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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. A, 4 avril 2017, n° 16-05661

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ecole Française d'Audiovisuel (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vidal

Conseillers :

M. Brue, Mme Dampfhoffer

TGI Nice, du 17 mars 2016

17 mars 2016

EXPOSE

Vu le jugement, contradictoire, rendu par le Tribunal de grande instance de Nice le 17 mars 2016, ayant statué ainsi qu'il suit :

- met hors de cause la SAS Efa Sud,

- prononce la nullité pour dol du contrat de formation professionnelle du 1er juillet 2010,

- condamne la société Efa à rembourser à M. B. la somme de 13 600 euros, à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, et la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejette le surplus des demandes et la demande d'exécution provisoire,

- condamne la société Efa aux dépens.

Vu l'appel interjeté le 29 mars 2016 par la société l'école française d'audiovisuel.

Vu les conclusions de l'appelante en date du 13 septembre 2016, demandant de :

- réformer le jugement, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Efa sud et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. B. pour préjudice moral,

- condamner M. B. à lui payer à titre de dommages et intérêts pour son préjudice de notoriété et d'images la somme de 5 000 euros,

- condamner M. B. à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Vu les conclusions de M. B., en date du 13 juillet 2016, demandant de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- constater qu'il a été trompé sur la nature des diplômes décernés par l'école, sur les prestations et sur la qualification des intervenants, constater que le site Internet de l'école contenait des informations inexactes sur la possibilité d'obtenir une prise en charge de la formation, que ce site utilisait des photos de studio et équipements induisant en erreur les futurs candidats quant aux moyens mis à leur disposition, que M. S. a sciemment fourni des informations mensongères sur les perspectives de formation à l'étranger,

- constater que, sans les manœuvres dolosives de l'école, il n'aurait jamais donné son consentement et en conséquence,

- dire que le contrat de formation professionnelle du 1er juillet 2010 est nul,

- ordonner la remise des choses en l'état antérieur à la conclusion du contrat,

- condamner l'école à lui rembourser les deux années de formation, 13 600 euros, à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et de la perte de chance d'obtenir une formation diplômante,

- condamner l'école au titre de la procédure d'appel à lui verser la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens,

- à titre subsidiaire,

- constater que l'école entre dans les catégories des organismes visés par l'article L. 63 13-1 du Code du travail, que le contrat ne contient pas les mentions relatives au programme et ne précise pas l'objet des actions de formation, qu'il ne donne aucune information relative aux moyens pédagogiques et techniques mis en place pour les candidats, ni sur le personnel enseignant, constater que les conditions financières sont illégales car supérieures au seuil légal de 30 % et non échelonnées,

- en conséquence, dire que le contrat de formation professionnelle du 1er juillet est nul, ordonner la remise des choses en l'état antérieur à la conclusion du contrat, condamner l'école à lui payer ses deux années de formation, la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et de la perte de chance d'obtenir une formation diplômante et la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile devant la cour, ainsi qu'à supporter les dépens.

Vu l'ordonnance de clôture du 7 février 2017.

Motifs

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; que rien au dossier ne conduit la cour à le faire d'office.

Attendu que l'appel sera donc déclaré recevable.

Attendu, sur le fond, que M. B. a conclu, le 1er juillet 2010, un contrat de formation professionnelle avec l'école française d'audiovisuel, qui est un établissement privé intervenant notamment dans le secteur du son et qui exerce une activité de formation continue pour les adultes.

Attendu que M. B. sollicite, en premier lieu, la nullité du contrat sur le fondement du dol, prétendant avoir été trompé sur plusieurs éléments lors de son inscription ; qu'ainsi, il affirme notamment qu'il lui avait été indiqué que la formation pouvait être financée par l'intermédiaire de Pôle emploi, que chacune des années était diplômante et que les diplômes étaient reconnus par l'État ; que par ailleurs, l'école disposait d'un réseau international de professionnels, d'un studio d'enregistrement " Ocean way " à Los Angeles et de nombreux intervenants extérieurs ; qu'en réalité, les promesses se sont révélées mensongères.

Attendu, en second lieu, que M. B. fonde sa demande de nullité sur la violation des dispositions du Code du travail, notamment les articles L. 6353-4 et suivants du Code du travail.

Attendu sur le premier fondement de l'action, qu'en application de l'article 1116 du Code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Attendu que la preuve en incombe à celui qui s'en prévaut.

