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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 23 mai 2017, n° 15-03774

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

World Trade Stones (SARL) , Elisam (SA)

Défendeur :

Rock Decorum (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourrel

Conseillers :

Mme Olive, M. Bertrand

Avocats :

SCP Philippe Senmartin, Associés, Mes Ullmann, Charon

T. com. Montpellier, du 6 mai 2015

6 mai 2015

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties

La société Rock Décorum a pour activité la vente de produits finis en pierre naturelle pour les professionnels de la construction du bâtiment ou de la décoration.

En 2007, elle aurait signé un contrat de représentation avec Monsieur Stéphane M., dirigeant de la société World Trade Stones, société de droit luxembourgeois créée par celui-ci en avril 2007.

Ce contrat n'est pas produit par les parties alors que la société Rock Décorum soutient dans ses écritures que la carte de représentation commerciale portait sur l'ensemble de ses produits, pour toute la France et l'étranger, alors que la société World Trade Stones soutient que la représentation de Monsieur M. ne portait que sur le granit chinois et uniquement sur l'Est de la France.

Les commissions de Monsieur M. de 3 ou 5 % étaient facturées par la société World Trade Stones.

Cette société qui a obtenu en 2009 l'exclusivité pour commercialiser en France et au Luxembourg les calcaires Rui Pedra (Portugal), a proposé à la société Rock Décorum de lui fournir ce matériau. Elle était donc aussi un de ses fournisseurs.

En novembre 2000, Monsieur M. avait créé une première société, la société Elisam qui a son siège social à la même adresse que la société World Trade Stones au Luxembourg et qui en serait la société holding. À partir de 2012, cette société Elisam a facturé à la société Rock Décorum les commissions de Monsieur M., celui-ci alléguant des raisons fiscales luxembourgeoises.

En août 2013, à propos du chantier d'Offemont qui n'a pas été obtenu par la société Rock Décorum mais par la société World Trade Stones, l'intimée a découvert que Monsieur M. n'aurait peut-être pas une attitude loyale à son égard.

Après réclamation de sa part, M. M. a admis qu'un bénéfice était dû à la société Rock Décorum et la société Elisam déduira de sa facture de commissions la somme de 5800 euro à ce titre.

À la suite de cela, les relations commerciales ont été rompues.

Les sociétés Elisam et World Trade Stones ont présenté plusieurs factures, respectivement commissions et fournitures de calcaire Rui Pedra, à la société Rock Décorum que celle-ci a refusées de payer en invoquant des actes de concurrence déloyale. En effet, elle reproche à Monsieur M. de ne pas avoir obtenu huit chantiers parce que celui-ci aurait présenté pour la société World Trade Stones des propositions de prestations équivalentes.

La société Rock Décorum a assigné les sociétés Elisam et World Trade Stones devant le tribunal de commerce de Montpellier en paiement de la somme de 1'186'300,89 euro en réparation de son préjudice commercial au titre de la perte de chiffre d'affaires et de clientèle, en paiement de la somme de 40'000 euro au titre de son préjudice moral et de 5000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les sociétés Elisam et World Trade Stones ont conclu au débouté de la société Rock Décorum et reconventionnellement, ont sollicité le paiement de la somme de 38 502,79 euro au titre des commissions impayées, la somme de 135 121, 22 euro au titre des factures de fournitures impayées, la somme de 6602,15 euro au titre des frais de recouvrement de TVA, la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts, et celle de 6000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 6 mai 2015, le Tribunal de commerce de Montpellier :

a condamné solidairement la société WTS et la société Elisam au paiement d'une somme de 265 194,22 euro hors-taxes à la société Rock Décorum en réparation de son préjudice commercial au titre de la perte de chiffre d'affaires et de clientèle, (en retenant une marge nette de 4 % alors qu'il était réclamé 15 % du chiffre d'affaires au titre de la marge commerciale),

a débouté cette société de sa demande au titre du préjudice moral,

a débouté les sociétés WTS et Elisam de l'intégralité de leurs demandes reconventionnelles,

a rejeté la demande d'exécution provisoire de la société Rock Décorum,

a condamné solidairement la société WTS et la société Elisam à payer à la société Rock Décorum la somme de 2000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les sociétés WTS et Elisam ont relevé appel de cette décision par déclaration du 19 mai 2015.

Par conclusions récapitulatives n° 2 du 27 mars 2017, qui sont tenues pour entièrement reprises, les appelantes demandent à la cour de :

" Vu les articles 1134, 1147, 1382 et 1383 du Code civil,

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Montpellier en date du 6 mai 2015,

Recevoir les sociétés WTS et Elisam en leur appel.

Les y déclarer bien fondées.

Et réformant le jugement entrepris,

Dire et juger qu'aucun acte de concurrence déloyale n'a été commis par les sociétés WTS et Elisam à l'encontre de Rock Décorum.

Débouter la société Rock Décorum de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Dire et juger bien fondées les demandes reconventionnelles des sociétés concluantes.

Condamner la société Rock Décorum à payer :

-la somme de 38 502,79 euros à la société Elisam au titre des commissions impayées,

-la somme de 135 121,22 euros à WTS au titre des factures de fourniture impayées avec intérêts de droit à compter des mises en demeure du factor,

-la somme de 6602,15 euros au titre des frais de recouvrement de TVA,

-la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts,

-la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700.

