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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 2 juin 2017, n° 14-17950

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Coordination Nationale Infirmière (Syndicat)

Défendeur :

Campus Communication (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mme Lis Schaal, M. Thomas

Avocats :

Mes Teytaud, Mahe des Portes, Bouziane-Rahmani, Knepper

T. com. Marseille, du 6 mai 2014

6 mai 2014

Faits et procédure

Le syndicat Coordination Nationale Infirmière (CNI), organisation syndicale professionnelle d'infirmiers, a, à partir de 1997, confié à la société Campus Communication, qui éditait sa revue semestrielle " Coordination infirmière " et gérait son site Internet, la gestion de sa communication et de son image. Ces prestations étaient financées par la vente d'espaces publicitaires dans ladite revue. Par convention conclue le 6 janvier 1999, les parties ont prévu que le syndicat recevrait une commission de 50 % sur la vente d'espaces publicitaires apportée par celui-ci pour le compte de la revue.

Par courrier du 13 novembre 2012, le syndicat a notifié à la société Campus Communication la fin de leur relation commerciale au motif que cette dernière n'avait ni réalisé la refonte complète du site, ni transmis son bilan financier des revues, comme il en avait été décidé lors de deux réunions de travail en date des 25 janvier et 25 juin 2012, et avait ouvert un compte Twitter au nom du syndicat sans autorisation.

Le 15 janvier 2013, la CNI a cessé de faire héberger son site par la société Campus Communication.

Par assignation délivrée à la société Campus Communication le 2 juillet 2013, le syndicat CNI a saisi le Tribunal de commerce de Marseille d'une demande tendant à confirmer son droit de résiliation et à condamner la société Campus Communication à lui payer différentes sommes en réparation de son préjudice résultant des manquements de cette dernière à ses obligations contractuelles. La société Campus Communication a reconventionnellement sollicité la condamnation du syndicat à dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie, au paiement du coût de l'hébergement et à une mesure de protection de son droit d'auteur sur le site.

Par jugement rendu le 6 mai 2014, le Tribunal de commerce de Marseille a :

- débouté le syndicat CNI de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamné le syndicat CNI à payer à la société Campus Communication les sommes de 28 211,25 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies, de 200 euros HT au titre du coût de l'hébergement du site Internet postérieurement à la rupture des relations commerciales et de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté la société Campus Communication de sa demande reconventionnelle tendant à la suppression sous astreinte par le syndicat CNI des archives de son site Internet développées par la société Campus Communication ;

- laissé à la charge du syndicat CNI les dépens toutes taxes comprises de la présente instance ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Le syndicat CNI a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Prétentions des parties

Le syndicat CNI, par ses dernières conclusions de fond signifiées le 16 février 2017, demande à la cour de :

- révoquer l'ordonnance de clôture en date du 2 février 2017 ;

- admettre aux débats les présentes conclusions récapitulatives n° 2 portant demande de révocation de l'ordonnance de clôture notifiée dans les intérêts du syndicat CNI ;

- recevoir le syndicat CNI en son appel à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Marseille le 6 mai 2014 ;

- le dire et juger bien fondé ;

- réformer le jugement entrepris ;

- juger que c'est à bon droit et de manière parfaitement fondée que le syndicat CNI a fait usage de son droit de résiliation tel que prévu à l'article 1184 ancien du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

- juger que la société Campus Communication a manqué à ses obligations contractuelles en ne respectant pas les engagements qu'elle avait souscrit ;

- juger qu'il en résulte un préjudice pour le syndicat CNI ;

- condamner la société Campus Communication au paiement de la somme de 21 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi subséquemment par le syndicat CNI ;

- juger que la société Campus Communication a manqué à ses obligations contractuelles en créant en violation des droits du syndicat CNI et sans son consentement un compte Twitter qui de surcroît renvoyait à des liens pornographiques ;

- juger qu'il en a résulté un préjudice pour le syndicat CNI dont l'image et la réputation s'en sont trouvées irrémédiablement entachées ;

- condamner la société Campus Communication au paiement de la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi subséquemment par le syndicat CNI ;

- rappeler que la société Campus Communication se devait de verser auprès de la société CNI une commission égale à 50 % sur la vente hors taxe d'espaces publicitaires apportée par la société Campus Communication ;

- constater que la société Campus Communication a manqué à ses obligions contractuelles en ne respectant pas les engagements qu'elle avait souscrits ;

- condamner la société Campus Communication au paiement de la somme de 280 000 euros en exécution des accords financiers des parties et de la convention du 6 janvier 1999 ;

- juger que la société Campus Communication a commis une faute délictuelle en procédant à une rétention indue des codes administrateurs d'accès au site Internet du syndicat CNI ;

- juger qu'il a résulté un préjudice pour le syndicat CNI ;

- condamner la société Campus Communication au paiement de la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi subséquemment par le syndicat CNI ;

- juger que la société Campus Communication a commis une faute délictuelle à l'égard du syndicat CNI en entachant auprès des annonceurs de cette dernière la réputation de celle-ci et en procédant à des actes de dénigrement ;

- juger qu'il en résulté un préjudice financier pour le syndicat CNI ainsi qu'un préjudice moral pour ce syndicat professionnel, dont l'image et la réputation s'en sont trouvées entachées, et qui a perdu en outre des annonceurs du fait de l'attitude injustifiée de la société Campus Communication ;

- condamner la société Campus Communication au paiement de la somme de 24 471,77 euros HT en réparation du préjudice financier subi par le syndicat CNI et de la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral à la suite de l'atteinte à l'image et à la réputation ;

- juger la société Campus Communication mal fondée en droit comme en fait en ses demandes reconventionnelles ;

- débouter la société Campus Communication de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Campus Communication au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

Sur les manquements contractuels de la société Campus Communication justifiant la résiliation, il invoque :

- le non-respect, par Campus Communication, des engagements pris lors des réunions de travail ;

- l'absence de transmission du bilan financier, dont la communication était nécessaire en raison de l'obligation incombant à Campus Communication de lui reverser une commission de 50 % des sommes qu'elle percevait ;

- le non-respect, par Campus Communication, de son obligation de refonte du site Internet ;

- l'ouverture, par cette dernière, sans autorisation d'un compte Twitter ; le syndicat dément à cet égard tout accord verbal avec Campus Communication pour la création d'un tel compte en son nom, création intervenue en violation de ses droits ; il affirme que Campus ne l'a, à aucun moment, consulté à ce sujet et qu'elle ne rapporte pas la preuve du prétendu accord oral, que sa présence sur d'autres réseaux sociaux n'implique pas qu'il ait donné tacitement son accord pour la création d'un compte Twitter, qu'il n'a d'ailleurs jamais été informé de la création du compte litigieux qui lui a été signalée par une organisation professionnelle tierce ; il soutient enfin que la présence de liens pornographiques sur le compte Twitter atteste encore du manque de diligence de Campus qui a porté une grave atteinte à l'image du syndicat.

Sur les préjudices résultant des manquements contractuels, il fait valoir que :

- le non-respect des engagements pris lors des réunions de travail a généré une perte de temps inutile en relations de travail avec Campus Communication, qui a entraîné un manque à gagner de 18 000 euros et un préjudice moral de déception se chiffrant à 3 000 euros ;

- l'ouverture illégale d'un compte Twitter a constitué une violation de ses droits inaliénables et une atteinte à son image, pour un préjudice totale de 10 000 euros ;

- il a perdu le reversement de la commission de 50 % des ventes hors taxes d'espaces publicitaires apportés par Campus.

Sur les manquements post-contractuels de Campus Communication, manquements de nature délictuelle, il invoque :

- la rétention des codes administrateur d'accès au site Internet : il rappelle que le site Internet litigieux comme le nom de domaine lui appartiennent exclusivement, de sorte que Campus Communication ne peut revendiquer aucun droit d'auteur à leur sujet. Il explique que cette dernière a uniquement agi comme administrateur dudit site dans le cadre de sa mission de communication sans pour autant qu'elle en devienne propriétaire. Il ajoute que la société Campus Communication n'a jamais créer d'œuvre originale sur le site puisqu'elle se contentait de mettre en ligne du contenu proposé par le syndicat. Il insiste donc sur la qualité de simple exécutant de la société Campus Communication.

- le dénigrement, Campus Communication ayant, après la rupture de la relation, dénoncé auprès des annonceurs les prétendues méthodes peu élégantes et exécrables du syndicat et a donc donné une image dévalorisante de ce dernier.

Sur la prétendue rupture brutale, le syndicat prétend que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ne lui est pas applicable puisqu'il est un syndicat professionnel, et non un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers ; il explique que cet article n'a vocation à s'appliquer qu'à des personnes s'intégrant dans un secteur concurrentiel, ce qui n'est pas le cas de ce syndicat qui n'exerce pas d'activité à but lucratif, que, si la Cour de cassation a élargi le champ d'application de l'article L. 442-6, I, 5° pour les victimes d'une rupture brutale, elle ne l'a au contraire pas fait pour les auteurs qui doivent impérativement faire partie d'une des catégories énumérées par le texte ; il ajoute que la saisine d'un tribunal de commerce ne préjuge en rien de la nature commerciale de la relation entretenue avec Campus.

Il soutient en outre qu'en tout état de cause, elle n'a pas rompu brutalement la relation puisque ladite rupture était justifiée par des manquements particulièrement graves de Campus, manquements rendant la résiliation inéluctable. Il explique que cette dernière avait conscience du climat de tension qui régnait dans les mois précédant la fin de la relation et qu'elle ne pouvait donc légitimement ignorer la possibilité d'une rupture ; il affirme enfin que la nature-même de la prestation réalisée par Campus impliquait une certaine instabilité dans la relation contractuelle avec le syndicat.

Concernant la durée du préavis, il souligne que la relation entretenue avec la société Campus Communication n'a duré que 15 ans, et non 20 ans, et qu'au regard de cette ancienneté, un préavis de deux ans est excessif et relève plus d'un délai d'assistance que d'un délai de prévenance.

Sur les autres demandes reconventionnelles de Campus :

- sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'utilisation des archives du site développé, le syndicat soutient que ne justifie aucunement du chiffrage de la somme demandée, que cette dernière n'est pas fondée à se prévaloir d'un quelconque droit d'auteur sur le site litigieux puisqu'elle s'est contentée de déférer aux demandes de mises en ligne du syndicat sans créer aucune œuvre de l'esprit ;

- sur la demande de dommages et intérêts au titre des frais d'hébergement, la CNI explique, en tant que propriétaire de son nom de domaine, que le site Internet litigieux n'a jamais été hébergé par la société Campus.

La société Campus Communication, par dernières conclusions signifiées le 10 février 2017, demande à la cour de :

- déclarer le syndicat CNI recevable en son appel mais mal fondé en ses demandes ;

- déclarer la société Campus Communication recevable en son appel et bien fondée ;

- déclarer les demandes nouvelles formulées par le syndicat CNI pour la première fois en cause d'appel irrecevables ;

- à défaut, débouter purement et simplement le syndicat CNI de ses demandes ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le syndicat CNI de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité du syndicat CNI pour rupture brutale des relations commerciales établies ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné le syndicat CNI au paiement de la somme de 200 euros HT au titre du coût de l'hébergement du site postérieurement à la rupture des relations commerciales ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué la somme de 28 211,25 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies ;

- réformer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Marseille le 6 mai 2014 en ce qu'il a débouté la société Campus Communication de sa demande reconventionnelle de suppression sous astreinte, par le syndicat CNI, des archives de son site Internet développé par la société Campus Communication ;

Statuant à nouveau,

- constater que les relations commerciales durait depuis 18 ans et que le syndicat CNI aurait dû respecter une durée de préavis minimale d'un an ;

- constater que la société Campus Communication n'avait pas à verser 50 % de sa marge brute au syndicat CNI ;

- condamner le syndicat CNI au paiement de la somme de 86 296,50 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies ;

- constater que la société Campus Communication est titulaire des droits d'auteur sur site Internet et du Code source développés par ses soins pour le syndicat CNI ;

- constater que l'utilisation du site Internet et du code source créés par la société Campus Communication constitue un acte de contrefaçon ;

- condamner le syndicat CNI au paiement de la somme de 6 000 euros de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon des droits d'auteurs ;

- ordonner, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, la suppression des pages Internet créées par la société Campus Communication, objet du droit d'auteur, accessible à l'adresse archives-coordination-national-infirmiere.org ;

- à défaut, ordonner la publication sur les pages Internet visées du message suivant " la version de ce site n'est plus consultable, les droits de propriété intellectuelle appartiennent exclusivement à notre ancien prestataire Campus Communication ;

- constater que la demande de dommages et intérêts du syndicat CNI est abusive ;

- en conséquence condamner le syndicat CNI au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 1 500 euros ;

- en tout état de cause, condamner le syndicat CNI au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur les demandes nouvelles du syndicat CNI, la société Campus Communication rappelle que le syndicat CNI n'avait ni formé une demande relative à une prétendue inexécution de la convention du 6 janvier 1999, ni demandé la réparation d'un prétendu préjudice financier en première instance, de sorte que ces deux prétentions sont irrecevables comme nouvelles en cause d'appel.

Elle explique, en tout état de cause, que le syndicat CNI fait une mauvaise application de la convention du 6 janvier 1999 qui ne prévoit le versement d'une commission au syndicat qu'en cas d'apport de clientèle par ce dernier. Elle prétend donc qu'elle n'avait aucune obligation de reverser une partie de la marge qu'elle réalisait sur les prestations publicitaires au syndicat CNI. Elle précise qu'aucun autre accord financier n'a été conclu entre les parties.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies, elle soutient que la CNI ne peut déduire de sa qualité de syndicat professionnel l'inapplicabilité de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, que cette disposition a en effet pour vocation de sanctionner l'auteur d'une rupture empreinte de mauvaise foi, sans que ne soit pris en compte la nature commerçante des parties en cause ou le caractère commercial de la prestation en cause. Elle en déduit qu'il existait bien entre les deux parties une relation commerciale établie d'une durée de 18 ans " de 1995 à 2012 " au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Elle précise que l'absence de contrat écrit, hormis la convention du 6 janvier 1999, ne remet pas en cause le caractère établi de cette relation commerciale.

Concernant la brutalité de la rupture, la société Campus Communication rappelle que le caractère prévisible de la rupture n'excluait pas son caractère brutal et le respect d'un délai de préavis. Elle prétend que le syndicat CNI a provoqué la rupture afin de conclure un nouveau contrat avec un prestataire de services de communication qui accepterait de le rémunérer pour les annonces publicitaires. Elle explique que la rupture de leurs relations résulte donc d'un choix unilatéral du syndicat CNI de changer de partenaire et non d'un quelconque manquement à ses obligations.

Sur la durée du délai de préavis, elle précise qu'outre la longue durée de leurs relations commerciales, doit être pris en compte l'état de dépendance dans lequel elle se trouvait par rapport au syndicat CNI.

Concernant le calcul de l'indemnité, elle affirme qu'elle ne doit pas être réduite de 50 % puisqu'elle n'était pas tenue de reverser 50 % de sa marge brute au syndicat CNI.

Sur les manquements contractuels de la société Campus Communication :

- sur le bilan financier, Campus Communication soutient que la demande du syndicat CNI de se voir communiquer un bilan financier est injustifiée, qu'elle n'avait aucune obligation de fourniture des éléments comptables au syndicat CNI et encore moins d'obligation de fournir son propre bilan financier ;

- sur la refonte complète du site Internet, elle rappelle que c'est seulement quelques mois avant la rupture que le syndicat avait demandé une refonte complète de son site Internet ; or, une prestation d'une telle envergure ne peut être réalisée si rapidement ; elle explique qu'elle a travaillé sur le projet et qu'elle a notamment proposé un exemple d'arborescence au syndicat CNI le 13 juin 2012 ;

- sur le compte Twitter, elle soutient qu'avant la rupture de la relation commerciale par le syndicat, ce dernier n'avait jamais demandé la fermeture du compte Twitter prétendument créé en violation de ses droits, que le syndicat avait donné son accord pour une telle démarche et que Campus Communication n'avait aucun intérêt personnel à créer un compte Twitter pour le compte du syndicat sans son autorisation ;

- sur le renvoi vers un site pornographique à partir du compte Twitter, elle explique que c'est un follower qui a publié un lien renvoyant vers un tel site ; elle assure qu'elle a supprimé le lien dès qu'elle a eu connaissance du problème ; elle soutient qu'en tout état de cause, cet événement est intervenu après la rupture du contrat et qu'il ne peut donc être utilisé par le syndicat CNI pour justifier sa rupture.

Sur les manquements post-contractuels de la société Campus Communication, Campus Communication conteste que le site Internet litigieux soit la propriété du syndicat CNI qui ne possède que le nom de domaine dudit site ; elle en déduit que la prétendue rétention invoquée par ce dernier n'est pas fondée.

Concernant les autres demandes de réparation formulées par le syndicat CNI, elle souligne leur caractère injustifié voir abusif.

Sur la demande de suppression des archives, Campus Communication prétend qu'elle est propriétaire du site Internet puisque c'est elle qui l'a créé et développé, que si le syndicat CNI est bien propriétaire du contenu du site, c'est elle qui conserve la propriété de l'architecture du site Internet et du code source. Elle en déduit que l'utilisation dudit site Internet par le syndicat CNI depuis la rupture de leurs relations commerciales est une contrefaçon.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS

Sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture

Considérant que l'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2017 ; que la société Campus Communication a communiqué de nouvelles écritures les 2 et 10 février 2017 ; que le syndicat CNI a fait signifier de nouvelles conclusions le 16 février 2017 ; qu'il convient de faire droit à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture en date du 2 février 2017 et de prononcer la clôture des débats à la date du 2 mars 2017 ;

Sur le fond

Sur les demandes principales du syndicat CNI

Sur la commission sur la vente d'espaces publicitaires

Considérant que la demande de la CNI visant au reversement, pour la période postérieure à 2008, à hauteur de 280 000 euros, de la commission de 50 % sur la vente HT d'espaces publicitaires apportée par la société Campus Communication, est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, cette demande, portant sur l'exécution du contrat du 6 janvier 1999, n'étant pas virtuellement comprise dans les demandes de première instance - lesquelles se limitaient à l'octroi de dommages et intérêts - ni ne tendant à la même fin que celles soumises aux premiers juges ;

Sur les manquements de la société Campus Communication

Considérant que la CNI ne caractérise les manquements contractuels de la société Campus Communication :

- ni au titre de l'absence de fourniture, par Campus Communication, d'éléments comptables ou financiers, aucun acte contractuel ne prescrivant une telle fourniture et la CNI ne rapportant pas la preuve qu'elle n'a pas disposé des éléments financiers relatifs au montage retenu ;

- ni sur la création du compte Twitter dont la CNI, qui n'en a fait état qu'après la rupture de la relation contractuelle, connaissait, à l'évidence, l'existence et dont elle n'établit pas, qu'elle lui ait causé un préjudice ;

Que n'est davantage démontré aucun des manquements post contractuels invoqués par la CNI :

- ni le renvoi du compte Twitter à un site Internet inapproprié, renvoi dont la CNI n'établit ni l'imputabilité à Campus Communication, ni, eu égard à la brièveté - non contestée du renvoi, le préjudice d'image qu'il lui aurait créé ;

- ni la rétention, par Campus Communication, des codes administrateurs, la CNI ne rapportant pas la preuve du préjudice allégué lequel serait, en tout état de cause, limité à la période du 15 novembre 2012 au 12 avril 2013 au cours de laquelle elle prétend avoir été privée du contrôle de son site ;

Que la décision déférée sera confirmée de ces chefs ;

Sur les demandes reconventionnelles de la société Campus Communication

Sur la rupture brutale de la relation commerciale

Considérant qu'il est constant que, par courrier du 13 novembre 2012, le syndicat CNI a notifié à la société Campus Communication qu'elle mettait un terme à leur relation commerciale ;

Considérant que l'article L. 442-6-I-5° dispose qu' " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels " ;

Considérant que l'application cette disposition est subordonnée à ce que l'auteur de la rupture relève des catégories visées par l'article L. 442-6-I-5° ; qu'il n'est pas allégué que le syndicat professionnel CNI, association à but non lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901, dont le seul objet est la défense d'intérêts professionnels, procède à une activité de production, de distribution ou de services, ni qu'il soit immatriculé au répertoire des métiers ; que Campus Communication ne saurait, dans ces conditions, rechercher la responsabilité de la CNI sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° ; que la cour déboutera Campus Communication de sa demande de ce chef et infirmera en ce sens le jugement entrepris ;

Sur l'utilisation du site Internet créé par Campus Communication

Considérant que, si Campus Communication demande qu'il soit fait interdiction à la CNI d'utiliser, sur son nouveau site, les archives du site développé par Campus Communication, elle ne rapporte toutefois pas la preuve, qui lui incombe, qu'elle est propriétaire des documents mis en ligne sur le site, documents dont la CNI affirme, sans être sur ce point contredite, qu'elle les a conçus et en a sollicité la mise en ligne (pièces CNI n° 27 et 38) ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Campus Communication de sa demande de ce chef ;

Sur les frais d'hébergement

Considérant que Campus Communication ne rapporte pas la preuve qu'elle hébergeait le site de la CNI, le contrat du 6 janvier 1999 se limitant à la gestion d'une régie publicitaire et ne s'étendant pas à un hébergement de site Internet ; qu'elle sera en conséquence déboutée de sa demande de paiement de 200 euros HT au titre des frais d'hébergement du site Internet postérieurement à la rupture des relations commerciales du 15 novembre 2012 au 15 janvier 2013 ; que la décision déférée sera infirmée sur ce point ;

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

Considérant que, si la CNI s'est méprise sur le bien-fondé de ses demandes, Campus Communication ne rapporte la preuve ni du caractère abusif de l'action, ni du préjudice qui lui aurait causé cette action ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ;

Considérant que l'équité ne commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ; que la Cour dira que chaque partie conservera la charge de ses dépens ; que la décision déférée sera réformée sur ces points ;

Par ces motifs: La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, révoque l'ordonnance de clôture en date du 2 février 2017, prononce la clôture des débats à la date du 2 mars 2017, dit irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de la CNI tendant au reversement de la commission de 50 % sur la vente HT d'espaces publicitaires apportée par la société Campus Communication,infirme le jugement entrepris sur la demande fondée sur la rupture brutale de la relation commerciale, sur les frais d'hébergement, sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens, statuant à nouveau des chefs infirmés, déboute la SARL Campus Communication de ses demandes au titre de la rupture brutale de la relation commerciale et des frais d'hébergement, confirme le jugement entrepris pour le surplus, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.