépendance entre les deux contrats passés avec la société B2B Booster, l'un contrat de prestations, à durée déterminée et l'autre contrat d'agent commercial, à durée indéterminée lié à une inscription spéciale au registre du commerce. A la suite de la liquidation judiciaire de la société Monte Regale, aucune prestation d'assistance n'a pu être réalisée au cours de mois de juin à juillet 2013, facturés pourtant en pièces 7 et 8. La facture d'avril 2013 a été payée, comme déjà jugé par le tribunal de commerce en première instance. Il convient à ce titre de débouter la société appelante de toutes ses demandes. Concernant le contrat d'agent commercial, qui est donc distinct, les motifs de la résiliation sous forme de prise d'acte, ne sont pas réels et sérieux. Il ne pouvait y avoir poursuite du contrat d'agent commercial sans outil de production à la suite de la résiliation du contrat de location par le liquidateur du bailleur.
La liquidation judiciaire de la société Monte Regale et la résiliation par son liquidateur du contrat de bail de l'outil industriel constituent bien la cause étrangère et non imputable à la société Si Pasta. Elle présente ses observations également sur les indemnités qui pourraient être, à titre subsidiaire, allouées à la société B2B Booster, sans commune mesure avec ce qui est réclamé et qui doivent être notablement réduites.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2017.
Motivation de la décision :
Les société Si Pasta et la société B2B Booster étaient liées, dans le souci de développer l'activité de la société de production de pâtes, par deux contrats distincts, entre lesquels, bien que la seconde le soutienne, il n'y a pas de lien indissociable.
- Un contrat de prestation d'assistance pour accompagner le personnel et les dirigeants, d'une durée de 4 mois à l'origine, et qui pourrait cesser ensuite avec un préavis de deux mois, à l'initiative de l'une ou l'autre des parties, destiné à faire profiter la société Si Pasta de l'expérience de la société B2B Booster, d'améliorer la qualité et de développer les ventes grâce à cet accompagnement technique, rémunéré sur la base d'un forfait, outre le remboursement des frais pour une présence dans l'entreprise 12 jours par mois,
- un contrat d'agent commercial constitué d'une rémunération tenant compte du chiffre d'affaires réalisé.
* sur le paiement des factures :
La société B2B Booster sollicite paiement de 6 factures pour un montant global de 24 093,51 euros se composant comme suit :
- le 29 avril 2013 pour 7 632,65 euros mission d'assistance,
- le 27 mai 2013 pour 7 872,34 euros mission d'assistance,
- le 6 août 2013 pour 6 887,30 euros mission d'assistance,
- le 8 août 2013 pour 553,18 euros pénalités de retard,
- le 4 septembre 2013, 1 148,04 euros commissions sur encaissements d'avril à juillet 2013.
En se référant à la pièce 29 du dossier de la société B2B Booster, le tribunal de commerce a retenu que la facture du 29 avril 2013 était payée, mais la pièce 29 se rapporte à une autre facturation, qui n'est pas dans le débat, d'un montant de 6 098,70 euros en date du 29 mars 2013 qui aurait été acquittée en mai 2013.
Il convient de rappeler qu'il appartient à celui qui se prétend libéré de son obligation ou qui invoque une cause de son extinction d'en apporter la preuve. La société Si Pasta ne démontre pas avoir payé ces factures et même, alors que leur total s'élève à 24 093,51 euros, dans une correspondance du 27 novembre 2013, elle se reconnaissait débitrice envers la société B2B Booster d'un montant de 24 094 euros qui correspond nécessairement à ces factures.
Il sera fait droit de ce chef, avec imputation des intérêts de retard conformément à l'article L. 441-6 du Code de commerce qui commenceront à courir à compter de la demande en justice, introduite le 20 février 2014.
* sur le manque à gagner sur objectif et l'indemnité de cessation de l'article L. 134-12 du Code de commerce :
Le tribunal de commerce dans son jugement a retenu à juste titre qu'il n'y avait pas dans la convention passée entre les parties, de contrat d'objectif. En effet le contrat signé entre les parties désigne la société B2B Booster agent commercial exclusif, avec une commission, et le chiffre des ventes de 10 000 000 en septembre ou décembre 2013, ne constitue pas un chiffre d'objectif au sens strict, mais ouvre la possibilité d'une cessation de la collaboration. Selon l'article L. 134-12 du Code de commerce en cas de cessation des relations, l'agent commercial a le droit à une indemnité compensatrice du préjudice subi.
Le dossier produit, alors que la charge de la preuve de son préjudice incombe à la société B2B Booster, comporte quant à la rémunération perçue par l'agent commercial, deux factures sur la période de juillet 2012 à mars 2013, de 4 887,29 euros du 3 décembre 2012 et 3 402,72 euros du 4 mai 2013, ainsi que la facture de 1 148,04 euros d'avril à juillet 2013, évoquée ci-dessus au titre des impayés, soit en moyenne par mois, un montant établi de 726 euros sur 13 mois (9 438,05 euros : 13). Il sera accordé une indemnité de 24 mois soit 17 424 euros.
* sur les autres demandes :
Il est inéquitable de laisser à la charge de la société B2B Booster les frais irrépétibles engagés dans l'instance, une somme de 2 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La partie perdante supporte les dépens, ils seront à la charge de la société Si Pasta qui succombe en appel.
Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement, Reforme partiellement la décision déféré, Statuant à nouveau sur le tout, Condamne la Si Pasta à payer à la société B2B Booster : - la somme de 24 093,51 euros au titre des factures impayées avec intérêt de retard calculé conformément à l'article L. 441-6 du Code de commerce à compter du 20 février 2014, - la somme de 17 424 euros sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce, - la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, Condamne la Si Pasta aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon.