CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 29 juin 2017, n° 15/22051
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Groupe Matfer Bourgeat (SAS), Matfer (SAS), Bourgeat (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Schaller
Conseillers :
Mme du Besset, Mme Castermans
Avocats :
Mes Lustman, Meynard, Delgrange
Le Groupe Matfer Bourgeat fabrique et commercialise des ustensiles et matériels de cuisine et des produits destinés aux métiers de la restauration.
Mme X exerçait en son nom propre sous l'enseigne " X Vertriebs-Service " une activité d'agent commercial avec statut de travailleur indépendant en Allemagne. Par une succession de contrats intitulés "contrat d'agent commercila mandataire PP" depuis 2000, dont la nullité est invoquée pour les deux derniers, elle a été désignée "agent commercial" dudit groupe, de la société Matfer et de la société Bourgeat pour l'Allemagne (depuis 2000) et l'Autriche (depuis le 1er janvier 2011).
En août 2012, Mme X a indiqué à la société Groupe Matfer Bourgeat qu'elle envisageait de cesser son activité en raison de son âge et qu'elle souhaitait discuter de la fin de la relation contractuelle et des indemnités en résultant. La résiliation a été décidée par la société Groupe Matfer Bourgeat par lettre RAR du 16 octobre 2013 avec un préavis de trois mois et une date de fin de contrat au 17 janvier 2014. Différents échanges portant notamment sur la rupture de contrat et la conclusion d'un protocole d'accord transactionnel sont intervenus entre les parties. Au cours de ces échanges, Mme X a transmis une proposition d'indemnité de fin de contrat, qu'elle a ensuite corrigée, estimant avoir fait une erreur de calcul. Par courrier du 25 février 2014, Mme X a mis en demeure la société Groupe Matfer Bourgeat de lui régler une indemnité de 336 706 euros correspondant à deux années de commissions, ce que cette dernière a refusé.
C'est dans ces conditions que, par acte du 9 juillet 2014, Mme X a assigné la société Groupe Matfer Bourgeat, la société Matfer et la société Bourgeat devant le Tribunal de commerce de Bobigny.
Par jugement du 6 octobre 2015, assorti de l'exécution provisoire avec constitution de garantie, le Tribunal de commerce de Bobigny a :
- reçu Mme X en son assignation,
- dit Mme X partiellement fondée en sa demande principale, y fait partiellement droit,
- condamné la société Groupe Matfer Bourgeat à payer à Mme X la somme de 336 706 euros en principal et, à défaut d'exécution du paiement par la société Groupe Matfer Bourgeat, condamné conjointement la SAS Matfer et la SAS Bourgeat à lui payer cette somme à charge pour celles-ci de se répartir la dette, le principal étant augmenté des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2014 jusqu'à parfait paiement et capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil à compter du 25 juin 2015,
- débouté Mme X de ses demandes de paiement de commissions,
- condamné solidairement les société Groupe Matfer, Matfer et Bourgeat à payer à Mme X la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour leur résistance abusive,
- condamné solidairement les société Groupe Matfer, Matfer et Bourgeat à payer à Mme X la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté le 9 novembre 2015 par les sociétés Groupe Matfer Bourgeat, Matfer et Bourgeat à l'encontre dans cette décision ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 13 février 2017 par les sociétés Groupe Matfer Bourgeat, Matfer et Bourgeat par lesquelles il est demandé à la cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Et statuant à nouveau :
A titre principal :
- Prononcer la nullité des contrats des 8 décembre 2009 et 27 décembre 2010 pour défaut d'existence de la société cocontractante ;
- Déclarer que Mme X est infondée à justifier de ses prétentions à défaut de démontrer vis-à-vis de chacune des trois sociétés appelantes un pouvoir de négociation effectif et permanent pour le placement des produits ;
En conséquence :
- Débouter Mme X de l'ensemble de ses demandes ;
Subsidiairement :
A l'égard des sociétés Matfer et Bourgeat :
- Dire et juger que la société Groupe Matfer Bourgat ne jouissait d'aucun mandat de conclure un contrat au nom des sociétés Matfer et Bourgeat ;
- Dire et juger que les relations entre Mme X et les sociétés Matfer et Bourgeat sont régies par le droit allemand ;
- Dire et juger qu'en application du droit allemand, Mme X ne peut revendiquer qu'une indemnité de clientèle correspondant à un an de commission soit la somme de 98 911 euros valablement fixée par Mme X dans sa proposition du 25 octobre 2013 ;
A l'égard de la société Groupe Matfer Bourgeat :
- Dire et juger que Mme X ne jouissait d'aucun pouvoir de négociation pour le placement de produits dès lors que la société Groupe Matfer Bourgeat ne vend aucun produit ;
En conséquence :
- Débouter Mme X de ses demandes à l'égard de la société Groupe Matfer Bourgeat.
