CA Angers, ch. com. A, 16 mai 2017, n° 15-00297
ANGERS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Axa France IARD (SA), P. Yachting (SARL), Caraibe Marine (SARL), Christophe Service (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Van Gampelaere
Conseillers :
Mmes Monge, Portmann
FAITS ET PROCEDURE :
Le 7 septembre 2007, Mme Corinne P.-J. a souscrit auprès de la société BNP Paribas lease group (la BNP) un contrat de location avec option d'achat destiné à financer l'acquisition d'un voilier monocoque de type Feeling 36. Ledit voilier, dénommé JMCO, a été commandé le 2 octobre 2007 auprès de la société P. Yachting (la société P.), située à Loctudy, dans le Finistère, concessionnaire de la société Alliaura marine (la société Alliaura), pour un coût total de 177 029,60 euros TTC.
En novembre 2007, le navire a rallié son port d'attache en Martinique.
Se plaignant d'une fuite du réservoir de gazole survenue dans le bateau le 10 décembre 2010, au large des Antilles, Mme P.-J. a fait procéder à une expertise amiable les 25 janvier et 3 février 2011 en présence de représentants de la société Alliaura, du fabricant du réservoir et des assureurs respectifs de ces sociétés et de la société P.. L'expert amiable a notamment conclu à un " défaut de conformité du montage du navire dans l'installation du réservoir de gasoil ".
Le 15 mars 2011, Mme P.-J. a exercé son option d'achat et versé à la BNP la somme de 30 466,92 euros TTC et, le 6 avril suivant, elle a assigné la société Alliaura en garantie des vices cachés devant le Tribunal mixte de Fort-de-France. La société Axa France Iard (la société Axa) a volontairement comparu en qualité d'assureur de la société Alliaura. La compétence du tribunal mixte ayant été contestée par la société Axa, Mme P.-J. a admis cette incompétence et par ordonnance du 6 septembre 2011, le tribunal mixte prenait acte du désistement d'instance des parties.
Par acte du 23 septembre 2011, Mme P.-J. a assigné la société Alliaura devant le Tribunal de commerce du Mans en résolution de la vente, restitution du prix et paiement de dommages et intérêts.
Par jugement du 27 mars 2012, le Tribunal de commerce du Mans a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Alliaura, Me di M. étant désigné en qualité de liquidateur.
Par acte du 16 mai 2012, Mme P.-J. a assigné en intervention forcée Me di M. ès qualités et par acte du 24 mai suivant, elle a assigné la société P., laquelle, par actes du 7 décembre 2012, a appelé en la cause la société Caraïbe gréement Martinique et la société Christophe services, intervenues, courant 2008 et 2009, sur le navire litigieux, en Martinique.
Par jugement du 21 novembre 2014, le Tribunal de commerce du Mans a dit que Mme P.-J. était mal fondée en son action en garantie des vices cachés, débouté celle-ci de l'ensemble de ses demandes et condamné Mme P.-J. à verser à Me di M. ès qualités ainsi qu'à la société P. une indemnité de procédure de 5 000 euros, outre les dépens, condamnant la société P. à verser à la société Caraïbe marine une indemnité de procédure de 1 500 euros et rejetant les autres demandes des parties.
Selon déclaration adressée le 29 janvier 2015, Mme P.-J. a interjeté appel de cette décision, intimant Me di M. ès qualités, la société Axa et la société P..
Par acte du 31 juillet 2015, la société P. a assigné la société Caraïbe marine, anciennement dénommée Caraïbe gréement Martinique, et la société Christophe services.
Les parties ont toutes conclu, à l'exception de la société Christophe services, non assignée à personne.
Une ordonnance rendue le 13 février 2017 a clôturé la procédure.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Les dernières conclusions, respectivement déposées les 12 octobre 2015 pour Mme P.-J., 18 septembre 2015 pour la selarl Guillaume L. en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Alliaura aux lieu et place de Me di M., 29 juin 2015 pour la société Axa, 20 juillet 2015 pour la société P. et 28 septembre 2015 pour la société Caraïbe marine, auxquelles il conviendra de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.
Mme P.-J. demande à la cour de la déclarer fondée en son appel, de déclarer irrecevable et de débouter le mandataire liquidateur de la société Alliaura de toutes ses demandes, de déclarer irrecevable et de débouter la société Axa de toutes ses demandes, de déclarer irrecevable et de débouter la société P. de toutes ses demandes, d'infirmer le jugement déféré, de constater que le navire litigieux est atteint d'un vice caché de construction, de déclarer recevable son action directe en garantie des vices cachés contre la société P. et le liquidateur judiciaire de la société Alliaura, de prononcer la résolution de la vente sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil aux torts exclusifs de la société P. concessionnaire et de la société Alliaura constructeur, de remettre les parties dans la situation qui était la leur avant la vente, en conséquence, de fixer au passif de la société Alliaura représentée par Me L., la créance égale au prix d'achat du navire et de ses équipements augmenté des sommes qu'elle a engagées en relation directe avec le vice caché, soit la somme en principal de 317 900 euros augmentée des intérêts légaux, de dire que la clause limitative de responsabilité stipulée dans le contrat de distribution lui est inopposable, de dire que l'indemnisation due par la société P. est égale à la somme susvisée de 317 900 euros augmentée des intérêts légaux, d'ordonner la capitalisation des intérêts, de condamner la société Axa à garantir le règlement des condamnations prononcées à l'encontre de la société P. et du liquidateur de la société Alliaura, de condamner la société P. à reprendre possession du navire à son port d'attache à la Martinique à ses frais exclusifs, de condamner cette société à procéder aux formalités de transfert de propriété du navire à ses frais dans les 30 jours du prononcé de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai et de condamner solidairement la société P. et le liquidateur de la société d'Alliaura à lui verser une indemnité de procédure de 5 000 euros, outre les dépens.
