CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 20 juin 2017, n° 16-17676
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Arche Diffusion (SARL)
Défendeur :
Pubco Products International Inc. (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Guihal
Conseillers :
Mme Salvary, M. Lecaroz
Avocats :
Mes Boccon Gibod, Junca, Jus, Rolland
La société Arche Diffusion, dont le siège social est à Noé (Haute-Garonne), a pour activité le négoce d'articles religieux. Jusqu'à fin 2012, elle a entretenu des relations commerciales avec la société de droit canadien Pubco Products International Inc. (ci-après Pubco) qui produit des emballages spécialisés et des cartes dans divers domaines.
Par assignation du 22 août 2013, la société Arche Diffusion, estimant avoir subi une rupture des relations commerciales établies, a saisi le Tribunal de commerce de Toulouse.
A la suite de l'exception soulevée par la société Pubco, ce tribunal s'est déclaré incompétent territorialement au profit de la cour de Québec à Montréal et a renvoyé la société Arche Diffusion à mieux se pourvoir.
Le 23 janvier 2015, la société Arche Diffusion a formé contredit devant la Cour d'appel de Toulouse.
Par arrêt du 9 juillet 2015, la Cour d'appel de Toulouse, retenant que les demandes de la société Arche Diffusion étaient fondées sur l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce, s'est déclarée incompétente pour connaître du contredit et a renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de Bordeaux.
Par arrêt du 21 juin 2016, la Cour d'appel de Bordeaux, au visa de l'article D. 442-3 du Code de commerce, a ordonné la transmission du dossier à la présente cour et réservé les demandes des parties et les dépens.
Par ultimes conclusions, reprises oralement à l'audience, la société Arche Diffusion demande à la cour :
- de constater qu'Arche Diffusion n'a en aucune façon accepté que le contentieux de la rupture brutale de ses relations commerciales avec Pubco soit examiné par la Cour de Québec et qu'il n'existe aucun accord de distribution écrit et donc de clause de compétence désignant les juridictions de Québec pour connaître de toute action découlant des relations commerciales établies entre les parties,
- de dire, à titre principal, eu égard à la nature délictuelle du contentieux de la rupture brutale des relations commerciales de distribution établies entre les parties, que l'option procédurale de l'article 46 du Code de procédure civile en faveur de la juridiction du lieu où le dommage a été subi s'applique, qu'elle désigne en l'espèce le ressort de la Cour d'appel de Toulouse où se situe le siège de Arche Diffusion,
- de dire, à titre subsidiaire, si la nature contractuelle du contentieux en question devait être retenue, que l'option procédurale de l'article 46 du lieu de la prestation caractéristique de la relation commerciale de distribution est applicable et que celui-ci se situe au siège d'Arche Diffusion, dans le ressort de la Cour d'appel de Toulouse,
- réformer en conséquence le jugement du Tribunal de commerce de Toulouse,
- faire application de l'article 97 du Code de procédure civile et se déclarer compétente,
- dire qu'il est de bonne justice d'évoquer le fond de l'affaire,
- de condamner en conséquence la société Pubco à payer à la société Arche Diffusion en réparation de son préjudice la somme de 107 938 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 février 2013,
- de condamner la société Pubco à payer les entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à la société Arche Diffusion la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions en réponse, reprises oralement à l'audience, la société Pubco demande à la cour :
- de dire que Arche Diffusion est irrecevable et mal fondée en son contredit de compétence,
- de constater que la société Arche Diffusion a accepté la compétence de la juridiction du district de Terrebonne, cour de Québec, sur la procédure ayant abouti au jugement du 27 mars 2015 sur une instance ayant un lien de connexité certain avec l'affaire dont avait été saisi le Tribunal de commerce de Toulouse,
- de confirmer le jugement prononcé par le Tribunal de commerce de Toulouse du 12 janvier 2015 renvoyant Arche Diffusion à mieux se pourvoir devant la cour de Québec,
- en conséquence, rejeter l'exception d'incompétence présentée par Arche Diffusion,
- condamner Arche Diffusion à payer à Pubco la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Arche Diffusion aux dépens,
- très subsidiairement, si la cour entendait évoquer, inviter les parties à conclure au fond, les dépens étant alors réservés.
SUR CE
Sur la compétence
Considérant que Arche Diffusion prétend avoir été victime le 29 novembre 2012, de la part de Pubco, d'une rupture brutale de leurs relations commerciales établies depuis près de 13 ans ; qu'elle a sollicité du Tribunal de commerce de Toulouse la condamnation de Pubco à lui payer la somme de 49 059 euros au titre d'une année de marge brute moyenne et celle de 58 879 euros correspondant aux coûts de restructuration nécessaire avec le licenciement de deux personnes ;
Considérant que l'action pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, fondée sur l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce engage la responsabilité délictuelle de son auteur.
Considérant que la compétence internationale est déterminée en l'espèce par extension des règles internes de compétence territoriale ;
Considérant qu'aux termes de l'article 46 du Code de procédure civile, le demandeur peut saisir, à son choix, en matière délictuelle, outre la juridiction du lieu ou demeure le défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
Considérant que Pubco oppose à la mise en œuvre de cette option le fait que Arche Diffusion aurait accepté définitivement que tout litige soit examiné par la Cour de Québec dès lors qu'aucune contestation de compétence n'a été soulevée dans le cadre de l'instance introduite par Pubco devant la juridiction québécoise du district de Terrebonne, régulièrement dénoncée à Arche Diffusion, ayant abouti à un jugement de condamnation de cette dernière en date du 27 mars 2015 ;
Mais considérant que l'action intentée au Québec par Pubco concernait le recouvrement de factures impayées ; qu'il ne saurait donc se déduire de l'absence de contestation de la compétence étrangère par Arche Diffusion l'acceptation par celle-ci de la compétence de la cour du Québec dans le cadre d'une action en responsabilité délictuelle à l'encontre de Pubco ; qu'il n'existe par ailleurs aucun risque de contrariété de décisions;
Considérant que Pubco fait valoir par ailleurs qu'il existait une entente commerciale avec Arche Diffusion devant être examinée dans le cadre des lois en vigueur dans la province de Québec ; qu'il s'agissait de contrats de vente successifs pour lesquels les commandes étaient passées et exécutées au Canada ;
Mais considérant que Pubco produit à l'appui de ses dires un document de " novembre 2012 " concernant ses relations avec une autre société qu'Arche Diffusion, en l'occurrence DG Diffusion, comprenant une clause relative à la loi applicable et non à la juridiction compétente; qu'aucune clause attributive de compétence valable au profit des juridictions du Québec ne peut être invoquée dans les relations entre Pubco et Arche Diffusion ;
Considérant que le tribunal dans le ressort duquel il est prétendu que le dommage a été subi et que constitueraient la perte de chiffre d'affaires et les coûts de restructuration, est celui où se trouve le siège social de la société Arche Diffusion, situé à Toulouse ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article D. 442-3 du Code de commerce, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes pour connaître, en application de l'article L. 442-6, des procédures applicables aux personnes qui sont commerçants ou artisans sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du livre V de la partie réglementaire dudit code ; qu'en vertu de ce texte, la juridiction commerciale compétente pour connaître des litiges dans le ressort de la Cour d'appel de Toulouse est le Tribunal de commerce de Bordeaux ;
Qu'il s'en déduit que le Tribunal de commerce de Bordeaux est compétent pour connaître de l'action engagée par Arche Diffusion ;
Qu'il convient donc d'infirmer le jugement et de renvoyer l'affaire devant cette juridiction, la présente cour n'entendant pas évoquer le fond ;
Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que la société Pubco succombe en sa demande tendant à la confirmation du jugement ; que la société Arche Diffusion n'avait pas davantage saisi la juridiction compétente en introduisant son instance devant le Tribunal de commerce de Toulouse au lieu du Tribunal de commerce de Bordeaux ;
Que chaque partie devra donc supporter la charge de ses dépens, les demandes formulées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile étant par ailleurs rejetées ;
Par ces motifs, Infirme le jugement du Tribunal de commerce de Toulouse en date du 12 janvier 2015 ; Dit le Tribunal de commerce de Bordeaux compétent ; Dit n'y avoir lieu à évocation ; Renvoie la présente affaire au Tribunal de commerce de Bordeaux ; Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ; Rejette les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.