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'école française d'audiovisuel se présente, sur différents documents ainsi que sur son site internet, comme une école internationale de formation aux métiers du son, localisée à Paris, Nice et Los Angeles ;

Qu'à cet égard, les documents qu'elle édite et remet à ses élèves en vue de l'inscription porte sur leur en-tête les différents sites de l'école et mentionne donc un site à Los Angeles, outre ceux de Nice et Paris ;

Que le contrat de formation, signé par l'élève, propose également expressément comme lieu de la scolarité le site de Los Angeles au même titre que ceux de Nice et Paris ;

Que l'" édito " du directeur affirme que l'école est " présente aux États-Unis, qu'elle est l'une des plus importantes avec un pôle de production audiovisuelle de plus de 1000 m2 de haute technologie au service de l'enseignement ".

Attendu également, que sur la plaquette de formation, il est précisé que celle-ci, après deux années, conduit au diplôme de l'école française d'audiovisuel, et permet d'accéder à un master aux États-Unis ; que chaque année est diplômante, la certification " RNCP " étant en cours.

Or, attendu qu'il n'est pas contesté par l'école que seule la deuxième année est diplômante puisqu'elle écrit dans ses conclusions : " il ressort des stipulations contractuelles que la formation se déroule sur deux années et que seule la deuxième année permet, en cas de réussite aux examens, d'obtenir la délivrance du diplôme de l'établissement "

Qu'à cet égard, elle conteste vainement avoir indiqué que chaque année est diplômante, dans la mesure où cette assertion figure bien sur la fiche du diplôme de technicien supérieur du son au titre du paragraphe " validation " et que si le descriptif de la scolarité mentionne " première année (brevet professionnel) et deuxième année (diplôme de fin d'études) " il reste qu'en fin de première année, l'étudiant s'est, en l'espèce, seulement vu remettre un relevé de notes avec une décision de passage en 2e année, sur lequel la possibilité de demander le diplôme y correspondant n'était pas mentionnée.

Attendu par ailleurs qu'il résulte de l'examen des pièces versées que sur les documents édités par l'école, et notamment la fiche de candidature, sont reproduits non seulement le logo de Pôle emploi, mais également le logo de la République française et celui de l'Union européenne ; que la mention " RNCP " laisse croire que le diplôme est certifié par un organisme reconnu par l'Etat, le visa de cet acronyme concernant, en effet, une base de données de certifications professionnelles dans laquelle on trouve les diplômes, titres et certificats de qualification professionnelle reconnus par l'État ;

Or, attendu que si l'école a bien déposé, auprès de la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, des autorisations qui lui ont été accordées et qui ont été renouvelées, il ne s'agit pour autant pas de l'agrément par un organisme étatique national ou européen des diplômes qu'elle délivre, l'appelante ne contestant pas que le diplôme qu'elle délivre n'est validé ni au niveau étatique, ni au niveau européen.

qu'enfin, la fiche intitulée " procédure nationale de candidature à l'EFA " mentionne que des "financements sont montés sur mesure avec l'administration ", cette information couplée avec le logo de Pôle emploi, étant également susceptible d'induire en erreur sur les possibilités de prise en charge des frais de scolarité, l'école admettant n'être liée par aucune convention particulière avec des organismes publics.

Attendu, enfin, qu'en ce qui concerne l'impossibilité invoquée par l'appelant de suivre sa formation sur un site de l'école à Los Angeles, alors que cette possibilité était mentionnée, sans réserve, au même titre que celle reçue à Nice ou Paris, sur le contrat, l'école répond en évoquant seulement la possibilité d'effectuer un stage dans cette ville ou de façon plus générale la possibilité d'effectuer un cursus à l'étranger, ce qui ne saurait s'assimiler à une formation délivrée par l'école dans des locaux où elle officierait à Los Angeles pour y délivrer, elle-même, des cours sur l' année scolaire; que les documents produits en anglais à ce sujet, tant par l'appelant que par l'intimé, et non traduits ne peuvent être retenus ; qu'en revanche, l'attestation de M. V., produite par l'école, vient corroborer cette impossibilité dès lors qu'il y écrit que les étudiants ont pu aller aux États-Unis dans le cadre de stages ou de la poursuite de leurs études en y étant accueillis par de nombreux professionnels français et étrangers, sans donc aucunement citer l'école comme structure d'accueil ; que le fait que certains étudiants aient eu des récompenses lors d'un festival de court-métrages à Hollywood ou à Berlin ne démontre pour autant pas qu'une possibilité de formation existait bien à Los Angeles et qu' un bureau de liaison, susceptible de mettre en relation les étudiants avec d'autres universités, ne peut, non plus, s'assimiler à une formation délivrée par l'école elle-même, à l'étranger.

