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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 25 avril 2017, n° 14-08041

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Aranea (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourrel

Conseillers :

Mme Olive, M. Bertrand

T. com. Montpellier, du 30 juin 2014

30 juin 2014

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Le 17 avril 1991, M. X, agent commercial, a conclu avec M. Y, entrepreneur de travaux publics exerçant sous l'enseigne Aranéa, un contrat d'agence commerciale à durée indéterminée par lequel " il s'engageait à vendre, au nom et pour le compte de cette entreprise, les services de celle-ci dans la clientèle et plus précisément à prospecter la clientèle des administrations, syndics, entreprises du bâtiment, particuliers, en vue du placement des services suivants : journées de travaux d'accès difficiles ", dans la zone géographique du Languedoc-Roussillon outre les départements 13 et 84.

Le contrat prévoit que l'agent perçoit sur les ventes de son secteur une commission de 22,5 % et que " le droit à commission n'est acquis qu'après acceptation des ordres par l'entreprise Aranéa, livraison des travaux, objet de ces ordres et règlement des factures le concernant, au fur et à mesure des encaissements et au prorata de ceux-ci. Les commissions acquises étant payables en fin de mois suivant l'encaissement ".

Par avenant du 1er août 1991, le taux de commission a été réduit à 19 %.

Le 21 juillet 2011, M. Y a informé ses fournisseurs que suite à l'apport de son entreprise Aranéa dans la SARL Aranéa, l'activité continuait sous l'enseigne de la société.

Le 4 février 2013, M. Y a adressé à M. X un courriel dans lequel il demandait notamment qu'à compter du 2 février 2013, tout nouveau devis soit accompagné des éléments réglementaires concernant les activités cordistes, précisait les situations dans lesquelles les commissions seraient dues au titre des fournitures et matériaux et indiquait que des erreurs dans la facturation des commissions de l'exercice 2012 avaient été constatées et seraient corrigées ultérieurement. Il ajoutait que l'utilisation du poste de travail disponible dans ses bureaux ne serait possible que moyennant le paiement d'un prix par demi-journée de 25 euros hors-taxes, exigible à compter du 2 février 2013.

Par courrier recommandé du 10 février 2013, M. X demandait à M. Y de renoncer aux modifications du contrat d'agence commerciale, contenues dans le courriel du 4 février et de lui restituer l'intégralité du fichier clients dans un délai de 8 jours, faute de quoi il serait contraint de considérer que le contrat était rompu à l'initiative de celui-ci et à ses torts. M. Y répondait par courriel du 20 février 2013 : " rien de nouveau, rien n'est modifié ".

Le 28 février 2013, M. Y retenait sur le règlement des commissions du mois de février 2013, le montant des erreurs de facturation alléguées dans le courriel du 4 février 2013.

M. X a contesté la modification unilatérale des conditions d'exécution du contrat d'agent commercial et la retenue des commissions. La société Aranéa a maintenu sa position en faisant valoir qu'il s'agissait " d'une mise au point sur l'usage attesté par la pratique dans la facturation et d'une régularisation des commissions indument facturées et encaissées ".

Par lettre du 19 juillet 2013, M. X a notifié à la société Aranéa la rupture avec effet immédiat du contrat d'agence commerciale, aux torts de celle-ci, par application de l'article L. 134-11 du Code de commerce et son intention irrévocable de faire valoir son droit à l'indemnité compensatrice de cessation du contrat prévue à l'article L. 134-12 du même Code.

Par acte huissier délivré le 19 novembre 2013, M. X a fait assigner la société Aranéa devant le Tribunal de commerce de Montpellier en résolution, aux torts exclusifs de celle-ci, du contrat d'agence commerciale, en paiement de la somme de 220 099 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat et en communication, sous astreinte, des bons de commande, devis acceptés, factures et état des encaissements pour la période du 1er décembre 2012 au 31 décembre 2013, afin qu'il soit statué ultérieurement sur le montant des commissions dues.

Par jugement rendu le 30 juin 2014, le tribunal a condamné la société Aranéa à payer à M. X la somme de 18 000 euros et a rejeté toutes autres demandes des parties, en considérant que les torts étaient partagés.

M. Hubert X a relevé appel du jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour de ce siège, le 29 octobre 2014.

Par arrêt avant dire droit du 7 juin 2016, la cour a ordonné la réouverture des débats, a enjoint à la société Aranéa de produire aux débats les factures ainsi que les devis et états d'encaissement correspondants ayant fait l'objet de rectifications, les devis acceptés, factures et états d'encaissements pour la période du 1er décembre 2012 au 31 décembre 2013 et a enjoint aux parties de s'expliquer sur la nature et l'application au commissionnement des coefficients allégués (1.2 et 1.7) sur les rectifications effectuées sur certaines factures et sur les commissions dues.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 10 octobre 2016, M. X demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et de réformer le jugement :

- prononcer la résolution du contrat d'agent commercial pour manquement de la société Aranéa à ses obligations essentielles ;

- condamner la société Aranéa à lui verser la somme de 220 099 euros, à titre d'indemnité de fin de contrat avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance ;

- dire que la société Aranéa est redevable d'une commission égale à 19 % des ventes encaissées sur le secteur du Languedoc-Roussillon pour les ordres acceptés par l'entreprise Aranéa et dont les travaux ont été livrés et les factures réglées ;

- condamner la société Aranéa à lui payer la somme de 79 584,51 euros au titre des commissions sur les ventes réalisées pour la période du 1er décembre 2012 au 31 décembre 2013 ainsi qu'une somme de 13 037,27 euros, au titre des commissions indument retenues ;

- débouter la société Aranéa de l'intégralité de ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il soutient pour l'essentiel que :

- il a toujours été immatriculé en qualité d'agent commercial au régime social des indépendants (RSI) et l'erreur administrative de radiation au registre spécial des agents commerciaux ne saurait affecter la validité du contrat qui s'est valablement poursuivi ;

- dans le courriel du 4 février 2013, la société Aranéa a modifié ses conditions de travail en imposant le paiement d'un loyer pour avoir accès au bureau et au matériel informatique après plus de 20 années de mise à disposition gratuite ; une telle mesure l'a privé de l'accès à son outil de travail, au fichier clients et aux matrices sous entêtes Aranéa, indispensables à la réalisation de sa mission ;

- le fichier clients n'était pas accessible de l'extérieur s'agissant d'un réseau interne à l'entreprise ; la communication incomplète de fichiers au format Word faite par l'intimée le 3 avril 2013 ne permettait pas d'établir de nouveaux devis ;

- la société Aranéa a imposé des conditions supplémentaires quant à l'établissement des devis (plan de repérage, descriptif précis...) ;

- elle a procédé sans raison et sans justificatif à des retenues de commissions ;

- elle a modifié unilatéralement les conditions de paiement et le calcul des commissions en retenant sans justification une somme de 12 366,46 euros TTC au titre de l'année 2012 et en suspendant le paiement des commissions au titre de l'année 2013 ;

- elle a subordonné le paiement de la commission uniquement sur la fourniture de matériau à coefficient 1,7 et l'a exclu pour la fourniture de matériau à coefficient 1,2, ce qui n'avait pas été prévu contractuellement et appliqué auparavant ;

- avant février 2013, la société Aranéa payait les commissions dans des termes et conditions contraires à ce qu'elle revendique depuis février 2013 ;

- les modifications unilatérales imposées par la société Aranéa portant sur des éléments essentiels du contrat d'agent commercial et le refus d'y renoncer malgré de multiples mises en demeure, caractérisent des manquements du mandant justifiant la résolution du contrat aux torts de celui-ci et le versement d'une indemnité de fin de contrat, par application des articles L. 134-12 et L. 134-12 du Code de commerce ;

- cette indemnité doit compenser le préjudice que lui cause la perte de commissions auxquelles il aurait pu prétendre dans la poursuite du mandat ; elle ne saurait être limitée à un préavis de 3 mois comme l'a retenu le premier juge ;

- compte tenu de son âge, de la durée de plus de 20 ans de son mandat, des conditions de sa rupture et de sa cessation d'activité, cette indemnité doit être égale à son revenu brut sur les trois dernières années 2010-2011-2012 soit 84 554 euro + 63 940 euro + 71 605 euro = 220 099 euros ;

- la totalité des commissions qui lui sont dues en vertu du contrat et de son avenant n'ont pas été versées et il n'a jamais accepté les calculs effectués par la société Aranéa ;

- les retenues faites par celle-ci à hauteur de 13 037,27 euros TTC, au titre des rectifications ne sont pas justifiées et le fait que les devis portent les initiales MY (Marc Y) , n'exclut pas son droit à commission puisqu'en 2010 et 2011, il a été commissionné sur la base de devis concernant les mêmes clients (Pôle Hébergement) et comportant les mêmes initiales ;

- au vu des devis acceptés, factures et états d'encaissements pour la période du 1er décembre 2012 au 31 décembre 2013, son commissionnement s'élève à 418 865,87 euro X 19 % soit 79 584,51 euros ; l'assiette des commissions telle que fixée contractuellement ne fait aucune distinction entre la vente de main d'œuvre, de prestations ou de matériels et concerne toutes les ventes de son secteur ;

- à compter du courriel du 18 février 2013, la société Aranéa a supprimé unilatéralement son droit à commission sur la vente de matériel à coefficient 1,2, ce qui n'avait jamais été exclu auparavant ;

- il est faux de prétendre qu'il n'était pas commissionné sur la vente de produits et matériels ; il ne percevait pas de commissions sur les seules ventes de matériels aux clients ayant un contact direct et exclusif avec M. Y (pièce adverse n° 4) ;

- il était également commissionné sur les travaux de sous-traitance et le travail piéton sauf lorsqu'il y renonçait pour des raisons commerciales (cf. pièce adverse n° 5).

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 23 août 2016, la SARL Aranéa a conclu à la réformation du jugement, au rejet des demandes de M. X, à sa condamnation au paiement d'une indemnité de préavis de 15 000 euros et à l'allocation d'une somme de 2 500 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir en substance que :

- elle a produit les pièces sollicitées par la cour confirmées et validées par son expert-comptable ;

- le contrat d'agence commerciale n'a subi aucune modification depuis 1991, date de l'avenant qui a ramené le taux de commissionnement à 19 % au lieu de 22,5 % ;

- ce contrat prévoit que seules les journées de travail de cordiste (" journées de travaux d'accès difficile ") ouvrent droit à commission ; elle n'a donc modifié aucune règle de commission en février 2013, comme le soutient à tort M. X ;

- les fournitures de marchandises et matériels, les prestations " non cordistes " comme le travail piéton et les chantiers dans lesquels M. X n'est pas intervenu lors du placement de travaux cordistes n'ont pas été facturés et ne donnaient pas droit à commission ;

- le coefficient de marge de 1,7 concernant les matériaux est sans lien avec le taux de commissionnement et la question relative au coefficient n'a aucune valeur contractuelle ; les factures émises par l'appelant sont peu lisibles ;

- la facture 110915 (pièce n° 4) et les factures de janvier et novembre 2004 (pièces n° 5 et 6) illustrent l'absence de facturation d'une commission pour une vente de matériel, pour une prestation en sous-traitance et pour un travail piéton ;

- le contrat stipule l'indépendance totale entre le mandant et le mandataire et aucune obligation de fourniture gracieuse de bureau ni de fichiers ni aucun autre moyen matériel n'a été convenue au profit de l'agent commercial ;

- M. X était inscrit comme agent commercial indépendant même s'il est radié depuis 2004 ;

- l'intimé n'a pas été privé de bureau mais un loyer lui a été réclamé à compter de février 2013 ; elle a été contrainte de lui rappeler les règles car il avait emporté des fichiers et du matériel appartenant à l'entreprise ;

- M. X avait un ordinateur personnel sur lequel son fichier clients devait nécessairement être enregistré ; elle n'est pas responsable de la perte de diverses informations concernant la clientèle qu'il a développée alors même que le contrat prévoit qu'il devait travailler avec ses moyens et à ses frais ;

- l'accès au bureau est très accessoire et ce n'est donc pas l'univers de M. X qui a été prétendument bouleversé ;

- elle n'a pas modifié non plus les règles en matière d'établissement des devis mais a rappelé à l'intéressé qu'il devait appliquer la réglementation en la matière, en l'occurrence une étude préalable obligatoire avec plan d'ancrage pour tout chantier requérant des techniques de cordiste ;

- M. X a pris l'initiative de la rupture sans préavis d'un contrat en cours depuis 22 ans ;

- il est redevable, à ce titre, d'une somme de 15 000 euros correspondant à la moyenne des commissions sur 3 mois ;

- des commissions sollicitées par l'appelant en 2012 ont été réglées à tort, ce qui a justifié les régularisations opérées en 2013 ;

- elle a soustrait des commissions indument réglées, concernant des clients pour lesquels M. X n'est pas intervenu directement ou indirectement.

C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 14 février 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la rupture du contrat d'agence commerciale et ses conséquences

En préliminaire, la cour rappelle que l'inscription au registre spécial des agents commerciaux n'est pas une condition d'application du statut des agents commerciaux, ce qui rend sans effet la radiation du 20 juillet 2004, étant observé que M. X est affilié au Régime Social des indépendants du Languedoc-Roussillon depuis le 1er juillet 1991.

Aux termes de l'article L. 134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi (...).

L'article L. 134-13 prévoit que la réparation susvisée n'est pas due lorsque la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent, à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant (...). Les agissements imputés au mandant doivent être de nature à faire échec au caractère d'intérêt commun du mandat et empêcher l'agent d'accomplir sa mission correctement ou correspondre à une inexécution des obligations mises à sa charge.

En l'espèce, M. X a rompu le contrat d'agence commerciale le liant à la société Aranéa, le 19 juillet 2013, en reprochant essentiellement à celle-ci d'avoir modifié les conditions d'exercice de sa mission.

Dans le courriel du 4 février 2013, la société Aranéa rappelle à M. X la réglementation en vigueur au titre des activités de cordiste et la nécessité d'établir des devis avec des études préalables. Il ne s'agit pas d'une modification du contrat mais d'un rappel des obligations réglementaires.

En ce qui concerne la fourniture et la vente de matériaux, le contrat d'agence commerciale ne prévoit rien à cet égard puisque la commission porte sur les ventes du secteur géographique incluant des journées de travaux d'accès difficiles, réalisées avec l'entremise de M. X. Sur ce point, les parties ont dérogé aux dispositions de l'article L. 134-6 alinéa 2 du Code de commerce puisqu'il est expressément précisé que le droit à commission n'est acquis à l'agent commercial qu'après acceptation des ordres par l'entreprise Aranéa, livraison des travaux, et règlement des factures concernant l'agent. M. X ne peut donc pas prétendre à un commissionnement indirect sur toutes les ventes de son secteur.

Les précisions apportées par M. Y, gérant de la société Aranéa, sur les fournitures et ventes de matériaux quant à la perception d'une commission en fonction d'un coefficient de marge défini par rapport à l'intervention ou non de M. X dans l'obtention d'un tarif, débordent le champ contractuel. Par courrier du 2 avril 2013, la société Aranéa a précisé qu'il s'agissait " d'un usage attesté par la pratique dans la facturation nécessitant une mise au point quant à l'application du coefficient 1,7 lorsque l'agent a travaillé pour obtenir un tarif et à celle du coefficient 1,2, lorsque c'est la société qui a fourni le tarif. "

Les factures de septembre 2004, avril 2010 et décembre 2012 (pièces n° 33 à 35 de l'appelant) démontrent que M. X a effectivement été commissionné à hauteur de 19 % du coût des fournitures de matériaux (revêtements, vitres et ancrages), dans le cadre de travaux effectués sur la base de devis qu'il avait établis. La société Aranéa ne justifie pas qu'elle a opéré une distinction en fonction des coefficients de marge dans le cadre du paiement des commissions facturées par M. X et qu'une telle répartition a été acceptée tacitement ou expressément par celui-ci. Elle a donc procédé à une modification unilatérale, sous couvert d'une pratique non démontrée, de l'assiette du commissionnement de l'agent commercial en excluant le coût de certaines fournitures et matériaux des ventes effectuées avec l'entremise de M. X, ce qui caractérise un manquement à ses obligations contractuelles.

Par ailleurs, il n'est pas discuté que depuis l'origine M. X a eu accès à un poste de travail dans l'entreprise Aranéa, mis à sa disposition à titre gratuit, ce qui lui permettait de recevoir, le cas échéant, les clients, d'avoir accès au réseau informatique interne et d'établir des devis qu'il pouvait confier à la secrétaire de la société Aranéa ou transmettre par courriel ou par télécopie.

Si un tel avantage n'a pas été prévu contractuellement, il n'en demeure pas moins qu'il a facilité les conditions d'exécution du mandat.

Ainsi et même si la mise à disposition ne constituait pas une obligation contractuelle, la société Aranéa y avait consenti depuis plus de 20 ans. En subordonnant l'utilisation du poste de travail avec accès au réseau informatique interne de l'entreprise, mis jusqu'alors à sa disposition gracieusement, au paiement d'une somme de 25 euros HT par demi-journée fixées les lundis, mardi, jeudi et vendredi de 8h30 à 12h30, payable d'avance à chaque utilisation à compter du 2 février 2013, sans laisser à l'intéressé un temps raisonnable pour trouver une autre solution et surtout en imposant un prix trois à quatre fois supérieur au coût de location moyen d'un bureau dans un même secteur géographique, la société Aranéa a manifestement commis un abus de droit incompatible avec le caractère d'intérêt commun du mandat.

Enfin, la société Aranéa ne pouvait pas suspendre le paiement des commissions acquises à compter du 1er décembre 2012 et procéder à une réfaction correspondant au montant de commissions encaissées courant 2012, prétendument indues. La compensation opérée unilatéralement par le mandant entre des créances certaines, liquides et exigibles et une créance de restitution de l'indu contestée, n'était pas légitime.

En conséquence et eu égard à tous ces éléments, il apparaît que la cessation du contrat d'agence commerciale résultant de l'initiative de M. X est justifiée par des circonstances imputables à la société Aranéa, de sorte que c'est à tort que le tribunal a retenu une rupture du contrat à torts partagés. Le jugement sera infirmé.

M. X peut prétendre au paiement de l'indemnité de fin de contrat.

La société Aranéa n'est pas fondée, quant à elle, à solliciter le paiement de l'indemnité de préavis prévue par l'article L. 134-11 du Code de commerce, puisque la rupture du contrat lui est imputée.

Il est de principe que l'indemnité de cessation de contrat a pour objet de réparer le préjudice qui comprend la perte pour l'avenir de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties.

Pour l'évaluation du préjudice consécutif à la cessation du contrat litigieux, il convient de retenir que la relation contractuelle a duré 22 ans et que les bilans de 2010, 2011 et 2012 établissent que l'activité de M. X au profit de la société Aranéa représentait l'intégralité de son chiffre d'affaires.

Dans un tel contexte, il y a lieu de fixer l'indemnité de fin de contrat à 30 mois de commissions brutes calculées sur la moyenne des trois dernières années, dont le calcul n'est pas discuté par l'intimée.

La société Aranéa sera donc condamnée à payer à M. X la somme de 183 415 euros, au titre de l'indemnité de fin de contrat, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 19 novembre 2013.

Sur les retenues opérées par la société Aranéa

La société Aranéa a remis en question des factures de commissions émises par M. X de février à décembre 2012 d'un montant total HT de 13 037,27 euros, étant précisé que pour certaines d'entre elles qui avaient été acquittées, elle a opéré une retenue à due concurrence sur les commissions acquises à compter du 1er décembre 2012.

Elle soutient de façon laconique que M. X a facturé à tort des commissions sur des travaux qui ne relevaient pas du champ contractuel du mandat.

Il est inexact de soutenir que M. X ne pouvait pas prétendre à commission pour des travaux incluant une prestation en sous-traitance ou un travail piéton.

L'avenant conclu le 5 mai 2003 précise que " sur le marché négocié d'entretien des vitrages et des appuis du CHU Arnaud de Villeneuve, la commission de M. X sera calculée sur le montant HT de la facture, dont sera déduit le montant du marché sous-traité à la société La Rayonnante."

Cet avenant qui déduit exceptionnellement de l'assiette du commissionnement le coût d'un marché sous-traité, démontre à l'évidence que le droit à commission concerne par principe toutes les ventes effectuées par l'intermédiaire de M. X impliquant un accès difficile ; le recours à un sous-traitant étant sans incidence.

Les factures, objet des retenues opérées par la société Aranéa, sont afférentes pour la plupart à des travaux de nettoyage d'équipements et de vitrages nécessitant des prestations de cordiste. Les devis joints à certaines factures précisent que le matériel d'accès des équipes d'intervention est constitué de cordes, sangles, descendeurs, mousquetons. La société Aranéa qui invoque un indu n'apporte pas la preuve lui incombant que les travaux facturés n'ont pas été commandés sur la base de devis établis par M. X.

En conséquence, les factures litigieuses sont dues à M. X et c'est à tort que la société Aranéa a pratiqué des retenues, à ce titre.

Elle sera condamnée à payer à M. X la somme de 13 037,27 euros TTC, au titre des commissions indument retenues.

Sur la demande en paiement des commissions pour l'année 2013

M. X n'est pas fondé à réclamer le paiement de commissions sur toutes les ventes réalisées dans son secteur géographique par la société Aranéa dans le courant de l'année 2013 alors même qu'il n'allègue et ne justifie pas que ces ventes ont été conclues avec son entremise.

Il ressort d'un courriel adressé par M. X à la société Aranéa, le 18 novembre 2013, qu'à cette date seules les factures n° 2236, 2244, 2246 et 2253 demeuraient impayées, ce qui induit le paiement des autres commissions qu'il a facturées entre le 31 décembre 2012 et le 31 mai 2013.

Le paiement des quatre factures susvisées représentant un montant total TTC de 2 779,68 euros est intervenu en janvier 2014 (pièce n°20 du bordereau de l'appelant).

En conséquence, la demande en paiement de la somme de 79 584,51 euros, au titre des commissions de l'année 2013, sera rejetée comme étant injustifiée.

Sur les autres demandes

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société Aranéa sera condamnée à payer à M. X une somme de 3 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, verra sa propre demande, de ce chef, rejetée et supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement entrepris ; Et statuant à nouveau ; Dit que la rupture du contrat d'agence commerciale notifiée à l'initiative de M. X le 19 novembre 2013 est justifiée par des circonstances imputables à la société Aranéa ; Condamne la société Aranéa à payer à M. X la somme de 183 415 euros, au titre de l'indemnité de fin de contrat, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2013 ainsi qu'une somme de 13 037,27 euros TTC, au titre des commissions indument retenues ; Déboute M. X de ses autres demandes ; Déboute la société Aranéa de sa demande en paiement de la somme de 15 000 euros, au titre de l'indemnité de préavis ; Condamne la société Aranéa à payer à M. X la somme de 3 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute la société Aranéa de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toute autre demande ; Condamne la société Aranéa aux dépens de première instance et d'appel.