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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 28 avril 2017, n° 14-01854

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

SGN (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

Mmes Le Potier, Dotte-Charvy

CA Rennes n° 14-01854

28 avril 2017

Faits et procédure :

Suite à une annonce de professionnel mise en ligne le 21 octobre et selon facture en date du 17 novembre 2010, M. Patrice G. et Mme Magali S. son épouse (les époux G.) ont acquis auprès de l'Eurl SGN un véhicule d'occasion de marque Mercedes, modèle classe A 140 classic automatique, moyennant le prix de 5 500 euros, dont la première immatriculation est en date du 08 mars 1999 et le kilométrage de 80 500 kilomètres.

Se plaignant d'une panne de la boîte de vitesses qui serait intervenue courant avril 2011 et après avoir confié le véhicule au garage MRVI, qui aurait remplacé le groupe hydraulique sans succès et confié la boîte de vitesses à un garagiste concessionnaire Mercedes, les époux G. ont par courrier du 26 mai 2011 demandé au vendeur de reprendre le véhicule puis ont fait procéder à une expertise amiable qui a donné lieu à un rapport en date du 07 novembre 2011.

Par acte en date du 16 novembre 2012, ils ont fait assigner la société SGN aux fins d'obtenir sa condamnation à leur verser une somme de 6 096,73 euros au titre de frais de réparation et de 1 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 211-4 et suivants du Code de la consommation et 1147 du Code civil à titre principal, ou une somme de 7 096,73 euros en réparation de leur préjudice sur le fondement des articles L. 111-1 et suivants du Code de la consommation à titre subsidiaire.

Par jugement en date du 07 janvier 2014, le Tribunal d'instance de Nantes a :

- condamné la société SGN à payer aux époux G. la somme de 6 096,73 euros au titre du coût du remplacement de la boîte de vitesses, la somme de 500 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, et la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes,

- condamné la société SGN aux dépens.

L'Eurl SGN a relevé appel de cette décision ; la société ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement du 25 novembre 2015, la SCP D.-C. désignée liquidateur est intervenue volontairement à la procédure.

Au terme de conclusions n° 3, la société SGN et la SCP D.-C., mandataire judiciaire ès qualités de liquidateur judiciaire de la société, demandent à la Cour de réformer la décision en toutes ses dispositions et de :

- donner acte à la SCP D.-C. de son intervention volontaire ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SGN, dès lors représentée par son liquidateur,

- débouter les époux G. de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, y compris en appel,

- condamner les époux G. à verser à la SCP D.-C. ès qualités la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, et la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Au terme de leurs conclusions n° 2, les époux G. demandent à la Cour de réformer la décision et de :

- à titre principal, sur la non-conformité : fixer leurs créances au passif de la société SGN à la somme de 6 096,73 euros au titre des réparations du véhicule et de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance,

- subsidiairement, fixer les mêmes sommes vu l'article L. 111-1 du Code de la consommation et l'article 1147 du Code civil,

- en tout état de cause : confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société SGN de l'intégralité de ses demandes, débouter la SCP D.-C. ès qualités de l'intégralité de ses demandes, confirmer le jugement concernant les frais irrépétibles et les dépens et fixer leur créance au passif de la société SGN à la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, et condamner en cause d'appel la SCP D.-C. ès qualités à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la SCP D.-C. ès qualités le 09 décembre 2016, et pour les époux G. le 14 décembre 2016.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2017.

SUR CE :

Sur le défaut de délivrance conforme :

En application des articles L. 211-4 et suivants du Code de la consommation, dans leur version applicable à l'espèce, antérieure au 1er juillet 2016, le vendeur doit livrer à l'acquéreur un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance ; pour être conforme au contrat, le bien doit être propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable, le cas échéant correspondre à la description donnée par le vendeur et présenter les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur (article L. 211-5 du Code de la consommation) ; les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire (article L. 211-7 du même Code).

