CAA Douai, 3e ch., 30 mars 2017, n° 14DA01579
DOUAI
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Sedeca (SA)
Défendeur :
Gestion de Téléassistance et Services (Sté), Département du Nord
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Nizet
Rapporteur :
M. Jean-François Papin
Avocat général :
(rapporteur public) : M. Habchi
Avocat :
Selarl Genesis
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme Sedeca a demandé au Tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la convention conclue entre le département du Nord et la société Gestion de Téléassistance et Services (GTS) pour la délégation du service public départemental de téléassistance, d'autre part, de condamner le département du Nord à lui verser une somme globale de 338 007,66 euros hors taxes, majorée des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts, à titre de réparation des préjudices nés de son éviction irrégulière de la procédure mise en œuvre en vue de la conclusion de cette convention, enfin, de condamner le département du Nord à lui verser une somme globale de 3 729 648,50 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts, à titre de réparation des préjudices correspondant à la perte de recettes qu'elle indique avoir subie en conséquence de la rupture des contrats de téléassistance dont elle était titulaire, ainsi qu'à la réparation des dommages liés à la destruction de matériels lui appartenant, et de son préjudice moral.
Par un jugement n° 1006460, 1201183 et 1202958 du 15 juillet 2014, le Tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes et a mis à la charge de la SA Sedeca une somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23 septembre 2014, le 21 décembre 2016 et le 7 mars 2017, la SA Sedeca, représentée par Me H... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lille du 15 juillet 2014 ;
2°) de condamner le département du Nord à lui verser, à titre principal, une somme de 280 122 euros à titre d'indemnisation de son manque à gagner, à titre subsidiaire, une somme de 57 885,66 euros au titre des frais exposés pour le dépôt de son offre ;
3°) de condamner le département du Nord à lui verser, en outre, une somme de 1 654 458,50 euros à titre d'indemnisation de la perte de recettes consécutive à la résiliation forcée de ses contrats au profit de la société GTS et une somme de 1 735 124,89 euros à titre de réparation du préjudice afférent à la perte de matériels qui ne lui ont pas été restitués ;
4°) de mettre à la charge du département du Nord une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative, au titre des frais exposés par elle en cause d'appel et non compris dans les dépens, outre le reversement de la somme de 7 500 euros mise à sa charge, par le jugement attaqué, au titre des frais exposés à ce même titre par la département du Nord en première instance.
Elle soutient que :
- la convention de délégation de service public est illégale, dès lors que la création d'un service public départemental de téléassistance ne se justifiait pas et que l'intervention du département porte une atteinte excessive au principe de liberté du commerce et de l'industrie ;
- qu'une telle intervention méconnaît l'article L. 120-1, alors en vigueur, du Code de la consommation et l'article L. 420-2 du Code de commerce, qui prohibent les comportements faussant le libre jeu de la concurrence et les abus de position dominante ;
- en tout état de cause, le département du Nord ne peut être regardé comme ayant pu valablement confier à la société GTS la gestion d'un service public, eu égard à l'absence d'implication de cette collectivité dans l'organisation et le fonctionnement de l'activité ;
- le département du Nord a délivré aux candidats une information incomplète et comportant des renseignements erronés en ce qui concerne le sort des personnels jusqu'alors chargés du service départemental de télésurveillance, ce qui ne l'a pas mise à même d'élaborer son offre en toute connaissance de cause ;
- l'offre retenue par le pouvoir adjudicateur, émise par la société GTS, ne respectait pas le règlement de la consultation, en ce qui concerne les caractéristiques attendues des équipements destinés à être installés au domicile des usagers ;
- elle est fondée, en conséquence de son éviction irrégulière, à demander à être indemnisée, à titre principal, de son manque à gagner, dès lors qu'elle disposait d'une chance sérieuse de voir son offre retenue, à titre subsidiaire, des frais qu'elle a exposés pour déposer son offre ;
- par son comportement, le département du Nord a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité à son égard ;