Elle expose que, médecin pédiatre à l'hôpital du Lamentin, en Martinique, elle a acquis le navire de plaisance litigieux construit en série par la société Alliaura et distribué et équipé par son concessionnaire, la société P., pour réaliser avec son époux le projet d'un tour du monde en voilier à partir du mois d'avril 2011 à des fins humanitaires. Elle précise que le certificat de conformité faisait référence aux normes ISO applicables, dont celles relatives aux circuits et réservoirs de carburant. Elle relate que courant novembre 2007, elle a traversé l'Atlantique à la voile avec son époux jusqu'en Martinique et qu'au cours de cette navigation et d'autres ultérieures, elle a constaté des désordres dont la réparation a été plus ou moins bien prise en charge par la société Alliaura. Elle explique que le 10 décembre 2010, alors qu'il naviguait au large des Antilles, son époux a découvert que les fonds du bateau étaient inondés de gazole et qu'appelé par téléphone, le service après-vente de la société Alliaura a été dans l'incapacité de donner les consignes nécessaires pour y remédier. Elle indique qu'une expertise contradictoire a été organisée le 25 janvier 2011 et que l'expert ayant conclu à l'existence d'un défaut de conformité du montage du navire dans l'installation du réservoir à gazole, la société Alliaura s'était engagée à faire des propositions concrètes de solutions. Elle explique qu'elle a démissionné de son poste et donné mandat à une agence de mettre en location sa maison dans la perspective du tour du monde projeté. Elle fait valoir que la société Alliaura n'a, finalement, fait aucune proposition et qu'elle a levé l'option d'achat pour pouvoir agir personnellement en résolution de la vente.
Elle conteste que la prescription annale visée à l'article L.5113-5 du Code des transports dont se prévaut la société P. ait vocation à s'appliquer en l'espèce dès lors que le navire litigieux est un voilier de plaisance construit en série, peu important qu'elle en ait fait changer la barre, seule la prescription de l'article 1648 du Code civil étant, selon elle, applicable. Elle soutient que le vice ayant été découvert le 10 décembre 2010 et non en 2007, ainsi que l'affirme à tort la société P., le délai de deux ans n'était pas expiré lorsqu'elle a agi contre elle en mai 2012.
Elle fait valoir que l'expertise amiable effectuée après découpe des éléments empêchant l'accès au réservoir a mis en évidence une oxydation du réservoir en partie basse et des fuites d'air alors que les réservoirs, selon les normes applicables, doivent être conçus et montés de façon à ce que l'eau ne puisse s'accumuler sur leurs surfaces extérieures. Elle en déduit que le réservoir de gazole, logé dans un compartiment non drainé, s'est ainsi oxydé en raison de la présence de l'eau emprisonnée, causant les fuites de carburant constatées. Elle souligne que ce vice de construction ne pouvait être perçu sans démontage du matériel et que l'imprégnation du gazole dans la coque et les aménagements du navire rend celui-ci irréparable et inutilisable. Elle conteste que les précédents désordres réparés par la société Caraïbe gréement aient un lien avec ce vice caché ou que la société Christophe service, intervenue en mars 2009 sur le moteur, ait pu se rendre compte de l'existence de ce vice. Elle s'oppose à l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire.
Elle sollicite en sus de la résolution de la vente et de la restitution du prix, l'allocation de dommages et intérêts, la carence de la société Alliaura et de la société P. étant patente et leur qualité de professionnels les rendant tenus de réparer l'entier préjudice causé par le vice rédhibitoire. Elle nie avoir aggravé les désordres et rappelle qu'ils ont été constatés en pleine mer et que la société Alliaura, contactée, n'a su prodiguer aucune consigne. Elle indique que le bateau est revenu à la voile, son moteur ne fonctionnant plus.
Elle se prévaut de l'action directe contre le fabricant et le vendeur intermédiaire dont dispose le sous-acquéreur pour la garantie du vice caché et blâme le tribunal de l'avoir déboutée. Elle justifie la levée de l'option par la volonté de ne pas perdre ses droits sur le remboursement du prix en cas de résolution de la vente. Elle insiste sur le fait que sa levée d'option est antérieure à la connaissance du vice tel que reconnu par les juges du fond et ajoute qu'elle s'est trouvée subrogée dans l'ensemble des droits du crédit bailleur, y compris celui d'agir en garantie des vices cachés. Elle assure que la société Alliaura avait admis, dès 2011 la possibilité de la résolution de la vente.
S'agissant de la clause limitative de responsabilité insérée dans le contrat de distribution, elle estime qu'elle lui est inopposable en raison de la faute lourde commise par le constructeur et le concessionnaire qui ne lui ont pas remis un navire exempt de vices de nature à compromettre sa sécurité et ont été dans l'incapacité de remédier au vice constaté. Elle soutient que de surcroît, le contrat étant anéanti, la clause limitative de réparation ne peut s'appliquer.
Elle demande la restitution du prix de 177 029,60 euros TTC, outre la TVA qu'elle a payée lors du rachat du matériel, soit de la somme de 4 992,90 euros. Elle réclame paiement des intérêts légaux échus depuis la date d'acquisition soit de la somme de 16 410,98 euros TTC, l'indemnisation des frais de location d'un navire de remplacement en raison de l'immobilisation du navire litigieux, soit la somme totale de 62 246 euros TC, l'indemnisation des frais de stationnement du navire litigieux, soit la somme de 5 155,08 euros TTC, l'indemnisation des frais d'expertise amiable, soit la somme de 1 834,55 euros TTC, l'indemnisation des frais d'assurance du navire de 2011 à 2015, soit la somme de 9 347,26 euros TTC, l'indemnisation des frais de droit de navigation pendant la même période, soit la somme de 1 293,13 euros, l'indemnisation de la perte de loyers afférents son logement, soit la somme de 8 100 euros, l'indemnisation de la perte de salaires, soit la somme de 21 496,35 euros, l'indemnisation de son préjudice moral à hauteur de la somme de 10 000 euros.
La selarl Guillaume L. comparaissant en sa qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Alliaura aux lieu et place de Me di M. demande à la cour de débouter Mme P.-J. de toutes ses demandes, de confirmer le jugement entrepris, à titre subsidiaire, de condamner la société Axa à garantir la liquidation judiciaire de la société Alliaura de toute condamnation prononcée contre elle, dans la limite de l'assurance souscrite, de débouter, en tant que de besoin, la société Axa et la société P. de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre elle, de condamner Mme P.-J. à payer à la liquidation judiciaire une indemnité de procédure de 5 000 euros, outre les dépens.
Elle expose que la société Alliaura a construit le navire de plaisance de type Feeling 36 dénommé " JMCO ", version standard quillard transformé en barre franche, commandé par la société P. en vue de le vendre à la BNP liée à Mme P.-J. par un contrat de location financière de 60 mois. Elle précise que le navire a été livré à la société P. le 11 octobre 2007, pour l'installation des équipements et la réalisation d'un contrôle de conformité avant d'être amené à Antibes où il a été procédé à sa mise à l'eau puis à sa remise à Mme P.-J. qui, accompagnée de son mari, a traversé, courant novembre 2007, l'Atlantique à son bord jusqu'au port d'attache situé à la Martinique. Elle explique que le navire a été l'objet, le 10 décembre 2010, d'une avarie et que M. J., qui a contacté le service après-vente de la société Alliaura, a choisi, en dépit des recommandations contraires de la société Alliaura, de rejoindre son port d'attache malgré de mauvaises conditions climatiques, aggravant les conséquences dommageables causées par la dispersion du gazole.
Elle soutient que Mme P.-J. en ayant levé l'option le 15 mars 2011 en pleine connaissance du défaut affectant le navire puisque les conclusions du rapport d'expertise amiable dont elle se prévaut lui avaient été communiquées, n'est pas fondée à poursuivre personnellement la résolution du contrat sur le fondement des vices cachés. Elle approuve le tribunal d'avoir statué en ce sens et d'avoir également relevé que la stipulation pour autrui dont bénéficiait Mme P.-J. en vertu de l'article 5 du contrat de location aurait permis à celle-ci d'agir en exerçant l'action en garantie dont disposait le crédit-bailleur contre le constructeur et le fournisseur et donc de poursuivre la résolution du contrat et même de solliciter des dommages et intérêts. Elle ajoute qu'outre la condition de la non-connaissance du vice, n'est pas davantage remplie la condition de l'antériorité du vice à la vente. Elle explique qu'il ressort de l'expertise amiable que ce n'est pas l'absence de drain dans le compartiment contenant le réservoir à gazole qui est la cause des désordres mais les entrées d'eau dans ce compartiment et fait valoir que, suite à la transformation de la barre à roue en barre franche, la pose d'un soufflet d'étanchéité de barre était nécessaire, que la société Alliaura y avait en effet procédé et que la société P., après avoir procédé à une opération impliquant la dépose de ce soufflet a manifestement omis de le reposer. Elle en déduit que la cause des désordres ne peut être imputée de façon certaine à un défaut de conformité du navire ni à un vice caché préexistant à la vente initiale conclue entre la société P. et la société Alliaura. Elle conclut que l'action en garantie des vices cachés formée par Mme P.-J. ne pouvait prospérer.
Subsidiairement, elle critique les demandes en paiement formulées par Mme P.-J. et fait valoir que la société Alliaura ne saurait être tenue de restituer un prix supérieur à celui qu'elle a reçu, soit la somme de 99 196,48 euros HT, 118 638,99 euros TTC, ni de rembourser des équipements qu'elle n'a pas vendus. Elle se prévaut de la clause limitative de responsabilité prévue au contrat de distribution conclu entre la société Alliaura et la société P., opposable, selon elle, à un sous-acquéreur, peu important qu'il fût profane. Elle conteste avoir commis une faute lourde caractérisée par un manquement à son obligation de délivrance, puisqu'il est constant que le fondement juridique de l'action exercée par Mme P.-J. est la garantie des vices cachés et non le respect de l'obligation de délivrance conforme. Elle qualifie de démesurées les prétentions indemnitaires de Mme P.-J. et conteste le lien de causalité des préjudices invoqués avec le vice affectant le navire. Elle estime qu'en tout état de cause les préjudices allégués ont été compensés par l'utilisation du navire pendant plusieurs années.
Encore plus subsidiairement, elle demande la garantie de la société Axa.
La société Axa demande à la cour de déclarer Mme P.-J. mal fondée en son appel, de l'en débouter en tant que dirigé contre elle, de confirmer le jugement querellé en ce qu'il déboute Mme P.-J. de l'intégralité de ses demandes, à titre infiniment subsidiaire, de dire que les dommages et intérêts ne sont nullement justifiés et qu'à tout le moins ils sont compensés par l'utilisation du navire pendant plus de trois ans, en tout état de cause, de déclarer Mme P.-J. irrecevable et en tout cas mal fondée en toutes ses demandes dirigées contre elle et de la condamner à lui payer une indemnité de procédure de 5 000 euros, outre les dépens.
Elle fait valoir qu'elle ne garantit que les dommages immatériels non consécutifs, non le remplacement du produit défectueux ni les conséquences d'une éventuelle résolution de la vente. Elle ajoute que dans l'hypothèse où la résolution de la vente serait prononcée, la garantie ne peut porter sur la restitution du prix qui ne constitue pas un préjudice indemnisable. Elle fustige le caractère excessif des demandes indemnitaires de Mme P.-J. sans relation directe avec le vice caché dénoncé. Elle rappelle que le constructeur contre lequel Mme P.-J. exerce son action directe peut lui opposer tous les moyens de défense opposables à son propre cocontractant, la société P., tels qu'une clause limitative de responsabilité. Elle en déduit que Mme P.-J. ne peut réclamer réparation de ses préjudices à la société Alliaura dont la responsabilité est limitée au remplacement ou à la réparation gratuite de toute pièce reconnue défectueuse.
La société P. demande à la cour de déclarer l'action de Mme P.-J. irrecevable comme prescrite à son égard, en application de l'article L. 5113-5 du Code des transports, à défaut, de déclarer l'action de Mme P.-J. irrecevable comme prescrite au regard de l'article 1648 du Code civil, Mme P.-J. faisant état de vice depuis 2007, subsidiairement et avant-dire droit, d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire, encore plus subsidiairement, de dire que le vice invoqué était apparent au jour de la vente le 15 mars 2011, de débouter Mme P.-J. de toutes ses demandes et de condamner la partie succombante à lui payer une indemnité de procédure de 10 000 euros, outre les dépens.
Elle soulève à titre liminaire l'irrecevabilité de la demande comme prescrite en application de l'article L. 5113-5 du Code des transports qui prévoit qu'en cas de vice caché, l'action en garantie contre le constructeur se prescrit par un an à compter de la date de la découverte du vice. Elle fait valoir que Mme P.-J. a découvert des vices affectant son voilier dès 2007 et qu'en décembre 2010 a été constatée une fuite importante de gazole. Elle estime que son assignation du 24 mai 2012 est tardive. Elle soutient que le navire de Mme P.-J. ayant connu des aménagements commandés par celle-ci n'est pas un navire de plaisance de série. Elle ajoute qu'elle n'a jamais reconnu une quelconque part de responsabilité dans les désordres dénoncés par Mme P.-J. Elle affirme que le délai de prescription serait-il de deux ans, l'action de Mme P.-J. serait encore prescrite, le vice étant connu depuis 2007.
Au fond, elle fait valoir que Mme P.-J. en acquérant le navire auprès de la BNP le 15 mars 2011, l'a fait en toute connaissance du vice devenu apparent. Elle conclut que Mme P.-J. ne peut plus agir en garantie des vices cachés. Elle conteste que Mme P.-J. n'ait pu agir en qualité de locataire en appelant en la cause son bailleur.
S'agissant des causes de l'avarie de 2010, elle ne conteste pas que le réservoir ait pu être mal positionné mais souligne que la cause du sinistre est liée à des fuites d'eau dont l'origine doit être recherchée, ce que n'a pas fait l'expert amiable. Elle explique que la société Caraïbe gréement a effectué des travaux qui ont nécessité de déposer le safran plusieurs fois pour intervenir sur les bagues. Elle en déduit que le soufflet d'étanchéité a été manipulé plusieurs fois après la livraison. Elle ajoute qu'un autre professionnel, la société Christophe services, est intervenue sur le moteur en 2009. Elle affirme que la cause des fuites d'eau n'est ainsi pas clairement établie, faute d'expertise judiciaire. Elle soutient qu'au demeurant la preuve d'un vice caché antérieur à la vente n'est pas rapportée, puisqu'il était connu de Mme P.-J. en 2011. Elle nie encore que l'odeur de gazole, déplorée par Mme P.-J., rende le navire impropre à sa destination et affirme qu'un nettoyage complet peut y remédier. Elle sollicite enfin l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire et indique que c'est la raison pour laquelle elle a mis en cause les sociétés Caraïbe marine et Christophe services.
Concernant les réclamations financières de Mme P., elle les qualifie de manifestement excessives et infondées. Elle conteste avoir été associée à une quelconque négociation avec Mme P.-J.
La société Caraïbe marine demande à la cour de constater l'absence d'appel incident de la société P., de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a mise hors de cause et de condamner la société P. à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité de procédure de 5 000 euros également, outre les dépens.
Elle explique avoir été amenée à réaliser une liste de travaux sur le navire, à son arrivée en Martinique, dans le cadre du service après-vente de la société Alliaura, et assure que ces travaux sont sans lien avec le litige d'aujourd'hui pour n'avoir pas porté sur le réservoir de gazole ni les coffres arrière. Elle affirme qu'il n'y a jamais eu de soufflet d'étanchéité posé par le chantier P. mais qu'aucune fuite ne lui a été signalée. Elle s'estime étrangère à la présente procédure et sollicite des dommages et intérêts pour procédure abusive.
Motifs de la décision
Sur la recevabilité de l'action de Mme P.-J. au regard de l'article L. 5113-5 du Code des transports
Attendu que la société P. oppose à Mme P.-J. la prescription annale prévue à l'article L. 5113-5 du Code des transports ;
Mais attendu que cet article qui prévoit que, en cas de vice caché, l'action en garantie contre le constructeur se prescrit par un an à compter de la date de la découverte du vice caché, n'a pas vocation à s'appliquer aux navires fabriqués d'avance et en série ;
Que tel est le cas du navire de plaisance modèle Feeling 36 version quillard que la société P. a vendu à la BNP (pièce n° 2 de Mme P.-J.) sur la commande de Mme P.-J. après l'avoir elle-même acquis auprès de la société Alliaura (pièces n° 1 et 1bis de la selarl Guillaume L.) ;
Et attendu que la transformation de la barre à roue initiale en barre franche à laquelle il a été procédé à la demande de Mme P.-J. ne modifie pas le caractère de navire en série du voilier litigieux ;
Que le vice caché tel qu'invoqué par Mme P.-J. n'affectant, par ailleurs, pas cette barre franche mais le compartiment logeant le réservoir de gazole, il est inutile ici de s'interroger sur le régime de l'action en garantie de vice caché qui pourrait être attachée à l'installation de cette barre franche ;
Que la fin de non-recevoir soulevée par la société P. sur le fondement de l'article L. 5113-5 du Code des transports sera rejetée ;
Sur la recevabilité de l'action de Mme P.-J. au regard de l'article 1648 du Code civil
Attendu qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1648 du Code civil, l'action résultant de vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ;
Attendu que la société P. soulève encore la prescription de l'action en garantie des vices cachés de Mme P.-J. en soutenant que le vice étant apparu en 2007, l'action introduite contre elle le 24 mai 2012, soit, selon elle, plus de deux ans après la découverte du vice, est tardive ;
Mais attendu que les désordres liés à la fuite du réservoir de gazole dénoncés par Mme P.-J. comme laissant soupçonner l'existence d'un vice caché ne sont apparus que le 10 décembre 2010 ;
Et attendu que la cause de ces désordres n'a pu être révélée que par les constatations de l'expert amiable intervenues les 25 janvier et 3 février 2011 ;
Que le délai de deux ans lorsque Mme P.-J. a engagé son action contre la société P. n'était donc pas plus expiré que lorsque le 23 septembre 2011 elle a agi contre la société Alliaura ;
Que ce second moyen d'irrecevabilité soulevé par la société P. sera également écarté ;
Sur l'existence d'un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil
Attendu que la selarl Guillaume L. et, à titre subsidiaire, la société P. dénient à Mme P.-J. le droit d'invoquer un vice caché pour avoir levé son option d'achat prévue au contrat de crédit-bail qui la liait à la BNP le 15 mars 2011, soit à une date où informée des conclusions de l'expertise amiable diligentée à sa demande, elle avait une connaissance personnelle du vice qu'elle dénonce ;
Mais attendu qu'en levant cette option d'achat afin de devenir propriétaire du navire JMCO litigieux, Mme P.-J. s'est trouvée, ainsi qu'elle le soutient, subrogée en qualité de sous-acquéreur dans les droits de la société BNP, en particulier dans celui de se prévaloir à titre personnel de la garantie des vices cachés qui bénéficiait jusqu'alors à cette dernière, peu important que celle-ci lui ait, pendant la durée du contrat de crédit-bail, contractuellement abandonné la faculté, dont elle n'a pas usé, d'exercer elle-même l'action en résolution de la vente et d'ester en justice à cet effet, le bénéfice de cette action, dans cette hypothèse, n'en demeurant pas moins d'abord celui de la crédit-bailleresse seule propriétaire du bien ;
Qu'au demeurant, comme le souligne encore Mme P.-J., le crédit-bail n'ayant été qu'un mode de financement de l'acquisition de son navire, il n'est pas anormal que la crédit-preneuse qui a eu la jouissance du bien en en acquittant le prix total par le biais de loyers auxquels s'est ajouté le montant de l'option, puisse bénéficier de toutes les actions, notamment en garantie, attachées à ce bien dont elle est devenue pleine propriétaire ;
Que l'appréciation de l'existence du vice caché doit donc se faire, en l'espèce, à la date d'acquisition par la BNP du voilier et non à la date à laquelle Mme P.-J. a levé l'option, étant fait observer que la qualité de financier de la BNP ne conférait pas à celle-ci les connaissances d'un professionnel spécialiste des voiliers à même de déceler un vice que l'utilisatrice qu'était la crédit-preneuse ne pouvait percevoir ;
Attendu qu'il ressort du rapport de l'expertise (pièce n° 49 de Mme P.-J.) menée en présence, notamment, des représentants de la société Alliaura et des assureurs de la société Alliaura et de la société P., que l'expert amiable a constaté une large oxydation en partie basse du réservoir de gazole et retenu, après avoir vérifié l'étanchéité 'de la jauge, du remplissage, de l'évent, du piquage et du retour gasoil' (pages 5 et 7 du rapport), que cette oxydation était à l'origine des fuites de gazole ayant envahi le navire (page 11 du rapport) ;
Que l'expert amiable a clairement attribué cette oxydation à la présence d'eau de mer découverte mêlée de gazole dans le compartiment contenant le réservoir en soulignant l'absence de drain de ce compartiment en violation de la norme ISO 10088 de mai 2001 applicable aux installations à combustible à demeure et réservoirs fixes correspondants qui prévoit que les réservoirs métalliques doivent être conçus et montés de manière à ce qu'aucune surface extérieure ne puisse piéger de l'eau, ainsi que de la norme ISO 21487 du 5 février 2007 concernant les réservoirs à carburant à essence et diesel installés à demeure qui édicte que les réservoirs doivent être conçus ou installés pour que l'eau ne puisse pas s'accumuler sur leurs surfaces extérieures (page 9 du rapport) - étant ici observé que cette dernière norme figure expressément dans la déclaration écrite de conformité remise par la société Alliaura (pièce n° 33 de Mme P.-J.) ;
Qu'il a imputé la présence d'eau résiduelle salée à des fuites du tube de jaumière qui s'étaient écoulées dans le compartiment du réservoir de gazole, elles-mêmes dues au défaut de conception-réalisation du système de barre du navire (page 12 du rapport) ;
Qu'il a toutefois conclu que la cause initiale restait " le défaut de conformité du navire dans l'installation du réservoir gasoil " (page 14 du rapport) ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les fuites de gazole survenues en décembre 2010 se sont produites dans la partie basse du réservoir en aluminium qui s'est trouvée oxydée en raison d'une eau de mer demeurée captive dans le compartiment dépourvu de tout drain où elle était installée, peu important ici la cause exacte de la présence de cette eau salée qui n'a pu s'accumuler que parce que n'a pas été prévu le système d'évacuation qui aurait dû l'être ;
Que ce défaut affectant l'installation du réservoir de gazole n'était pas apparent, y compris pour les professionnels qui sont intervenus dans le cadre du service après-vente, puisque l'expert amiable a dû faire découper le plancher du coffre arrière tribord sous lequel était situé le réservoir et démonter les encadrements de la porte du cabinet de toilette donnant accès à ce coffre (page 8 du rapport) pour pouvoir extraire le réservoir de son logement ;
Que contemporain de la fabrication du navire, ce défaut était préexistant à la vente de celui-ci ;
Et attendu que directement à l'origine de l'oxydation subi par le réservoir et, par conséquent, des fuites de gazole qui en sont résultées et ont envahi le navire, il a rendu ce dernier impropre à l'usage auquel on le destinait ;
Qu'en effet, au-delà de l'odeur désagréable et persistante qui s'attache au gazole, l'expert amiable a constaté la dispersion du gazole sur les deux bords du navire (page 7 du rapport), soit dans l'ensemble des fonds du navire, imprégnant et endommageant varangues, bâti moteur, cloisons, demi-cloisons, éléments de menuiserie et boiseries, moquettes, plastiques, matelas, faisceaux électriques, plomberies, etc, et, se fondant sur un chiffrage établi par la société Alliaura elle-même (pièce n° 17 de Mme P.-J.), il a évalué le coût des réparations à la somme de 75 847 euros auquel il a ajouté le coût de remplacement des boiseries décolorées et du matelas et celui de l'intervention sur les vaigres, moquettes et plastiques durcis et dégradés pour une somme de 10 300 euros (page 13 du rapport), soit au total à la somme de 86 147 euros représentant près de la moitié du prix d'achat du navire équipé ;
Qu'en réponse à l'assertion de la société P. selon laquelle le navire relèverait d'un simple nettoyage, Mme P.-J. produit une attestation de M. Bordeau, qui se présente comme " spécialiste en composite " (pièce n° 39 de Mme P.-J.) et explique qu'indépendamment de l'odeur du gazole qui ne disparaîtra jamais, la coque du bateau Feeling 36, fabriquée en un composite comportant une multitude de porosités et d'infractuosités dans lequel le gazole a pu s'infiltrer, ne lui paraît pas nettoyable ;
Qu'il n'apparaît pas sérieux de soutenir qu'un voilier, acheté neuf et destiné à la navigation de plaisance puisse s'accommoder d'une telle situation et être considéré comme demeurant d'un usage tout à fait normal, le seul fait de conserver ses qualités de navigation et de stabilité sur l'eau n'étant pas suffisant ;
Que la circonstance que le gazole se soit répandu, lorsque le navire était en mer, partout dans les fonds de celui-ci, ne peut, en outre, être imputée à faute à celui qui assurait le pilotage, la gîte d'un voilier sur une mer formée et l'obligation de tirer des bords n'étant pas un mode inhabituel de navigation ;
Attendu que les conditions du vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil apparaissant ainsi réunies en l'espèce, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire, le jugement qui en a décidé autrement sera infirmé sur ce point ;
Sur la demande en résolution de la vente
Attendu que Mme P.-J. est fondée à poursuivre la résolution de la vente conclue par la BNP avec la société P., venderesse du navire litigieux ;
Que celle-ci sera tenue de lui verser le prix d'achat du navire et de ses équipements acquitté par la BNP, soit la somme de 177 029,60 euros TTC, sans qu'il y ait lieu à diminution liée à l'utilisation ou à la dépréciation ;
Qu'en contrepartie, Mme P.-J. devra mettre à la disposition de la société P. le navire JMCO litigieux, à charge pour cette dernière de venir le rechercher à son port d'attache en Martinique à ses frais en s'acquittant de toutes les formalités administratives et éventuellement fiscales afférentes au transfert de propriété ;
Qu'il sera imparti à la société P. un délai de trois mois pour procéder au transfert de propriété du navire, et ce sous astreinte de 25 euros par jour de retard pendant trois mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit ;
Attendu, en revanche, que Mme P.-J. n'est pas fondée à réclamer que soit fixée au passif de la société Alliaura la somme correspondant au prix d'achat du navire que celle-ci n'a pas reçu, étant observé que Mme P.-J. ne se propose d'ailleurs pas de restituer le navire à la selarl Guillaume L. ès qualités ;
Qu'elle sera déboutée de ses prétentions sur ce point ;
Sur la demande indemnitaire de Mme P.-J.
