CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 7 juin 2017, n° 14/22874
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Alliance Bourguignonne Cinématographique (SA)
Défendeur :
ISS Propreté (SAS), Selarl MP Associés (ès qual.), Poinsard (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Hardouin, Bouillot
Faits et procédure
La société Alliance Bourguignonne Cinématographique (la société " ABC ") est une société qui exploite sous l'enseigne " Complexe Le Royal " un cinéma.
La société ISS Propreté est une entreprise de nettoyage.
Le 15 février 1990, la société ABC a signé un contrat de prestation de services pour le nettoyage du cinéma qu'elle exploite avec la société Saten, aux droits de laquelle est venue la société Cosmo, puis la société ISS Propreté.
Le 9 octobre 2012, la société ABC a sollicité la résiliation du contrat de prestations de services en raison d'une dégradation de la qualité de celles-ci.
Le 20 juin 2013, la société ISS Propreté a adressé à la société ABC une lettre de mise en demeure d'avoir à lui régler les factures émises les 9 avril et 10 mai 2013.
Le 13 août 2013, la société ISS Propreté a adressé une seconde lettre de mise en demeure pour les factures émises les 10 mai, 10 juin et 9 juillet 2013.
Le 27 août 2013, la société ABC a reproché à la société ISS Propreté un nombre insuffisant de salariés affectés au nettoyage, l'irrespect des horaires d'intervention ainsi qu'une mauvaise qualité des prestations.
Par lettre recommandée du 17 septembre 2013, la société ABC a indiqué qu'elle entendait résilier le contrat la liant à la société ISS Propreté " à la date d'échéance, c'est à dire au 31 décembre 2013 ".
Le 21 novembre 2013, la société ISS a de nouveau mis en demeure la société ABC pour le règlement de six factures des 10 mai au 9 octobre 2013.
La société ISS a suspendu ses prestations fin novembre 2013 en raison des impayés.
Par acte du 14 janvier 2014, la société ISS Propreté a assigné la société ABC devant le Tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir le règlement des factures impayées, le règlement des redevances dues jusqu'à la date d'échéance du contrat fixé au 31 décembre 2013 ainsi qu'une indemnisation pour rupture brutale des relations commerciales établies.
Par jugement du 10 octobre 2014, le Tribunal de commerce de Lyon a :
- constaté et pris acte que dans ses dernières conclusions le défendeur ne relève plus l'incompétence du Tribunal de commerce de Lyon évoqué initialement,
- débouté la société ABC de sa demande tendant à voir constater des manquements contractuels de la société ISS,
- condamné la société ABC à payer à la société ISS la somme de 25 297,56 euros, en règlement des factures impayées pour la période d'avril 2013 jusqu'au mois d'octobre 2013,
- jugé que les sommes dues porteront, à chacune de leurs échéances d'exigibilité, un intérêt de retard égal à 12 fois le taux d'intérêt légal, soit :
à compter du 31 mai 2013, pour la facture n°04272103 à hauteur de la somme de 4 216,26 euros TTC,
à compter du 30 juin 2013, pour la facture n°04272369 à hauteur de la somme de 4 216,26 euros TTC,
à compter du 31 juillet 2013, pour la facture n°04272602 à hauteur de la somme de 4 216,26 euros TTC,
à compter du 31 août 2013, pour la facture n°04272813 à hauteur de la somme de 4 216,26 euros TTC,
à compter du 30 septembre 2013, pour la facture n°04273007 à hauteur de la somme de 4 216,26 euros TTC,
à compter du 31 octobre 2013, pour la facture n°04273216 à hauteur de la somme de 4 216,26 euros TTC,
- condamné la société ABC au paiement de la somme de 8 432,52 euros TTC, correspondant aux redevances mensuelles de nettoyage dont elle était débitrice jusqu'à la date d'effet de la rupture,
- constaté l'absence de préjudice subi par la société ISS et l'a déboutée de sa demande en indemnisation pour rupture des relations commerciales établies,
- débouté la société ABC de sa demande faite au titre de dommages et intérêts, en raison d'un préjudice moral et financier subis,
- dit les parties mal fondées quant au surplus de leurs demandes, fins et conclusions et les en a déboutées respectivement,
- condamné la société ABC à payer à la société ISS la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et débouté cette dernière du surplus de sa demande,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement, nonobstant appel et sans constitution de garantie,
- condamné la société ABC aux entiers dépens de l'instance.