Attendu, par suite, qu'il sera jugé que l'ensemble de ces éléments et informations ont induit en erreur l'étudiant lors de son inscription sur des éléments déterminants de son consentement, dès lors qu'en prenant une telle décision l'étudiant envisage, non seulement la qualité du diplôme qu'il espère obtenir, sa reconnaissance officielle par des organismes d'État étant de ce point de vue essentielle, non seulement, compte tenu du coût important des frais de scolarité, la possibilité d'une éventuelle aide financière de la part d'institutions publiques, mais encore le contenu de l'enseignement et l'intégralité des possibilités que lui offre l'école sur l'ensemble du cursus ; que l'incertitude sur les résultats scolaires n'a pas, à ce stade, à interférer et que la circonstance que l'étudiant se prévale désormais de l'impossibilité de faire une scolarité au niveau de la troisième année à Los Angeles, alors que ses résultats ne le plaçaient pas parmi les meilleurs ne caractérise pas une exécution du contrat de mauvaise foi ;

Qu'en dernier lieu, dès lors qu'au moment de son inscription, l'étudiant pouvait, au vu de ces éléments et sans avoir à envisager, à ce stade, un éventuel échec ou des résultats passables, espérer pouvoir partir à Los Angeles en fin de cursus, sont inopérantes :

- la circonstance que l'école n'a jamais laissé croire à l' étudiant qu'il était assuré de partir à Los Angeles, cette possibilité leur étant effectivement présentée comme dépendant des résultats des étudiants,

- celle tirée de ce que la plaquette précise que l'étudiant est invité à consulter la direction de l'école pour les cursus à l'étranger,

- et celle tirée de ce que la possibilité d'effectuer un parcours à l'étranger était réservée aux étudiants de troisième et quatrième année et non prévue dès la première année.

Attendu, surabondamment, l'article L. 6353-4 du Code du travail dispose que " le contrat conclu entre la personne physique qui entreprend une formation et le dispensateur de formation précise à peine de nullité :

- la nature, la durée, le programme et l'objet des actions de formation qu'il prévoit ainsi que les effectifs qu'elles concernent,

- le niveau de connaissance préalable requis pour suivre la formation et les qualifications professionnelles auxquelles elle prépare,

- les conditions dans lesquelles la formation est donnée aux stagiaires, notamment les modalités de formation dans le cas de formation réalisée à distance, les moyens pédagogiques et techniques mis en œuvre, les modalités de contrôle de connaissances, la nature de la sanction éventuelle de la formation,

- les diplômes, titres ou références des personnes chargées de la formation prévue par le contrat,

- les modalités de paiement ainsi que les conditions financières en cas de cessation anticipée de la formation ou d'abandon. "

Or, attendu que le contrat produit ne mentionne pas les diplômes, titres ou références des personnes chargées de la formation, se contentant, en effet, de mentionner de ce chef qu'ils " sont disponibles auprès de l'administration sur simple demande ".

Attendu, par suite, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat.

Attendu que les parties doivent donc être remises en l'état antérieur et l'école française audiovisuelle sera, en conséquence, condamnée à rembourser à l'intimé ses frais de scolarité, soit la somme de 13 600 euros, et que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a alloué la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, cette indemnisation étant destinée à réparer le préjudice de l'étudiant qui, lors de son engagement avec l'école, a cru notamment avoir une chance d'obtenir une formation certifiée par l'Etat et de bénéficier d'un cursus à Los Angeles; que toute demande plus ample sera rejetée, le préjudice invoqué relativement au coût de sa vie quotidienne à Nice étant sans rapport de causalité avec le dol retenu.

Vu les articles 699 et 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, reçoit l'appel, déboute la société école française de l'audiovisuel (EFA) des fins de son recours et confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant : condamne la société école française de l'audiovisuel à verser à M. B. la somme supplémentaire de 1 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, rejette les demandes plus amples, condamne la société école française de l'audiovisuel à supporter les dépens de la procédure d'appel et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.