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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 20 avril 2017, n° 15-03213

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Mercedez-Benz France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mmes Bazet, Derniaux

TGI Versailles, du 19 déc. 2014

19 décembre 2014

Faits et procédure

En novembre 2003, M. B. a acquis auprès de la succursale de Paris un véhicule neuf de marque Mercedes-Benz de type Viano 2.2 CDI livré en mars 2004 au prix de 33 970 euros.

Ce véhicule, destiné à l'importation, a été utilisé au Togo.

M. B. s'est plaint de deux types de difficultés :

- la première liée à des incidents de nature électrique faisant que la batterie se décharge lorsque le véhicule reste immobilisé plusieurs jours,

- la deuxième liée à l'apparition d'une corrosion.

En juin 2008, le véhicule a été rapatrié au Centre Technique de Réparation et de Carrosserie de la société Mercedes-Benz à Stains à la suite d'une panne du moteur.

M. B. a obtenu la désignation d'un expert judiciaire par ordonnance de référé rendue le 14 mai 2009.

Le rapport d'expertise a été déposé le 25 septembre 2012.

Le 26 septembre 2013, M. B. a fait assigner la société Mercedes-Benz France devant le tribunal de grande instance de Versailles, sur le fondement de la garantie des vices cachés, en restitution d'une partie du prix de vente et en paiement des frais de remise en état.

Par jugement du 19 décembre 2014, le tribunal l'a débouté de ses demandes, l'a condamné aux dépens et a débouté la société Mercedes-Benz France de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. B. a interjeté appel de cette décision et, aux termes de conclusions du 17 juillet 2015, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

condamner la SAS Mercedes-Benz France à lui payer les sommes de 16 985 euros, moitié du prix d'achat du chef de la défaillance de la batterie, de 17 185,83 euros (16 911,42 + 274.41), coût de la corrosion, de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance et de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût de l'expertise avec recouvrement direct.

Dans des conclusions du 16 septembre 2015, la société Mercedes-Benz France demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. B. de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens avec recouvrement direct.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 février 2017.

Sur ce,

Le tribunal a jugé, s'agissant du problème affectant la batterie, que faute de certitude sur l'origine et la persistance du désordre, l'existence d'un vice caché ne saurait être retenue, et quant à la corrosion affectant le véhicule, que même si elle était qualifiée par l'expert d'anormale en page 65 du rapport, il relevait également qu'elle ne pénalisait pas le fonctionnement, qu'elle concernait seulement l'esthétique et l'aspect du véhicule et que ce désordre n'avait donc pas un caractère de gravité suffisant pour pouvoir justifier une action sur le fondement de l'article 1644 du Code civil.

M. B. fait valoir que le vice lié à la décharge de la batterie après quelques jours de non fonctionnement du véhicule est établi, que la modification du faisceau électrique pour installer une alarme, non conforme aux règles de l'art selon l'expert, ne peut être mise en cause comme étant à l'origine du problème affectant la batterie puisque la batterie s'est déchargée pour la 1re fois à l'arrivée du véhicule à Lomé avant l'installation de l'alarme. Il précise qu'il a toujours confié son véhicule au concessionnaire Mercedes à Lomé, lequel n'aurait pas manqué de lui signaler que l'alarme était à l'origine du vice, si tel était le cas. Ce vice justifie selon l'appelant une réduction du prix de moitié. S'agissant de la corrosion anormale du véhicule, il rappelle que la société Mercedes avait accordé sa garantie et que celle-ci doit lui bénéficier quel que soit l'endroit où les travaux de remise en état ont été effectués. Il observe qu'il n'aurait jamais acquis le véhicule s'il avait connu cette corrosion et qu'il est fondé à obtenir de la société Mercedes le paiement du coût de la remise en état de la carrosserie, soit la somme de 17 185,83 euros.

La société Mercedes fait valoir que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'un vice caché, l'expert n'ayant pu déterminer avec précision l'origine du défaut affectant la batterie et ayant mis en cause certaines connexions électriques non conformes non imputables au vendeur, et qu'en tout état de cause, après réparation du moteur, le véhicule fonctionnait et était complètement réparé en sorte que le vice caché n'existe plus. S'agissant de la corrosion, l'intimée indique que le tribunal a à raison jugé qu'il ne s'agissait pas d'un vice assez grave pour être qualifié de vice caché, et ajoute qu'elle ne doit pas non plus sa garantie dans le cadre contractuel car M. B. n'a pas justifié d'un entretien du véhicule conforme aux préconisations du constructeur et qu'au surplus on ignore dans quelles conditions le véhicule a été transporté, la corrosion ayant par ailleurs pu être aggravée par une utilisation intensive en bord de mer, sur des plages par exemple. A titre subsidiaire, elle conteste le montant des sommes réclamées par l'appelant.

Il résulte des articles 1641 et 1644 du Code civil que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui en diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou à un moindre prix s'il les avait connus, et que l'acheteur peut, en ce cas, à son choix, rendre la chose et se faire restituer le prix ou garder la chose et se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts.

Il convient de rappeler que le véhicule a été rapatrié en France dans un garage Mercedes à Stains à la suite d'une panne moteur survenue en décembre 2007, mais que bien avant cette panne, M. B. avait écrit à Mercedes (octobre 2004) pour se plaindre de ce que depuis son arrivée au Togo il avait dû remplacer quatre fois la batterie et qu'il avait également signalé la corrosion importante affectant la carrosserie.

Les conclusions de l'expert sont dépourvues d'ambiguïté s'agissant du vice affectant le fonctionnement de la batterie. Il indique en effet que la décharge de la batterie, dès lors que le véhicule ne fonctionne pas pendant deux ou trois jours, était présente depuis l'achat, la première batterie ayant été remplacée lorsque le véhicule est arrivé par container au Togo, la batterie s'étant déchargée pendant le transport et que le problème a perduré. Il précise que, de fait, le concessionnaire Mercedes au Togo n'a pas été capable de résoudre ce problème récurrent et que c'est aux termes d'une intervention réalisée en France dans le garage Mercedes de Thiais, en urgence en raison de la nécessité de faire repartir le véhicule au Togo sous peine d'exposer M. B. à des frais de dédouanage, que le problème électrique aurait été résolu, selon les dires du responsable du service après-vente de ce garage (souligné par la cour). Selon les propos de ce responsable :

La batterie ne s'est pas déchargée après une semaine sans utilisation,

Le module SAM (Signal Acquisition Module) qui serait à l'origine de la décharge de la batterie a été remplacé (idem),

Le faisceau sous le châssis a été réparé,

La pompe à carburant a été remplacée,

Le faisceau SRS a été remplacé,

Le faisceau sous le tableau de bord a une résistance trop importante, il a été remplacé.

S'il est exact que l'expert n'a pas pu constater visuellement le défaut en raison des circonstances particulières liées aux problèmes de douane, ce qui aurait nécessité selon ses indications de rechercher les éléments consommateurs de courant lorsque le contact est coupé, il est inexact de prétendre qu'il a mis en cause l'installation d'une alarme ou d'autres petites anomalies ponctuelles de branchement comme étant à l'origine du défaut affectant le véhicule.

Il faut à cet égard rappeler que l'expert a indiqué que le garage Mercedes de Stains avait procédé aux contrôles des éléments électriques et qu'il ne pouvait que lui faire confiance.

Il faut également noter qu'en page 61 de son rapport, l'expert rapporte que dans un mail adressé par le garage de Stains à M. B. le 15 février 2011, il lui a été dit que le calculateur SAM pouvait être à l'origine de la consommation de courant qui déchargeait la batterie et qu'il sera diagnostiqué après le remontage du moteur.

En tout état de cause, il n'est pas discutable, et l'expert l'indique, que le dysfonctionnement constitue un défaut caché non solutionné par le constructeur, jusqu'à l'intervention du garage de Stains, dont le coût (non précisé par l'expert) n'a pas été pris en charge par Mercedes mais par M. B.. Il est ainsi établi que le véhicule souffrait d'un vice antérieur à la vente (la 1ère manifestation datant d'avril 2004 alors que le véhicule a été acquis début mars 2004), indécelable pour un profane, et qui diminuait sensiblement son usage au point que M. B. ne l'aurait pas acquis s'il l'avait connu.

M. B. soutient que cette réparation de juin 2011 n'a pas été pérenne dans la mesure où le véhicule présentait à nouveau en novembre 2011 le même problème ainsi qu'en atteste le rapport d'un expert de Lomé qu'il a mandaté après une nouvelle panne de batterie.

M. B. indique qu'à ce jour le problème persiste et qu'il est contraint de débrancher la batterie dès lors que le véhicule reste inutilisé plus de trois jours sous peine qu'elle se décharge.

L'expert qui a été destinataire, via un dire, du rapport de l'expertise réalisée à Lomé à la demande de M. B. a observé qu'il était entaché d'anomalie (erreur sur la date de 1ère mise en circulation, kilométrage non indiqué), qu'il ne comportait aucune recherche technique, que le changement de batterie qui aurait été réalisé n'était pas contrôlé et qu'il lui semblait que le constat des anomalies avait été réalisé avant le remplacement de la batterie invoqué, donc avec une batterie déchargée ce qui faussait les informations recueillies. L'expert a conclu en indiquant qu'il lui semblait nécessaire de contacter sur place un atelier compétent pour déterminer l'origine du dysfonctionnement.

Or, M. B. n'a pas effectué cette démarche en sorte qu'il n'est pas établi avec la certitude requise que son véhicule ait continué à présenter les mêmes problèmes électriques postérieurement à l'intervention de juin 2011.

S'il est donc avéré que le véhicule a présenté un vice caché affectant la batterie pendant plusieurs années, il y a lieu de considérer que la difficulté a finalement été résolue.

En conséquence, M. B. ne peut exercer l'action estimatoire prévue par l'article 1644 du Code civil, étant observé d'ailleurs que la réduction de prix qu'il sollicite n'a pas été arbitrée par l'expert comme l'exige le texte. En revanche, il est bien fondé à solliciter la réparation du préjudice subi en raison de l'existence de ce vice caché, à savoir un préjudice de jouissance caractérisé par le fait de se trouver privé régulièrement de l'usage du véhicule dès lors qu'il restait inutilisé plus de deux ou trois jours et ce de 2004 à décembre 2007 (date de la panne du moteur).

Ce préjudice sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 5 000 euros.

S'agissant du phénomène de corrosion, l'expert a indiqué qu'elle était perforante à certains endroits, se manifestait dans un premier temps par une formation de rouille sous la peinture, puis par des cloques de celle-ci. Elle est apparue environ 16 mois après l'achat du véhicule, et l'expert qualifie ce fait d'anormal dans la mesure où la protection de la carrosserie dure en principe une dizaine d'années.

Contrairement à ce que soutient la société Mercedes, cette corrosion prématurée est sans rapport avec l'entretien et l'utilisation du véhicule. D'ailleurs, si tel avait été le cas, elle n'aurait pas proposé à M. B. de remédier à ce défaut dans le cadre de la garantie anti-corrosion de 10 ans au point de créditer son concessionnaire au Ghana de la somme nécessaire à la réfection de la carrosserie, réparation qui n'a pu avoir lieu, le véhicule de M. B. ayant subi une panne moteur en décembre 2007 qui a empêché qu'il soit conduit au Ghana pour cette intervention.

S'il est exact que l'expert a indiqué que la corrosion ne pénalisait pas le fonctionnement du véhicule en ce qu'elle concernait son esthétique et son aspect, il n'en reste pas moins que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, cette corrosion prématurée qui aboutit à des perforations du véhicule constitue bien un défaut caché qui, s'agissant d'un véhicule neuf, en diminue l'usage dès lors que ce phénomène entraîne une dégradation significative allant jusqu'à des perforations qui n'affecte pas que la carrosserie du véhicule, mais également son dessous, ainsi que l'a observé l'expert (cf photographies du rapport d'expertise page 22 et suivantes), ce qui peut à terme altérer son fonctionnement par percement des pièces.

Dans ces conditions, et sachant que M. B. a déboursé une somme de 274,41 euros auprès du concessionnaire Mercedes de Lomé pour une intervention limitée sur la carrosserie en septembre 2005 puis la somme de 16 911,42 euros pour que le garage de Stains remédie à cette corrosion, il est bien fondé à obtenir de la société Mercedes qu'elle lui restitue partie du prix à hauteur de ces montants, soit la somme de 17 185,83 euros. Aucun préjudice de jouissance n'est en revanche caractérisé du chef de ce vice.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Mercedes-Benz de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Succombant, la société Mercedes-Benz supportera les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise et versera à M. B. la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Mercedes-Benz France de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Statuant à nouveau des chefs infirmés : Condamne la société Mercedes-Benz France à payer à M. B. les sommes de : 5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance résultant du vice affectant la batterie du véhicule, 17 185,83 euros à titre de restitution de partie du prix de vente en raison de la corrosion prématurée du véhicule. Déboute M. B. du surplus de ses demandes indemnitaires, Condamne la société Mercedes-Benz France aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société Mercedes-Benz France à payer à M. B. la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.