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Décisions

Cass. com., 5 juillet 2017, n° 15-20.924

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Pompes Funèbres Privées (SARL)

Défendeur :

OGF (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

Me Balat, SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel

Paris, pôle 5, ch. 5, du 11 juin 2015

11 juin 2015

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société OGF, qui exerce l'activité de pompes funèbres sur le territoire français, exploite à Saint-Maur-des-Fossés une agence commerciale d'organisation d'obsèques et gère l'unique chambre funéraire de cette commune ; que la société Pompes funèbres privées Lamotte, devenue la société Pompes funèbres privées (la société PFP), exerce son activité dans cette commune et utilise les services de la chambre funéraire gérée par la société OGF ; qu'un arrêt du 5 mai 2000 a condamné la société OGF au paiement de dommages-intérêts pour violation du principe de neutralité ; que parallèlement, par décision du 27 juillet 2004, le Conseil de la concurrence a infligé une sanction pécuniaire à la société OGF pour des pratiques d'abus de position dominante pendant la période de 1993 à 1995 et lui a enjoint de se conformer aux engagements pris ; que soutenant que la société OGF avait persisté dans ses pratiques illicites, constituant pour elle des actes de concurrence déloyale, la société PFP l'a assignée en indemnisation de ses préjudices pour la période de 2000 à 2004 et, pour la période postérieure, à déterminer par voie d'expertise ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société PFP fait grief à l'arrêt de limiter son indemnisation pour la période de 2000 à 2004 alors, selon le moyen, que selon l'article R. 2223-79 du Code général des collectivité territoriales, " lorsque le transfert à une chambre funéraire du corps d'une personne décédée dans un établissement de santé public ou privé, qui n'entre pas dans la catégorie de ceux devant disposer obligatoirement d'une chambre mortuaire conformément à l'article L. 2223-39, a été opéré à la demande du directeur de l'établissement, les frais résultant du transport à la chambre funéraire sont à la charge de l'établissement ainsi que les frais de séjour durant les trois premiers jours suivant l'admission " ; que dans ses conclusions d'appel, la société Pompes funèbres privées reprochait à la société OGF, en violation de ce texte, de facturer aux familles, et non aux maisons de retraite, les frais de transport et de séjour en chambre funéraire des personnes décédées dans ces établissements, ce qui avait pour conséquence d'inciter les maisons de retraite à confier à la société OGF le transfert des personnes décédées dans la chambre funéraires, les familles se trouvant ensuite devant une situation de " fait accompli " les conduisant à confier à la société OGF la suite des opérations funéraires ; qu'en écartant ce grief au motif que les maisons de retraite ne seraient pas soumises aux dispositions de l'article R. 2223-79 du Code général des collectivités territoriales, cependant qu'au sens de ce texte et au regard des objectifs qu'il poursuit une maison de retraite doit être considéré comme un établissement de santé privé, la cour d'appel a violé l'article R. 2223-79 du Code général des collectivités territoriales ;

Mais attendu que selon les dispositions de l'article L. 312-1 du Code de l'action sociale et des familles, les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soin ou une aide à l'insertion sociale sont des établissements et services sociaux et médicaux-sociaux ; qu'il suit de là que les établissements communément appelés " maison de retraite " ne constituent pas un établissement de santé ; qu'après avoir retenu que les " maisons de retraite " ne sont pas des établissements de santé, la cour d'appel a décidé à bon droit que l'article R. 2223-79 du Code général des collectivités territoriales ne leur est pas applicable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article R. 2223-72 du Code général des collectivités territoriales ; - Attendu, selon ce texte, que les gestionnaires des chambres funéraires doivent veiller à ce qu'aucun document de nature commerciale n'y soit visible ; que pour écarter la demande de dommages-intérêts de la société PFP, l'arrêt, après avoir relevé qu'un constat d'huissier du 20 janvier 2004 révélait qu'un signe distinctif sous forme d'un logo PFG avait été apposé à l'entrée de la chambre funéraire, retient que l'expert judiciaire a indiqué dans les conclusions de son rapport, à la suite de sa visite du 29 novembre 2005, qu'aucun signe ou marque distinctifs propres à la société OGF n'est présent tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la chambre ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à démontrer l'absence de violation du principe de neutralité pour la période de 2000 à 2004, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le troisième moyen : - Vu les articles 564 et 565 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de la société PFP tendant à la condamnation de la société OGF à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour la période allant de 2004 à 2014, l'arrêt retient que la demande présentée en première instance tendait à la nomination d'un expert en vue de déterminer, pour l'année 2004, le pourcentage de dossiers dans lesquels la société OGF avait établi un devis et un bon de commande, avant l'admission du corps en chambre funéraire pour les convois ultérieurement assurés par elle, tandis que la demande présentée en appel tendait à la condamnation de la société OGF à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande d'indemnisation présentée en cause d'appel au titre de la période 2004 à 2014 était virtuellement comprise dans les demandes initiales de nouvelle expertise et d'indemnisation concernant la période 2000 à 2004, dont elle est la conséquence, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne la société OGF à payer à la société Pompes funèbres privées la somme de 51 765 euros outre les intérêts légaux à compter du 9 juin 2004, déclare irrecevable, comme constituant une demande nouvelle, la demande tendant à la condamnation de la société OGF à payer à la société Pompes funèbres privées la somme de 1 337 034 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 11 juin 2015, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.