CA Bordeaux, 2e ch. civ., 6 avril 2017, n° 15-03977
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Speed Cars
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Potée
Conseillers :
Mme Serres-Humbert, M. Bouyx
Au mois de novembre 2010, M Jean-Claude B. a acquis aux États-Unis, un véhicule Dodge de type RAM 3500 au prix de 13 000 dollars et l'a fait importer au mois de janvier 2011 par la société LOGFRET et fait immatriculer par la société Stage MX sous le numéro BJ-665-TN après avoir obtenu un certificat provisoire d'immatriculation le 3 mars 2011.
Il a, le 14 octobre 2011, cédé le véhicule à la SAS Franck Garage qui le 25 janvier 2012, l'a vendu à M Jean-Philippe B., exerçant sous l'enseigne Speed Car.
Le 1er mars 2012, M B. a cédé le véhicule à M Gérald T. pour le prix de 39 000 euros comprenant la reprise d'un véhicule Jeep Mercedes et le paiement d'une somme complémentaire de 7000 euros. Le transfert du certificat d'immatriculation a été effectué par M T.
Par courrier en date du 10 octobre 2012, la direction centrale de la police judiciaire a informé M T. qu'une procédure d'instruction était en cours concernant le véhicule Dodge dont l'immatriculation en France avait été effectuée de manière frauduleuse.
Le 27 novembre 2012, M T. a demandé à son vendeur de reprendre le véhicule et de lui rembourser les sommes versées, ce que celui-ci a refusé.
Le 8 janvier 2013, M T. a fait assigner M B. devant le Tribunal de grande instance de Périgueux en résolution du contrat de vente.
Les 2 et 6 mai 2013, M B. a fait assigner la SAS Franck Garage et M B. en garantie.
Par décision en date du 6 juin 2013, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des 2 procédures.
La SAS Franck Garage a fait l'objet d'un redressement judiciaire puis d'une liquidation judiciaire prononcée par le Tribunal de commerce de Bergerac, la SCP P.-L.-D.-B. ayant été désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Le 9 août 2013, le juge commissaire a fait droit à la demande de relevé de forclusion de M B. lequel a déclaré sa créance le 12 février 2014.
Par acte sous-seing privé en date du 11 avril 2014, M T. a vendu son véhicule à la société Rock " N " Road Garage pour un montant de 15 000 euros, le véhicule étant destiné à être exporté en Allemagne.
Le Tribunal de grande instance de Périgueux par jugement en date du 31 mars 2015, a:
rejeté la demande de sursis présentée par M B.,
dit que M T. ne rapporte pas la preuve de l'existence de manquements contractuels à l'encontre de son vendeur,
rejeté l'ensemble des demandes de M T.,
constaté que les appels en garantie deviennent sans objet,
débouté les parties du surplus de leurs demandes,
dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
condamné M T. aux dépens.
Le 1er juillet 2015, M Gérard T. a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions en date du 26 janvier 2017, il demande à la Cour de:
infirmer le jugement du 31 mars 2015,
statuant de nouveau,
condamner M B. à lui payer les sommes de :
24 000 euros en réparation du préjudice financier que le défaut d'exécution du contrat lui a directement causé,
5000 euros en réparation du préjudice moral,
3500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il fait valoir que :
il ne lui appartenait pas d'accomplir des recherches s'agissant de la procédure applicable à l'immatriculation et à la circulation de véhicules américains ; M B. était tenu à une obligation d'information en application de l'article L. 111-1 du Code de la consommation et ce d'autant plus qu'il se prétend spécialiste de l'importation de véhicules américains,
le fait que son vendeur ait été trompé par la fraude commise à l'origine ne l'exonérait pas de faire des recherches préalables sur la réglementation applicable ; en s'abstenant d'y procéder, il a privé le concluant de tous les éléments déterminants de son consentement,
la société Parts Plus a attesté le 4 juillet 2013 que le véhicule n'était pas homologable en véhicule léger et ne pouvait pas être conduit avec un permis B,
cette homologation n'est en effet pas possible lorsque PTAC dépasse 3500 kg,
le vendeur connaissait l'usage que M T. entendait réserver au véhicule et il n'a jamais été question pour lui d'acquérir un véhicule poids-lourd,
à l'erreur sur la puissance du véhicule indiquée sur la facture s'ajoute une erreur sur le kilométrage,
il n'y a pas eu de délivrance conforme,
il n'a pu utiliser son véhicule que durant 7 mois pour avoir été contraint de l'immobiliser à compter du 10 octobre 2012 et il n'a eu d'autre choix que de le vendre à une société pour qu'il soit exporté.