La cour est saisie de l'appel interjeté par la société ABC du jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 10 octobre 2014.
Par conclusions du 6 février 2015, la société ABC demande à la cour de :
vu le jugement rendu le 10 octobre 2014 par le Tribunal de commerce de Lyon,
vu les articles 1134 et 1147 du Code de procédure civile,
vu les pièces versées aux débats,
vu la jurisprudence,
- déclarer la société ABC recevable et bien fondée en son appel,
en conséquence,
- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a constaté l'absence de préjudice subi par la société ISS Propreté en raison de la rupture des relations commerciales,
statuant à nouveau,
- infirmer la décision dont appel pour le surplus,
- débouter la société ISS Propreté de l'intégralité de ses demandes en paiement des factures, formulées à hauteur de 25 297,57 euros,
- constater les manquements contractuels de la société ISS Propreté,
- condamner la société ISS Propreté à payer à la société ABC la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, en raison du préjudice moral subi,
- condamner la société ISS Propreté à payer la somme de 5 000 euros, à la société ABC, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi, pour ceux-là concernant, par la Selarl 2H Avocats en la personne de Maître Patricia Hardouin et ce, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Par jugement du 6 décembre 2016, le Tribunal de commerce de Dijon a placé la société ABC en procédure de sauvegarde.
La Selarl MP Associés en la personne de Maître Poinsard a été désignée en qualité de mandataire judiciaire au plan de sauvegarde de la société ABC.
Maître Poinsard intervient volontairement dans la présente procédure.
Par conclusions du 6 mars 2017, la Selarl MP Associés en la personne de Maître Thibaud Poinsard, ès qualités de mandataire judiciaire de la société ABC, intervenant volontaire, demande à la cour de :
- donner acte à la Selarl MP Associés en la personne de Maître Thibaud Poinsard, ès qualités de mandataire judiciaire de la société SACA Alliance Bourguignonne Cinématographique, placée en procédure de sauvegarde, de son intervention volontaire,
vu le jugement rendu le 10 octobre 2014 par le Tribunal de commerce de Lyon,
vu les articles 1134 et 1147 du Code de procédure civile,
vu les pièces versées aux débats,
vu la jurisprudence,
- déclarer la société ABC recevable et bien fondée en son appel,
en conséquence,
- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a constaté l'absence de préjudice subi par la société ISS Propreté en raison de la rupture des relations commerciales,
statuant à nouveau,
- infirmer la décision dont appel pour le surplus,
- débouter la société ISS Propreté de l'intégralité de ses demandes en paiement des factures, formulées à hauteur de 25 297,57 euros,
- constater les manquements contractuels de la société ISS Propreté,
- condamner la société ISS Propreté à payer à la société ABC la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, en raison du préjudice moral subi,
- condamner la société ISS Propreté à payer la somme de 5 000 euros, à la société ABC, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi, pour ceux-là concernant, par la Selarl 2H Avocats en la personne de Maître Patricia Hardouin et ce, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Par conclusions du 6 mars 2017, la société ISS Propreté demande à la cour de :
vu le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 10 octobre 2014,
vu les dispositions des articles 1134 et 1147 du Code civil,
vu les dispositions de l'article L.442-6 I 5° du Code de commerce,
- dire la société ISS Propreté recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
- débouter la société ABC de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
y faisant droit,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société ABC au paiement de la somme de 25 297,56 euros TTC, en règlement des factures demeurées impayées pour la période du mois d'avril 2013 jusqu'au mois d'octobre 2013, ces sommes portant, à chacune de leurs échéances d'exigibilité, un intérêt de retard égal à 12 fois le taux d'intérêt légal, soit :
à compter du 31 mai 2013, pour la facture n°04272103, à hauteur de la somme de 4 216,26 euros TTC,
à compter du 30 juin 2013, pour la facture n°04272369, à hauteur de la somme de 4 216,26 euros TTC,
à compter du 31 juillet 2013, pour la facture n°04272602, à hauteur de la somme de 4 216,26 euros TTC,
à compter du 31 août 2013, pour la facture n°04272813, à hauteur de la somme de 4 216,26 euros TTC,
à compter du 30 septembre 2013, pour la facture n°04273007, à hauteur de la somme de 4 216,26 euros TTC,
à compter du 31 octobre 2013, pour la facture n°04273216, à hauteur de la somme de 4 216,26 euros TTC
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société ABC au paiement de la somme de 8 432,52 euros TTC, correspondant aux redevances mensuelles de nettoyage dont elle était débitrice jusqu'à la date d'effet de la rupture mentionnée dans son courrier recommandé du 17 septembre 2013,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société ABC de sa demande de voir constater des manquements contractuels à l'encontre de la société ISS,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société ABC de sa demande faite au titre de dommages et intérêts en raison de prétendu préjudice moral et financier,
statuant à nouveau,
- dire que le préavis octroyé à la société ISS était insuffisant et aurait dû être de deux années,
- fixer au passif de la société ABC, la somme de 35 253 euros à titre d'indemnisation du préjudice subi par la société ISS Propreté du fait de la brusque rupture des relations commerciales établies depuis plus de 23 années,
- condamner la société ABC à payer à la société ISS Propreté la somme de 6 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit du Cabinet HB & Associés, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Motivation
Sur la demande en paiement des factures
La société ABC et son mandataire estiment que le non-paiement des factures est justifié par les manquements de la société ISS Propreté à ses obligations contractuelles de résultat telles qu'elles ressortent du contrat de prestation de services et de deux plans de prévention de 2010 et de 2013. La société ABC dénonce en effet le nombre insuffisant de salariés affectés au cinéma, le non-respect des horaires et la mauvaise qualité du service.
Ils relèvent que la société ABC s'est plainte de la mauvaise qualité des services de la société ISS Propreté dès l'année 2012 et que les manquements de la société ISS Propreté sont clairement établis par un constat d'huissier en date du 26 juin 2013.
La société ISS Propreté estime n'avoir pas manqué à ses obligations contractuelles et souligne que pendant plus de 23 ans, la société ABC n'a formalisé aucune critique quant à la qualité de ses prestations, jusqu'à la seconde lettre de mise en demeure en date du 13 août 2013.
Elle ajoute que les plans de prévention dont se prévaut l'appelante ne font pas partie du champ contractuel, mais ont pour objet d'assurer la sécurité et la protection de la santé des personnels intervenant au sein de l'établissement. Selon elle, le contrat ne prévoit pas de nombre minimum de salariés affectés ni horaire de travail, et en l'absence de cahier des charges, l'obligation de la société ISS est une obligation de moyens et non de résultat. Elle estime que le constat d'huissier ne permet pas de conclure à une absence de réalisation de ses prestations.
Sur ce
L'article 1134 du Code civil alors applicable prévoit que
" Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. "
Le contrat liant les parties prenant effet à compter du 15 février 1990 contient un descriptif des travaux de nettoyage à la charge de la société ISS Propreté, mais ne précise pas le nombre des intervenants de la société ISS Propreté affecté à ces travaux de nettoyage, ni leurs horaires de travail.
Il prévoit la mise en place d'un cahier de liaison, afin de " recevoir les consignes, demandes ou remarques éventuelles émanant de la clientèle, ainsi que les faits marquants dont le personnel SATEN aurait eu connaissance dans l'exécution de ses prestations. ", mais les appelants ne font pas état de son utilisation alors qu'il aurait permis de relever les éventuels manquements.
Les deux plans de prévention de 2010 et 2013 invoqués par les appelants sont destinés à " identifier les risques liés à la co-activité de deux ou plusieurs entreprises intervenant sur une même opération et définissent les mesures de préventions correspondantes ", mais ils n'entrent pas dans le champ contractuel, de sorte que les horaires d'intervention comme le nombre d'agents qui y figurent ne sauraient constituer des obligations dont le non-respect constitue une violation par la société ISS Propreté de ses engagements contractuels.
Dans son courrier du 9 octobre 2012, la société ABC explique résilier le contrat en faisant état de " nos différents appels téléphoniques et mails concernant la dégradation notoire de vos prestations au cinéma Le Royal ainsi que des promesses de facturation revue à la baisse restée sans suite " ; cependant, n'est produite aucune pièce justifiant de ces appels téléphoniques et courriels et, comme le tribunal de commerce l'a relevé et ainsi qu'il ressort des courriers des 23 octobre et 6 novembre 2012, la baisse des factures semble une contrepartie négociée entre les parties.
Il n'est pas contesté que les relations contractuelles ont continué entre les parties, et le 20 juin 2013 la société ISS Propreté a adressé un courrier à la société ABC l'invitant à régler deux factures dressées en avril et mai 2013, en soulignant que la société ABC n'avait signalé aucun motif de contestation de ces factures.
Si, à la suite de l'envoi d'une autre lettre du 13 août 2013 par la société ISS Propreté faisant état de trois factures impayées, la société ABC a répondu le 27 août 2013 en soutenant que le personnel de nettoyage n'était pas à effectif complet, que les horaires n'étaient pas respectés et que le service n'était pas effectué convenablement, pour expliquer qu'elle n'entendait pas régler ces factures, seul le grief lié à la qualité du service peut être utilement invoqué.
Le procès-verbal d'huissier dressé le 26 juin 2013 constate, après que les employés de la société ISS Propreté aient fini leur intervention de nettoyage, la présence de miettes de pop-corn sous les sièges, d'une canette de boisson ainsi que d'un ticket.
Pour autant, ce procès-verbal ne saurait caractériser à lui seul que le nettoyage n'a pas été effectué ou le défaut d'exécution de la prestation de nettoyage, ni un manquement de la société ISS Propreté à ses obligations contractuelles d'une importance justifiant le refus de paiement des cinq factures mensuelles présentées par la société ISS Propreté.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société ABC au paiement des factures en cause.
Sur le préjudice de la société ABC
La société ABC sollicite l'octroi de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral et financier, expliquant que la mauvaise qualité des prestations de nettoyage fournies par la société ISS Propreté a terni son image de marque.
La société ISS Propreté estime que la société ABC n'a subi aucun préjudice de son fait et ne rapporte la preuve d'aucune réclamation qui aurait été formée par sa clientèle en raison du prétendu état de saleté des salles de cinéma.
Sur ce
La société ABC ne justifie pas de la dégradation de son image de marque et de sa réputation auprès de sa clientèle, ni que la baisse de sa fréquentation s'expliquerait pas la faible qualité du service de nettoyage effectué.
La cour relève que dans un courrier du 23 octobre 2012, la société ABC indiquait qu'elle n'avait " plus la même fréquentation qu'il y a quelques années ", mais ne s'était pas plainte au cours des années précédentes de la qualité du service de la société ISS Propreté.
Par conséquent, ce grief n'apparaît pas établi, et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande en paiement des redevances mensuelles jusqu'à la date d'échéance du contrat
La société ISS Propreté sollicite le paiement, par la société ABC, des redevances mensuelles jusqu'à la date d'effet de la résiliation du contrat, soit la somme de 8 432,52 euros TTC restant due jusqu'au 31 décembre 2013.
La société ABC conteste la demande de la société ISS, laquelle a pris l'initiative de suspendre, de manière brutale, les prestations de nettoyage, alors que le défaut de paiement des factures antérieures s'expliquait par l'absence d'exécution contractuelle par cette société.
Sur ce
Si, alors que la société ABC avait confirmé par courrier du 17 septembre 2013, la fin de leurs relations commerciales au 31 décembre 2013, la société ISS Propreté l'a avertie par courrier du 21 novembre 2013 qu'elle suspendait avec effet immédiat ses prestations, en se fondant sur le non-paiement par la société ABC d'une somme de 25597,56 euros correspondant à plusieurs factures mensuelles impayées.
Ainsi, la société ISS Propreté a suspendu ses prestations et précisé que leur reprise était conditionnée par le paiement des factures impayées, le défaut de paiement constituant une inexécution par la société ABC de ses obligations d'une importance justifiant cette suspension.
Cette suspension étant provoquée par le non-paiement de ces factures, et alors que la société ABC avait indiqué que le contrat devait être résilié " à la date d'échéance, c'est à dire au 31 décembre 2013 " et que l'auteur de la résiliation est tenu de régler l'intégralité du prix du contrat jusqu'à son terme, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société ABC au paiement des redevances de nettoyage dues jusqu'au 31 décembre 2013.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
La société ISS Propreté sollicite la condamnation de la société ABC, au vu de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, à lui payer la somme de 35 253 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies depuis plus de 23 années. Elle considère que, compte tenu de la durée des relations commerciales, un préavis supplémentaire de 10 mois aurait dû être respecté.
La société ABC estime que la société ISS Propreté ne rapporte pas la preuve de la brutalité de la rupture des relations commerciales dans la mesure où, depuis le 9 octobre 2012, elle était informée du souhait de la société ABC de résilier le contrat de prestations de services et lui a demandé de respecter un préavis de trois mois. Elle souligne que la société ISS a d'elle-même suspendu, de manière brutale et unilatérale, ses prestations de nettoyage. Elle ajoute que la société ISS Propreté ne rapporte pas la preuve d'un préjudice subi du fait de cette rupture.
Sur ce
L'article L. 442-6 du Code de commerce prévoit notamment que
"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels".
En l'occurrence, le contrat de nettoyage liant les parties a pris effet le 15 février 1990.
Il était prévu pour la période du 15 février 1990 au 31 décembre 1990, renouvelable par tacite reconduction si aucune des parties n'avait déclaré trois mois avant l'expiration de la période en cours son intention de résilier.
A la suite du courrier du 9 octobre 2012 de la société ABC informant la société ISS Propreté de son intention de résilier le contrat, celle-ci a répondu le 19 octobre 2012 en invoquant la clause du contrat visant la nécessité de respecter un délai de préavis de trois mois.
Elle déduisait du non-respect d'un délai de trois mois par la société ABC que le contrat prendrait fin au 31 décembre 2013.
Par courrier du 27 novembre 2012, la société ISS Propreté réitérait sa position, expliquant que faute pour la société ABC d'avoir respecté le délai de trois mois prévu au contrat, le contrat de résiliation du 9 octobre 2012 lui étant parvenu le 15 octobre 2012, le contrat était reconduit pour une année supplémentaire.
Il en ressort que la société ISS Propreté était informée à compter du 9 octobre 2012 de la volonté de la société ABC de mettre fin aux relations contractuelles, et avait dès le 19 octobre 2012 pris acte de la résiliation du contrat au 31 décembre 2013.
Si la durée du préavis doit être appréciée au regard de la durée de la relation commerciale, en l'espèce la société ABC a été informée plus de 14 mois avant la date effective de la rupture, soit le 31 décembre 2013, et a elle-même invoqué plus d'une année avant la date de cette rupture, l'application des clauses du contrat prévoyant un préavis de trois mois.
La société ISS Propreté ne fournit aucun élément sur l'importance du contrat la liant à la société ABC au vu de son chiffre d'affaires total, et il ressort de ce qui précède qu'elle a accepté dès le mois d'octobre 2012 que la fin de la relation commerciale intervienne à la fin de l'année 2013.
Par conséquent, le délai laissé par la société ABC entre l'annonce de la rupture et la fin effective des relations commerciales avec la société ISS Propreté apparaît suffisant, et la société ISS Propreté sera déboutée de sa demande tendant à bénéficier d'un préavis d'une durée de dix mois supplémentaires.
Sur les autres demandes
la société ABC succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens.
Il convient de la condamner au paiement d'une somme supplémentaire de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.