Condamner la société Rock Décorum aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP d'avocats postulants avec application des dispositions de l'article 699 du CPC. "

Les appelantes font valoir pour l'essentiel :

que la société Rock Décorum a toujours su que la société WTS avait une activité de négoce de granit européen, de porphyre italien et de calcaire,

que le secteur qui était dévolu à Monsieur M. était limité à l'Est de la France et essentiellement pour le granit de Chine,

qu'il n'y a jamais eu d'actes de concurrence déloyale,

que la société WTS a mis fin aux contrats qui les liaient en novembre 2013 à la suite de problèmes de conditionnement, de livraison et de qualité des matériaux fournis en ce qui concerne le contrat de représentation, et des difficultés pour se faire payer pour le contrat de fourniture de calcaire portugais,

qu'il n'y a jamais eu aucune confusion entre les diverses entreprises,

que sur les huit chantiers, c'est le choix du client qui a fait que la société Rock Décorum n'a pas été retenue,

que pour le chantier d'Offemont, compte tenu des problèmes rencontrés avec Rock Décorum, le client n'a plus voulu qu'un seul interlocuteur, et que la société WTS a été contrainte de traiter directement avec lui pour la fourniture de granit chinois pour pouvoir le satisfaire, qu'elle a d'ailleurs reconnu le droit à bénéfice de la société Rock Décorum sur ce chantier, mais qu'il n'y a pas eu détournement de clientèle ou concurrence déloyale,

que les commissions impayées sont dues, puisque si la société Rock Décorum a fixé la date de résiliation au 13 juillet 2013, elle l'a fait dans un courrier du 5 décembre 2013, et que donc les contrats exécutés entre juillet et décembre 2013 donne droit à commissions,

que les factures de fourniture sont relatives à de la fourniture de calcaire portugais et n'ont jamais été contestées par Rock Décorum avant la présente instance,

que la société Rock Décorum a commis des erreurs en matière de procédure douanière concernant l'achat de grès importé d'Inde, que les frais de conseil pour obtenir le remboursement de la TVA se sont élevés à 6602,15 euro,

que le préjudice causé par cette procédure dépasse l'allocation de l'indemnité au titre de l'article 700 et justifie donc l'attribution d'une somme supplémentaire.

Par conclusions récapitulatives et responsives n° 2 du 15 mars 2017, qui sont tenues pour entièrement reprises, la société Rock Décorum demande à la cour de :

" Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil,

Confirmer la décision en ce qu'elle a débouté la société WTS et la société Elisam de l'intégralité de leurs demandes.

Réformer le jugement pour le surplus et en conséquence :

Dire que le préjudice commercial est égal à 15 % de marge commerciale.

Condamner solidairement la société WTS et la société Elisam au paiement d'une somme de 1 186 300,89 euros en réparation du préjudice commercial au titre de la perte de chiffre d'affaires et de clientèle, correspondant à la perte de marge bénéficiaire.

Condamner solidairement la société WTS et la société Elisam au paiement d'une somme de 40 000 euro au titre du préjudice moral.

Condamner solidairement la société WTS et la société Elisam au paiement d'une somme de 5000 euro au titre de l'article 700 du CPC.

Condamner solidairement la société WTS et la société Elisam aux entiers dépens.

Ordonner l'exécution provisoire. "

L'intimée fait valoir notamment :

que la confusion était entretenue par Monsieur M. dans l'esprit des clients pour détourner la clientèle qui lui avait été confiée par, entre autres, la distribution d'une plaquette de WTS présentant des fabrications directement concurrentes aux siennes,

que cette documentation était distribuée avec les cartes de visite personnalisées de Stéphane M. de Rock Décorum,

que plusieurs chantiers déclarés perdus par Monsieur M. ont été détournés au profit des sociétés WTS et Elisam,

que d'ailleurs Monsieur M. a reconnu ce détournement de clientèle pour le chantier d'Offemont,

que Monsieur M. ne l'a jamais informé de ce que la société WTS avait développé une activité concurrente de la sienne,

que la représentation commerciale de Monsieur M. ne portait pas que sur le granit chinois, que les factures de commissionnement en sont la preuve,

que Monsieur M. était commissionné pour tous les chantiers qu'il suivait,

que la société Rock Décorum n'a jamais détenu de représentation pour le calcaire Rui Pedra pour le sud-est de la France, comme le soutiennent les appelantes,

que la concurrence déloyale de WTS et Elisam est établie à travers huit chantiers,

que le préjudice causé n'est pas seulement limité à la perte de chiffre d'affaires mais aussi à la perte de clientèle en résultant dans la mesure où la société Rock Décorum ne peut se prévaloir auprès de futurs clients des gros chantiers qui ont été détournés,

que la marge de la société Rock Décorum est de 15 %,

que doit être prise la marge commerciale et non le résultat net,

que l'atteinte à son image doit être indemnisée par la somme de 40 000 euro,

qu'en ce qui concerne la demande reconventionnelle, au titre des factures impayées, la société WTS ne produit ni bon de commande ni bon de livraison,

que les mises en demeure du factor ne porte pas sur les factures dont il est demandé le paiement, et ne peuvent donc constituer le point de départ d'intérêts,

que les frais engagés au titre du recouvrement de la TVA sont relatifs à un contrôle fiscal de la société WTS et n'ont donc pas à être pris en charge par la société Rock Décorum,

qu'aucun dommage-intérêt n'est dû,

que les commissions sollicitées par la société Elisam ne sont pas dues puisque le contrat avait été rompu le 18 juillet 2014 (2013).

L'instruction de l'affaire a été close le 30 mars 2017.

Motifs

Sur la nature des relations d'affaires

Aux termes de l'article 12 du Code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droits qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

En l'absence de tout contrat signé entre les parties, la cour doit d'abord analyser les relations d'affaires qui les lient, de cette analyse dépendant la règle de droit applicable est donc la solution du présent litige.

La société Rock Décorum poursuit la SARL World Trade Stones et la SA Elisam en indemnisation pour concurrence déloyale, et reconventionnellement, la SARL World Trade Stones sollicite le paiement de factures pour la fourniture de matériaux et la SA Elisam le paiement de commissions dues au titre de la représentation commerciale effectuée par Monsieur Stéphane M., lequel est le gérant de la SARL World Trade Stones et le président de la SA Elisam.

Monsieur Stéphane M. n'est pas partie à l'instance.

Or, tant la société Rock Décorum que les sociétés World Trade Stones et Elisam citent dans leurs écritures Monsieur Stéphane M., et surtout ses actes, sans préciser en quelle qualité il agissait.

Au demeurant, après avoir reconnu qu'il existait une relation de représentation commerciale entre la société Rock Décorum et la société World Trade Stones, les deux appelantes soulignent l'absence de contrat en page 5 de leurs conclusions. C'est dire à quel point la nature des relations commerciales liant les parties est incertaine pour les parties lesquelles n'ont pas procédé à l'analyse qui s'imposait.

Les trois sociétés reconnaissent que la SARL World Trade Stones était pour partie un des fournisseurs de la société Rock Décorum en ce qui concerne le calcaire portugais Rui Pedra.

Les parties sont aussi d'accord pour admettre que la SA Elisam ne faisait que facturer les commissions dues au titre de la représentation commerciale.

Il convient donc de savoir qui était l'agent commercial de la société Rock Décorum, Monsieur Stéphane M. ou la société World Trade Stones, d'autant que les parties sont taisantes sur l'immatriculation ou non de Monsieur Stéphane M. et/ ou de la SARL World Trade Stones en qualité d'agent commercial certes domicilié à l'étranger mais ayant une activité habituelle sur le territoire national français (article R 134'6 du code de commerce). Cette immatriculation qui est une mesure de police administrative et qui donc est sans effet sur la validité du contrat d'agent commercial, aurait constitué un élément de preuve important.

En l'espèce, la société Rock Décorum explique que c'est avec Monsieur Stéphane M. qu'elle a été tout d'abord en contact, lequel est aussi le gérant de la SARL World Trade Stones. Elle précise dans ses écritures qu'il avait été décidé qu'il ne serait pas salarié " mais qu'il facturerait des commissions de 3 à 5 % sur ses affaires arrivées à leur terme et payées par les clients, via une société WTS créée en mars 2007 et basée au Luxembourg ". Dans leurs écritures, les sociétés World Trade Stones et Elisam indiquent que M. Stéphane M. a signé un contrat de " mission commerciale " avec la société Rock Décorum, mais ce document n'est pas communiqué.

L'absence de production du contrat signé en 2007 par la société Rock Décorum et Monsieur Stéphane M. est d'autant plus regrettable que les parties ne sont pas d'accord sur l'étendue de celui-ci. La société Rock Décorum soutient que Monsieur Stéphane M. avait un contrat de représentation commerciale pour la France et l'étranger et pour toute sa gamme de pierres naturelles, alors que les sociétés World Trade Stones et Elisam soutiennent que le contrat ne portait que sur l'Est de la France et était limité au granit chinois.

D'après les pièces produites, il est établi que toutes les commissions dues au titre de la représentation commerciale ont été facturées dès le début de la relation en 2007 par la société World Trade Stones, puis à compter de 2012 par la société Elisam.

Mais une délégation de paiement n'entraîne pas automatiquement la transmission du contrat de représentation commerciale à la société émettrice des factures. C'est si vrai que dans ses explications, la société Rock Décorum fait grief d'actes de concurrence déloyale uniquement à l'égard de M. M. et de la société World Trade Stones, en faisant abstraction de la société Elisam. Ceci réduit à néant son allégation selon laquelle la société World Trade Stones serait devenue son agent commercial.

Surtout, la carte de visite professionnelle éditée par la société Rock Décorum pour son agent commercial est au seul nom de Monsieur Stéphane M. et ne fait aucunement référence à la société World Trade Stones.

Enfin, les divers devis établis par la société Rock Décorum que celle-ci produit à propos des huit chantiers qu'elle estime avoir été détournés, mentionne tous : " Notre collaborateur Mr. M. Stéphane tél [...] ".

D'après la carte de visite Rock Décorum et les devis versés aux débats, seul Monsieur Stéphane M. était l'agent commercial de l'intimée.

Au surplus, lorsque par courrier du 29 novembre 2013, la société World Trade Stones met fin à la représentation de ses produits en calcaire portugais qu'elle avait confiée à la société Rock Décorum pour le secteur sud-est de la France, contrat dont l'existence est contesté par la société Rock Décorum, Monsieur Stéphane M. qui signe ce courrier utilise la première personne du pluriel. Il suit en cela la pratique selon laquelle lors qu'un dirigeant de société écrit au nom de celle-ci, il utilise le " nous ". Par contre, lorsqu'il met fin à la représentation commerciale par courrier du 21 novembre 2013, Monsieur Stéphane M. utilise la première personne du singulier " je ", ce qui indique que cette décision ne concerne que lui-même.

Il suit de ces éléments que seul Monsieur Stéphane M. avait conclu un contrat de représentation commerciale avec la société Rock Décorum, lequel contrat n'a pas été transmis à la société World Trade Stones, ni à plus forte raison à la société Elisam. Dès lors, la société World Trade Stones qui n'a pas de contrat de représentation avec la société Rock Décorum n'avait pas d'obligation de loyauté et de devoir d'information à son égard.

Cette clarification entraîne nécessairement une appréciation différente des actes qualifiés de concurrence déloyale par la société Rock Décorum reprochés aux appelantes dans la mesure où ils seront analysés au regard des principes définis par les anciens articles 1382 et 1383 du Code civil alors applicables.

Elle rend aussi vaine la discussion sur l'étendue de la représentation commerciale de Monsieur Stéphane M. et de la société World Trade Stones. Dès lors que la société World Trade Stones, seule présente à l'instance, n'avait pas de contrat de représentation commerciale avec la société Rock Décorum, peu importe sur quel territoire ont été commis les actes de concurrence déloyale invoqués.

Sur les actes de concurrence de déloyale

Les activités de la société Rock Décorum et de la société World Trade Stones sont de même nature : toutes deux ont pour activité essentielle de soumissionner à des marchés publics d'aménagement urbain, pour la fourniture de pierres naturelles, et ce en France mais aussi à l'étranger.

La société World Trade Stones ne conteste pas qu'elle pouvait proposer lors de la soumission de chantier des pierres naturelles de même provenance que la société Rock Décorum. C'est d'ailleurs ce qu'elle a fait à plusieurs reprises comme il sera démontré lors de l'examen des huit chantiers mis en exergue par la société Rock Décorum.

Les deux sociétés étaient donc en état de concurrence.

Comme il a déjà été indiqué ci-dessus, la société Rock Décorum énonçant toute une série de griefs sans distinguer ceux qu'elle aurait pu reprocher à Monsieur Stéphane M. en sa qualité d'agent commercial et ceux pouvant être adressés à la SARL World Trade Stones, il convient de procéder à leur tri.

La société Rock Décorum reconnaît que depuis 2007, la société World Trade Stones était son fournisseur de calcaire portugais Rui Pedra. Cette dernière justifie par la production du contrat que depuis le 18 juin 2009, elle était le distributeur exclusif de cette pierre naturelle sur les marchés luxembourgeois et français du BTP. Cet élément est important pour l'appréciation de l'existence ou non d'actes de concurrence déloyale par la société World Trade Stones.

La société Rock Décorum reproche à Monsieur Stéphane M. de ne pas l'avoir informée de l'existence de cette exclusivité. Les appelantes répondent à cet argument en soutenant que la société Rock Décorum était parfaitement informée de cette situation et que d'ailleurs, elle avait obtenu l'exclusivité pour distribuer le calcaire portugais Rui Pedra sur le sud-est de la France. La société Rock Décorum conteste qu'elle ait eue une quelconque exclusivité de distribution pour ce matériau sur le sud-est.

Le grief du défaut d'information ne pourrait être formulé par la société Rock Décorum qu'à l'égard de son agent commercial, Monsieur Stéphane M., qui n'est pas dans la cause et non à l'égard de la société World Trade Stones.

Quant à savoir si la société Rock Décorum avait une exclusivité pour distribuer ce calcaire portugais sur le sud-est, l'attestation produite signée conjointement par la société Rui Pedra et la société World Trade Stones, est sans emport dans la mesure où personne ne peut se fournir une preuve à soi-même. En la matière, eu égard aux conséquences financières qu'entraîne une convention de distribution exclusive, les professionnels formalisent systématiquement leur accord par un écrit. En l'absence d'une telle convention, les appelantes échouent à démontrer que la société Rock Décorum bénéficiait d'une exclusivité de distribution pour ce calcaire portugais.

La société Rock Décorum reproche aussi à Monsieur Stéphane M. de ne pas l'avoir informée de ce que cette société World Trade Stones était sa concurrente, ce qu'elle qualifie de manœuvre dolosive. Mais ce grief ne pourrait être adressé, encore une fois, qu'à Monsieur Stéphane M., qui n'est pas dans la cause, et non à la société World Trade Stones.

La société Rock Décorum explique ensuite que Monsieur M. et la société World Trade Stones auraient entretenu une confusion dans la mesure où Monsieur M. aurait distribué la plaquette de la société World Trade Stones accompagnée de sa carte de visite Rock Décorum.

La société Rock Décorum produit un nombre conséquent de pièces dans lesquelles se trouve la carte de visite Rock Décorum de Monsieur M., dont il a déjà été fait état ci-dessus, ainsi que la plaquette de la société World Trade Stones. Mais aucune attestation ou constat ou interpellation d'huissier n'est produit pour justifier que Monsieur M. remettait sa carte de visite Rock Décorum avec la plaquette de la société World Trade Stones.

La société Rock Décorum affirme aussi que Monsieur Stéphane M. indiquait aux clients intéressés par ses produits qu'ils avaient intérêt à passer commande directement auprès de sa société World Trade Stones afin de faire une économie d'avance conséquente de la TVA. S'il est exact que contracter avec une société luxembourgeoise permettait à celle-ci de récupérer la TVA, et donc de pratiquer des prix plus attractifs, la société Rock Décorum ne produit aucun justificatif de ce que Monsieur Stéphane M. aurait utilisé cet argument de vente pour obtenir certains contrats.

Il n'est donc pas établi que lorsque la société World Trade Stones soumissionnait pour un chantier, elle le faisait en laissant croire qu'elle intervenait pour la société Rock Décorum. La confusion n'est donc pas démontrée.

La société Rock Décorum invoque enfin 8 chantiers qu'elle estime avoir été détournés à son préjudice par Monsieur Stéphane M. au bénéfice de la société World Trade Stones, le détournement de clientèle étant un acte de concurrence déloyale.

1. C'est ainsi que pour le chantier de Cuchery-centre bourg, la société Rock Décorum explique et justifie par la production du devis qu'elle a soumissionné par l'intermédiaire de Monsieur M. pour du grès indien, du granit, et du calcaire. Elle affirme que la société World Trade Stones a obtenu le marché pour le grès indien à la seule vue du site Internet de la société World Trade Stones sur lequel apparaît cette réalisation. Celle-ci répond qu'elle n'a obtenu ce marché que pour le calcaire, ce qui ne peut lui être reproché puisque elle en était le seul distributeur, et ce qui ne lui est pas reproché d'ailleurs par l'intimée, et que le grès indien a été fourni par une autre société.

Cette seule photo d'un site Internet est insuffisante pour établir que c'est la société World Trade Stones qui a fourni le grès indien et qu'il y a eu détournement de clientèle.

2. Pour le chantier de Valleroy, la société Trabet TP qui soumissionnait à titre d'entrepreneur principal, s'est adressé à la société Rock Décorum pour qu'elle lui fournisse du calcaire portugais Rui Pedra. La société Rock Décorum a transmis ce dossier à Monsieur Stéphane M. Finalement le dossier Trabet TP n'a pas été retenu. La société Eiffage a emporté l'appel d'offres, son sous-traitant fournisseur de calcaire étant la société World Trade Stones.

La société Rock Décorum reproche à la société World Trade Stones d'avoir sous-soumissionné dans le cadre de la proposition de la société Eiffage, estimant qu'elle n'aurait pas dû se positionner en concurrence alors qu'elle était son fournisseur de calcaire Rui Pedra.

Cependant, la société Rock Décorum ne pouvait à la fois sous-soumissionnée avec la société Trabet TP et la société Eiffage. Dès lors il ne peut être fait grief à la société World Trade Stones d'avoir accepté de fournir la société Eiffage, alors, encore une fois, qu'elle était le distributeur exclusif de ce calcaire Rui Pedra.

La société Rock Décorum affirme que ce serait Monsieur Stéphane M. qui ayant eu connaissance que la société Eiffage soumissionnée pour ce chantier aurait proposé ses services à cette société. Mais la société Rock Décorum agit encore une fois par affirmation sans aucun justificatif. Ce fait de parasitisme ne peut donc être retenu.

3. En ce qui concerne le tramway de Casablanca, la société Rock Décorum a été contactée par la société Satimed pour la fourniture de granit chinois. L'intimée a transmis la gestion commerciale de ce dossier à Monsieur Stéphane M., que celui-ci a accepté. La société Satimed n'a pas remporté cet appel d'offres.

La société World Trade Stones reconnaît qu'elle a obtenu ce marché parce qu'elle a proposé par l'intermédiaire de Monsieur Stéphane M. du granit européen qui était moins cher parce faisant l'objet d'une exonération de taxe de 30 % par rapport au granit chinois.

La société Rock Décorum qui pouvait proposer elle aussi du granit européen, reproche à Monsieur Stéphane M. de ne pas l'avoir proposé en son nom, mais au nom de la société World Trade Stones. Elle reproche donc une gestion déloyale de ce dossier à son agent commercial, qui nécessairement avait connaissance qu'elle pouvait fournir un autre granit que le granit chinois.

Cependant, il est certain que Monsieur Stéphane M. en sa qualité de gérant de la société World Trade Stones a profité des informations obtenues sur ce marché en sa qualité d'agent commercial de la société Rock Décorum pour proposer au client une alternative plus intéressante financièrement. Il y a donc dans cette hypothèse détournement de clientèle.

Le devis pour ce marché était chiffré à la somme de 1 325 398 euro hors-taxes. L'indemnisation du préjudice subi par l'intimée sera examiné ci-dessous.

4. Sur l'opération d'extension du cimetière à Baldersheim, la société Rock Décorum avait confié la gestion commerciale de ce chantier qui portait sur la fourniture de calcaire portugais Rui Pedra à Monsieur Stéphane M.. Elle a établi un devis le 25 février 2011 après avoir reçu le 24 février 2011 la proposition de la société World Trade Stones, son fournisseur en calcaire Rui Pedra. La société Rock Décorum n'a pas obtenu ce chantier qui a été fourni par la société World Trade Stones. Celle-ci soutient que les architectes travaillant sur ce chantier avaient averti directement Monsieur Stéphane M. qu'ils connaissaient. Mais les pièces annoncées dans les écritures des appelantes pour justifier de cette antériorité ne correspondent pas à ce chantier, mais à celui de Bar-le-Duc.

Des éléments produits, il résulte que Monsieur M. en sa qualité de gérant de la SARL World Trade Stones a profité des informations qu'il avait obtenues en sa qualité d'agent commercial de la société Rock Décorum pour obtenir ce chantier. Il y a donc là aussi détournement de clientèle.

Pour ce chantier, le devis était chiffré à la somme de 160 292,68 euro, et la société Rock Décorum indique dans ses écritures et justifie que sa marge commerciale par rapport au devis du fournisseur, était de 1,25. L'indemnisation de ce préjudice sera examinée ci-dessous.

5. Pour le chantier de Bar-le-Duc, contrairement à ce que soutient la société Rock Décorum, Monsieur Stéphane M. a été le premier sollicité par le client, la société Silix, pour une étude de prix concernant du calcaire noir. Cette demande n'a pas été transmise par Monsieur Stéphane M. à la société Rock Décorum mais à la société World Trade Stones. La proposition ne lui convenant pas, le client aurait formulé une autre demande pour du granit noir. Cette deuxième demande a été transmise par Monsieur Stéphane M. à la société Rock Décorum. Aucune suite n'a été donnée. Par contre, ce client a passé une commande conséquente de calcaire portugais Rui Pedra à la société World Trade Stones.

La société Rock Décorum reproche à Monsieur Stéphane M. de ne pas lui avoir transmis toutes les demandes de ce client, et surtout celle concernant le calcaire Rui Pedra.

Mais dans ce cas précis, la société World Trade Stones étant le distributeur exclusif des calcaires Rui Pedra, il ne peut lui être reprochée d'avoir fourni ce client dans la mesure où à l'origine, ce client ne s'était pas adressé directement à la société Rock Décorum. Le grief de défaut de loyauté ne pourrait être formulé éventuellement qu'à l'égard de Monsieur Stéphane M., en sa qualité d'agent commercial.

6. En ce qui concerne les chantiers de Metz, les parties sont d'accord pour dire que le premier chantier [...] a été obtenu en 2008 par la société Rock Décorum qui avait soumissionné pour du calcaire portugais Rui Pedra, dossier suivi commercialement par Monsieur Stéphane M..

Lors des deux tranches de travaux concernant la zone Mettis et le quartier de la gare, en 2011, la société Eiffage a contacté la société Rock Décorum et lui a demandé plusieurs devis portant sur du calcaire Rui Pedra, mais aussi sur du granit et du grès. La gestion du dossier a été confiée à Monsieur Stéphane M.. Ces chantiers n'ont pas été obtenus par la société Rock Décorum, mais par la société World Trade Stones tant pour le calcaire Rui Pedra que pour les 2 autres matériaux.

Or, les courriels produits par la société Rock Décorum démontrent que Monsieur Stéphane M. en sa qualité d'agent commercial de la société Rock Décorum, n'a pas répondu volontairement à certaines demandes du client, tels que la communication de tarifs ou les informations relatives à l'origine des pierres, à la capacité de production, et à l'homogénéité des fournitures, mais qu'il avait présenté un dossier complet en sa qualité de gérant de la société World Trade Stones.

Il y a donc détournement de clientèle, y compris dans ce cas précis en ce qui concerne le calcaire Rui Pedra dès lors que le client ne s'était pas adressé à la société World Trade Stones ab initio pour ce matériau, et que les chantiers Metz Mettis et Metz quartier de la gare étaient la continuité du chantier de la [...].

Le devis pour le granit clair était de 1 598 883 euro et à hauteur de 1 230 791 euro pour le grès indien. Aucun devis n'a été établi pour le calcaire et la société Rock Décorum indique que le devis aurait été équivalent à celui établi pour le granit est clair, mais elle n'en justifie pas. Il ne sera donc retenu que les sommes de 1 598 883 euro et 1 230 791 euro.

L'indemnisation du préjudice subi par la société Rock Décorum sera évaluée ci-après.

7. Sur le chantier de Besançon, la société Rock Décorum reproche à Monsieur Stéphane M. de ne pas avoir défendu ses intérêts lorsque le client a fait état d'une perte de matériaux dus à une défectuosité de l'emballage, alors que les dommages n'avaient pas été constatés à la livraison comme le stipulaient les termes du contrat, mais bien postérieurement et pouvaient être dus à un entreposage inapproprié, faute ou négligence alors imputable au client. L'attitude de Monsieur Stéphane M. a entraîné un remplacement d'une partie de la livraison dite défectueuse aux frais de la société Rock Décorum.