M Jean-Philippe B. exerçant sous l'enseigne Speed Car, par conclusions en date du 16 janvier 2017 demande à la Cour de :
confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
statuant à nouveau,
à titre principal,
juger que M T. ne démontre pas que le certificat d'immatriculation du véhicule ne serait pas valable,
juger que M T. ne rapporte pas la preuve d'un manquement du concluant à ses obligations contractuelles,
juger que M T. ne rapporte pas la preuve de la réalité de son préjudice, les prétendus manquements n'étant pas de nature à avoir la moindre incidence sur le prix du véhicule dont la cession à vil prix résulte uniquement du fait de M T.,
débouter M T. de l'ensemble de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
à titre subsidiaire,
juger les demandes de dommages et intérêts excessives et les ramener à de plus justes proportions,
juger bien fonder l'action directe exercée à l'encontre de M B. sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et condamner ce dernier à le relever indemne de toute éventuelle condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre,
condamner M B. à lui payer la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il expose que :
il n'est en rien responsable de la revente supposée du véhicule à un prix très nettement inférieur à la valeur réelle,
il a revendu le véhicule en l'état 45 jours après l'avoir acquis d'un vendeur professionnel et ne s'est rendu coupable d'aucune inexécution contractuelle ; n'étant pas l'importateur du véhicule, il n'est pas intervenu dans son immatriculation en France,
il ne lui appartenait pas de procéder à des recherches alors qu'aucun élément ne permettait de douter de la validité de l'immatriculation, la première carte grise ayant été délivrée par le ministère de l'intérieur,
il n'a jamais revendiqué la qualité de spécialiste de véhicules américains et sous traite l'homologation des véhicules qu'il importe auprès de la société US Import,
la prétendue impossibilité de faire homologuer le véhicule en France n'est pas démontrée,
on ne peut déduire de la seule mention sur la facture d'un Dodge RAM 1500, la volonté de tromper l'acheteur alors que par ailleurs la déclaration de cession fait bien état d'un Dodge RAM 3500, mention confirmée par la carte grise ; la marque et le modèle du véhicule apparaissent en caractères très apparents sur le véhicule lui-même,
le véhicule livré présentait toutes les caractéristiques annoncées à l'acquéreur concernant la marque, le modèle, le type, le genre, la puissance etc. et était en parfait état de marche,
le certificat provisoire d'immatriculation et la carte grise font état d'un poids total en charge de 3490 kg et donc inférieur à 3,5 t ; s'agissant de l'erreur sur le kilométrage il se défend de toute mauvaise foi, ayant omis de faire la conversion des miles en kilomètres ; en tout état de cause la différence de kilométrage n'est pas telle qu'elle permette de retenir un défaut de délivrance conforme,
outre l'absence de démonstration de l'immobilisation, il aurait pu y être facilement remédié par une visite d'homologation, ce que la direction générale de la police nationale n'a pas manqué de faire savoir à l'appelant dans son courrier du 10 octobre 2012 ; il n'est pas prouvé que le véhicule ne soit pas homologable en France.
