CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 27 avril 2017, n° 15-07851
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Firstimmo-Consulting (SARL), Petrovic (ès qual.)
Défendeur :
Paul Gabet Administrateur de Biens (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dabosville
Conseillers :
Mmes Schaller, du Besset
Avocats :
Mes Asselineau, Dubois, Minatchy, Faure
La société Firstimmo-consulting (ci-après " Firstimmo ") exerce une activité de conseil en immobilier et gestion du patrimoine et a pour gérant M. Milan Petrovic. Elle a fait l'objet d'une dissolution et Monsieur Petrovic est son liquidateur.
La société Paul Gabet Administrateur de biens (ci-après " Paul Gabet ") exerce une activité de négociation et de gestion immobilière et, à ce titre, dispose de la carte " transaction sur immeuble et fonds de commerce " ainsi que de la carte " gestion immobilière ".
Par convention du 1er juillet 2007 intitulée " convention-cadre partenariat ", les deux sociétés ont défini les modalités de leur collaboration. Les rémunérations respectives étaient calculées sur un pourcentage des honoraires perçus par transaction. Cette convention a été conclue pour une durée de trois mois, renouvelable par tacite reconduction, sauf dénonciation par lettre recommandée en respectant un préavis de quinze jours.
Au cours du mois de mai 2013, la société Paul Gabet n'a plus donné de réponse aux différents courriers et mails envoyés par la société Firstimmo. Leur collaboration a cessé brutalement.
C'est dans ces conditions que la société Firstimmo a, par acte du 25 juillet 2013, assigné à titre principal la société Paul Gabet en paiement d'indemnité de préavis et d'indemnité compensatrice de préjudice résultant de la cessation du contrat.
Par jugement du 23 mars 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :
débouté la SARL à associé unique Firstimmo-consulting de sa demande d'indemnité au titre d'un prétendu contrat d'agent commercial,
débouté la SA Paul Gabet administrateur de biens de sa demande reconventionnelle, débouté la SA Paul Gabet administrateur de biens de sa demande de condamnation de la SARL à associé unique Firstimmo-consulting pour procédure abusive et injustifiée ;
débouté la SARL à associé unique Firstimmo-consulting de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts,
dit qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
dit n'y avoir matière à exécution provisoire.
Vu l'appel interjeté le 9 avril 2015 par la société Firstimmo à l'encontre de cette décision,
Vu les dernières conclusions signifiées le 25 janvier 2017 par la société Firstimmo et M. Milan Petrovic, ès qualités de liquidateur de cette société, dans lesquelles il est demandé à la cour de :
Infirmer le jugement rendu le 23 mars 2015 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté la société Firstimmo-consulting de l'ensemble de ses demandes principale, subsidiaire et très subsidiaire, et statuant à nouveau :
À titre principal :
Dire et juger que la convention de partenariat conclue entre la société Paul Gabet Administrateur de biens et la société Firstimmo-consulting, par acte sous seing privé du 1er juillet 2007, doit être requalifiée en contrat d'agent commercial ;
Condamner en conséquence la société Paul Gabet Administrateur de biens à payer à Monsieur Milan Petrovic et à la société Firstimmo-consulting les sommes de :
23 590,09 à titre d'indemnité de préavis, sur le fondement de l'article L. 134-11 du Code de commerce;
188 727, 12 à d'indemnité compensatrice du préjudice résultant de la cessation du contrat, en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce.
À titre subsidiaire :
Condamner la société Paul Gabet Administrateur de biens à payer à Monsieur Milan Petrovic et à la société Firstimmo-consulting la somme de 47 181,78 , en indemnisation du préjudice résultant de la rupture brutale de leurs relations commerciales, sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;
À titre très subsidiaire :
Condamner la société Paul Gabet Administrateur de biens à payer à Monsieur Milan Petrovic et à la société Firstimmo-consulting la somme de 47 181,78 , en indemnisation du préjudice résultant de la rupture fautive des relations contractuelles, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
En tout état de cause :
Confirmer le jugement rendu le 23 mars 2015 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté la société Paul Gabet Administrateur de biens de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
Condamner la société Paul Gabet Administrateur de biens à verser à Monsieur Milan Petrovic et à la société Firstimmo-consulting une indemnité de 5 000 , en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la société Paul Gabet Administrateur de biens aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu les dernières conclusions signifiées le 25 janvier 2017 par la société Paul Gabet administrateur de biens dans lesquelles il est demandé à la cour de :
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce en ses dispositions en ce qu'il a débouté la SARL Firstimmo-consulting de l'ensemble de ses demandes.
En conséquence :
Débouter la SARL Firstimmo-consulting et Monsieur Petrovic, liquidateur de leur demande de requalification de la convention du 1er juillet 2007 en contrat d'agent commercial.
En conséquence,
Rejeter la demande de la SARL Firstimmo-consulting et de Monsieur Petrovic en condamnation du Cabinet Paul Gabet de lui régler la somme de :
23 590.09 à titre d'indemnité de préavis sur le fondement de l'article L. 134-11 du Code du commerce.
188 727.12 à titre d'indemnité compensatrice du préjudice résultant de la cessation du contrat en application de l'article L. 134-12 du Code du commerce.
Dire et juger que la convention conclue le 1er juillet 2007 est soumise aux dispositions du Code civil notamment les articles 2003 et suivants du Code civil, 1134 et 1147 du Code civil.
Débouter la SARL Firstimmo-consulting et Monsieur Petrovic, liquidateur, de la demande de condamnation à régler la somme de 47 181.78 sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 du Code du commerce.
Dire et juger que la SARL Firstimmo-consulting et Monsieur Petrovic, liquidateur, ne justifient pas d'un manquement fautif du Cabinet Paul Gabet.
Dire et juger que la SARL Firstimmo-consulting et Monsieur Petrovic, liquidateur, ne justifient pas d'une rupture brutale de la convention liant ladite société avec le Cabinet Paul Gabet, rupture à l'initiative du Cabinet Paul Gabet.
Dire et juger que la SARL Firstimmo-consulting et Monsieur Petrovic, liquidateur, ne justifient pas du montant de la demande indemnitaire.
Rejeter l'ensemble des demandes de la SARL Firstimmo-consulting et de Monsieur Petrovic, liquidateur.
Infirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle du Cabinet Paul Gabet :
Condamner la SARL Firstimmo-consulting et Monsieur Milan Petrovic, liquidateur à régler à la société Paul Gabet la somme de 13 883.67 en indemnisation du préjudice subi.
Condamner la SARL Firstimmo-consulting et Monsieur Milan Petrovic, liquidateur à régler à la société Paul Gabet la somme de 5 000 pour procédure abusive et injustifiée.
Condamner la SARL Firstimmo-consulting et Monsieur Milan Petrovic, liquidateur à régler à la société Paul Gabet la somme de 5 000 en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamner la SARL Firstimmo-consulting et Monsieur Milan Petrovic, liquidateur aux entiers dépens de l'instance et de ses suites.
A l'appui de leurs demandes, la société Firstimmo et M. Milan Petrovic, son liquidateur, exposent que :
à l'invitation de la société Paul Gabet qui ne souhaitait pas payer de charges patronales, la société Firstimmo-consulting a été constituée le 20 juin 2007 dans l'objectif de développer une activité d'intermédiaire immobilier en partenariat avec la société Paul Gabet, dans le cadre de la " convention cadre partenariat ", elle s'est vue confiée deux missions :
l'indication à la société Paul Gabet de clients vendeurs ou acquéreurs de biens aux fins de développer son action de transaction vente ainsi que l'indication à cette société de clients bailleurs ou loueurs aux fins de développer son service de location la convention s'est poursuivie durant près de six années;
la rupture du contrat à l'initiative de la société Paul Gabet est injustifiée et incompréhensible compte tenu des rapports entre les deux partenaires ;
l'essentiel de l'activité de la société Firstimmo a été consacré à ce partenariat qui représentait entre 66,5 et 96 % de son chiffre d'affaires ;
la société Paul Gabet a fait preuve d'inertie en ne répondant pas à ses différents courriels et mails sollicitant des explications quant à la rupture.
Ils soutiennent que la convention de partenariat doit être requalifiée en contrat d'agent commercial en application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dite " loi Hoguet " dont les dispositions sont d'ordre public, que les honoraires perçus par la société Firstimmo s'assimilaient à des rétrocessions d'honoraires, même s'ils étaient facturés directement aux clients, que la qualité de personne morale de la société Firstimmo était indifférente, que le contrat a été établi conformément aux dispositions légales, que sa rupture ouvre droit aux indemnités légales prévues pour les agents commerciaux.
Subsidiairement, ils font valoir que la société Paul Gabet a rompu brutalement la convention de partenariat du 1er juillet 2007 et à ce titre que les parties entretiennent une relation commerciale à la fois licite et établie depuis 2007, et que, compte tenu de la durée de la relation commerciale, la durée du préavis devait être fixée à 6 mois.
A titre infiniment subsidiaire, ils font valoir que la société Paul Gabet a commis une faute en résiliant de manière abusive le contrat sans tenir compte des conséquences dommageables pour la société Firstimmo, que l'intention de nuire de la société Paul Gabet est caractérisée car elle connaissait l'inexpérience de M. Petrovic ainsi que le degré de dépendance économique de sa société.
Ils soulèvent enfin la prescription des demandes reconventionnelles, qui seraient au demeurant non fondées.
En réponse, la société Paul Gabet conteste la qualité de liquidateur de M. Petrovic. Elle soutient au fond que la société Firstimmo ne justifie ni de l'existence d'un contrat écrit d'agent commercial, ni de son immatriculation en qualité d'agent commercial, que le statut des agents commerciaux doit se combiner avec les règles propres à l'activité de négociateur immobilier telles que l'impossibilité d'exercer l'activité de négociateur sous une forme sociétaire.
Elle fait valoir que la société Firstimmo ne justifie pas d'une activité d'agent commercial dès lors :
qu'elle ne participait à la modification des conditions des contrats de bail ou de vente mais qu'elle avait pour mission de présenter les biens et d'assister les clients acquéreurs ou les candidats locataires pour la négociation ;
qu'elle n'était pas rémunérée par la société Paul Gabet administrateur de biens ;
qu'elle donnait des consultations juridiques et percevait des sommes d'argent à ce titre ;
qu'elle prétendait, sur son site internet, exercer l'activité d'agent immobilier au mépris des dispositions de la loi Hoguet.
qu'il s'agit d'une personne morale alors que l'activité d'agent commercial dans le secteur de l'immobilier ne peut être exercée que par une personne physique.
La société Paul Gabet conteste toute relation commerciale établie dès lors que la société Firstimmo n'était pas rémunérée par elle mais par les clients directement, que c'est la société Firstimmo qui a marqué son intention de ne plus collaborer avec elle, que les parties étaient liées par une convention de partenariat et non par un contrat de mandat et qu'au surplus, l'abus de droit nécessite la démonstration de l'intention de nuire, ce qui n'est pas établi en l'espèce.
Enfin, elle soutient à titre reconventionnel que la société Firstimmo n'a pas respecté ses obligations en application de la convention de partenariat et notamment l'obligation de lui reverser les honoraires de consultation.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR,
Considérant que la société Firstimmo ayant été dissoute le 12 juillet 2016 et Monsieur Petrovic ayant été nommé liquidateur de cette société, l'instance a été à juste titre reprise par celui-ci;
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 à laquelle est soumise la société Paul Gabet " toute personne habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s'entremettre ou s'engager pour le compte de ce dernier justifie de sa qualité et de l'étendue de ses pouvoirs dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...)
Les dispositions du chapitre IV du titre III du livre Ier du Code de commerce sont applicables aux personnes visées au premier alinéa lorsqu'elles ne sont pas salariées. Toutefois, ces personnes ne peuvent recevoir ou détenir des sommes d'argent, des biens, des effets ou des valeurs ou en disposer à l'occasion des activités visées à l'article 1er de la présente loi (...) ";
Que la société Paul Gabet a donné mission à la société Firstimmo, non-titulaire d'aucune de ces cartes ni de l'attestation d'entremise immobilière prévue par décret, de lui proposer soit des biens à vendre et des acquéreurs, soit des biens à louer et des locataires, moyennant paiement, directement par les clients, des honoraires relatifs aux transactions validées par la société Paul Gabet, et moyennant rétrocession à la société Paul Gabet d'une partie de ces honoraires ;
Que ce procédé est clairement en contravention avec l'article 4 de la loi susmentionnée ;
Que c'est dès lors à juste titre, par des motifs précis que la cour adopte, que le tribunal a estimé que la société Firstimmo avait en réalité exercé l'activité d'agent immobilier sans détenir de carte et qu'il ne pouvait se prévaloir de la qualité d'agent commercial ;
Qu'il convient en conséquence, sans qu'il soit besoin de répondre à l'argumentation superfétatoire développée par les parties sur les conditions d'exercice en société de l'activité de la société Firstimmo, de confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a débouté la société Fistimmo de sa demande d'indemnité au titre de la rupture d'un contrat d'agent commercial ;
Considérant qu'au regard de la demande indemnitaire formulée par application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, aux termes duquel "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers:
... 5) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...)
Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ", il y a lieu de rappeler que les parties ont été liées par la convention de partenariat qui a été exécutée de 2007 à mai-juin 2013 ;
Que nonnobstant cette durée, compte tenu de l'illicéité de ladite convention au regard de la loi Hoguet et de la connaissance qu'en avaient les deux parties, il ne peut être retenu aucun caractère de stabilité ni de durée d'une telle convention, par application de l'adage " fraus omnia corrumpit " ;
Qu'ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, la rupture de ladite convention, même brutale, à l'initiative du cabinet Paul Gabet le 25 mai 2013 et pour des motifs extérieurs à l'exécution des obligations réciproques, ne saurait ouvrir droit à l'indemnisation prévue par la loi, ladite convention étant par nature susceptible d'être suspendue du jour au lendemain en raison de son illicéité et ne permettant pas l'application d'un quelconque préavis ;
Que pour les mêmes motifs, il ne saurait être retenu un quelconque abus du droit de rupture unilatérale, ni un fondement à rétrocession d'honoraires au bénéfice de la société Paul Gabet, les demandes indemnitaires et reconventionnelles étant par là même non-fondées ;
Que pour l'ensemble de ces motifs et ceux adoptés des premiers juges, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Considérant que ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure ne permettent de caractériser à l'encontre de la société Firstimmo une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit d'agir ou de se défendre en justice ;
Qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages intérêts formée à ce titre ;
Que les circonstances du litige ne justifient pas qu'il soit fait droit aux demandes d'indemnisation formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
Qu'il y a lieu de condamner Monsieur Petrovic, en sa qualité de liquidateur de la société Firstimmo, aux dépens ;
Par ces motifs ; Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne Monsieur Milan Petrovic, ès qualités de liquidateur de la société Firstimmo aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.