En toutes hypothèses :
- Dire et juger qu'en invoquant le bénéfice de l'article 1109 du Code civil, Mme X a fait un aveu judiciaire quant à l'existence d'un contrat fixant le montant de l'indemnité ;
- Dire et juger que les parties ont fixé ensemble " aux termes d'une proposition acceptée valant contrat dès la rencontre des volontés " une indemnisation à hauteur de 98 911 euros et qui ne saurait être supérieure en toutes hypothèses à une somme de 100 000 euros ;
- Dire et juger que les demandes à l'encontre des sociétés appelantes ne sont pas individualisées et qu'elles sont donc infondées ;
- Dire et juger que la somme revendiquée au titre des clients Boehringer, Visio Cooking (Retigo) et Bako n'est pas due ;
- Dire et juger que Mme X ne saurait solliciter la résolution du protocole d'accord dès lors qu'elle a initié une procédure aux termes de laquelle elle en conteste l'existence et la portée, cette attitude n'étant pas compatible avec l'exigence de bonne foi devant présider une demande de résolution judiciaire ;
- Dire et juger que du fait de l'action initiée par Mme X, les parties sont suspendues à la décision de la Cour quant à l'existence et la portée du protocole d'accord intervenu ;
- Débouter en conséquence Mme X de sa demande de résolution judiciaire ;
- Débouter Mme X de l'ensemble de ses demandes y compris formulées à titre incident ;
- Dire et juger que la Caisse des dépôts et Consignations déconsignera au profit de la société Groupe Matfer Bourgeat la somme de 200 000 euros consignée par Mme X le 20 janvier 2016 ;
- Condamner Mme X à verser à chacune des sociétés Groupe Matfer Bourgeat, Bourgeat et Matfer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 28 juin 2016 par Mme X dans lesquelles il est demandé à la cour de :
- Dire les sociétés Groupe Matfer Bourgeat SAS, Matfer SAS et Bourgeat SAS mal fondées en leur appel, les en débouter ;
- Dire Mme X bien fondée en son appel incident ;
- Dire et juger que Mme X était, depuis février 2000, l'agent commercial des sociétés Groupe Matfer Bourgeat SAS, Matfer SAS et Bourgeat SAS ayant, notamment, exercé en permanence une activité de négociation, notamment tarifaire, auprès des clients ;
- Dire et juger que les relations contractuelles ont été organisées par différents contrats, qui ont tous été rédigés par les mandants et dont les derniers ont été signés par la société Groupe Matfer Bourgeat SAS qui, à l'évidence, avait un mandat apparent pour agir au nom et pour compte de ses deux filiales, Matfer et Bourgeat, aussi bien d'ailleurs pour négocier et signer les contrats que pour les exécuter, pour y mettre fin et pour discuter des conséquences de cette terminaison ;
En conséquence,
- Dire les sociétés Groupe Matfer Bourgeat SAS, Matfer SAS et Bourgeat SAS solidaires entre elles à l'égard de Mme X, tant de l'exécution que de la résiliation des relations d'agence et de ses conséquences.
- Constater que tous les contrats signés se réfèrent expressément au droit français.
- Déclarer les appelantes mal fondées en leur exception de nullité des contrats du 8 décembre 2009 et 27 décembre 2010.
- Constater que la société Groupe Matfer Bourgeat SAS a résilié les relations contractuelles, et ce sans aucune faute de Mme X.
- Constater qu'aucun accord et, a fortiori, aucune transaction n'a été conclue entre les parties depuis cette résiliation.
Subsidiairement,
- En application des articles 1183 et 1184 du Code civil, prononcer la résolution judiciaire du prétendu contrat qui serait, selon les appelantes, intervenu entre les parties le 20 novembre 2013 ou le 25 novembre 2013.
En conséquence,
- Débouter les appelantes de leurs demandes d'irrecevabilité et de débouté.
- Condamner solidairement les sociétés Groupe Matfer Bourgeat SAS, Matfer SAS et Bourgeat SAS à payer à Mme X :
- en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, la somme d'un montant principal de 336 706 euros au titre de l'indemnité de cessation des relations contractuelles d'agent commercial, et ce avec intérêts compensatoires au taux de 5 % l'an à compter du 1er juin 2014 (date d'échéance fixée dans la lettre de mise en demeure du 25 février 2014) et avec capitalisation au 1er juin de chaque année,
- en application de l'article L. 134-7 du Code de commerce, la somme d'un montant de 3 036,95 euros, à titre de commissions sur les affaires conclues grâce à Mme X et exécutées après le 31 janvier 2014, et ce avec intérêts au taux de l'article L 441-6 du Code de commerce, disposition d'ordre public, à savoir le taux BCE + 10 points, à compter de l'assignation (9 juillet 2014) et avec capitalisation à chaque 9 juillet, date anniversaire de l'assignation.
- Condamner solidairement les appelantes au paiement à Mme X :
- d'une somme d'un montant de 10 000 euros pour résistance abusive
- d'une somme d'un montant de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour la première instance
- d'une somme d'un montant de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'appel.
- Dire que la Caisse des Dépôts et Consignations déconsignera au profit de Mme X la somme de 200 000 euros consignée par Mme X le 20 janvier 2016, afin de déclencher l'exécution provisoire
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Les sociétés Groupe Matfer Bourgeat, Matfer et Bourgeat font valoir tout d'abord que les deux derniers contrats sont nuls, de nullité absolue, pour inexistence de la société contractante Vertriebs Service représentée par Mme X, dépourvue de personnalité juridique. Elles font valoir que les contrats du 8 décembre 2009 et du 27 décembre 2010 ont été conclus par ladite société Vertriebs Service alors inexistante et que les contrats antérieurs, ne prévoyant pas l'application du droit français, sont soumis au droit allemand.
Elles contestent, à titre subsidiaire, la qualité d'agent commercial de Mme X, cette dernière ne démontrant pas qu'elle disposait d'un pouvoir effectif et permanent de négocier au nom et pour le compte de celles-ci dès lors qu'elle s'était engagée à respecter les tarifs, conditions et politique de vente fixés par les sociétés Mafter et Bourgeat.
Elles contestent également la condamnation solidaire des sociétés Groupe Matfer Bourgeat, Matfer et Bourgeat, le contrat du 27 décembre 2010 étant inopposable aux sociétés Matfer et Bourgeat qui ne l'ont pas signé et la société Groupe Matfer Bourgeat ne disposant pas d'un mandat de représentation pour conclure le contrat en leur nom. Enfin, elles indiquent que, par application des dispositions de la Convention de la Haye du 14 mars 1978, seul le droit allemand est applicable à la relation contractuelle entre Mme X et les sociétés Matfer et Bourgeat, qu'en application de ce droit, l'indemnité de fin de contrat ne peut excéder l'équivalent d'une année de commissions, que la proposition de Mme X du 25 octobre 2013 de 98 911 euros correspond précisément à un an de commissions et doit être entérinée, que Mme X ne peut prétendre au statut d'agent commercial vis-à-vis de la société Groupe Matfer Bourgeat et donc avoir placé des commandes et transmis des ordres dès lors que cette société a une activité de holding et ne vend aucun produit.
Elles indiquent qu'en toute hypothèse, les parties se sont mises d'accord sur le paiement d'une indemnité transactionnelle dont le montant de 100 000 euros a été déterminé sur la base d'un document établi le 25 octobre 2013 par Mme X qui proposait une somme de 98.911 euros et qui a été acceptée par la société Groupe Matfer Bourgeat lors d'une réunion le 20 novembre 2013 à Stuttgart entre les parties, que l'acceptation de l'offre faite le 25 octobre 2013 par Mme X a été matérialisée par le projet de rupture transactionnelle, qu'ainsi, les parties se sont accordées sur la chose et le prix et que Mme X ne peut se prévaloir d'aucun événement postérieur à cet accord, ni d'aucune erreur. Elles indiquent qu'il appartenait à Mme X de ventiler ses demandes au regard des chiffres d'affaires des différentes sociétés, que sa demande d'intérêts est sans fondement, que les commissions demandées ne sont pas justifiées ou ont déjà été intégrées.
En réponse, Mme X indique qu'elle exerçait en nom propre sous l'enseigne "Vertriebs Service" et ce depuis son inscription en Allemagne en 1992, et que c'est par une simple erreur matérielle que la société Groupe Matfer Bourgeat, rédactrice de tous les contrats, a désigné dans un des contrats (du 27 décembre 2010) la société Vertriebs Service, représentée par Mme X, comme cocontractant, sans aucune autre information sur sa forme sociale, son capital, son numéro de registre de commerce et des sociétés, que cette erreur n'entraine pas la nullité sauf s'il est démontré qu'elle est déterminante de la conclusion du contrat, preuve que les sociétés Groupe Matfer Bourgeat, Matfer et Bourgeat ne rapportent pas, que la volonté des parties n'a jamais été de conclure avec une société Vertriebs Service inexistante, mais de lier Mme X, exerçant sous l'enseigne Vertriebs Service, aux sociétés du Groupe Matfer Bourgeat, comme cela a été le cas depuis 2000. Elle soutient que les contrats sont soumis au droit français, le droit français étant expressément visé dans chaque contrat.
Sur la qualification d'agent commercial, Mme X rappelle qu'elle avait le pouvoir de négocier seule et de fixer les prix, qu'elle pouvait octroyer des tarifs préférentiels et qu'elle avait la faculté de décider seule à quels client offrir ces prix spéciaux, mais qu'elle avait également le pouvoir de conclure et signer des contrats avec les clients.
Elle précise que la société Groupe Matfer Bourgeat a signé tous les contrats depuis 2002 et que chaque contrat reprend les contrats précédents de telle manière que les sociétés Bourgeat et Matfer n'ont pas été déchargées de leurs engagements envers Mme X, mais également que chaque contrat stipulait que la rémunération était assurée par le Groupe Matfer Bourgeat au nom des deux sociétés Matfer et Bourgeat et que la partie fixe de sa rémunération versée pour les produits Matfer et Bourgeat n'était pas ventilée par société.
Madame X conteste l'existence d'un protocole d'accord qui aurait limité son droit à indemnisation à une année de commissions et elle conteste le mode de calcul retenu dans le document du 25 octobre 2013 pour calculer l'indemnité due en raison de la fin des relations d'agence. Elle sollicite deux années de commissions à titre d'indemnité et le paiement d'un solde de commissions correspondant aux clients Boehringer, Bäko Velbert et Retigo.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR,
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que Madame X a signé plusieurs contrats intitulés "d'agent commercial mandataire PP" depuis 2000, sur papier à entête de la société "Bourgeat" avec la société Bourgeat elle-même, ou avec " le Groupe Matfer Bourgeat " sis 9/11 rue du Tapis vert " 93260 Les Lilas représenté par Christophe Masse " ;
Qu'il ressort de l'examen des contrats conclus antérieurement aux contrats des 8 décembre 2009 et 27 décembre 2010 dont il est demandé la nullité, que Mme X était toujours désignée comme partie aux contrats dans les termes suivants : " Madame X - Vertriebs Service " ;
Que les contrats portaient tous la mention "contrat d'agent commercial mandataire PP (selon la loi du 25 juin 1991)" ;
Que le contrat du 8 décembre 2009 argué de nullité a également été souscrit par Mme X en son nom propre, la mention " Vertriebs Service ", accolée, désignant uniquement l'enseigne sous laquelle Mme X exerçait son activité d'agent commercial depuis le début des relations entre les parties, à savoir depuis 2000 ;
Qu'aucune irrégularité formelle dudit contrat n'est dès lors établie au titre de la mention de Madame X comme co-contractante ;
Que la demande de nullité du contrat du 8 décembre 2009 sera dès lors écartée ;
Considérant qu'il en est de même pour le contrat du 27 décembre 2010 dont la nullité est invoquée au motif qu'il a été conclu entre le Groupe Matfer Bourgeat et " La Société Vertriebs-Service X " Bergstrasse 11 - D-74249 Jagsthausen - Allemagne - Représentée par X ", entité qui n'aurait pas d'existence légale ;
Mais considérant qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges à juste titre, par des moyens précis que la cour adopte, l'examen de ce contrat fait apparaître que la forme sociale, le capital social et le numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés tant de la société "Vertriebs-Service X " que du "Groupe Matfer Bourgeat" - qui n'a pas plus d'existence juridique avérée - ne figurent sur celui-ci ;
Qu'en outre, ledit contrat a été rédigé par la société Groupe Matfer Bourgeat elle-même, sur son papier à entête, et que c'est elle qui a omis d'y porter les mentions légales relatives aux co-contractants ;
Qu'il s'agit clairement d'erreurs purement matérielles commises par le rédacteur du contrat, la société Groupe Matfer Bourgeat ;
Que ces erreurs n'affectent pas la réalité de la relation commerciale qui a existé entre les parties sans discontinuer depuis 2000 et qui n'est pas contestée, l'exécution par les parties n'ayant jamais posé difficulté et ayant donné lieu à paiement de factures établies au nom de X ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de rejeter la demande de nullité des contrats et de confirmer le jugement sur ce point ;
Considérant que les contrats dits "d'agent commercial mandataire PP ", dont il était expressément précisé qu'ils étaient soumis à la loi - française - du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants, relèvent par conséquent du droit français, loi en outre expressément choisie par les parties dans une clause spéciale des contrats des 8 décembre 2009 et 27 décembre 2010 ;
Qu'il y a lieu par conséquent d'écarter le droit allemand et de confirmer le jugement entrepris qui a estimé que seul le droit français était applicable ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 134-1 du Code de commerce applicable auxdits contrats, " l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de service, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou des prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale (...) " ;
Qu'il ressort des éléments produits aux débats et notamment des échanges entre la société Groupe Matfer Bourgeat et Mme X mais également des échanges entre Mme X et les clients revendeurs des produits, qu'il appartenait à Mme X seule d'affecter aux clients un taux de remise allant de 30 à 50 % pour les produits Bourgeat et de 30 à 40 % pour les produits Matfer, qu'au surplus elle avait la possibilité de décider seule d'offrir des prix spéciaux, déterminés au préalable en accord avec Mr Massé, à certains clients, que les échanges entre Mme X et le Groupe Matfer Bourgeat sur les conditions de vente ne sont pas exclusifs d'un pouvoir de négociation au profit de Mme X à qui il revenait d'octroyer au cas par cas des remises sur les prix pratiqués en fonction du client ;
Que la mission confiée par la société Bourgeat puis par la société Groupe Matfer Bourgeat à Mme X dans le cadre des contrats d'agent commercial conclus successivement aux termes desquels Mme X acceptait le mandat que lui confiait la société Bourgeat, puis la société Groupe Matfer Bourgeat peut être qualifiée de mission d'agent commercial ;
Qu'en effet, elle s'obligeait à les représenter auprès de leur clientèle soit directement soit par l'intermédiaire de ses préposés ;
Qu'elle avait en outre, comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, un pouvoir de négociation effectif et permanent et qu'en conséquence, il y a lieu de retenir sa qualité d'agent commercial ;
Considérant que les contrats du 13 mars 2002 et ses quatre avenants, du 2 janvier et 8 décembre 2009 et du 27 décembre 2010 ont été signés par la société Groupe Matfer Bourgeat qui confiait à Mme X le soin de prospecter la clientèle en vue du placement des produits fabriqués par les sociétés Matfer et Bourgeat appartenant toutes les deux au Groupe Matfer Bourgeat ;
Que le contrat du 13 mars 2002 fait suite à celui du 10 février 2000 conclu entre la société Bourgeat et Mme X ;
Qu'il précise dans son préambule que " suite à la fusion entre les sociétés Matfer et Bourgeat " le contrat d'agent commercial du 10 février 2000 " a été modifié puis repris par la Holding Matfer Bourgeat (...) " ;
Que la société Groupe Matfer Bourgeat s'est présentée comme succédant à la société Bourgeat et, qu'au surplus, les contrats successifs ont prévu que la rémunération de Mme X était " assurée par le Groupe Matfer Bourgeat (...) au nom des deux sociétés Matfer et Bourgeat " ;
Que c'est par des motifs précis que la cour adopte que les premiers juges ont dès lors considéré que la société Groupe Matfer Bourgeat bénéficiait d'un mandat apparent lui permettant de négocier le contrat d'agence commerciale pour les sociétés Matfer et Bourgeat mais également qu'en l'absence de paiement par la société Groupe Matfer Bourgeat de la rémunération due, Mme X pouvait se retourner contre les sociétés Matfer et Bourgeat, à charge pour ces dernières de se répartir ce que chacune lui devait ;
Que toutefois la solidarité n'est pas établie, l'engagement desdites sociétés étant simplement conjoint
Considérant enfin qu'au regard de l'indemnisation de fin de contrat sollicitée, il n'est pas établi qu'un accord transactionnel ait été signé entre les parties fixant à 100 000 euros le montant des indemnités à verser ;
Qu'en effet, dans un document intitulé " déroulement de la terminaison de notre coopération " établi le 25 octobre 2013, Mme X a décrit les modalités de fin de cette relation et notamment le montant de la commission à verser au titre de l'année 2013 ainsi que le calcul de l'indemnité compensatrice de rupture en considération du chiffre d'affaires réalisé par les sociétés Bourgeat et Matfer en Allemagne et en Autriche sur les années 2011 et 2012 ;
Que les parties ont échangé verbalement au cours d'un entretien le 20 novembre 2013, puis la société Groupe Matfer Bourgeat a adressé un premier " protocole de rupture transactionnelle " à Mme X, qui a manifesté son désaccord dans un mail du 21 novembre 2013 dans lequel elle informait son interlocuteur ne pas comprendre l'utilité de conclure un accord transactionnel, qui implique des concessions de part et d'autre, alors que la législation applicable aux agents commerciaux se suffit à elle-même dans la détermination des indemnités à verser et du préavis à respecter ;
Que la société Matfer a alors adressé le 25 novembre 2013 à Mme X un nouveau protocole de rupture transactionnelle qui, comme le premier projet de protocole de rupture transactionnelle, fixait l'indemnité de cessation des relations à une seule année de rémunération ;
Que par courrier recommandé du 25 février 2014, Mme X a une nouvelle fois contesté la forme de cet accord et rappelé le dispositif légal auquel elle pouvait avoir droit, sollicitant une indemnité à hauteur de deux années de commissions ;
Qu'il en résulte qu'aucun accord n'a été trouvé entre les parties sur l'indemnisation de la rupture ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 134-12 du Code de commerce " en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi (...)" ;
Que s'agissant du quantum de cette indemnité de rupture, il doit être rappelé que celui-ci n'est pas réglementé et qu'il convient de le fixer en fonction des circonstances spécifiques de la cause, étant précisé qu'il existe un usage reconnu qui consiste à accorder une indemnité correspondant à deux années de commissions ;
Qu'au titre des années 2011, 2012 et 2013, la rémunération de Mme X était respectivement de 169 286 euros, 170 497 euros et 165 275 euros, la moyenne annuelle étant alors de 168 353 euros ;
Qu'au vu de l'ancienneté des relations contractuelles entre les parties, et de l'engagement de Madame X au bénéfice des mandantes, cette dernière doit être déclarée bien fondée à solliciter une indemnisation à hauteur de deux années de commissions, soit 168 253 euros x 2 = 336 706 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2014 dans les termes retenus par le tribunal que la cour adopte et confirme ;
Considérant enfin que Mme X demande, en application de l'article L. 134-7 du Code de commerce, un rappel de commissions sur les affaires conclues grâce à elle et exécutées après le 31 janvier 2014 avec 3 clients, et ce avec intérêts au taux BCE + 10 points, à compter de l'assignation (9 juillet 2014) et avec capitalisation à chaque date anniversaire de l'assignation ;
Que pour le client Boehringer, Mme X produit deux mails de janvier 2014 dans lesquels elle communique des offres pour des références et qu'il ressort du tableau des ventes qu'aucune commande n'a été passée par ce client concernant ces références au cours de la période 2013-2014 ;
Que la demande de paiement de commissions d'un montant de 817,25 euros concernant la société Boerhinger sera dès lors écartée :
Considérant que pour le client Bäko, Mme X soutient que ce dernier a passé 5 commandes le 9 janvier 2013 pour un total de 21 282 euros pour des livraisons à intervenir au cours du premier semestre de l'année 2014 et en tout état de cause postérieurement au 31 janvier 2014 ;
Qu'au soutien de cette prétention, Mme X produit le courriel de commande du 9 janvier 2014 écrit en allemand d'un salarié de la société Bäko, pièce qui n'a pas fait l'objet d'une traduction dans son intégralité, mais également un récapitulatif des commandes faites auprès de Mme X au cours du mois de janvier 2014 ; qu'à la vue de ce dernier document, il apparaît que l'une des cinq commandes de la société Bäko a été encaissée au cours du mois de janvier 2014 pour un montant de 1035 euros et a ainsi déjà été commissionnée de telle sorte qu'elle doit être exclue du calcul des commissions dues au titre de l'article L. 134-7 du Code de commerce ; que pour les quatre commandes restantes dont les livraisons devaient intervenir entre le 7 mars 2013 et le 6 juin 2014, Mme X ne justifie pas qu'elles aient été définitivement passées auprès de la société Groupe Matfer Bourgeat, ce qui exclut son droit à commission fondé sur l'article L. 134-7 du Code de commerce ;
Qu'en conséquence, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a débouté Mme X de sa demande en paiement de commissions en application de l'article L. 134-7 du Code de commerce concernant ce client ;
Considérant enfin que pour le client Reto vision cooking, Mme X soutient avoir formulé une offre de prix le 18 octobre 2013 et qu'une commande a été passée par ce client en février 2014 ;
Que Mme X ne justifie pas que ces commandes aient été passées postérieurement au 31 janvier 2014 autrement que par la production d'un liste de produits écrite en allemand qui n'est pas de nature à démontrer la réalité de la passation de ces commandes et, a fortiori, postérieurement au 31 janvier 2014 ;
Que Mme X sera déboutée de sa demande en paiement de commissions en application de l'article L. 134-7 du Code de commerce concernant ce client également ;
Considérant que ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure ne permettent de caractériser à l'encontre des sociétés Groupe Matfer Bourgeat, Bourgeat et Matfer une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit d'agir ou de se défendre en justice ;
Qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages intérêts formée à ce titre ;
Qu'il y a lieu de faire droit à la demande additionnelle d'indemnisation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que la demande de déconsignation relative à l'exécution de la décision de la Cour relève de la compétence du juge de l'exécution ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés Groupe Matfer, Matfer et Bourgeat à payer à Mme X la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour leur résistance abusive, et en ce qu'il a prononcé la solidarité pour le paiement de l'indemnisation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Statuant à nouveau sur ces points ;
DÉBOUTE Madame X de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Y ajoutant
CONDAMNE les sociétés Groupe Matfer Bourgeat, Bourgeat et Matfer à payer chacune à Madame X la somme additionnelle de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE les sociétés Groupe Matfer Bourgeat, Bourgeat et Matfer aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.