Pour condamner en paiement la société SGN sur le fondement de ces textes, le premier juge a considéré que l'expertise faisait ressortir que la boîte de vitesses présente sur le véhicule n'était pas celle d'origine, alors que l'offre de vente précisait que le véhicule était " d'origine, très bon état, factures d'entretien... ", qu'aucune des factures communiquées aux époux G. lors de la vente ne faisait mention d'un changement de la boîte de vitesses, qu'il s'ensuivait que les conditions dans lesquelles ce remplacement a été opéré, antérieurement à la vente selon le rapport, ne sont pas connues, et notamment si la boîte de vitesses posée était neuve ou provenait d'un véhicule d'occasion, que le véhicule ayant été vendu comme ayant fait l'objet d'un simple entretien courant et avec un faible kilométrage, ces informations pouvaient laisser penser à un acheteur non averti que les pièces fondamentales étaient dans un état correct, alors qu'une des pièces essentielles du moteur a été remplacée dans des conditions inconnues, le véhicule n'étant par conséquent pas conforme aux caractéristiques décrites dans l'offre.

L'offre publiée le 21 octobre 2010 par le vendeur la société SGN mentionne que le véhicule Mercedes est de classe A 140 Auto mod 99 80500kms d'origine très bonne état toutes factures d'entretien noir intérieur cuir noir révisé garanti 3 mois.

La facture émise le 17 novembre suivant précise la première immatriculation (08 mars 1999), reprend le kilométrage comme étant de 80 500, une garantie de trois mois moteur boîte ponts et mentionne que le contrôle technique à jour est OK.

L'expert missionné par l'assureur protection juridique des époux G. a examiné le véhicule le 18 juillet 2011 au garage M.R.V.I. (dit Mouilleau) à Challans, puis la boîte de vitesses le 02 novembre 2011 ; la boîte de vitesses aurait été démontée et confiée en avril au garage SAMI, concessionnaire Mercedes à Thouaré; la société SGN (M. M.), contactée notamment téléphoniquement par l'expert, ne s'est pas présentée aux opérations d'expertise ; il ressort de son rapport que :

- la boîte de vitesses examinée n'est pas la boîte de vitesses d'origine,

- le pignon de 1ère est endommagé, le moyeu est désolidarisé du corps du pignon,

- la rupture fortuite du pignon est à l'origine de la panne de la boîte de vitesses, cette panne ne rentre pas dans le cadre du vice caché et aucun élément ne permet de dire que cette anomalie existait pendant la période de garantie,

- suivant le contrôle effectué sur la base informatique de données du constructeur Mercedes, le type et le numéro de la boîte de vitesses examinée ne sont pas incompatibles avec le numéro de série du véhicule ; le type de boîte montée d'origine peut être remplacé par le modèle actuel.

L'expert amiable conclut que :

- la panne de la boîte de vitesses qui a été démontée avant expertise (ce qui ne respecte pas le caractère contradictoire) rendait donc une expertise contradictoire contestable, élément que M. M. n'avait pas manqué de nous faire remarquer,

- la rupture fortuite du pignon de 1ère vitesse à l'origine de la panne ne peut être considérée comme un vice caché, et de plus cette panne s'est produite après la garantie de 3 mois,

- la non concordance du modèle de boîte de vitesses présent sur le véhicule avec la boîte d'origine montre qu'après contrôle sur EPC Mercedes son montage n'est pas incompatible sur le véhicule,

- par conséquent la responsabilité du vendeur ne peut être retenue ni pour vice caché, ni pour non-conformité du véhicule.

Comme le soulignait la société SGN dès la première instance, les époux G. ne produisent aucune pièce concernant l'intervention du garage M.R.V.I. ni le diagnostic de la boîte de vitesses effectué par le garage SAMI concessionnaire Mercedes, antérieure au rapport d'expertise amiable qui n'est pas contradictoire.

En effet les pièces n°4 devis du 3 juin 2010 et n°11 devis société M.R.V.I. du 3 août 2011 produites par les époux G. sont en réalité la même pièce, à savoir le devis du 03 août 2011 adressé par l'expert à la société SGN ; ce devis, établi par le garage M.R.V.I., mentionne notamment que le véhicule est entré le 03 août 2011.