Les reproches sont donc formulés uniquement à l'encontre de Monsieur Stéphane M. en sa qualité d'agent commercial. Au demeurant, dans ses écritures, la société Rock Décorum n'évoque aucun grief à l'encontre de la société World Trade Stones. Cette demande ne peut donc prospérer.

8. Enfin, en ce qui concerne le chantier d'Offemont, la société Rock Décorum a été contactée le 9 juillet 2013 par courriel par la société Eurovia pour qu'elle lui fasse une proposition concernant du granit de Chine. Cette demande faisait suite à un présent chantier livré par la société Rock Décorum. L'intimée a confié ce dossier à Monsieur Stéphane M.. La proposition de Rock Décorum a été transmise le 10 juillet. Le 18 juillet, Monsieur Stéphane M. faisait une contre-proposition au nom de la société World Trade Stones en incluant un autre volet, du porphyre, alors que la société Rock Décorum pouvait aussi fournir ce matériau. Le 19 juillet 2013 la société Eurovia acceptait la proposition de la société World Trade Stones.

Nonobstant les courriels postérieurs de la société Eurovia démontrant que le chantier avait été traité par Monsieur Stéphane M. au bénéfice de la société World Trade Stones, ce dernier a soutenu à plusieurs reprises que ce chantier avait été obtenu par une concurrente, la société Cominex (courriels des 6 et 7 août 2013). La société Rock Décorum a alors fait délivrer une sommation interpellative à la société Eurovia, laquelle le 29 octobre 2013 a répondu par la voie d'un conducteur de travaux que les fournitures de granit et porphyre provenaient de la société WTS.

La société World Trade Stones soutient que suite à divers problèmes rencontrés avec la société Rock Décorum, le client ne voulait plus traiter qu'avec un interlocuteur unique.

La société World Trade Stones ne justifie pas de cette allégation par une quelconque attestation de la société Eurovia. De plus, la chronologie et les dates des faits ci-dessus exposés, et la possibilité pour la société Rock Décorum de fournir du porphyre, réduisent à néant cette explication.

Il y a donc eu détournement de clientèle que la société World Trade Stones a reconnu par la voix de Monsieur Stéphane M. (courriels des 12 et 15 novembre 2013) et dans la mesure où la société Elisam a déduit de sa dernière facture de commissions la somme de 5800 euro à titre d'indemnisation.

La commande de la société Eurovia à la société World Trade Stones était de 160 575,43 euro, d'après le devis du 18 juillet 2013 accepté le 19 juillet 2013 (181 996,13 - 8145,90 - 13 274,80).

En conséquence, la société World Trade Stones a commis des actes de concurrence déloyale par détournement de clientèle au préjudice de la société Rock Décorum sur le chantier du tramway de Casablanca, sur le chantier d'extension du cimetière de Baldersheim, sur les deux chantiers de Metz, Mettis et quartier de la gare, et sur le chantier d'Offemont.

Aucun acte de concurrence déloyale ne sont reprochés à la société Elisam, ce qui est logique puisque cette société n'était que l'émettrice des factures de Monsieur Stéphane M. agent commercial. La société Rock Décorum sera déboutée de sa demande d'indemnisation en ce qu'elle est dirigée aussi à l'encontre de cette société.

Sur le préjudice de la société Rock Décorum

En appel, la société Rock Décorum ne produit aucune pièce comptable, ni même une attestation de son expert-comptable, permettant de retenir que sa marge commerciale était ou est de 15 % comme elle le soutient, ni que sa marge nette comme retenue par les premiers juges est de 4 %. Toutefois, pour le chantier d'extension du cimetière de Baldersheim, elle soutient que son coefficient était de 1,25. La comparaison des prix indiqués entre les premières pages du devis du fournisseur et son propre devis confirme effectivement ce coefficient de 1,25, soit une marge commerciale de 25 % sur ce chantier.

La société World Trade Stones ne discute pas ce point.

Eu égard à la nature de la prestation fournie par la société Rock Décorum, il y aura lieu de retenir que l'indemnisation sera égale à la marge commerciale. À défaut de contestation sur ce point par les appelantes, la marge commerciale retenue sera de 15 %. L'indemnisation du préjudice de la société Rock Décorum sera donc égal à 15 % du montants des devis des chantiers détournés par la société World Trade Stones. S'agissant d'une moyenne, ce taux sera aussi appliqué pour le chantier de Baldersheim.

Pour le chantier du tramway de Casablanca, la perte du chiffre d'affaires pour la société Rock Décorum a été de 1 325 398 euro, pour le chantier d'extension du cimetière de Baldersheim, la perte de chiffre d'affaires a été de 160 292,68 euro, pour les deux chantiers de Metz, la perte de chiffre d'affaires a été de 1 598 883 euro et 1 230 791 euro, et pour le chantier d'Offemont la perte du chiffre d'affaires a été de 160 575,43 euro, soit un total de 4 475 940,10 euro.

Le préjudice de la société Rock Décorum pour les actes de concurrence déloyale est évalué à la somme de 671 391 euro (15 % de 4 475 940,10 euro). Dans l'hypothèse où il sera fait droit à la demande de paiement de la société Elisam au titre du paiement des commissions, devra être déduite de cette somme celle de 5800 euro que cette société a déduit de sa demande en paiement des commissions. Dans ce cas, la somme due par la société World Trade Stones sera de 665 591 euro (671 391 - 5800).

La société Rock Décorum sollicite ensuite une indemnisation de 40'000 euro au titre de son préjudice moral. Elle affirme que les détournements de clientèle ont entraîné une baisse significative de son chiffre d'affaires. Cependant, elle ne produit pas de pièces à l'appui de cette demande. À défaut de justificatif, elle sera donc déboutée de ce chef de préjudice.

Sur les demandes reconventionnelles de la société World Trade Stones et de la société Elisam

La société World Trade Stones soutient que diverses factures relatives à des fournitures de calcaire Rui Pedra totalisant la somme de 135 121,22 euro n'auraient pas été payées par la société Rock Décorum. Cependant, alors que la société Rock Décorum a souligné dans ses écritures que ces factures n'étaient accompagnées ni des bons de commande, ni des bons de livraison, la société World Trade Stones ne produit aucune pièce, ni même aucun courriel qui aurait pu valider la réalité desdites commandes et livraisons.

Or pour les chantiers Metz-[...] et Créavert, qui ne faisaient ni l'un ni l'autre l'objet d'une demande de la part de la société Rock Décorum, et le chantier Baldersheim, la société World Trade Stones a produit des dossiers composés des bons de livraison et des factures correspondantes. Il suit de là que la société World Trade Stones conserve en principe les factures avec les bons de livraison correspondants.

Il est donc surprenant qu'elle ne puisse produire les bons de livraison correspondant aux factures dont elle demande le paiement.

À défaut d'éléments suffisants, la société World Trade Stones sera déboutée de cette demande.

La société Elisam sollicite le paiement de 38 502,79 euro au titre des commissions impayées, soit la somme de 44 302,79 euro duquel elle a déduit la somme de 5800 euro au titre de l'indemnisation du dossier d'Offemont.

La société Rock Décorum invoque de façon maligne que la rupture serait intervenue le 18 juillet 2013 alors que la lettre de rupture au titre de la collaboration commerciale de Monsieur Serge M. est en date du 21 novembre 2013, que celle de la société World Trade Stones au titre de la fourniture de calcaire portugais est en date du 29 novembre 2013, et qu'elle-même a pris acte de ces ruptures par courrier du 5 décembre 2013.

En toute hypothèse la rupture n'a pas eu lieu le 18 juillet 2013, mais les 21 et 29 novembre 2013.

Mais surtout, il résulte des pièces produites que les commissions réclamées sont relatives à des devis signés entre le dernier trimestre 2012 et juin 2013, pour des factures éditées pour la plus récente le 5 juillet 2013, avec une échéance au plus tard le 31 août 2013. Les commissions réclamées correspondent donc à des devis signés par l'intermédiaire de Monsieur Stéphane M. et ayant donné lieu à des factures pour la plus grande majorité acquittée. La somme de 44 302,79 euro est donc due.

Mais la cour ne peut allouer plus qu'il n'est demandé. La société Elisam sollicitant au titre des commissions dues la somme de 38 502,79 euro, la société Rock Décorum sera condamnée à lui payer cette somme de ce chef.

La société World Trade Stones sollicite aussi une somme de 6602,15 euro au titre de frais de recouvrement de TVA.

Elle explique qu'en suite d'une erreur de la société Rock Décorum, elle a été contrainte de recourir aux services d'un avocat pour obtenir le remboursement de TVA auquel elle pouvait prétendre sur le chantier Metz-[...]. Elle a obtenu gain de cause auprès des services fiscaux et sollicite les frais de conseil qui sont restés à sa charge.

La société World Trade Stones produit les factures du cabinet E. et Y., mais aucun justificatif quant à la procédure fiscale qui permettrait de mettre en exergue la faute de la société Rock Décorum.

À défaut de justificatif, la société World Trade Stones sera déboutée de cette demande.

Enfin les deux sociétés appelantes sollicitent la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts en indiquant de façon sibylline que leur préjudice ne peut pas être réparé par la seule allocation de l'indemnité prévue par l'article 700 du Code de procédure civile.

Or il ne résulte pas des développements qui précèdent que les sociétés World Trade Stones et Elisam puissent prétendre à une quelconque indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

En l'absence de toute explication sur l'existence et la nature d'un préjudice supplémentaire distinct, les sociétés World Trade Stones et Elisam seront déboutées de cette demande de dommages intérêts.

Sur les autres demandes

L'équité ne commande pas de faire bénéficier une quelconque partie des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL World Trade Stones qui succombe sera condamnée aux entiers dépens.

Enfin en appel, il n'y a lieu de statuer sur l'exécution provisoire.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Infirme le jugement entrepris, et statuant à nouveau, Condamne la SARL World Trade Stones à payer à la SAS Rock Décorum la somme de 665 591 euro en indemnisation des actes de concurrence déloyale commis par détournement de clientèle, Déboute la SAS Rock Décorum de sa demande en indemnisation pour concurrence déloyale dirigée à l'encontre de la SA Elisam, Condamne la SAS Rock Décorum à payer à la SA Elisam la somme de 38 502,79 euro au titre des commissions dues, Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires, Dit n'y avoir à statuer sur la demande d'exécution provisoire, Dit n'y avoir lieu à application des articles 699 et 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL World Trade Stones aux entiers dépens.