- en provoquant la résiliation forcée des contrats qu'elle avait conclus et la perte de plusieurs matériels, ce comportement du département du Nord lui a causé des préjudices qu'il doit être condamné à réparer.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 mars 2015 et le 10 mars 2017, le département du Nord, représenté par Me B...G..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 8 000 euros soit mise à la charge de la SA Sedeca au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Il soutient que :
- la création du service public départemental de téléassistance était justifiée et n'a pas porté une atteinte illégale au principe de liberté du commerce et de l'industrie, ni n'a faussé la libre concurrence ;
- il a apporté aux candidats une information suffisante sur le contenu de leur obligation de reprise des personnels jusqu'alors chargés d'assurer le service de téléassistance ;
- en ce qu'elle proposait de mettre à la disposition des usagers du service public des matériels de la dernière génération, l'offre émise par la société GTS était conforme aux exigences posées par le règlement de la consultation ;
- les prétentions indemnitaires de la SA Sedeca ne sont fondées ni dans leur principe, dès lors qu'elle était dépourvue de toute chance d'obtenir le contrat en cause et qu'elle n'a fait aucune diligence pour récupérer son matériel, ni dans leur quantum.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le Code général des collectivités territoriales ;
- le Code de commerce ;
- le Code de la consommation ;
- le Code des marchés publics ;
- le Code du travail ;
- le Code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,
- et les observations de Me C...E..., substituant Me H... D..., représentant la SA Sedeca, ainsi que celles de Me A...F..., substituant Me B... G..., représentant le département du Nord.
1. Considérant que le département du Nord a créé, en octobre 1986, un service de téléassistance départemental afin de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées et handicapées, la gestion de ce service ayant été confiée à l'Association pour la Téléalarme du Nord (ATN), qui comptait, parmi ses membres, le département du Nord, ainsi que 617 communes adhérentes au 31 décembre 2007, soit directement, soit dans le cadre d'un groupement de communes ; que ce service proposait l'accès, pour ses usagers, personnes âgées ou handicapées, à un dispositif téléphonique adapté leur permettant d'alerter en permanence un opérateur, au moyen d'un appareil de télécommunications mis à leur disposition ; que, pour assurer cette prestation, cette association avait confié, le 27 juillet 2006 et pour une durée de quatre ans, l'exécution d'un marché public de fournitures à la société anonyme Sedeca, lequel couvrait la location, l'installation et la maintenance des matériels de téléalarme, ainsi que la mise à la disposition de l'association d'une centrale de réception des appels située à Armentières ; que, toutefois, par une délibération du 29 juin 2009, le département du Nord a décidé, d'une part, de reprendre en régie le service de téléassistance à compter du 1er juin 2010, et d'autre part, de confier la gestion du service à un prestataire extérieur au moyen d'une convention de délégation de service public ; que, dans le même temps, l'ATN a été dissoute au 30 mai 2010 ; qu'afin d'engager la procédure de mise en concurrence destinée à faire le choix de son prestataire, le département du Nord a fait paraître un avis d'appel d'offres restreint le 29 juillet 2009 au bulletin officiel des annonces des marchés publics ; que, lors de sa séance du 15 octobre 2009, la commission de délégation de service public mise en place par le pouvoir adjudicateur a établi la liste des quatre candidats autorisés à présenter une offre, au nombre desquels figurait la SA Sedeca ; qu'à l'issue de la procédure d'examen des offres finales des trois candidats demeurés en lice, l'offre de la société de Gestion de Téléassistance et de Service (GTS) a été retenue, tandis que celle de la SA Sedeca a été classée en troisième position ; que cette dernière a, dans ces conditions, demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la convention conclue le 23 juillet 2010 entre le département du Nord et la société GTS pour la délégation du service public départemental de téléassistance, d'autre part, de condamner le département du Nord à l'indemniser des préjudices résultant de son éviction de la procédure mise en œuvre en vue de la conclusion de cette convention, ainsi que des préjudices correspondant à la perte de recettes qu'elle indique avoir subie en conséquence de la rupture des contrats de téléassistance dont elle était titulaire, et aux dommages liés à la destruction de matériels lui appartenant ; qu'elle relève appel du jugement du 15 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes et a mis à sa charge une somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative et demande désormais seulement la condamnation du département du Nord à l'indemniser des préjudices dont elle a fait état ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service. / Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent Code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat. Les garanties professionnelles sont appréciées notamment dans la personne des associés et au vu des garanties professionnelles réunies en son sein. Les sociétés en cours de constitution ou nouvellement créées peuvent être admises à présenter une offre dans les mêmes conditions que les sociétés existantes. / La commission mentionnée à l'article L. 1411 5 dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières, de leur respect de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés prévue aux articles L. 5212-1 à L. 5212-4 du Code du travail et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public. / La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager. / Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire. " ;
3. Considérant que les personnes publiques sont chargées d'assurer les activités nécessaires à la réalisation des missions de service public dont elles sont investies et bénéficient à cette fin de prérogatives de puissance publique ; qu'en outre, si elles entendent, indépendamment de ces missions, prendre en charge une activité économique, elles ne peuvent légalement le faire que dans le respect tant de la liberté du commerce et de l'industrie que du droit de la concurrence ; qu'à cet égard, pour intervenir sur un marché, elles doivent, non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter notamment de la carence de l'initiative privée ; qu'une fois admise dans son principe, une telle intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles qu'en raison de la situation particulière dans laquelle se trouverait cette personne publique par rapport aux autres opérateurs agissant sur le même marché, elle fausserait le libre jeu de la concurrence sur celui-ci ;
Sur la création du service public local de téléassistance aux personnes âgées et handicapées et sur le principe de sa délégation :
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le service de téléassistance aux personnes âgées et handicapées créé par le département du Nord, dans le cadre de son action en matière d'aide sociale, a pour objet de permettre à toutes les personnes âgées ou dépendantes du département de pouvoir bénéficier, indépendamment de leurs ressources comme le stipule expressément l'article 4 de la convention de délégation en litige, d'une téléassistance pour faciliter leur maintien à domicile ; que ce service consiste, d'une part, à mettre à disposition de l'abonné un matériel de transmission relié à une centrale de réception des appels, fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, chargée d'identifier le problème rencontré par lui et d'apporter une réponse par la mise en œuvre immédiate d'une intervention adaptée à son besoin, grâce à un réseau de solidarité composé de personnes choisies par l'intéressé, à un service médical, social ou spécialisé et aux dispositifs locaux existants, tels que les instances de coordination gérontologique, les plates-formes de service, le service de soins infirmiers à domicile pour personnes âgées, d'autre part, à intervenir au besoin au domicile de l'abonné dans les vingt-quatre heures suivant son appel ou moins, selon l'urgence ; que le délégataire, tenu d'organiser localement le service, doit reprendre le centre d'appel situé à Armentières et les personnels de l'ATN qui assuraient jusqu'alors le fonctionnement du service de téléassistance ; que, pour le financement de ce service, le département du Nord intervient en réduction du coût réel de la prestation pour les abonnés, non par le versement d'une aide financière spécifique à ce service, mais au moyen de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH), dont le niveau est déterminé, indépendamment du niveau des ressources du bénéficiaire, en fonction de son degré de dépendance et de ses besoins en assistance ; qu'ainsi, même si des sociétés privées offrent des prestations de téléassistance, la création de ce service, ouvert à toutes les personnes âgées ou dépendantes du département, indépendamment de leurs ressources, satisfait aux besoins de la population et répond à un intérêt public local ;
5. Considérant, en second lieu, que le département du Nord en vertu des articles 10, 11 et 11-2 de la convention de délégation en litige, est en droit d'obtenir du délégataire tous renseignements propres à lui permettre de s'assurer de la qualité des prestations servies aux abonnés et reçoit un rapport annuel détaillé retraçant l'intégralité des opérations afférentes à l'exécution de la délégation, ainsi que des comptes-rendus d'exploitation mensuels ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que le service de téléassistance aux personnes âgées et handicapées créé par le département du Nord constitue un service public dont la collectivité a pu légalement confier à la société GTS la gestion au moyen de la convention en litige ;
7. Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit au point 4 et notamment aux modalités de l'aide financière apportée aux bénéficiaires potentiels de ce service public et à son accessibilité à toute personne âgée ou dépendante du département, la création d'un tel service et sa délégation à un opérateur privé n'ont pu, par elles-mêmes, porter une atteinte illégale au principe de liberté du commerce et de l'industrie ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'illégalité de la délibération du 29 juin 2009 qui a créé ce service, et sur le fondement de laquelle la procédure de délégation litigieuse a été engagée, doit être écarté ;
Sur le choix du délégataire :
8. Considérant que le règlement de la consultation prévoyait que le délégataire devrait s'engager à reprendre, selon les règles en vigueur et sous réserve de l'accord des intéressés, le personnel jusqu'alors affecté à la gestion de la centrale d'écoute, en précisant qu'étaient concernés un directeur adjoint, huit opérateurs, une secrétaire et une femme de ménage ; qu'usant de la possibilité offerte aux candidats par le même règlement d'adresser au pouvoir adjudicateur des questions écrites destinées à leur apporter tout éclaircissement utile à l'élaboration de leur offre, la SA Sedeca a adressé au département du Nord une question portant sur le point de savoir s'il accepterait, dans l'hypothèse où certains personnels refuseraient le transfert de leur contrat de travail, de prendre en charge leur reclassement au sein de ses services ; qu'en réponse à cette question, dans laquelle la SA Sedeca faisait une référence expresse à l'article L. 1224-3-1 du Code du travail en rappelant qu'à défaut de solution de reclassement, elle serait tenue de licencier à ses frais les personnels concernés, le département du Nord a indiqué qu'il demanderait au délégataire d'assumer le coût du licenciement des salariés refusant le transfert de leur contrat de travail ; qu'ainsi, la SA Sedeca disposait, dès le stade de l'examen des candidatures, d'informations suffisantes sur les obligations susceptibles d'incomber au délégataire en ce qui concerne ceux des personnels assurant le service de téléassistance qui seraient amenés à refuser le transfert de leur contrat de travail et n'a ainsi pas été empêchée d'élaborer son offre en tenant compte de cet élément ; que, dès lors, le moyen tiré des manquements qu'aurait commis, sur ce point, le département du Nord à ses obligations de publicité et de mise en concurrence doit être écarté ;
9. Considérant que le projet de convention de délégation de service public joint au dossier de consultation des entreprises et auquel le règlement de la consultation fait une référence expresse énonce, en son article 8-1.2, que le délégant devra s'engager à faire profiter les abonnés des dernières améliorations disponibles sur le marché des matériels de télécommunication et que les appareils qu'il mettra à la disposition de ceux-ci devront donc appartenir à la dernière génération ; qu'il est constant que l'offre proposée par la société GTS et qui a été retenue par le pouvoir adjudicateur, comportait la mise à la disposition des abonnés de matériels de télécommunication comportant notamment un transmetteur de type Quiatil Europe, commercialisé par la société Intervox, tandis que l'offre émise par la SA Sedeca proposait quant à elle, parmi les matériels qu'elle prévoyait d'installer au domicile des abonnés, un transmetteur de type Quiatil Plus, également fourni par la société Intervox ; qu'il résulte cependant de l'instruction et notamment d'un courrier émis par ce fournisseur et produit par le département du Nord, que les transmetteurs Quiatil Europe et Quiatil Plus sont tous deux issus de la dernière génération technologique, ont les mêmes performances, répondent aux normes en vigueur en matière d'alarme sociale et utilisent la même gamme de périphériques radio, ce que confirme le tableau comparatif joint à ce courrier ; qu'ainsi, alors même que le transmetteur Quiatil Plus met à la disposition de son utilisateur des fonctionnalités supplémentaires à celles proposées par le modèle Quiatil Europe, dont certaines ont néanmoins été proposées par la société GTS par le biais de dispositifs périphériques dont il n'est pas sérieusement démontré qu'ils ne permettraient pas d'atteindre un niveau de prestation équivalent, il n'est pas établi que l'offre proposée par cette dernière société n'était pas conforme à l'exigence posée par le règlement de la consultation s'agissant des caractéristiques techniques attendues des matériels destinés à être installés au domicile des usagers du service public, selon laquelle ce matériel devait relever de la dernière génération technologique ;
10. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit au point 9 et de ce que la SA Sedeca n'apporte aucune autre critique du bien-fondé du classement en première position de l'offre présentée par la société GTS, il n'est pas établi que le classement qui a été ainsi attribué à celle-ci à l'issue de la procédure de sélection procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'atteinte alléguée à la libre concurrence :
11. Considérant que, si la SA Sedeca soutient que la création de ce service public départemental de téléassistance aurait permis à son délégataire, la société GTS, de bénéficier d'une position avantageuse sur le marché des prestations de téléassistance aux personnes dépendantes, il résulte de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté, que la SA Sedeca avait conservé, à la fin de l'année 2011, soit plus d'un an après la conclusion de la convention de délégation en litige, plus de la moitié des abonnés dont elle disposait à la fin de l'année 2009, à une période à laquelle elle assurait, comme cocontractant de l'ATN, le fonctionnement du service de téléassistance ; que, dans ce contexte, si le département du Nord a adressé, le 27 juillet 2010, une lettre-circulaire aux abonnés du service de téléassistance pour les informer de ce qu'en raison de la conclusion d'une convention de délégation de service public avec la société GTS, il n'était pas en mesure de garantir les prestations qui continueraient d'être assurées, hors du cadre de ce service public, par la SA Sedeca, dont la proposition n'avait pas été retenue, ce document, qui manifeste l'intention du département du Nord d'informer les personnes bénéficiant jusqu'alors du service des conditions dans lesquelles celui-ci serait désormais assuré et de leur présenter le prestataire choisi, ne peut suffire à révéler que le département du Nord aurait entendu, en réalité, indûment assurer à son nouveau cocontractant un positionnement préférentiel sur le marché ; qu'il en est de même de l'information, publiée dans des termes voisins, dans l'édition de décembre 2010 du mensuel d'information édité par le département du Nord ; que, d'ailleurs, il résulte de l'instruction que, par une délibération du 13 décembre 2010, le conseil général du Nord a décidé d'instaurer un plafond pour l'aide financière, accordée au titre de l'APA, à l'accès au service de téléassistance, afin de garantir, dans le contexte d'une baisse du coût de la prestation, une meilleure égalité de traitement entre les bénéficiaires de cette allocation et que le département du Nord a ensuite adressé à l'ensemble de ces derniers, le 10 février 2011, un courrier destiné à leur confirmer que cette aide continuerait d'être assurée quelle que soit la société choisie par eux ; qu'il n'est, dans ces conditions, pas établi que le département du Nord aurait traité de manière différente, pour la détermination du niveau de prestations qui leur serait servi au titre de l'APA, les abonnés à un service de téléassistance, selon qu'ils auraient ou non choisi le délégataire du service public ; qu'il n'est pas davantage établi que le département du Nord aurait, à l'occasion de la conclusion de la convention de délégation de service public en litige avec la société GTS, puis à l'occasion de ses agissements ultérieurs, tenté de fausser le libre jeu de la concurrence, en méconnaissance de l'article L. 120-1, alors en vigueur, du Code de la consommation, ni qu'il aurait tenté de procurer à son délégataire un avantage contraire à l'article L. 420-2 du Code de commerce, qui prohibe les abus de position dominante ; que la SA Sedeca ne peut, à cet égard, utilement invoquer des prises de position ou interprétations contenues dans des correspondances adressées par des collectivités territoriales, notamment des communes, à certains de leurs habitants allocataires de l'APA ou de la PCH, ou sur les sites internet de ces collectivités, et qui ne sauraient être regardées comme de nature à engager la responsabilité du département du Nord ;
Sur le droit à indemnisation :
En ce qui concerne les préjudices qui résulteraient du rejet de l'offre de l'appelante :
12. Considérant qu'il résulte, d'une part, de ce qui a été dit aux points 4 à 10 que la SA Sedeca ne peut être regardée comme ayant été irrégulièrement évincée de la procédure de consultation mise en œuvre par le département du Nord en vue de l'attribution du contrat en litige ; que, d'autre part, la circonstance alléguée que la société requérante aurait du être classée en deuxième position et non en troisième, en la supposant de nature à rendre la procédure de dévolution de la délégation de service public en litige, irrégulière, est sans lien avec les préjudices dont elle demande réparation ; que, par suite, elle ne peut prétendre à une indemnité en réparation des préjudices qu'elle aurait subis pour n'avoir pas été choisie comme délégataire ;
En ce qui concerne le préjudice qui résulterait de la résiliation des contrats d'abonnement dont l'appelante était titulaire :
13. Considérant que la SA Sedeca demande la condamnation du département du Nord à l'indemniser de ce chef de préjudice en invoquant exclusivement les fautes qu'aurait commises ce dernier, d'une part, en créant un service public départemental de téléassistance et en informant les personnes précédemment abonnées au service des nouvelles modalités de gestion de celui-ci, d'autre part, en délégant ce service à un opérateur privé, en choisissant la société GTS comme cocontractant et en présentant aux abonnés ce nouvel interlocuteur potentiel ; que, toutefois, comme il a été dit aux points 4 à 11, il n'est pas établi que le département du Nord aurait commis de telles fautes ; qu'ainsi, s'il n'est pas contesté que, du 14 septembre 2010 au 4 mars 2011, 5 321 personnes ont fait le choix de mettre un terme à l'abonnement qui les liait à la SA Sedeca, le département du Nord ne saurait être condamné à réparer le préjudice invoqué par elle à ce titre ;
En ce qui concerne le préjudice qui résulterait de pertes de matériels :
14. Considérant que, s'il est constant que le matériel mis par la SA Sedeca à la disposition de ceux de ses abonnés, mentionnés au point 13, qui ont choisi, à la fin de l'année 2010, de changer de prestataire au profit de la société GTS, a été déposé par les soins de cette dernière, il résulte de l'instruction que la SA Sedeca en a systématiquement été informée par le courrier-type de résiliation souscrit par les intéressés, lequel précisait que la société GTS tenait ce matériel à la disposition de la SA Sedeca ; que cette dernière ne conteste pas n'avoir donné aucune suite à ces courriers, ni n'avoir accompli aucune diligence pour récupérer ces matériels, dont il n'est pas établi qu'ils ne seraient pas réutilisables, comme la SA Sedeca se borne à l'alléguer ; qu'il résulte ainsi de ce qui vient d'être dit et des motifs exposés au point 13 que la SA Sedeca ne saurait demander, en tout état de cause, la condamnation du département à prendre à sa charge le préjudice dont elle fait état à ce titre ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Sedeca n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 15 juillet 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes et, après l'avoir regardé à juste titre comme partie perdante, a mis la somme de 7 500 euros à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ; que les conclusions qu'elle présente en cause d'appel au titre de ces dispositions doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à sa charge, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés, dans le cadre de l'instance d'appel, par le département du Nord et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA Sedeca est rejetée.
Article 2 : La SA Sedeca versera au département du Nord la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Sedeca, à la société de Gestion de Téléassistance et de Service (GTS) et au département du Nord.