Attendu qu'en vertu de l'article 1645 du Code civil, le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu, outre la restitution du prix, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ;
Qu'en leur qualité de professionnels la société Alliaura et la société P. sont réputées avoir eu connaissance des vices cachés affectant le navire construit par la première et vendu par la seconde ;
Attendu que la selarl Guillaume L. ès qualités oppose à Mme P.-J. les clauses restrictives de garantie insérées dans le contrat de distribution qu'elle a conclu avec la société P. (pièce n° 2 de la selarl Guillaume L.) ;
Mais attendu que si ces clauses relatives à la garantie contractuelle du constructeur sont en effet opposables à l'acquéreur du navire et donc ici à Mme P.-J., elles ne règlent pas la question de la garantie légale des vices cachés que Mme P.-J., non subrogée dans les droits de la société P., recherche en exerçant son action directe contre le fabricant, étant ici ajouté qu'elle n'est pas, de par sa profession de médecin, spécialiste en matière de navires ;
Que les clauses ici invoquées ne font ainsi pas obstacle à l'indemnisation du préjudice subi par Mme P.-J. en relation directe avec le vice caché dénoncé ;
Attendu qu'il est vainement reproché à Mme P.-J., ou plus exactement son mari, d'avoir aggravé son préjudice en ramenant le navire, à la voile, à son port d'attache malgré les mauvaises conditions météorologiques, au lieu de l'immobiliser au port le plus proche dès lors que rien ne permet de retenir que le sinistre, découvert, le 10 décembre 2010, alors que le navire était en pleine mer, n'avait pas déjà causé des dégâts irrémédiables et qu'il n'est pas sérieusement contesté que la société Alliaura, contactée sur le moment par M. J., marin expérimenté, afin qu'elle puisse donner des conseils sur la marche à suivre, l'a été sans succès, M.G., présent avec M. J. sur le navire le jour du sinistre témoignant de cet appel infructueux et des efforts conjugués des deux hommes pour vider au seau quelque soixante-dix litres de gazole répandus dans les fonds (pièce n° 85 de Mme P.-J.) ;
Attendu que Mme P.-J. détaille neuf postes de préjudice ;
Qu'elle réclame les intérêts légaux afférents à la somme de 177 029,60 euros depuis la date d'acquisition ;
Mais attendu qu'elle ne justifie pas, sur ce point, d'un préjudice distinct de celui causé par le retard apporté dans le paiement de cette somme depuis la date à laquelle elle en formé la demande ;
Que la somme de 177 029,60 euros due par la société P. sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2012 ;
Attendu qu'elle demande ensuite paiement de la somme de 62 246 euros au titre des frais qu'elle a dû exposer pour la location d'un navire de remplacement depuis le 14 décembre 2010, le voilier JMCO étant immobilisé ;
Qu'elle produit, à l'appui de ses prétentions, sept factures s'échelonnant du 14 décembre 2010 au 1er juillet 2011 (pièces n° 9, 10, 11 12, 57, 58 et 59 de Mme P.-J.) ;
Que la somme de 62 246 euros TTC, correspondant au montant cumulé de ces factures, sera retenu peu important que certaines fussent au seul nom de son mari et non au sien ;
Attendu que Mme P.-J. justifie également des frais de stationnement du navire suite à son avarie de janvier à juillet 2011, en 2012 et 2014 (pièces n° 14, 15, 16, 60, 61, 62, 63, 72, 73, 86 et 88 de Mme P.-J., la pièce n° 87 étant illisible) ;
Que la somme de (215,83 x 7) + 765 + 900 = 3 175,81 euros TTC sera retenue ;
Attendu que Mme P.-J. justifie encore avoir réglé à l'expert amiable les sommes de 500 euros et 1 334,55 euros, soit 1 834,55 euros TTC (pièces n° 35 et 36 de Mme P.-J.) au titre des honoraires dont elle est fondée à réclamer remboursement ;
Attendu qu'elle demande aussi remboursement du coût de l'assurance pour les années 2011 à 2015 ;
Mais attendu que seule l'attestation d'assurance de la Maïf pour l'année 2011 précise que le navire assuré est le bateau JMCO pour une cotisation de 1 818, 47 euros (pièce n° 64 de Mme P.-J.), les autres attestations ne précisant pas le navire assuré (pièces n° 89 à 92 de Mme P.-J.) ;
Que la demande de Mme P.-J. sera accueillie sur ce point à hauteur de la seule somme de 1 818,47 euros ;
Attendu, en revanche, que Mme P.-J. justifie des frais de droit de navigation acquittés pour le navire JMCO de 2011 à 2015 (pièces n° 66, 93 à 96 de Mme P.-J.) ;
Que la somme de 1 293,13 euros sollicitée de ce chef sera retenue ;
Attendu, en revanche, que la perte de loyers et la perte de salaires invoquées sont sans lien direct avec le vice caché affectant le navire JMCO, comme procédant de décisions que Mme P.-J. a personnellement prises au début de l'année 2011 sans y être contrainte alors que le sinistre était déjà survenu (pièces n° 50, 67 et 68 de Mme P.-J.) ;
Et attendu que le préjudice moral lié à la contrariété que n'a pas manqué de provoquer le sinistre et l'immobilisation du navire qui s'en est suivie sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 3 500 euros ;
Attendu que le montant total des indemnités auxquelles Mme P.-J. peut prétendre s'élève ainsi à la somme de : 62 246 + 3 175,81 + 1 834,55 +1 818,47 + 1 293,13 + 3 500 = 73 867,96 euros, sans qu'elle puisse être compensée par l'utilisation que Mme P.-J. a pu faire de son voilier pendant deux ans, étant observé que la jouissance de ce voilier n'a pas été tout à fait paisible puisqu'il est constant aux débats que divers problèmes pris en charge par la société Alliaura au titre de la garantie contractuelle sont survenus la première année ;
Attendu qu'en l'état de la liquidation judiciaire de la société Alliaura, cette somme ne peut donner lieu qu'à une fixation au passif de la procédure collective ;
Que la société P., tenue solidairement de répondre des vices cachés aux côtés de la société Alliaura, sera, quant à elle, condamnée à payer cette somme à Mme P.-J. ;
Sur la garantie de la société Axa
Attendu que la selarl Guillaume L. ès qualités demande à la cour de condamner la société Axa à la garantir de toute condamnation prononcée contre elle ;
Attendu que pour les motifs sus-exposés, la société Axa invoque vainement les clauses limitatives de la garantie contractuelle figurant dans le contrat de distribution conclu entre la société Alliaura et la société P. ;
Attendu que la cour constate que la société Axa ne dénie, en revanche, pas la garantie dont elle est redevable à l'égard de la société Alliaura, son assurée ;