Quant à la pièce n° 10 facture du 06 juillet 2012 de la société M.R.V.I., il s'agit en réalité d'un devis pour le véhicule entré le jour-même, et non pas d'une facture de l'intervention du garage M.R.V.I. courant avril 2011, alors que la société SGN a délivré le 26 septembre 2014 une sommation de communiquer les devis et facture des travaux de réparation effectués par le garage M.R.V.I. en avril 2011.

Ainsi rien ne permet d'établir que la boîte de vitesses examinée par l'expert amiable le 02 novembre 2011 serait celle démontée par le garage M.R.V.I. courant avril 2011 et adressée pour diagnostic au concessionnaire Mercedes selon les affirmations des époux G., sur lesquels repose la charge de la preuve.

Au surplus, ils ont acquis en novembre 2010 et pour un prix de 5 500 euros un véhicule d'occasion immatriculé en mars 1999, soit de plus de onze ans ; si l'annonce, pour un prix de 5 890 euros, précise 80 500 kilomètres d'origine très bonne état toutes factures d'entretien, ces mentions ne signifient pas que toutes les pièces " essentielles " du moteur sont d'origine et que le véhicule n'a fait l'objet que d'un simple entretien courant, mais que le véhicule a réellement parcouru ce kilométrage, le compteur ou le moteur n'ayant pas été changé.

Les époux G. produisent aux débats vingt factures qui leur ont été remises par le vendeur ; elles ont été établies par un garage des Chalâtres à Nantes, du 17 septembre 2002 au 17 septembre 2010 et au nom de Mme M., précédent propriétaire ; outre des entretiens et remplacements divers (plaquettes, filtres, bougies, batterie, pneumatiques, etc...) elles mentionnent le remplacement des ressorts d'amortisseurs, du démarreur et du volant moteur, mais pas de la boîte de vitesses ; ainsi le vendeur a fourni aux acquéreurs les factures d'entretien conformément à l'offre et rien n'infirme le "très bon état " du véhicule.

Par conséquent la décision entreprise sera infirmée, aucune absence de non-conformité n'étant établie, ni par ailleurs aucun manquement à l'obligation d'information soutenu subsidiairement par les époux G. en application des dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, et ils seront déboutés de toutes leurs demandes en fixation de créances au titre des réparations et de dommages et intérêts.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive :

Le premier juge a rejeté cette demande reconventionnelle de la société SGN au motif que l'exercice d'une action en justice ne pouvait constituer une faute qu'en cas d'abus, qui en l'espèce n'était pas prouvé, et ce d'autant plus que le tribunal donnait raison aux époux G..

Si la Cour a infirmé la décision sur l'appel de la société SGN, et même si les conclusions du rapport amiable étaient défavorables aux époux G., rien n'établit qu'ils ont agi dans l'intention de nuire à leur vendeur, qui par ailleurs ne justifie pas d'un préjudice qui ne serait pas indemnisé par l'allocation d'une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conséquent cette disposition sera confirmée et la SCP D.-C. déboutée de sa demande en appel.

Sur les dépens et les frais :

Succombant en définitive à leur action en paiement, les époux G. seront tenus aux dépens de première instance et d'appel, déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et devront verser une somme de 1 000 euros à la SCP D.-C..

Par ces motifs, LA COUR : Donne acte à la SCP D.-C. de son intervention volontaire ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SGN qu'elle représente dès lors ; Infirme le jugement dont appel dans toutes ses dispositions, sauf en ce que la société SGN a été déboutée de ses demandes de dommages et intérêts et de frais irrépétibles; Statuant sur les dispositions infirmées ; Déboute M. Patrice G. et Mme Magali S. de l'ensemble de leurs demandes et les condamne aux dépens de première instance ; Y ajoutant ; Condamne M. Patrice G. et Mme Magali S. aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et à verser à la SCP D.-C. ès qualités de liquidateur judiciaire la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties de toutes autres demandes.