Par conclusions en date du 28 octobre 2016, M Jean-Claude B. demande à la Cour de :
confirmer en tant que de besoin le jugement du Tribunal de grande instance de Périgueux,
juger que M B. ne démontre pas l'existence d'une faute à son encontre,
juger que le concluant ne saurait être tenu responsable des pièces contractuelles qu'a pu établir M B. lors de la vente du véhicule,
y ajoutant,
condamner M T. et M B. à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il soutient que :
il n'est pas un professionnel de la vente de véhicules pour exercer la profession de stomatologue,
il a acquis le véhicule aux États-Unis lequel a été légalement importé en France et il a eu recours à la société Stage MX pour y procéder,
le véhicule a été immatriculé en véhicule léger,
il n'a pas de relation contractuelle avec M B. et la preuve d'une faute délictuelle ou quasi délictuelle n'est pas rapportée à son encontre.
L'affaire a été clôturée le 30 janvier 2017.
Motivation de la décision:
Sur l'obligation d'information :
Le véhicule Dodge de type RAM 3500 a été importé des États-Unis à l'origine par M B. et a été immatriculé à son arrivée en France par le biais de la société à laquelle il avait fait appel; les propriétaires ultérieurs la SAS Franck Garage et M B. l'ont également fait immatriculer à leur nom sans difficulté particulière ; M T. s'est vu délivrer le certificat d'immatriculation avec effet au 1er mars 2012, la date de première immatriculation étant celle du 1er janvier 2007.
M T. a fait assurer sa voiture et l'a utilisée pendant toute l'année 2012 date à laquelle il a reçu un courrier de la police judiciaire lui indiquant notamment qu'une immobilisation avait été inscrite au système d'immatriculation des véhicules et lui demandant afin de lever l'opposition judiciaire de prendre attache avec le précédent propriétaire pour effectuer la mise en conformité du véhicule lequel devra faire l'objet d'une visite d'homologation.
Ainsi que l'a relevé le tribunal, il n'est pas justifié de la réalité de cette inscription ; il n'est pas plus établi que le véhicule Dodge RAM 3500 ne pouvait pas être immatriculé en France, l'attestation de la société Parts Plus est contredite par le procès-verbal de réception à titre isolé d'un véhicule similaire produit par M B..
L'expertise à laquelle a fait procéder M T. au mois de mars 2012 porte l'indication d'un poids à vide de 2990 kg et d'un poids brut maximum de 3490 kg ; il n'est pas démontré l'impossibilité d'homologuer ce véhicule au titre du permis de conduire voiture.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M B. n'a pas manqué à l'obligation d'information pré contractuelle.
Sur l'obligation de délivrance :
Le véhicule vendu est bien un Dodge RAM 3500 immatriculé BJ-665-TM dont le numéro de série correspond et s'il est vrai qu'il est indiqué sur la facture Dodge RAM 1500, il ne fait pas de doute que le contrat conclu entre les parties portait sur un Dodge RAM 3500 comme indiqué sur le certificat d'immatriculation et sur l'expertise demandée au moment de l'achat par M T. qui identifie le véhicule comme de marque Dodge, modèle RAM 3500 turbot D, indication reprise dans le bilan technique d'évaluation à dire d'expert portant au bas du document et au titre des commentaires, le modèle et l'indication d'un véhicule totalisant au compteur 37 486 miles soit 60 237 km.
C'est donc à la suite d'une erreur d'attention ainsi que l'a retenu le tribunal que le vendeur a mentionné des kilomètres sur la facture de vente alors qu'il s'agissait de miles ; en tout état de cause l'acheteur bénéficiait de tous les éléments techniques l'informant du kilométrage réel.
Il n'est pas démontré que le véhicule ne pouvait pas circuler sur le territoire français pour un conducteur titulaire du seul permis B et qu'il était au contraire nécessaire d'avoir un permis poids lourd.
M T. sera débouté de sa demande.
Sur les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile :
Il est inéquitable de laisser à la charge de M B. et de M B. les frais par eux engagés et non compris dans les dépens.
Sur les dépens :
Les dépens seront mis à la charge de M T. qui succombe.
Par ces motifs ; Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Périgueux en date du 31 mars 2015, Y ajoutant, Dit que M B. n'a pas manqué à son obligation de délivrance conforme, Déboute M T. de l'ensemble de ses demandes, Condamne M T. à payer à M B. et à M B. la somme de 1500 euros chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M T. aux dépens.