Que tout au contraire, elle explique qu'elle ne garantit pas le remplacement du produit défectueux pas plus que les conséquences de la résolution de la vente telles que la restitution du prix, mais uniquement les dommages immatériels non consécutifs après réception des travaux ;
Que ceux-ci se définissant, aux termes des conditions générales de la police assurance responsabilité civile entreprises industrielles produites (pièce n° 1 de la société Axa) comme étant tout dommage immatériel qui n'est pas la conséquence d'un dommage corporel ou matériel ou qui est la conséquence d'un dommage corporel ou matériel non garanti, les différents postes de préjudice de Mme P.-J. que la cour a retenus comme étant indemnisables, répondent au deuxième cas, le dommage matériel causé par le vice caché dénoncé par Mme P.-J., survenu après recette du navire n'étant pas couvert au titre du contrat d'assurance de la société Axa ;
Attendu que selon les conditions particulières versées aux débats (pièce n° 2 de la société Axa), la garantie est accordée dans la limite de 450 000 euros par sinistre et sous déduction d'une franchise de 7 625 euros ;
Que la société Axa sera donc condamnée à garantir la société Alliaura représentée par la selarl Guillaume L. ès qualités à hauteur de la somme de 73 867,96 - 7 625 = 66 242,96 euros ;
Sur la mise en cause de la société Caraïbe marine
Attendu que la société Caraïbe marine proteste contre sa mise en cause par la société P. qui ne formule aucune demande à son encontre et sollicite l'allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Mais attendu qu'elle ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui d'avoir dû exposer des frais irrépétibles qui feront l'objet d'un examen ci-après ;
Qu'elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Sur les demandes accessoires
Attendu que le bénéfice de l'anatocisme étant de droit lorsqu'il est sollicité en justice, cette demande formée par Mme P.-J. à l'encontre de la société P. sera accueillie, à compter du 29 avril 2015, date des premières conclusions la contenant ;
Attendu que les dépens de première instance et d'appel concernant la société Alliaura représentée par la selarl Guillaume L. ès qualités seront employés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire ;
Attendu que la société P. supportera les dépens de première instance et d'appel afférents à la mise en cause de la société Caraïbe marine ;
Attendu que la société P. et la société Axa supporteront chacune les dépens de première instance et d'appel qui les concernent respectivement ;
Attendu que la société P. sera condamnée à verser à Mme P.-J., d'une part, la somme de 5 000 euros et à la société Caraïbe marine, d'autre part, la somme de 2 000 euros, ce sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et sera déboutée de sa propre demande de ce chef ;
Que la selarl Guillaume L. ès qualités sera également déboutée de sa demande sur ce fondement ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et par défaut, Infirme le jugement déféré, Sauf en ce qu'il déboute la société P. Yachting de sa demande d'expertise judiciaire et de ses demandes à l'encontre de la société Caraïbe marine et la condamne au paiement d'une indemnité de procédure de 1 500 euros au profit de cette dernière, et en ce qu'il déboute la société Axa France Iard de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, Rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription soulevées par la société P. Yachting, Dit Mme Corinne P.-J. bien fondée en son action en garantie des vices cachés dirigée contre la société Alliaura marine, constructeur, représentée par la selarl Guillaume L. en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de celle-ci et contre la société P. Yachting, vendeur, En conséquence, Prononce la résolution de la vente intervenue le 2 octobre 2007 entre la société BNP Paribas lease group aux droits de laquelle vient Mme P.-J. et la société P. Yachting portant sur le voilier monocoque de type Feeling 36 dénommé JMCO, Condamne la société P. Yachting à restituer à Mme P.-J. la somme de cent soixante-dix sept mille vingt-neuf euros soixante centimes (177 029,60 euros ) TTC avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2012, Dit que Mme P.-J. tiendra le voilier litigieux à la disposition de la société P. Yachting qui devra le rechercher à son port d'attache en Martinique à ses frais et en procédant à toutes les formalités administratives et fiscales nécessaires, Impartit à la société P. Yachting un délai de trois mois pour procéder au transfert de propriété, sous astreinte de vingt-cinq euros (25 euros) par jour de retard pendant trois mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit, Fixe la créance indemnitaire de Mme P.-J. au passif de la liquidation judiciaire de la société Alliaura marine à la somme de soixante-treize mille huit cent soixante-sept euros quatre-vingt-seize centimes (73 867,96 euros), Dit que la société Axa France Iard garantira la société Alliaura représentée par la selarl Guillaume L. à hauteur de la somme de soixante-six mille deux cent quarante-deux euros quatre-vingt seize centimes (66 242,96 euros), Condamne la société P., tenue solidairement aux côtés de la société Alliaura marine des dommages et intérêts dus à Mme P.-J., à verser à Mme P.-J. la somme de soixante-treize mille huit cent soixante-sept euros quatre-vingt-seize centimes (73 867,96 euros), Dit que les intérêts échus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2015, conformément à ce que prévoit l'article 1154 du Code civil, Dit que les dépens de première instance et d'appel afférents à la société Alliaura marine et à la mise en cause de son mandataire liquidateur seront employés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la société Alliaura marine, Condamne la société P. Yachting aux dépens de première instance et d'appel afférents à la mise en cause de la société Caraïbe marine et de la société Christophe services, Condamne la société P. Yachting et la société Axa France Iard à supporter respectivement les dépens de première instance et d'appel les concernant, Condamne la société P. Yachting à verser à la société Caraïbe marine la somme de deux mille euros (2 000 euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamne à payer à Mme P.-J. la somme de cinq mille euros (5 000 euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires.