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Décisions

ADLC, 18 mai 2017, n° 17-DCC-60

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Prise de contrôle exclusif par la société Mutares AG de l'activité poids-lourds de Plastic Omnium

ADLC n° 17-DCC-60

18 mai 2017

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 11 avril 2017, relatif à la prise de contrôle exclusif des sociétés Mixt Composites Recyclables, Plastic Omnium Composites Co.,Ltd, InoplastTrucks SA de CV, Inoplast Trucks SAS et Inoplast Trucks GmbH par la société Mutares AG, formalisée par une lettre d'offre en date du 18 novembre 2016 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l'instruction ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Mutares AG est un fonds d'investissement spécialisé dans l'acquisition de sociétés en difficulté, dans le cadre de succession, de redressement ou de refinancement. Elle dispose de nombreuses participations contrôlantes dans des sociétés actives en Europe, notamment les sociétés STS Plastics, STS Acoustics et Elastomer Solution Group (ci-après "ESG"), actives dans la production de pièces pour l'industrie automobile. Les principaux associés de Mutares AG sont MM. Axel Geuer et Robin Laik, qui détiennent chacun [...] % de son capital. Le solde du capital est flottant, Mutares AG étant cotée à la Bourse de Francfort depuis mai 2014. Aucun des associés de Mutares AG n'en détient, individuellement ou collectivement, le contrôle.

2. Les sociétés Mixt Composites Recyclables SAS (ci-après "MCR"), Plastic Omnium Composites (Jiangsu) Co., Ltd (ci-après "POCC"), ainsi que trois nouvelles sociétés créées par des opérations de détourage, Inoplast Trucks SA de CV, Inoplast Trucks SAS et Inoplast Trucks GmbH (ci-après " les sociétés cibles "), constituent l'activité de fabrication de pièces extérieures pour poids-lourds du groupe Plastic Omnium1.

3. L'opération notifiée consiste en l'acquisition de l'intégralité des actions des sociétés cibles par plusieurs filiales détenues à 100 %par Mutares AG2.

4. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif des sociétés cibles par Mutares AG, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Mutares AG: [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2015 ; sociétés cibles : [...] d'euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Mutares AG: [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2015 ; sociétés cibles : [...] d'euros pour le même exercice).

6. Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

7. L'opération a été notifiée à l'autorité allemande de la concurrence le 11 avril 2017, qui l'a autorisée sans engagements, le 9 mai 2017.

II. Délimitation des marchés pertinents

A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE PRODUITS

8. Les parties sont simultanément actives dans le secteur de la fabrication de pièces détachées pour l'industrie automobile.

9. En matière d'équipement automobile, la pratique décisionnelle européenne et nationale3 considère que chaque type de pièces peut constituer un marché distinct en l'absence de substituabilité entre les différents types de pièce. Des marchés spécifiques ont ainsi été identifiés pour les pare-chocs, les panneaux de portes, les planches de bord, les pare-boues, les protections latérales (ceintures de caisse), les bas de caisse, les becquets, les portes de coffre, les planchers de véhicule et de coffre, etc.

10. La pratique décisionnelle a en outre sous-segmenté les marchés en fonction du type de véhicule auquel la pièce automobile est intégrée, en distinguant les véhicules légers (véhicules de tourisme et véhicules commerciaux légers) d'une part, et les poids-lourds d'autre part.

11. Par ailleurs, elle a également envisagé une segmentation du marché des pièces automobiles en plastique en fonction du matériau utilisé, à savoir le thermoplastique ou le thermodurcissable4.

12. La pratique décisionnelle5 a enfin distingué les marchés de la première monte (OEM -Original Equipment Manufacturer) et des pièces de rechanges distribuées par les réseaux de constructeurs (OES -Original Equipment Services) d'une part, et les marchés regroupant les pièces de rechange distribuées par des réseaux de grande distribution ou de spécialistes de l'entretien de véhicules (IAM - Independent Aftermarket) d'autre part.

13. En l'espèce, la question de la délimitation des marchés de produits peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.

B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS

14. En matière de pièces d'équipement automobile, la pratique décisionnelle nationale6 considère que les marchés sont de dimension au moins européenne dans la mesure où les fabricants de pièces automobiles exercent leur activité à travers toute l'Europe et où il n'existe pas de standards techniques ou de barrières règlementaires au commerce au sein de l'Espace économique européen, ni de barrières douanières entre les États membres.

15. La pratique décisionnelle européenne n'a toutefois pas exclu l'existence de marchés locaux7 correspondant à une zone de 250 kilomètres autour des sites de production des OEM pour les pare-chocs avant et arrière en plastique pour les véhicules légers. Elle a également envisagé la possibilité de définir des marchés locaux encore plus restreints, d'un rayon de 150 kilomètres autour des sites de production des OEM, pour les hayons en plastique pour les véhicules légers.

16. En l'espèce, la question de la délimitation des marchés géographiques peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

17. Au niveau local, l'opération n'engendre aucun chevauchement d'activité entre les parties.

18. Au niveau européen, les parts de marché estimées des parties sur les marchés de produits où elles sont concomitamment actives sont les suivantes :

Fourniture à destination des OEM Mutares AG Sociétés cibles Nouvelle entité Principaux concurrents Panneaux de carrosserie en plastique* [5-10] % [10-20] % [20-30] % Polytec : [20-30] % Fiberpachs : [10-20] % Promens : [5-10] % Plastic Omnium: [5-10] % Kienbacher : [5-10] % Magna : [5-10] % Takata : [5-10] % Calandres avant en plastique* [10-20] % [5-10] % [10-20] % Parat : [20-30] % Takata : [20-30] % Magna : [20-30] % Faurecia : [5-10] % Pare-chocs en plastique* [10-20] % [0-5] % [10-20] % Polytec : [20-30] % Magna : [20-30] % IAC : [10-20] % Plastal : [5-10] % Pare-chocs en thermoplastique [10-20] % [0-5] % [10-20] % Magna : [30-40] % IAC : [10-20] % Polytec : [10-20] % Plastal : [10-20] % Marches en plastique* [5-10] % [40-50] % [40-50] % Polytech : [10-20] % IAC : [10-20] % Plastal : [5-10] % Fiberpachs : [5-10] % IMR : [5-10] % *thermoplastique et thermodurcissable

19. Àl'exception du marché européen de la production de marches en plastique, lespartsde marché de la nouvelle entité sont inférieures à 25 %. Sur chacun de ces marchés, elle fera face à la concurrence de plusieurs entreprises qui disposent de parts de marché plus importantes, en particulier les sociétés Magna et Polytec.

20. S'agissant du marché européen de la production de marches en plastique, la nouvelle entité disposera d'une part de marché de [40-50] %. Elle fera face à la concurrence des sociétés Polytech ([10-20] %), IAC ([10-20] %), Plastal ([5-10] %), Fiberpachs ([5-10] %) et IMR ([5- 10] %).

21. En dépit de cette part de marché élevée, tout risque d'atteinte à la concurrence peut être écarté pour les raisons suivantes.

22. Premièrement, le fonctionnement de ce marché repose sur des appels d'offres qui conduisent généralement à une volatilité importante des parts de marché des principaux fournisseurs des OEM. La part de marché élevée des sociétés cibles s'explique notamment par [confidentiel].

23. La partie notifiante indique par ailleurs que9programmes de ce type doivent être lancés par les OEM entre 2018 et 2020 et qu'en conséquence, compte tenu de l'existence de concurrents crédibles qui ont déjà remporté de tels appels d'offres, la part de marché de la nouvelle entité ne reflète pas son pouvoir de marché.

24. À cet égard, l'Autorité a constaté que les parties ne sont qu'exceptionnellement en concurrence dans le cadre de tels appels d'offres, dans la mesure où les OEM spécifient la technologie voulue (thermoplastique ou thermodurcissable) et l'acquéreur et les sociétés cibles ont respectivement une spécialisation technique en thermoplastique (mutares AG) et en thermodurcissable (sociétés cibles). Ainsi, depuis 2011, les parties n'ont jamais répondu aux mêmes appels d'offres.

25. Par ailleurs, comme l'ont relevé les autorités de concurrence8, les marchés de fourniture de pièces automobiles sont caractérisés par une forte puissance d'achat des OEM qui poursuivent une stratégie de diversification de leurs fournisseurs en vue d'éviter toute dépendance, en recourant notamment à des appels d'offres. À titre d'exemple, Daimler Trucks possède un important pouvoir de négociation, dans la mesure où le constructeur représente en 2015, [70- 80] % du chiffre d'affaires réalisé par les sociétés cibles sur ce marché.

26. En conséquence, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux.

B. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMÉRAUX

27. Une concentration a des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d'accroître son pouvoir de marché. La pratique décisionnelle des autorités de la concurrence considère en principe qu'un risque d'effet congloméral peut être écarté dès lors que la part de l'entité issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.

28. En l'espèce, les marchés de la fourniture aux OEM de pièces extérieures pour poids-lourds présentent des liens de connexité avec ceux de la fourniture aux OEM de pièces extérieures, intérieures et de moteur pour poids-lourds et de pièces pour véhicules de tourisme et véhicules commerciaux légers. La partie notifiante estime que les parties représentent de [40-50] % du marché de la fourniture de marches en plastique pour poids-lourds aux OEM.

29. Toutefois, le fonctionnement des marchés des pièces pour poids-lourds et pour automobiles limite fortement la capacité de la nouvelle entité à mettre en place des stratégies de vente liées. Les appels d'offres sont en effet spécifiques à chaque projet et sont segmentés par pièces ou par ensemble de pièces. Les appels d'offre sont gérés par des acheteurs différents selon le type de véhicule voire selon le type de pièces (extérieures, intérieures ou de moteur). En l'espèce, la possession d'une gamme de produits ne constitue donc pas un argument de vente déterminant.

30. Dès lors, compte tenu des spécificités des marchés et de la puissance d'achat des clients, l'opération notifiée n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux.

DÉCIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 17-031 est autorisée.

La présidente,

Isabelle de Silva

NOTES

1 Plastic Omnium conserve une activité sur les marchés de pièces pour poids-lourds par le biais de la société Faurecia Exterior Automotive Business, acquise en 2016.

2 Les capitaux des sociétés POCC, Inoplast Trucks SA de CV et Inoplast Trucks GmbH doivent être acquis par mutares Holding-17 AG, ceux de MCR par STS MCR Holding, et ceux d'Inoplast Trucks SAS par STS Plastics Holding.

3 Voir notamment la lettre C2007-135 du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 26 novembre 2007 aux conseils du groupe Arche relative à une concentration dans le secteur des pièces pour automobiles ; les décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-08 du 25 mai 2009 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Setforge par la société Farinia B.V., n° 10-DCC-30 du 7 avril 2010 relative au rachat par le groupe Plastivaloire des actifs de Key Plastics France et Slovaquie dans le cadre d'un plan de cession, n° 10-DCC-154 du 19 novembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Faurecia d'éléments d'actifs appartenant au groupe Visteon, n° 11-DCC-21 du 14 février 2011 relative à la prisede contrôle exclusif de la société Parfib par la société Plastiques du Val de Loire, n° 11-DCC-60 du 12 avril 2011 relative au rachat de Société des Polymères Barre-Thomas par la société Cooper-Standard Automotive France et n° 12-DCC-26 du 24 février 2012 relative à la prise de contrôle exclusif des divisions Trelleborg Fluid Solutions et Carbody par Bavaria France Holding SAS ; et les décisions de la Commission européenne M.1518 Lear / United Technologies ; M.1569 Gränges/Norsk Hydro du 5 juillet 1999, M.2241- Peugeot/Sommer Allibert du 20 décembre 2000, M.3436 Continental/Phoenix du 26 octobre 2004, M.4239 Plastic Omnium/Inopart du 27 octobre 2006, M.5488 Magna/ Cadence Innovation du 7 mai 2009, M.6537 Faurecia/Plastal du 23 juillet 2012 et M.7893 Plastic Omnium/Faurecia Exterior Automotive Business du 11 juillet 2016.

4 Voir notamment les décisions de la Commission européenne M.4043 Plastal/Dynamit Nobel Kunststoff du 22 décembre 2005, M.4757 Nordic Capital/Thule du 20 juillet 2007 et M.7893 précitée.

5Voir notamment la lettre C2007-135 précitée ; les décisions n° 10-DCC-30, n° 10-DCC-154, n° 11-DCC-21, n° 11-DCC-60, et n° 12-DCC- 26 précitées ; et les décisions de la Commission européenne M.3789 Johnson Controls / Robert Bosch / Delphi SLI du 29 juin 2005, M.3972 TRW Automotive/Dalphi Metal España du 12 octobre 2005, M.4456 Mahle/Dana EPG du 6 mars 2007, et M.7564 Mahle Behr/Delphi Thermal Systems Business du 23 juin 2015.

6 Voir notamment la lettre C2007-135 précitée; les décisions n° 09-DCC-08, n° 10-DCC-30, n° 10-DCC-154 n° 11-DCC-21, n° 11-DCC-60 et n° 12-DCC-26 précitées ; et les décisions M.2241, M.4239, M.5488, et M.6537 précitées.

7 Voir la décision M.7893 précitée.

8 Voir notamment la lettre C2007-141 du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 4 avril 2008, au conseil de la société Zen SpA, relative à une concentration dans le secteur des pièces pour automobiles, les décisions n° 10-DCC-30, n° 10-DCC-154, n° 11-DCC-21, n° 11- DCC-60 et n° 12-DCC-26 précitées, et les décisionsM.4043, M.7564 et M.7972 précitées.