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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 27 juin 2017, n° 15-01216

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Olitys (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calloch

Conseillers :

Mmes André, Emily

Avocats :

Mes Claeys, Azincourt

CA Rennes n° 15-01216

27 juin 2017

Faits et procédure

Suivant acte en date du 5 mai 2008, la société Olitys, anciennement Catalys Elevage, société spécialisée dans la commercialisation de produits destinés à l'élevage d'animaux, a conclu avec Monsieur X un contrat d'agent commercial. Ce contrat a été modifié en ce qui concerne les modalités de rémunération selon avenant en date du 1er juillet 2011.

Un litige étant né entre les parties sur le montant des commissions dues, Monsieur X a saisi le juge des référés du Tribunal de commerce de Rennes par acte en date du 12 juin 2013 afin d'obtenir la communication des documents comptables permettant de connaître le montant des ventes confiées à l'agent sur l'ensemble du territoire français et la condamnation de la société Olitys à verser une provision d'un montant de 6 498 € 74. Par ordonnance en date du 17 septembre 2013, le juge des référés l'a débouté de l'intégralité de ses demandes.

Par acte en date du 3 février 2014, Monsieur X a fait assigner la société Olitys au fond devant le Tribunal de commerce de Rennes afin d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes de 3 247 € 99 au titre des commissions impayées, 881 € 95 au titre des commissions directes et, la résiliation du contrat étant prononcée aux torts de la société, 65 485 € 38 au titre de l'indemnité compensatrice de rupture et 16 371 € 34 au titre de provision sur l'indemnité de préavis, outre 5 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Suivant jugement en date du 16 décembre 2014, le tribunal a condamné Monsieur X à verser à la société Olitys la somme de 111 € 20 au titre de soulte de commission, a constaté la rupture du contrat d'agent commercial et a condamné la société Olitys au paiement des sommes de 31 734 € 94 au titre d'indemnité de rupture, 7 933 € 74 au titre d'indemnité de préavis et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société Olitys a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 11 février 2015.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance en date du 5 avril 2017 et a ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du 2 mai 2017.

A l'appui de son appel, par conclusions signifiées le 23 mars 2017, la société Olitys soutient que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a résilié le contrat à ses torts. Elle conteste l'existence de circonstances lui étant imputables à l'origine de la résiliation, contestant que des commissions aient été payées avec retard et que les documents nécessaires à l'activité d'agent aient fait l'objet de communications partielles. Elle affirme avoir convié Monsieur X à plusieurs manifestations lui permettant de connaître ses produits et d'entrer en relation avec la clientèle et plus généralement maintient avoir informé son agent de sa politique commerciale. Selon elle, les changements de tarifs allégués par l'intimé seraient une conséquence du refus de ce dernier d'assurer les livraisons. Elle conteste par ailleurs toute action de dénigrement et verse sur ce point diverses attestations. La société Olitys invoque des fautes graves imputables à Monsieur X et justifiant selon elle de la résiliation du contrat, à savoir des manquements à son devoir d'information et à la gestion des stocks et un désintérêt pour la commercialisation des produits se traduisant par une chute des ventes.

Subsidiairement, la société Olitys invoque le caractère manifestement excessif de l'indemnité allouée, soit deux années de commission calculée sur la moyenne des trois dernières années, eu égard à la baisse d'activité de l'agent durant cette période, et affirme que l'intéressé ayant continué à assurer des commandes durant la période de préavis, il ne saurait percevoir une indemnité de ce chef. Elle se réfère aux factures versées aux débats et à l'historique des comptes entre les parties pour conclure à la confirmation de la décision ayant condamné Monsieur X à lui verser la somme de 111 € 20 au titre de facture impayée, et à l'article 6 du contrat pour conclure à la confirmation en ce qui concerne les commissions dues au titre du client Y. De même se reporte-t-elle aux dispositions contractuelles pour affirmer que Monsieur X, faute de secteur géographique attribué, ne peut prétendre à aucun droit à commissionnement indirect et qu'en toute hypothèse les parties ont entendu limiter ce droit. Elle en déduit que la demande en communication de pièces est dénuée de tout fondement. Au terme de ces écritures, la société Olitys conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a résilié le contrat à ses torts et l'a condamnée à verser une indemnité de 31 734 € 94 et 7 933 € 74, subsidiairement à la réduction de ces indemnités, et à la confirmation de la décision pour le surplus, Monsieur X étant condamné à verser une somme de 5 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur X, par conclusions signifiées le 7 octobre 2015, maintient que la rupture du contrat est imputable au comportement de la société Olitys, celle-ci n'ayant pas réglé l'intégralité des factures de commissions et ne lui ayant pas donné tous les documents et toutes les informations nécessaires à l'exécution de sa mission. Il invoque en outre une modification des conditions tarifaires et plus généralement un comportement déloyal de son mandant. Il conclut de ce fait à une confirmation de la décision sur ce point, contestant toute faute lui étant imputable en alléguant notamment que la baisse de chiffre d'affaire constatée est imputable aux agissements de la société Olitys, et non à son propre désintérêt. Il invoque la jurisprudence habituelle en matière de quantum pour l'indemnité principale et rappelle que la demande d'indemnité de préavis est fondée sur l'article 2 du contrat. Il se réfère aux factures produites et indique que compte tenu des avoirs lui étant dus, il est créancier de la somme de 3 247 € 99, et non comme l'ont indiqué les premiers juges débiteur de la somme de 111 € 20. Il invoque les clauses du contrat et les usages pour affirmer être fondé à réclamer une commission directe pour le client B. et demande de ce chef la somme de 881 € 95. Selon lui, les parties ont convenu de lui confier l'intégralité du territoire national métropolitain et il invoque l'article L. 134-6 du Code de Commerce pour demander dès lors à la cour de condamner la société Olitys à produire l'ensemble des documents permettant de calculer les indemnités et commissions lui étant réellement dues. Au terme de ce ces écritures, Monsieur X demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a imputé la rupture du contrat d'agent commercial à la société Olitys,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a octroyé à Monsieur X une indemnité compensatrice et une indemnité de préavis,

En revanche,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité compensatrice à la somme de 31 734,94 € (trente et un mille sept cent trente-quatre euros quatre-vingt-quatorze cents),

- Infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité de préavis à la somme de 7 933,74 € (sept mille neuf cent trente-trois euros et soixante-quatorze cents),

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur X de sa demande de paiement des commissions impayées,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur X de sa demande de commissions indirectes au titre du client Y.,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur X de sa demande de communication de pièces,

Statuant de nouveau,

- Condamner la société Olitys, à titre provisionnel, et sous réserve de la régularisation des sommes à effectuer sur la base des éléments comptables à communiquer par la société Olitys, au paiement, au titre de l'indemnité compensatrice de rupture de contrat, d'une somme de soixante-cinq mille quatre cent quatre-vingt-cinq euros et trente-huit cents (65 485,38 €) assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamner la société Olitys, à titre provisionnel, et sous réserve de la régularisation des sommes à effectuer sur la base des éléments comptables à communiquer par la société Olitys, au paiement, au titre de l'indemnité de préavis, d'une somme de seize mille trois cent soixante et onze euros et trente-quatre cents (16 371,34 €) assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamner la société Olitys à communiquer à Monsieur X, dans un délai de quinze (15) jours à compter du prononcé du jugement à intervenir, l'ensemble des documents comptables, certifiés conformes par un expert-comptable ou un Commissaire aux Comptes, de nature à justifier l'intégralité du montant des ventes et ainsi du chiffre d'affaires réalisé sur l'ensemble du territoire national par la société Olitys (anciennement Catalys Elevage) pour les produits confiés au terme du contrat d'agent commercial à Monsieur X depuis le début d'exécution du contrat jusqu'à sa date de cessation,

- dire en conséquence que les sommes réclamées au titre tant de l'indemnité compensatrice de rupture du contrat, que de l'indemnité compensatrice, seront à parfaire au regard des éléments résultant de ces documents,

- condamner la société Olitys à régler à Monsieur X la somme de 3 247,99 € TTC (trois mille deux cent quarante-sept euros et quatre-vingt-dix-neuf cents) au titre des commissions impayées,

- condamner la société Olitys à régler à Monsieur X, au titre des commissions directes sur le client B., la somme de 881,95 € (huit cent quatre-vingt et un euros et quatre-vingt-quinze cents),

- condamner la société Olitys à régler à Monsieur X le paiement de la somme de 6 000 € (six mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens d'instance et d'appel.

Motifs de la décision

Sur l'indemnité compensatrice

En application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi dans le cas de cessation de son mandat ; cette réparation n'est pas due, conformément aux dispositions de l'article L. 134-13, dans trois hypothèses, au cas où la cessation est due à une faute grave de l'agent, qu'elle résulte de son initiative ou dans le cas de la cession par l'agent de ses droits à un tiers.

En application de ces dispositions d'ordre public, la société Olitys est tenue de verser cette indemnité compensatrice, sauf à démontrer que la rupture est due à une faute grave de Monsieur X dans l'exécution de son mandat, ou que Monsieur X a lui-même souhaité mettre fin aux relations contractuelles ; la faute grave se définit comme une faute rendant impossible le maintien du lien contractuel ; elle peut résulter d'une baisse des résultats ou d'un désintérêt manifeste de l'agent pour son mandat, à condition toutefois pour le mandant d'établir le caractère substantiel de la baisse et son imputabilité au seul agent, et de prouver en outre avoir mis en garde l'agent sur les conséquences de ses agissements.

Il est établi que Monsieur X n'a pas communiqué à la société Olitys un état individualisé des produits en stock et a ainsi violé son obligation générale d'information et l'article 4.4 de son contrat ; il n'a reçu cependant de ce fait aucune mise en demeure avant la naissance du litige relatif à ses commissions et il convient de situer cette défaillance dans un climat de dégradation des relations entre les deux parties, dégradation attestée par les échanges de courriel mais aussi les témoignages versés aux débats ; il est de même établi que durant les trois dernières années, Monsieur X a connu une baisse importante des ventes réalisées, leur montant passant de 203 029 € pour l'exercice 2010 à 79 113 € pour l'exercice 2013 ; cependant, là encore, la société Olitys ne produit aucune mise en demeure et les pièces versées aux débats, contradictoires sur l'attitude de l'agent, ne permettent d'attribuer cette baisse ni à une faute de son mandataire, ni à un désintérêt de celui-ci ; les attestations versées sont au demeurant contradictoires sur les causes de cette baisse, certaines l'imputant à un désintérêt de l'agent soucieux de changer de secteurs d'activité, d'autres à la société Olitys et à son nouveau repreneur, peu coopératifs pour aider Monsieur X dans son mandat ; au vu de ces éléments, il apparaît que la société Olitys ne démontre pas l'existence d'une faute grave au sens de l'article L. 134-13 du Code de commerce de nature à priver Monsieur X de son indemnité compensatrice ; par ailleurs, si Monsieur X a agi en résiliation du contrat, la lecture de l'assignation permet de constater sans ambiguïté aucune qu'il a demandé que cette résiliation soit ordonnée aux torts du mandataire, ce qui exclut de lui imputer une volonté de rompre de sa propre initiative les liens contractuels ; c'est donc à bon droit que les premiers juges ont condamné la société Olitys au paiement de l'indemnité compensatrice légale.

La base de calcul utilisée par le tribunal pour évaluer l'indemnité, soit deux années, est conforme aux usages et à la jurisprudence habituelle en la matière ; l'importance de la baisse des ventes, rappelée plus haut, justifie tout autant de prendre pour assiette la dernière année et non la moyenne des trois dernières années, observation étant faite que cette baisse est observable sur les trois dernières années et ne peut en conséquence être imputée à un événement fortuit ; la décision sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a fixé le montant de l'indemnité à la somme de 31 734 € 94.

Sur l'indemnité de préavis

L'indemnité de préavis est cumulable avec l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 134-13 déjà citée ; les deux seuls documents versés aux débats par la société Olitys ne permettent pas d'affirmer que Monsieur X a continué à exercer véritablement son mandat après le 30 novembre 2014, ni encore qu'il a renoncé au dit préavis ; c'est dès lors à bon droit, et en faisant une exacte application de l'article 6 de la convention, que les premiers juges lui ont accordé une somme de 7 933 € 74 de ce chef.

Sur les commissions impayées et les compensations invoquées par la société Olitys

Il résulte des factures produites et non contestées que la société Olitys reste devoir à Monsieur X la somme de 3 247 € 99 après déduction d'un versement de 1 085 € 68 ; de cette somme, la société Olitys est fondée à déduire par compensation les 1 000 € mis à la charge de Monsieur X par ordonnance de référé, ordonnance exécutoire de plein droit, Monsieur X ne justifiant d'aucune quittance ; Monsieur X étant contractuellement obligé de faire un état mensuel des stocks et à veiller à la bonne conservation de celui-ci, il ne peut invoquer sa propre défaillance pour contester les factures émises par son cocontractant au titre des factures établies par celui-ci après état des lieux des produits entreposés ; la société Olitys est donc fondée à déduire l'intégralité de ces factures, soit la somme de 2 358 € 59 ; il résulte de ces calculs que la société Olitys est créancière à l'égard de Monsieur X de la somme de 110, 60 €, et non de la somme de 111, 20 € comme indiqué par les premiers juges.

Il n'est pas contesté que Monsieur Y figurait sur la liste des clients de Monsieur X lors de la signature du contrat d'agent commercial ; il résulte cependant d'une attestation datée du 1er septembre 2015 que Monsieur Y a cessé tout contact avec Monsieur X en septembre 2012 et s'est approvisionné en produits Olitys par le seul intermédiaire de Monsieur Z ; en raison de ce témoignage, Monsieur X ne peut réclamer de commissions directes postérieurement au mois de septembre 2012 en l'absence de tout contact avec le client Y, mais seulement des commissions indirectes ; sa demande sera en conséquence rejetée.

Sur les commissions indirectes

Le deuxième alinéa de l'article L. 134-6 du Code de commerce dispose que lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminées, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe ; en l'espèce, l'avenant signé par Monsieur X le 1er juillet 2011 stipule expressément en son article 3 qu' " en dépit de cet intitulé de l'article 2 du contrat du 5 mai 2008, aucun secteur ne vous est spécifiquement attribué puisque votre mandat s'exerce sur l'ensemble du territoire national métropolitain " ; en application de cette stipulation, Monsieur X ne peut invoquer l'existence d'un secteur géographique déterminé lui permettant de percevoir des rémunérations indirectes en application du second alinéa de l'article L. 134-6 ; la décision l'ayant débouté de sa demande en communication de pièces sera dès lors confirmée.

Sur les demandes accessoires

La société Olitys succombant dans la plupart de ses prétentions en cause d'appel, elle versera une somme de 1 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; pour les mêmes motifs, la société Olitys supportera l'intégralité des dépens.

Par ces motifs, LA COUR : Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Rennes en date du 16 décembre 2014 dans l'intégralité de ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation au titre de la soulte sur commission. Statuant sur le point réformé, Condamne la société Olitys à verser à Monsieur X la somme de 110 € 60 au titre de soulte sur commissions facturées. Ajoutant à la décision déférée, Condamne la société Olitys à verser à Monsieur X la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Met les dépens d'appel à la charge de la société Olitys.